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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100830

Dossier : IMM-559-10

Référence : 2010 CF 861

Ottawa (Ontario), le 30 août 2010

En présence de monsieur le juge Martineau

 

 

ENTRE :

FERYDON GHORBAN

alias FERYDON GHORBON

alias FERYDON GHORDON

 

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, qui est un citoyen de l’Iran, sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 8 janvier 2010, par laquelle la Commission a annulé, en vertu de l’article 109 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi), sa décision antérieure, rendue le 16 novembre 1998, portant que le demandeur était un réfugié au sens de la Convention (la décision initiale).

 

[2]               Dans la décision contestée, la Commission conclut que le défendeur s’est acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir que le demandeur a fait, directement ou indirectement, des présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait. De plus, la Commission conclut qu’il ne reste pas suffisamment d’éléments de preuve, parmi ceux pris en compte lors de la décision initiale, pour justifier l’asile. Par conséquent, la demande d’asile du demandeur est assimilée au rejet de la demande d’asile, la décision initiale étant dès lors nulle.

 

[3]               Il n’est pas contesté que les conclusions de fait ou mixtes de fait et de droit de la Commission dans une procédure d’annulation doivent être examinées selon la norme de la décision raisonnable. Ainsi, à moins que le demandeur ne réussisse à démontrer à la Cour que la Commission a commis une erreur de droit, la seule question à trancher est de savoir si la décision contestée de la Commission appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Pour les motifs exposés ci‑après, ma réponse est oui, mais je vais d’abord me pencher sur le critère énoncé à l’article 109 de la Loi.

 

[4]               L’article 109 de la Loi se lit ainsi :

109. (1) La Section de la protection des réfugiés peut, sur demande du ministre, annuler la décision ayant accueilli la demande d’asile résultant, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait.

 

(2) Elle peut rejeter la demande si elle estime qu’il reste suffisamment d’éléments de preuve, parmi ceux pris en compte lors de la décision initiale, pour justifier l’asile.

 

 

(3) La décision portant annulation est assimilée au rejet de la demande d’asile, la décision initiale étant dès lors nulle.

109. (1) The Refugee Protection Division may, on application by the Minister, vacate a decision to allow a claim for refugee protection, if it finds that the decision was obtained as a result of directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter.

 

(2) The Refugee Protection Division may reject the application if it is satisfied that other sufficient evidence was considered at the time of the first determination to justify refugee protection.

 

(3) If the application is allowed, the claim of the person is deemed to be rejected and the decision that led to the conferral of refugee protection is nullified.

 

 

 

[5]               Les parties ne contestent pas la façon appropriée de traiter une demande visant à faire annuler une décision ayant accordé le statut de réfugié. Le libellé de l’article 109 et la jurisprudence sont clairs. La Commission doit d’abord conclure que la décision ayant accordé l’asile résultait de présentations erronées directes ou indirectes sur un fait important quant à un objet pertinent, ou d’une réticence sur ce fait. Après avoir tiré cette conclusion, elle peut néanmoins rejeter la demande d’annulation s’il reste suffisamment d’éléments de preuve, parmi ceux pris en compte lors de l’examen de la demande d’asile, pour justifier l’asile.

 

[6]               Une lecture attentive de la décision contestée révèle que la Commission comprenait parfaitement quelle était sa tâche en l’espèce. La Commission connaissait très bien le critère applicable et la jurisprudence (et la doctrine) pertinente, comme l’indiquent les références directes aux paragraphes 109(1) et 109(2) respectivement, et les citations tirées de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Coomaraswamy c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2002 CAF 153 et de l’Immigration Law and Practice, deuxième édition, volume 1, mis à jour en 2009, Lorne Waldman, Lexus/Nexus.

 

[7]               Bien que le demandeur prétende d’une façon générale que la Commission a commis une erreur de droit, ce qu’il met réellement en doute, en fait, c’est le caractère raisonnable de la conclusion de la Commission voulant qu’il y ait eu des présentations erronées importantes quant à un objet pertinent. À cet égard, le demandeur soutient que la Commission a omis, à la première étape, de tenir compte des nouveaux éléments de preuve soumis lors de l’audience, notamment une lettre de la tante du demandeur, datée du 25 septembre 2009, qui corroborerait le fait qu’il avait été détenu et torturé en Iran après avoir été expulsé des États‑Unis en décembre 1996, ou de leur accorder le poids voulu. Cependant, lorsqu’on examine de plus près la preuve au dossier, ce dernier motif de contestation ne peut être retenu.

 

[8]               Quant à son appréciation fondée sur le paragraphe 109(1) de la Loi, la Commission a conclu que le demandeur avait fait des présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent dans son formulaire de renseignements personnels (FRP) et des déclarations trompeuse au cours de l’audience initiale. Cette conclusion est étayée par la preuve présentée par le ministre et doit être maintenue. De plus, les conclusions de fait de la Commission sont étayées par le propre aveu du demandeur selon lequel il avait menti sur plusieurs aspects importants de sa demande d’asile. Le nouvel élément de preuve soumis par le demandeur, c.‑à‑d. la lettre de la tante, corrobore simplement les présentations erronées que le demandeur a faites aux autorités de l’immigration en 1997 lorsqu’il est arrivé au Canada et a revendiqué le statut de réfugié. Les motifs pour lesquels la Commission n’a pas tenu compte de la lettre de la tante sont raisonnables et étayent, globalement, la conclusion portant que le premier volet du critère a été rempli.

