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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100910

Dossier : IMM-5-10

Référence : 2010 CF 890

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 septembre 2010

En présence de monsieur le juge Kelen

 

 

ENTRE :

JAZMIN ALEJANDRA CORREA JUAREZ

MERCEDES MONSERRATH CHAVEZ CORREA

VALERIA GORETTI CHAVEZ CORREA

demanderesses

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demanderesses sollicitent le contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR), datée du 8 décembre 2009, qui leur a refusé, pour absence de crédibilité et de crainte subjective, la qualité de réfugiées au sens de la Convention et celle de personnes à protéger, en application des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

 

LES FAITS

Le contexte

[2]               Les demanderesses sont Mexicaines. Mme Jazmin Alejandra Correa Juarez, âgée de 28 ans, est la mère demanderesse et est infirmière de son état. Elle a deux filles, Mercedes Monserrath Chavez Correa, âgée de six ans, et Valeria Goretti Chavez Correa, âgée de cinq ans, qui sont également demanderesses. Les demanderesses sont arrivées au Canada le 29 janvier 2008 et ont immédiatement présenté une demande d’asile, qui a été jointe à la demande d’asile déjà existante de M. Francisco Javier Chavez Ramirez (M. Chavez), le conjoint de fait de la mère demanderesse et le père des filles demanderesses.

 

[3]               Les demanderesses vivaient avec M. Chavez dans la ville appelée La Purisima, dans l’État mexicain d’Aguascalientes, entre 2002 et 2007, de même qu’à leur arrivée au Canada en 2008. Tout au long de leur cohabitation, la mère demanderesse a subi les violences physiques et psychologiques de M. Chavez. La mère demanderesse n’a jamais cherché la protection de la police, que ce soit au Mexique ou au Canada. Le 8 juin 2007, M. Chavez, craignant plusieurs hommes qui l’avaient tabassé et qui menaçaient de le tuer, a fui son pays. La mère demanderesse a reçu les mêmes menaces des agresseurs de M. Chavez et a commencé elle aussi de craindre pour sa vie, ce qui a entraîné son départ le 29 janvier 2008. Ni M. Chavez ni la mère demanderesse n’ont communiqué avec la police pour dénoncer les agresseurs de M. Chavez. M. Chavez a déposé sa demande d’asile le 1er novembre 2007, et les demanderesses ont joint leur demande d’asile à la sienne dès leur arrivée. Le 19 février 2009, la mère demanderesse s’est séparée de M. Chavez après avoir reçu une raclée particulièrement violente et a emménagé avec ses filles au Redwood Shelter for Abused Women.

 

[4]               La première demande d’asile de M. Chavez et des demanderesses a été rejetée le 15 avril 2009, parce que les demanderesses n’avaient rien fait pour obtenir la protection de l’État. Le 3 juillet 2009, la mère demanderesse a sollicité la réouverture de sa demande d’asile au motif que M. Chavez était son agent de persécution et qu’elle avait été dans l’impossibilité, avant de se séparer de lui, de présenter une demande d’asile autonome en raison de la violence familiale. La SPR a accepté de rouvrir la demande d’asile le 14 juillet 2009 et a entendu les allégations de violence familiale le 9 novembre 2009.

 

La décision contestée

[5]               La demande d’asile, après réouverture, a été rejetée par la SPR dans une décision de 24 pages rendue le 8 décembre 2009, parce que les demanderesses n’étaient pas crédibles et qu’elles pouvaient obtenir la protection de l’État.

 

[6]               La SPR a tiré un certain nombre de conclusions défavorables quant à la crédibilité des demanderesses. Ces conclusions sont résumées ainsi :

1.      la mère demanderesse n’a pas produit de preuve documentaire objective confirmant l’agression de M. Chavez, par exemple des rapports médicaux ou des rapports de police;

 

2.      la déclaration solennelle du 1er juin 2009 faite par Mme Ivette Jaque Barroilhet (Mme Barroilhet), conseillère auprès des femmes du Redwood Shelter for Abused Women qui avait eu un entretien avec la mère demanderesse et avec M. Chavez, reposait uniquement sur les déclarations intéressées de la mère demanderesse et de M. Chavez, et elle ne confirmait pas que la mère demanderesse souffrait de blessures ou portait des marques résultant de violences subies par elle;

 

3.      l’affidavit du 22 juin 2009 souscrit par M. Manuel Quintanilla Hernandez (M. Quintanilla), un citoyen canadien, contenait une affirmation invraisemblable selon laquelle, s’il n’était pas intervenu lorsqu’il avait vu M. Chavez agresser violemment la mère demanderesse alors qu’elle se trouvait en la compagnie du frère de M. Chavez, c’était parce qu’il était un invité;

