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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20100910

Dossier : T-549-10

Référence : 2010 CF 901

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 septembre 2010

En présence de monsieur le juge Pinard

ENTRE :

MOROCCANOIL ISRAEL LTD.

 

demanderesse

et

 

SHOPPERS DRUG MART CORPORATION/

CORPORATION SHOPPERS DRUG MART,

SOCIÉTÉ UNETELLE exploitée sous la raison sociale SHOPPERS DRUG MART n° 904,

SOCIÉTÉ UNETELLE exploitée sous la raison sociale SHOPPERS DRUG MART n° 943,

SOCIÉTÉ UNETELLE exploitée sous la raison sociale SHOPPERS DRUG MART n° 966,

SOCIÉTÉ UNETELLE exploitée sous la raison sociale SHOPPERS DRUG MART n° 2205 et

SOCIÉTÉ UNETELLE exploitée sous la raison sociale SHOPPERS DRUG MART ou

PHARMAPRIX

 

défenderesses

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

  • [1] Il s'agit d'un appel interjeté par les défenderesses de la décision discrétionnaire rendue par la protonotaire Aronovitch le 28 juillet 2010, rejetant leur requête en cautionnement pour dépens.

  • [2] Il est bien connu en droit que l’ordonnance d’un protonotaire ne doit être infirmée en appel par un juge que dans les deux cas suivants :

  • a) la requête porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal;

  • b) l’ordonnance est entachée d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits.

Cf. Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425, et Merck & Co. et al. c. Apotex Inc. (2003), 30 C.P.R. (4th) 40 (C.A.F.).

 

  • [3] Dans l’affaire en cours, les parties conviennent que la question du cautionnement pour dépens n’a pas une influence déterminante sur l’issue du principal. Toutefois, les défenderesses allèguent que la décision contestée repose à la fois sur l’application d’un principe de droit erroné et sur une mauvaise appréciation des faits.

 

  • [4] L’action en violation d’une marque de commerce en cours a été entreprise par la demanderesse par voie de déclaration déposée le 9 avril 2010. Comme l’a indiqué la protonotaire, la demanderesse « réside habituellement hors du Canada » pour les besoins du paragraphe 416(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.

 

  • [5] Les faits pertinents suivants, énoncés par la demanderesse dans son mémoire des faits et du droit, sont bien étayés par la preuve :

    • - la demanderesse, Moroccanoil Israel Ltd., est propriétaire au Canada de la marque déposée TMA 734 460, dont l’usage est réservé aux produits de soins capillaires, entre autres marchandises, à savoir : MOROCCANOIL;

    • - en ce qui a trait à la distribution et la vente des marchandises Moroccanoil au Canada, la demanderesse effectue l’exportation et la vente de son Traitement Moroccanoil à Moroccanoil Canada Inc., société constituée en vertu des lois fédérales du Canada, dont le siège social enregistré est sis à Montréal (Québec);

    • - outre le Traitement Moroccanoil, Moroccanoil Canada Inc. achète des marchandises Moroccanoil de la demanderesse chaque mois;

    • - Moroccanoil Canada Inc. distribue et vend, par l’entremise de son réseau de distribution canadien, de grandes quantités de marchandises Moroccanoil, notamment le Traitement Moroccanoil, partout au Canada;

    • - dans le cadre de la distribution des marchandises Moroccanoil au Canada, Moroccanoil Canada Inc. est, de façon régulière, débitrice de plusieurs centaines de milliers de dollars envers la demanderesse, dans le cours de ses activités normales;

    • - par ailleurs, la demanderesse possède un intérêt de 50% dans le fonds et les locaux dont la désignation civique est le 5740-5742, rue Ferrier, Ville de Mont-Royal (Québec), qu’elle a acquis en mars 2010 au coût de 900 000 $;

    • - la demanderesse détient une valeur nette dans ces biens équivalente à plusieurs centaines de milliers de dollars.

 

  • [6] Dans sa décision, la protonotaire a énoncé ce qui suit :

[traduction]

Bien qu’un cautionnement pour dépens n’est règle générale exigé que si l’une des conditions énumérées au paragraphe 416(1) des Règles est réalisée, la Cour se réserve le pouvoir discrétionnaire de refuser une demande de cautionnement lorsqu’elle est convaincue qu’il n'y a pas de danger réel pour la partie défenderesse en ce qui concerne le recouvrement des dépens après qu'un jugement aura été rendu en sa faveur et dans les cas où l'exigence du cautionnement aurait pour effet d'empêcher la poursuite d'une action fondée en droit (Pembina (County) Water Resources District c. Manitoba, 2005 CF 1226).

 

Les défenderesses ont démontré l’un des critères énoncés en vertu du paragraphe 416(1) des Règles. Le fait que la demanderesse soit une société constituée au titre des lois d’Israël et qu’elle réside habituellement hors du Canada n’est pas contesté. Le fardeau incombe maintenant à la demanderesse de démontrer pour quelle raison la Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire pour accorder le cautionnement. En ce qui me concerne, la demanderesse a répondu à cette exigence.

