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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date :  20100914

Dossier :  IMM-5414-09

Référence :  2010 CF 913

Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2010

En présence de monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

MOHAMMED SERKHANE

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Introduction

[1]               [...] Ma décision d'accueillir la présente demande de contrôle judiciaire se fonde uniquement sur le fait que le tribunal n'a pas énoncé les motifs qui l'ont amené à ne pas croire la déposition des parents concernant les incidents en question. Il n'était pas suffisant de s'appuyer sur la preuve documentaire du pays concernant le bien-fondé de la revendication du statut de réfugié sans traiter de façon précise de la déposition des requérants.

 

Pour ces motifs, la décision du tribunal est annulée et l'affaire est renvoyée à une nouvelle formation de la Section du statut de réfugié au sens de la Convention pour une nouvelle audition qui tienne compte des présents motifs.

 

(Comme spécifié par le juge en chef Allan Lutfy dans Roudatchenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1997), 83 A.C.W.S. (3d) 663, [1997] A.C.F. no 1231 (QL)).

 

[2]               [9]        Acording to Dunsmuir (at paragraph 47): “In judicial review, reasonableness is concerned mostly with the existence of justification, transparency and intelligibility within the decision-making process.  But it is also concerned with whether the decision falls within a range of possible, acceptable outcomes which are defensible in respect of the facts and law” [emphasis added].

 

 

[18]      As noted hereinabove, I find that the principle set out in Hilo applies to the Panel’s decision in this case. In addition, some of the findings of the Panel are clearly incompatible with the evidence submitted before it, or at the very least, the Panel did not address why such evidence was disregarded.

 

(TRADUCTION NON DISPONIBLE)

 

(Comme rendu par le juge Robert Mainville dans Zilani v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2010 FC 357, [2010] F.C.J. No. 433 (QL)).

 

II.  Procédure judiciaire

[3]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR), rendue le 13 octobre 2009, selon laquelle le demandeur n’a pas la qualité de « réfugié au sens de la Convention » ni de « personne à protéger ».

 

[4]               La décision de la SPR repose en l’espèce sur un raisonnement lié à l’absence de crainte, à des problèmes de cohérence dans la preuve, à la protection étatique et à la possibilité de refuge intérieur (PRI).

III.  Faits

[5]               Le demandeur, monsieur Mohammed Serkhane, est citoyen algérien, berbère, originaire de Tzi-Ouzou.

 

[6]               Il allègue craindre un terroriste dénommé Chenoui par qui il était ciblé pour avoir aidé l’épouse de Chenoui à se soustraire à la violence conjugale.

 

[7]               Le demandeur allègue cette crainte malgré que Chenoui s’est réfugié dans les montagnes et que la police cherche à l’arrêter.

 

[8]               Après s’être réfugié approximativement deux mois sans événements, dans la capitale du pays, le demandeur part pour le Royaume-Uni où il passe 15 jours avant de repartir pour le Canada, muni d’un faux passeport français.

 

IV.  Point en litige

[9]               Est-ce que la décision de la SPR était déraisonnable?

 

V.  Analyse

[10]           La Cour accepte et est d’accord avec certains arguments du demandeur.

 

[11]           Les questions, relevant des faits, ou des faits et du droit à la fois, prescrivent au demandeur de démontrer que la décision de la SPR était déraisonnable. (Pour le principe général Jean-Baptiste c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1261, [2009] A.C.F. no 1590 (QL) au par. 13; pour ce qui est de crédibilité : Auguste c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1099, [2009] A.C.F. no 1317 (QL) au par. 6; pour ce qui est de la protection étatique : Ghotra c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CF 764, [2009] A.C.F. no 924 (QL) aux par. 15-16; pour ce qui est de la PRI : Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CF 1304, [2009] A.C.F. no 1679 (QL) au par. 11).

 

[12]           Le demandeur tente d’abord d’argumenter que la SPR a ignoré des preuves corroborant la tentative de Chenoui de s’en prendre à sa vie, preuves touchant également à la protection étatique et la PRI. Le demandeur mentionne entre autres la force de frappe du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat Ouzou (GSPC) et la faiblesse de l’État.