 

4.      priée de dire pourquoi elle n’avait pas appelé la police au Canada quand M. Chavez l’avait agressée alors qu’ils se trouvaient en la compagnie de M. Quintanilla et du frère de M. Chavez, la mère demanderesse a déclaré qu’elle craignait que la police ne découvre que ses invités n’avaient pas de statut juridique, malgré le fait que M. Quintanilla ait été citoyen canadien;

 

5.      la mère demanderesse avait été évasive et avait donné des explications contradictoires et peu convaincantes lorsqu’on l’avait priée de dire pourquoi elle n’avait pas appelé la police au Canada;

 

6.      la présence de M. Chavez au Redwood Shelter for Abused Women, où il avait déclaré à Mme Barroilhet qu’il était « l’agresseur » avant même que la mère demanderesse ait eu la possibilité de s’exprimer, montrait que la demande d’asile et la violence familiale alléguée étaient fabriquées et avaient été concoctées avec M. Chavez;

 

7.      les allégations contenues dans la demande d’asile antérieure, selon lesquelles les demanderesses avaient reçu des menaces après le départ de M. Chavez, n’étaient pas crédibles, parce que les parents et le frère de M. Chavez, qui vivaient avec les demanderesses dans la même maison, n’avaient pas reçu de telles menaces;

 

8.      la mère demanderesse a donné une réponse évasive quand on l’a priée de dire pourquoi elle n’avait pas signalé la violence familiale à l’agent d’immigration qui l’avait interrogée à son arrivée au Canada;

 

9.      la mère demanderesse avait pris des dispositions pour rencontrer un avocat spécialisé en immigration avant de rencontrer un avocat criminaliste ou un avocat spécialisé en droit de la famille, ce qui montrait qu’elle s’intéressait davantage à son statut de réfugiée qu’à sa sécurité;

 

10.  interrogée sur une éventuelle possibilité de refuge intérieur, la mère demanderesse n’a jamais parlé des hommes qui l’avaient menacée et qui avaient été à l’origine de la première demande d’asile, mais n’a parlé que de sa crainte d’être trouvée par M. Chavez.

 

Les conclusions ci-dessus ont conduit la SPR à dire que le témoignage de la mère demanderesse avait été évasif, incohérent et contradictoire, et qu’il n’était pas crédible ni digne de foi.

 

[7]               La SPR a constaté que la mère demanderesse n’avait jamais tenté de communiquer avec la police ou une autre instance semblable. Elle a admis que les corps policiers mexicains sont gangrenés par la corruption et qu’ils ne sont pas sensibilisés au problème de la violence familiale. Selon la SPR, si les demanderesses n’avaient pas été en mesure de réfuter la présomption d’existence d’une protection de l’État par une preuve « claire et convaincante », c’est parce qu’elles n’avaient pas exploré les possibilités d’obtenir de l’État, au Mexique ou au Canada, une protection. La SPR a relevé que la mère demanderesse n’avait pas tiré avantage de la protection offerte par l’État au Canada, alors qu’elle savait que cette protection serait efficace. La demande d’asile a donc été rejetée.

 

LES DISPOSITIONS APPLICABLES

[8]               L’article 96 de la LIPR confère une protection aux réfugiés au sens de la Convention :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

 

[9]               L’article 97 de la LIPR confère une protection à certaines catégories de personnes :

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[10]           Les demanderesses soulèvent dans leur mémoire les questions suivantes :

  1. La SPR a-t-elle outrepassé sa compétence, ou a-t-elle négligé d’exercer sa compétence, en ne mentionnant pas et en n’appliquant pas les Directives du président intitulées Directives n° 4 : Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe (les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe), et en ne faisant pas état non plus d’un arrêt de la Cour suprême du Canada, R. c. Lavallee?
  2. La SPR a-t-elle commis une erreur en fondant sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées d’une manière abusive ou arbitraire, en ce qu’elle :

a)      n’a pas montré la sensibilité et la compréhension requises par les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe;

 

b)      a tiré des conclusions déraisonnables quant à l’invraisemblance de la preuve, sans donner à la demanderesse la possibilité d’expliquer pourquoi la preuve était vraisemblable;

 

c)      a laissé de côté des éléments de preuve simplement parce qu’ils n’étaient pas corroborés, sans dire pour autant qu’ils n’étaient pas crédibles ni dignes de foi;

 

d)      a mal interprété ou a laissé de côté la preuve et s’est fondée sur ces conclusions pour rendre une décision défavorable quant à la crédibilité;

 

e)      a soulevé la question de la véracité du témoignage de la demanderesse, en partie pour conclure qu’elle n’était pas crédible.