 

La demanderesse a présenté une preuve incontestée, à savoir qu’elle possède un actif important au Canada. Elle est propriétaire, au Canada, de la marque déposée « MOROCCANOIL ». De façon plus pertinente, elle possède des éléments d’actif importants réalisables au Canada. La demanderesse possède un réseau de distribution au Canada, et est de ce fait créancière (de par ses comptes clients) de Moroccanoil Canada Inc., société canadienne, comptes clients qui atteignent en moyenne 240 000 $ US par mois.

 

La demanderesse possède également un droit de propriété et un intérêt indivis et non grevés de 50 % dans un fonds et des locaux situés à Ville de Mont-Royal (Québec), dont elle a fait l’acquisition en mars 2010 pour la somme de 900 000 $.

 

En raison de la valeur des éléments d’actif et des biens réalisables de la demanderesse au Canada, la Cour est convaincue que la demanderesse possède un actif suffisant pour payer les dépens des défenderesses, qu’il n'y a pas de danger réel pour la partie défenderesse en ce qui concerne le recouvrement de ceux-ci et que, par conséquent, la demanderesse n’est pas tenue de déposer un cautionnement pour dépens.

 

 

 

  • [7] Après avoir entendu les arguments des avocats des parties et examiné les documents déposés, je ne suis pas disposé à entreprendre un examen de novo du fond de la décision contestée et d’exercer mon propre pouvoir discrétionnaire de manière différente, pour les motifs suivants.

 

  • [8] Il n’existe pas de droit prima facie à un cautionnement pour dépens. La Cour se réserve le pouvoir discrétionnaire de rejeter une demande de cautionnement lorsqu’il n'y a pas de danger réel pour la partie défenderesse en ce qui concerne le recouvrement des dépens après qu'un jugement aura été rendu en sa faveur (Pembina County Water Resources District c. Manitoba, 2005 CF 1226, par. 13; K-Tel International Ltd. et al. c. Benoit (1995), 59 C.P.R. (3d) 370 (CF), par. 15).

 

  • [9] On n’a pas produit de preuve indiquant que les sommes qui pourraient être dues par Moroccanoil Canada Inc. à la demanderesse ne sont pas réalisables au titre des Règles des Cours fédérales relatives à la saisie-arrêt, ni que l’intérêt de la demanderesse dans les biens immeubles situés au Canada ne constitue pas un actif réalisable à partir duquel les défenderesses pourraient réclamer toute adjudication de dépens non exécutée. Enfin, le fait que la demanderesse soit propriétaire de droits de propriété intellectuelle enregistrés au Canada ne fait l’objet d’aucune contestation.

 

  • [10] Compte tenu des circonstances, je ne vois pas comment la protonotaire n’aurait pas appliqué le critère juridique approprié ou aurait commis une erreur manifeste dans la conclusion qu’elle a tirée de faits incontestés. La qualité des éléments d’actif de la demanderesse n’a fait l’objet d’aucune contestation, que ce soit par la production d’une preuve ou le contre-interrogatoire du souscripteur d’affidavit Haim Lampert, directeur général et chef de la direction de la demanderesse. En outre, on ne peut affirmer que les éléments d’actif de la demanderesse au Canada ne sont pas « immédiatement réalisables » uniquement du fait que des tiers ou qu’un recours en exécution d’un jugement au titre des Règles des Cours fédérales puissent être mis en cause. Je suis d’accord avec l’avocat de la demanderesse lorsqu’il indique que dans le présent contexte, un cautionnement pour dépens ne constitue pas une saisie avant jugement.

 

  • [11] Pour tous les motifs précités, la requête des défenderesses est rejetée, avec dépens allant au à la demanderesse sur taxation, peu importe l’issue de la cause.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ORDONNANCE

 

  La requête des défenderesses est rejetée, avec dépens allant à la demanderesse sur taxation, peu importe l'issue de la cause.

 

  Les défenderesses ont l’autorisation de signifier et de déposer leur défense dans les dix (10) jours suivant la date de la présente ordonnance.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-549-10

 

INTITULÉ :  MOROCCANOIL ISRAEL LTD. c. SHOPPERS DRUG MART CORPORATION/ CORPORATION SHOPPERS DRUG MART, SOCIÉTÉ UNETELLE exploitée sous la raison sociale SHOPPERS DRUG MART n°904, SOCIÉTÉ UNETELLE exploitée sous la raison sociale SHOPPERS DRUG MART n°943, SOCIÉTÉ UNETELLE exploitée sous la raison sociale SHOPPERS DRUG MART n°966, SOCIÉTÉ UNETELLE exploitée sous la raison sociale SHOPPERS DRUG MART n°2205 et SOCIÉTÉ UNETELLE exploitée sous la raison sociale SHOPPERS DRUG MART ou PHARMAPRIX

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  LE 9 SEPTEMBRE 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  LE JUGE PINARD

 

DATE DE L’ORDONNANCE :  Le 10 SEPTEMBRE 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Thomas Slahta       POUR LA DEMANDERESSE

 

M. Steven Garland  POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kestenberg Siegal Lipkus LLP  POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

 

Smart & Biggar  POUR LES DÉFENDERESSES

Ottawa (Ontario)

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