Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100920

Dossier : IMM-5074-10

Référence : 2010 CF 939

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 20 septembre 2010

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

KWOK FAI CHAN

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le demandeur avait présenté une requête dans la présente affaire, par laquelle il sollicitait [traduction] « une ordonnance empêchant, rétroactivement au 16 août 2010, l’application d’une mesure d’exécution, y compris l’examen des risques avant renvoi, de la mesure d’expulsion prise le 21 juillet qui fait l’objet d’une contestation directe dans le dossier IMM-4440-10 et indirecte dans le dossier IMM‑4270-10 ». J’ai rejeté cette requête dans une ordonnance datée du 14 septembre 2010.

 

[2]               Après le prononcé de l’ordonnance, la Cour a reçu une lettre de l’avocat du demandeur, qui demandait la certification de la question suivante :

[traduction]

Lorsque la légalité d’une mesure de renvoi est contestée, le défendeur peut-il être contraint d’exécuter celle-ci seulement après qu’on eut réservé le billet d’avion et que la partie faisant l’objet de la mesure de renvoi eut été avisée de la date du renvoi, ou un demandeur peut-il solliciter une ordonnance empêchant le défendeur d’exécuter la mesure de renvoi avant la dernière minute?

 

[3]               Dans une lettre, l’avocat du demandeur a expliqué en ces mots la raison pour laquelle la requête en injonction avait été présentée : [traduction] « Parce que ni M. Chan ni moi ne pouvons concevoir qu’une fin d’intérêt public légitime nous contraigne à présenter deux demandes additionnelles; nous avons présenté cette requête visant à enjoindre aux agents de l’ASFC de ne pas s’efforcer d’exécuter une mesure d’expulsion manifestement illégale afin d’éviter d’encombrer le rôle de la Cour de deux demandes additionnelles. Donc, la question est de savoir si la Cour préfère l’approche de Mme Christodoulides, qui consiste à engendrer des litiges, ou celle de M. Chan, lequel préfère que la Cour se penche sur la validité de la mesure de renvoi [sic] avant que l’ASFC soit [sic] puisse l’exécuter du jour au lendemain. »

 

[4]               On a rejeté la requête au motif que le demandeur n’avait pas réussi à établir qu’il subirait un préjudice irréparable dans l’éventualité où elle ne serait pas accueillie. Les parties pertinentes du jugement manuscrit se lisent comme suit :

4.         M. Chan ne peut être renvoyé du Canada en ce moment, puisqu’on lui a donné la possibilité de présenter une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Il a jusqu’à demain pour décider s’il présente une demande. Son avocat a informé la Cour qu’il déposera sa demande d’ERAR demain. Cela entraînera donc la suspension de son renvoi, conformément à l’article 232 du Règlement. Par conséquent, lorsque le demandeur aura présenté sa demande d’ERAR, il ne pourra être renvoyé et ne sera pas susceptible de renvoi jusqu’à ce que la décision d’ERAR soit rendue, et seulement dans l’éventualité où cette décision s’avérerait défavorable.

 

5.         Le demandeur prétend que les agents du défendeur accélèrent le processus et qu’il est probable que la décision d’ERAR sera défavorable, et qu’ils vont donc agir rapidement pour le renvoyer, de sorte qu’il devra présenter une requête urgente visant à suspendre son renvoi.

 

6.         Honnêtement, il s’agit de la façon de fonctionner habituelle et ordinaire dans ce type d’affaires. Les requêtes urgentes en sursis sont régulièrement présentées dans de courts délais. En particulier, à Toronto, un juge est désigné chaque semaine pour être de service pour ce type de requêtes. Le fait que le demandeur suive le processus habituel ne lui cause pas un préjudice irréparable. S’adresser aux tribunaux, même à de nombreuses reprises, ne peut constituer un préjudice irréparable pour une partie, en dépit des inconvénients que cela peut entraîner. Puisqu’aucun préjudice irréparable n’a été établi, la requête en injonction doit être rejetée, comme je l’ai mentionné lors de l’audience.

 

[5]               En guise de réponse à la demande faite à la Cour de certifier une question, l’avocat du défendeur soutient que celle-ci est irrecevable en raison de l’alinéa 72(2)e) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi). Le paragraphe 72(1) et l’alinéa 72(2)e) de la Loi prévoient ce qui suit :

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

 

 (2) Les dispositions suivantes s’appliquent à la demande d’autorisation :

[…]

 

 

e) le jugement sur la demande et toute décision interlocutoire ne sont pas susceptibles d’appel.

 

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

(2) The following provisions govern an       application under subsection (1):

[…]

 

(e) no appeal lies from the decision of the Court with respect to the application or with respect to an interlocutory judgment.