 

 

  1. La SPR a-t-elle outrepassé sa compétence en tirant des conclusions défavorables quant à la crédibilité de la preuve produite au soutien d’une demande d’asile jugée antérieurement, et cela, au mépris du principe de la chose jugée et de celui de la préclusion pour question déjà tranchée;
  2. La SPR a-t-elle commis une erreur en laissant de côté la preuve qui allait à l’encontre de sa conclusion d’existence d’une protection de l’État au Mexique, et a-t-elle appliqué erronément le critère juridique?
  3. Au vu de l’ensemble des circonstances, la décision de la SPR était-elle déraisonnable?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[11]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, 372 N.R. 1, la Cour suprême du Canada écrivait, au paragraphe 62, que la première étape à franchir dans une analyse relative à la norme de contrôle consiste à « vérifie[r] si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier » : voir aussi l’arrêt Khosa c. Canada (MCI), 2009 CSC 12, le juge Binnie, au paragraphe 53.

 

[12]           Les questions touchant la crédibilité et la protection de l’État sont des questions de fait et des questions mixtes de droit et de fait. Il est clair que, en conséquence des arrêts Dunsmuir et Khosa, ces questions doivent être contrôlées d’après la norme de la décision raisonnable. La jurisprudence récente confirme que la norme de contrôle applicable à la question de savoir si le demandeur d’asile dispose d’une PRI valide est la norme de la décision raisonnable : Mejia c. Canada (MCI), 2009 CF 354, le juge Russell, au paragraphe 29; Syvyryn c. Canada (MCI), 2009 CF 1027, 84 Imm. L.R. (3d) 316, la juge Snider, au paragraphe 3; la décision du soussigné, Perea c. Canada (MCI), 2009 CF 1173, au paragraphe 23. La demanderesse soutient que le fait de ne pas tenir compte des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe équivaut à un refus de la SPR d’exercer sa compétence et que ce refus requiert donc l’application de la norme de la décision correcte. La Cour a déjà examiné d’après la norme de la décision raisonnable la question de l’absence de prise en compte des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe : voir la décision du soussigné, Cornejo c. Canada (MCI), 2010 CF 261, aux paragraphes 16 à 18. La question de savoir si la SPR a tenu compte des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe sera donc contrôlée d’après la norme de la décision raisonnable.

 

[13]           Procédant à l’examen de la décision de la Commission d’après la norme de la décision raisonnable, la Cour s’attachera « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; arrêt Khosa, précité, au paragraphe 59.

 

ANALYSE

Aperçu général

[14]           La SPR a instruit l’affaire et a vu les témoins. Elle a conclu, dans une décision détaillée de 24 pages, que :

1.                  bien que la SPR « garde à l’esprit le fait que les femmes violentées sont quelquefois réticentes à dénoncer leur agresseur aux autorités », elle arrive à la conclusion que les diverses raisons que la demanderesse a données pour ne pas avoir dénoncé à la police, que ce soit au Mexique ou au Canada, son conjoint de fait violent (ci-après appelé le « mari ») sont contradictoires et non crédibles. La SPR a donc jugé, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse n’était pas victime de violence familiale;

2.                  par ailleurs, la SPR a jugé que le prétendu abuseur, le mari de la demanderesse, était un complice de « cette stratégie fondée sur l’exagération et la fabrication des éléments de preuve » destinée à faciliter une demande d’asile frauduleuse. La SPR s’est demandé pour la forme pourquoi le prétendu abuseur voudrait-il se rendre au refuge pour femmes afin de « se [...] désign[er] lui-même comme l’agresseur »? Le mari de la demanderesse s’est rendu au refuge pour femmes battues afin de confirmer qu’il violentait son épouse, sans doute pour que la préposée en charge du refuge confirme plus tard le fondement de la demande d’asile que la demanderesse entendait présenter;

3.                  la SPR a tiré d’autres conclusions où elle met en doute la crédibilité de la demanderesse, conclusions qui sont évoquées plus haut. Elle pouvait tout à fait tirer de telles conclusions, au vu de la preuve, et la Cour ne peut y substituer sa propre opinion, fût‑elle radicalement différente;

4.                  la SPR a conclu que la demanderesse avait concocté avec son mari cette demande d’asile en la faisant reposer sur la violence familiale, après le rejet de leur demande d’asile antérieure fondée sur un autre motif. Il appartient à la SPR d’évaluer ces questions de crédibilité et de repérer les demandes d’asile frauduleuses lorsqu’elles se présentent;

5.                  selon la SPR, si la demanderesse n’a pas cherché à obtenir des soins médicaux ou l’aide de la police, c’est parce qu’il n’y a eu aucune agression;

6.                  la SPR a clairement pris en compte les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, mais elle a conclu, dans une décision approfondie, que cette demande d’asile était frauduleuse. La Cour doit respecter cette décision, et elle félicite la SPR d’avoir fait échec à une fraude.