 

[9]               Les présentations erronées établies de façon concluante devant la Commission sont les suivantes :

a)         le demandeur a initialement déclaré avoir vécu toute sa vie en Iran et avoir été capturé par le régime islamique, torturé et emprisonné pendant 22 mois de mai 1995 à mars 1997. Cependant, le demandeur admet maintenant avoir vécu aux États‑Unis de 1968 à 1996;

b)         le demandeur a fourni un [traduction] « historique » complet à l’appui de sa demande d’asile lorsqu’elle a été initialement déposée en 1997. Il a affirmé avoir travaillé comme gérant de restaurant de 1980 à 1997 à Téhéran. Pendant cette période, à la suite du décès de son père en prison en 1991, il s’est engagé dans des activités politiques contre le régime. Cependant, il n’a pas vraiment participé à de telles activités et n’a pas pu être arrêté en mai 1995 comme il l’a affirmé puisqu’il était aux États‑Unis de 1968 à 1996;

c)         quant à l’existence d’un casier judiciaire, le demandeur n’a fait aucune mention des nombreuses déclarations de culpabilité en matière de drogue et infractions contre les biens qu’il a commises pendant qu’il vivait aux États‑Unis. Il a aussi omis de mentionner qu’il avait été expulsé vers l’Iran à la fin de décembre 1996. Il a seulement fait état des 22 mois qu’il aurait passés en prison en Iran, chose qui, nous le savons maintenant, n’a pas eu lieu.

 

[10]           Le principal argument sur lequel s’appuie aujourd’hui le demandeur est que, lorsqu’il est retourné en Iran après avoir été expulsé des États‑Unis en décembre 1996, il a été emprisonné pendant trois mois, ce qui serait corroboré par la lettre de la tante. Il aurait donc quand même subi le traitement en question, mais pendant une période différente. Cependant, même si la Commission devait croire le demandeur, le fait que l’histoire inventée fournie par le demandeur en 1997 contenait quelques grains de vérité n’atténue pas les nombreuses présentations erronées susmentionnées qui ont été reconnues par le demandeur. Étant donné que le demandeur était aux États‑Unis, et non en Iran, de 1968 à décembre 1996, la Commission pouvait conclure que cette présentation erronée était importante. Le nouvel élément de preuve soumis par le demandeur a été dûment examiné et par ailleurs jugé ne pas modifier l’importance des présentations erronées sur un fait important et la réticence sur ce fait, indépendamment du fait qu’un tel élément de preuve ne peut servir à étayer une demande complètement nouvelle et différente.

 

[11]           Le demandeur soutient également que la Commission n’aurait pas dû examiner la mens rea ou l’intention du demandeur derrière le fait de ne pas avoir d’abord raconté la vérité en 1998, puisqu’il ne s’agit pas d’un facteur pertinent dans l’appréciation faite par la Commission en vertu du paragraphe 109(1) de la Loi. De l’avis de la Cour, les motifs de la Commission doivent être lus dans leur globalité, et je suis convaincu que la Commission n’a tenu compte, dans son analyse fondée sur le paragraphe 109(1), d’aucun facteur non pertinent. Le commentaire de la Commission au sujet de l’absence d’explication est tout au plus malencontreux, mais il n’affecte en rien l’analyse et la conclusion ultime de la Commission en l’espèce. Dans l’ensemble, il appert clairement de la lecture de la décision contestée et de l’examen du dossier du tribunal que la décision initiale résultait, directement ou indirectement, d’une réticence sur un fait important quant à un objet pertinent.

 

[12]           Comme je l’ai dit, il existe un deuxième volet dans le paragraphe 109(2) de la Loi. Il reste donc à savoir si la Commission a agi de manière déraisonnable en refusant d’exercer son pouvoir discrétionnaire de rejeter la demande d’annulation du ministre au motif que, lors de l’examen, il restait suffisamment d’éléments de preuve, parmi ceux pris en compte, pour justifier la décision. En l’espèce, la Commission a fourni des motifs clairs et convaincants à l’appui de la conclusion que ce n’était pas le cas, car il n’existait aucune preuve crédible et indépendante, en dehors des affirmations que le demandeur a faites dans son FRP, établissant pourquoi il serait exposé à la persécution, à la torture ou à un risque personnel s’il était renvoyé en Iran. Ces conclusions de la Commission doivent aussi être maintenues étant donné qu’elles ne sont pas déraisonnables au regard des faits et du droit. Incidemment, c’est à bon droit que la Commission a refusé de tenir compte des nouveaux éléments de preuve soumis par le demandeur, notamment la lettre de la tante.

 

[13]           Pour terminer, la Cour conclut que le demandeur n’a pas réussi à démontrer que la Commission a commis une erreur susceptible de révision. La présente demande doit donc être rejetée. Aucune question de portée générale pouvant être déterminante quant au résultat n’a été soulevée et aucune ne sera certifiée par la Cour.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Luc Martineau »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, LL.B, D.É.S.S. en trad., trad. a.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-559-10

 

INTITULÉ :                                       FERYDON GHORBAN

                                                            alias FERYDON GHORBON

                                                            alias FERYDON GHORDON

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 17 août 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 30 août 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lobat Sadrehashemi

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Edward Burnet

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pivot Legal s.r.l.

Vancouver (C.‑B.)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (C.‑B.)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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