 

[13]           Selon le demandeur, malgré que la preuve documentaire générale du demandeur démontre qu’il y a en Algérie des efforts sérieux pour sécuriser le territoire et combattre les terroristes, des lacunes se manifestent à l’égard des situations où le gouvernement ne peut pas protéger certains éléments de la population dans des circonstances telles que décrites dans la preuve documentaire (voir à titre d’exemple les articles de la p. 129 du Dossier du demandeur).

 

[14]           La jurisprudence confirme que la protection étatique n’a pas à être parfaite. Si l’État a le contrôle de son territoire et qu’il fait des efforts sérieux pour protéger ses citoyens, le fait qu’il existe des faiblesses dans cette protection ne saurait suffire pour réfuter la présomption de protection étatique sauf si la preuve démontre le contraire dans un cas d’espèce comme dans le cas présent (Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Villafranca (1992), 150 N.R. 232, 37 A.C.W.S. (3d) 1259 (C.A.F.); Burgos c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 1537, 160 A.C.W.S. (3d) 696 au par. 36).

 

[15]           Ce qui précède démontre qu’il y a une divergence d’opinions importante entre le demandeur et la SPR et, donc, la décision est déraisonnable suite à la situation décrite ci-dessous.

 

[16]           La SPR est tenue également de motiver le rejet des éléments de preuve produits par la partie demanderesse : Hilo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1991), 130 N.R. 236, 26 A.C.W.S. (3d) 104; Badurdeen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 355, 121 A.C.W.S. (3d) 1131; Mui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1020, 125 A.C.W.S. (3d) 691).

 

[17]           En effet, la SPR a rendu une décision négative sans prendre en considération des éléments importants à l’égard du récit du demandeur malgré que la SPR a spécifié que « le demandeur a répondu de façon directe à l’ensemble des questions, tant de son procureur que du tribunal » (Décision à la p. 4 au par. 17).

 

[18]           Dans l’arrêt Voyvodov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 175 F.T.R. 299, 91 A.C.W.S. (3d) 636, le juge en chef Lutfy précise qu’un tribunal administratif doit en termes clairs et indubitables exposer les motifs pour lesquels il rejette le témoignage d’un demandeur. C’est ce que la SPR n’a pas fait.

 

[19]           La Cour tient que certains documents en effet ne sont pas d’envergure générale, mais sont des documents originaux dont certains émanaient directement des autorités algériennes impliquées dans le combat contre le terrorisme dont la SPR n’a jamais contesté l’authenticité et qui ne sont mentionnés nulle part dans son analyse. Cette Cour est donc obligée de discuter certains documents :

a) P-4, démontre une attestation datée du 1ier juin 2009, signée par monsieur Touzene Hachimi, secrétaire général, confirmant que le demandeur, Serkhane Mohammed, est membre de l’association Amusnaw depuis le 15 août 2002, avec en annexe le rapport de l’organisation signé par le président de l’association qui confirme ses risques de retour en Algérie en regard de la tentative d’enlèvement que le demandeur a subi en faisant l’historique de ses problèmes reliés avec son agent persécuteur du GSPC, Chenoui Madjid.

b) P-5 (opinion juridique datée du 13 juillet 2009 de son avocate algérienne, Me Daoui Malika), qui confirmait l’impossibilité pour le demandeur d’obtenir une protection préventive adéquate des autorités algériennes en prise avec les activités terroristes du GSPC vu que même l’état algérien a du mal lui-même à se protéger efficacement contre les activités terroristes du GSPC tel que confirmé par l’opinion juridique de l’avocate algérienne, qui n’a fait l’objet d’aucune analyse dans la décision de la SPR et qui n’a pas été mentionné.

c) P-6.1, le certificat médical, daté du 16 avril 2008, du Centre hospitalo-universitaire de Tizi-Ouzou, concernant l’agression que le demandeur a subi lors de sa tentative d’enlèvement par le GDSPC, le 16 mars 2007.

d) P-7, la convocation officielle des autorités algériennes pour l’individu, soit le demandeur, pour se présenter le 20 mai 2007 à 8h30 concernant son enlèvement et menaces de mort.