 

[15]           La Cour examinera maintenant plus en détail quatre des questions soulevées par les demanderesses.

 

Première question :    La SPR a-t-elle outrepassé sa compétence, ou a-t-elle négligé d’exercer sa compétence, en ne mentionnant pas et en n’appliquant pas les Directives du président intitulées Directives n° 4 : Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe (les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe), et en ne faisant pas état non plus d’un arrêt de la Cour suprême du Canada, R. c. Lavallee?

 

[16]           Selon les demanderesses, la SPR a négligé de considérer le témoignage et les actions de la mère demanderesse avec la sensibilité que requiert la situation d’une victime de violence familiale. La mère demanderesse dit que la SPR n’a pas montré une connaissance suffisante de la violence familiale et n’a pu de ce fait arriver à une décision juste.

 

[17]           La relation entre, d’une part, les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe et, d’autre part, l’obligation de la demanderesse de faire reposer sa demande d’asile sur une preuve crédible est exposée dans la décision Karanja c. Canada (MCI), 2006 CF 574, rendue par le juge Pinard, aux paragraphes 5 à 7 :

5        La demanderesse a raison de dire que les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe (que la présidente de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a données le 9 mars 1993 en application de l’alinéa 159(1)h) de la Loi sur l’immigration et qui sont intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe) précisent que, dans le cas d’une demande d’asile fondée sur le sexe, la Commission devrait être particulièrement sensible à la difficulté qu’éprouvent les demanderesses à témoigner. Les Directives ne sont cependant pas conçues en elles‑mêmes pour corriger toutes les lacunes que comportent la demande ou la preuve de la demanderesse. Il incombe à la demanderesse d’établir le bien‑fondé de sa demande d’asile. Ainsi que le juge Pelletier l’a expliqué dans la décision Newton c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (2002), 182 F.T.R. 294, au paragraphe 18, « Il n’est pas possible de traiter les lignes directrices comme si elles corroboraient un quelconque élément de preuve étayant la thèse de la persécution fondée sur le sexe, de sorte que le seul fait de témoigner suffise à prouver la véracité des propos tenus ». Le juge a ajouté au paragraphe 17 :

 

Les lignes directrices sont un outil dont le tribunal de la SSR peut se servir pour évaluer les éléments de preuve présentés par les femmes qui affirment avoir été victimes de persécution fondée sur le sexe. Les lignes directrices ne créent pas de nouveaux motifs permettant de conclure qu’une personne est victime de persécution. Dans cette mesure, les motifs restent les mêmes, mais la question qui se pose alors est celle de savoir si le tribunal était sensible aux facteurs susceptibles d’influencer le témoignage des femmes qui ont été victimes de persécution [...]

 

6        Par ailleurs, ce n’est pas parce que la Commission ne mentionne pas explicitement les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe qu’il faut en conclure qu’elle n’en a pas tenu compte et, de toute façon, pareille omission ne tire pas à conséquence et n’entraîne pas nécessairement l’annulation de la décision de la Commission. La Commission est présumée avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve et il n’y a rien en l’espèce qui permette de penser qu’elle n’a pas tenu compte des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe (voir S.I. c. Canada (M.C.I.), [2004] A.C.F. no 2015 (C.F.) (QL), Farah c. Canada (M.C.I.), [2002] A.C.F. n416 (1re inst.) (QL), et Nuray Gunel c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (6 octobre 2004), IMM-8526-03).

 

7        Les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe prévoient expressément que la demanderesse doit démontrer que le préjudice est suffisamment grave pour équivaloir à de la persécution. En l’espèce, la Commission a, comme il lui était loisible de le faire, tiré plusieurs conclusions défavorables au sujet de la crédibilité.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[18]           Les principes exposés dans la décision Karanja ont été suivis dans la décision Allfazadeh c. Canada (MCI), 2006 CF 1173, rendue par le juge Harrington, où il écrivait au paragraphe 6 que la SPR est présumée avoir tenu compte des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe. Ils ont également été suivis dans la décision Cornejo, précitée, rendue par le soussigné, où j’écrivais, au paragraphe 27, que les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe n’ont pas pour objet de corriger les lacunes d’une demande d’asile. Les principes exposés dans la décision Karanja ont également été suivis dans la décision I.M.P.P. c. Canada (MCI), 2010 CF 259, rendue par le juge Mosley, au paragraphe 47.