 

[6]               En réplique, le demandeur soutient que l’interprétation de l’alinéa 72(2)e) par le défendeur est mauvaise, parce qu’elle empêcherait aussi tout contrôle judiciaire de la décision relative à la demande même, dans l’éventualité où une question est certifiée, ce qui n’est pas le cas. Par conséquent, il soutient que l’alinéa 72(2)e) doit être interprété conjointement avec l’alinéa 74d), qui prévoit qu’un appel peut être interjeté à la Cour d’appel fédérale « si le juge certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci ».

 

[7]               Je ne suis pas d’accord avec le demandeur au sujet de son interprétation des dispositions pertinentes de la Loi. L’alinéa 72(2)e) de la Loi mentionne qu’il est applicable à la demande visée au paragraphe (1), c’est à dire, qu’il se rapporte à une « demande d’autorisation » de contrôle judiciaire de la décision contestée; il ne renvoie pas à une décision définitive sur le bien-fondé d’une demande de contrôle judiciaire, comme le laisse entendre le demandeur. Il prévoit donc que la décision de la Cour d’accorder ou non l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire n’est pas susceptible d’appel. La disposition prévoit de plus que les décisions interlocutoires rendues sous le régime de la Loi ne sont pas susceptibles d’appel. Bon nombre de décisions ont maintenu qu’un jugement interlocutoire rendu dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire présentée sous le régime de la Loi ne peut faire l’objet d’un appel : à titre d’exemple, voir Mabrouki c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1104, au paragraphe 21 : « […] le libellé de l’alinéa 72(2)e) apparaît très clair à l’effet qu’une décision interlocutoire n’est pas susceptible d’appel »; Froom c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 331, au paragraphe 3 : « […] l'alinéa 72(2)e) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés […] interdit l'appel d'un jugement interlocutoire [] »; Pancharatnam c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 867, dans l’ordonnance : « Comme il s'agit d'une ordonnance interlocutoire, aucune question ne peut être certifiée, conformément à l'alinéa 72(2)e) de la Loi. »

 

[8]               La Cour d’appel fédérale a jugé que ce n’est que dans le cas de circonstances exceptionnelles qu’il sera possible de faire appel d’un jugement interlocutoire rendu sous le régime de la Loi; cependant, il semble que, pour qu’il y ait des circonstances exceptionnelles, il faut qu’il y ait un refus de la Cour d’exercer sa compétence. Cela a récemment été soulevé dans l’arrêt Horne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CAF 55, au paragraphe 4 :

La Cour était disposée à instruire d’urgence la requête en sursis. Il était toutefois évident que la question de la validité de l’appel serait soulevée, étant donné que l’ordonnance frappée d’appel est un jugement interlocutoire rendu dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire se rapportant à une décision prise sous le régime de la LIPR. Or, l’alinéa 72(2)e) de la LIPR précise qu’un tel jugement n’est pas susceptible d’appel. Notre Cour a toutefois jugé que l’alinéa 72(2)e) n’empêche pas de faire appel d’une ordonnance qui constitue en fait un refus par le juge d’exercer son pouvoir de statuer sur une requête en sursis (Subhaschandran c. Canada (Solliciteur général) (C.A.F.), [2005] 3 R.C.F. 255, 2005 CAF 27 ).

 

La Cour avait conclu que l’affaire dont elle était saisie ne ressemblait en rien à celle de l’arrêt Subhaschandran et avait rejeté la requête en sursis. Ce faisant, la Cour avait énoncé que « même si la réponse que le juge a donnée à la requête en sursis des appelants est entachée d’une ou de plusieurs erreurs en ce qui concerne la formulation ou l’application du critère à trois volets – et nous n’exprimons aucune opinion à ce sujet – l’alinéa 72(2)e) fait obstacle à tout appel ».

 

[9]               Par conséquent, je conclus que je n’ai pas compétence pour certifier la question du demandeur. Elle est irrecevable en application de l’alinéa 72(2)e) de la Loi.

 

[10]           De plus, même si j’avais compétence, je n’aurais pas certifié la question posée par le demandeur, puisque le fait de trancher celle-ci n’aurait pas permis de régler un appel interjeté à l’encontre de mon ordonnance du 14 septembre 2010. La requête en sursis du demandeur n’a pas été rejetée parce que ce dernier ne subissait pas un préjudice irréparable; elle n’a pas été rejetée pour le motif sous-entendu dans la question posée.

 

[11]           Pour ces motifs, la question du demandeur ne sera pas certifiée.

 


 

ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE que la demande de certification de la question énoncée au paragraphe 2 soit rejetée.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5074-10

 

INTITULÉ :                                       KWOK FAI CHAN c.

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 septembre 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 20 septembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Timothy Leahy

 

 

POUR LE DEMANDEUR

Laura Christodoulides

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Forefront Migration Ltd.

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.