e) P-8, le dossier des procédures judiciaires accompagnées des procédures d’enquête menée par des agents de la brigade algérienne avec une dénonciation pour voies de faits intentionnels (enlèvement) et menaces de mort contre Chenoui Madjid, résidant à la cité de Cadi Tizi-Ouzou, confirmant que le 17 mars 2008 à quatre heures trente du matin, s’est présenté le nommé Serkhane Mohammed, âgé de vingt-huit ans, expliquant que le demandeur avait reçu un appel téléphonique d’une de ses amies, Driss Hayat, lui demandant d’aider madame Chenoui Anissa Zalzli (épouse de Chenoui Madjid) et son fils Mourad qui était en train de subir une agression et des coups violents de la part de son époux Chenoui Madjid et qui était membre d’une organisation terroriste depuis 1995 et amnistiée par la suite dans le cadre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale conformément à l’ordonnance 01/05 en date du 27/02/2005.

f) P-17-2, soit la traduction en français du rapport de police algérien du 22 mai 2007 et l’original du document en arabe (sous 16.1 en arabe) avec le procès-verbal du terroriste arrêté, Kamar Sayed Ali, confirmant la véracité de la tentative d’enlèvement et d’assassinat que le demandeur avait subis le 16 mars 2007 de la part de membres du GSPC, dont l’un fut arrêté par les autorités algériennes et lequel terroriste appréhendé reconnut dans son interrogatoire que l’enlèvement du demandeur avait été commandité par un agent persécuteur du GSPC, Chenoui Madjid, dans l’intention de tuer le demandeur dans un contexte où le terroriste appréhendé avait reconnu que son agent persécuteur Chenoui Madjid est à sa recherche.

 

[20]           Comme spécifié dans Bokayi v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2003 FCT 22, 119 A.C.W.S. (3d) 817:

[9]        The applicant submits that the Board erred in law by assigning no weight to the documentary evidence submitted by his counsel. A tribunal is presumed to have considered the entirety of the evidence before it (Hassan v. M.E.I. (1992), 147 N.R. 317 (F.C.A.)). It is only necessary for a tribunal to refer to evidence directly relevant to the issue being addressed, and which would appear to be in conflict with its conclusion; the requirement for explanation of a rejection of evidence increases with the relevance of the evidence in question to the disputed facts (Cepeda-Gutierrez et al. v. Canada (M.C.I.) (1998), 157 F.T.R. 35).

 

[10]      In this case, the Board included excerpts from two documents in its reasons: Response to Information Request IRN33937.FE and Response to Information Request IRN37446.E. The first document makes no reference to Javid Iran. Although the Board has, again, failed to explain why it included this document, it seems to have been as proof that monarchist movements are no longer organized and active in Iran, and that most monarchists are now of advanced years. The applicant had provided a document which directly contradicts the evidence relied upon by the Board, in the form of a CNN article describing a protest by hundreds of anti-government demonstrators, mostly pro-monarchists. The Board erred in not addressing this relevant piece of evidence and explaining its rejection of it.

 

[11]      Consequently, because the Board made what amounts to a general finding of lack of credibility without clearly and comprehensibly explaining its reasons for doing so, and because the Board failed to mention a relevant piece of evidence in dismissing the applicant's claim, the application for judicial review is granted and the matter is referred back for rehearing and reconsideration by a differently constituted tribunal.

 

(TRADUCTION NON DISPONIBLE)

 

 

VI.  Conclusion

[21]           Il s’ensuit que des lacunes dans la preuve clé était soustrait à l’analyse de la SPR sans motif au point que le présent cas devrait être considéré à nouveau.

 

[22]           La Cour détermine que la décision de la SPR n’est pas à l’intérieur d’une gamme de solution possible et acceptable en l’espèce selon Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190.

 

[23]           Compte tenu de ce qui précède, la demande de contrôle judiciaire du demandeur est donc accueillie.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que

1.         La demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que le dossier soit retourné à la SPR pour une considération à nouveau par un autre commissaire;

2.         Aucune question grave de portée générale ne soit certifiée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5414-09

 

INTITULÉ :                                       MOHAMMED SERKHANE

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 31 mai 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 14 septembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Alain Joffe

 

POUR A DEMANDEUR

Me Bassam Khouri

 

POUR LA DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ALAIN JOFFE

Montréal (Québec)

 

POUR A DEMANDERU

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDEUR

 

 

 

 

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