 

[19]           La SPR a brièvement mentionné les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, au paragraphe 32 de sa décision, mais elle s’est attardée, au paragraphe 25, aux difficultés auxquelles se heurtent au Mexique les femmes victimes de violence familiale :

 

¶25      […] Le tribunal garde à l’esprit le fait que les femmes violentées sont quelquefois réticentes à dénoncer leur agresseur aux autorités. Ainsi, la plupart des responsables reconnaissent que la violence familiale et sexuelle est sous-déclarée[1], et le rapport d’Amnesty International fait état des obstacles auxquels se heurtent les femmes mexicaines au moment de signaler les cas de violence familiale, notamment le refus des responsables d’accueillir leurs plaintes, l’inefficacité des enquêtes et le caractère inadéquat des mesures de protection prises […]

 

 

[20]           Le passage susmentionné de la décision montre, à mon avis, que la SPR a été sensible aux circonstances de la mère demanderesse en tant que femme victime de violence familiale. Le témoignage de la mère demanderesse comportait de nombreuses zones d’ombre qui ne sauraient toutes être excusées par les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe. La SPR a bien évalué son témoignage en tenant compte de sa situation. Les conclusions de la SPR où elle met en doute la crédibilité de la demanderesse, et qui sont examinées plus loin dans les présents motifs, ne sont pas entachées d’une absence de sensibilité. Ce motif de contrôle doit être rejeté.

 

Deuxième question : La SPR a-t-elle commis une erreur en fondant sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées d’une manière abusive ou arbitraire?

 

[21]           Les demanderesses disent que la SPR a commis une erreur en tirant ses conclusions quant à la crédibilité, et cela pour les raisons suivantes :

a)      absence de sensibilité aux Directives concernant la persécution fondée sur le sexe;

b)      conclusions déraisonnables d’invraisemblance de la preuve;

c)      rejet d’éléments de preuve simplement parce qu’ils n’étaient pas corroborés, sans qu’ils aient pour autant été qualifiés de non crédibles et de non dignes de foi;

 

d)      interprétation erronée ou absence de prise en compte des éléments de preuve;

e)      emploi sélectif de la preuve, en particulier du témoignage de la mère demanderesse qui a servi à jeter le doute sur la preuve documentaire.

 

[22]           Un témoignage sous serment est présumé véridique, sauf s’il y a une bonne raison de douter de sa véracité : Maldonado c. Canada (MEI), [1980] 2 C.F. 302 (C.A.F.), le juge Heald, au paragraphe 5. Avant que la SPR ne puisse mettre en doute la crédibilité d’un demandeur d’asile, elle doit avoir de bonnes raisons de le faire : Hilo c. Canada (MEI), (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.), le juge Heald, au paragraphe 6. La SPR est fondée à tirer des conclusions défavorables quant à la crédibilité d’un demandeur d’asile, d’après son témoignage, en tenant compte par exemple de l’imprécision du témoignage, des hésitations du demandeur d’asile, de ses incohérences, de ses contradictions et de son comportement. Ce sont des conclusions qui appellent la retenue dans une procédure de contrôle judiciaire : Zheng c. Canada (MCI), 2007 CF 673, 158 A.C.W.S. (3d) 799, le juge Shore, au paragraphe 17. La Cour n’est pas aussi bien placée que la SPR pour apprécier la crédibilité de la preuve : arrêt Aguebor c. Canada (MEI) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.). Lorsqu’une conclusion quant à la crédibilité est fondée sur un certain nombre d’éléments, la juridiction de contrôle n’a pas à se demander si chaque élément de l’analyse de la SPR satisfait au critère du caractère raisonnable : Jarada c. Canada (MCI), 2005 CF 409, le juge de Montigny, au paragraphe 22.

 

[23]           La SPR a tiré dix conclusions qui mettent en doute la crédibilité de la mère demanderesse. Elles sont résumées au paragraphe 6 de la présente décision. Les demanderesses disent que toutes les conclusions de la SPR sont viciées parce qu’elle n’a pas appliqué les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe et qu’elle n’a pas donné effet à un arrêt de la Cour suprême, R. c. Lavallee, [1990] 1 R.C.S. 852. La Cour suprême expliquait dans cet arrêt la nécessité de pendre en compte la situation particulière de la victime de violence familiale et les effets de la victimisation pour savoir si son témoignage et ses actions sont objectivement raisonnables.

 

[24]           La présente cour a conclu, s’agissant de la question précédente, que la SPR avait été sensible à la victimisation de la mère demanderesse et qu’elle était bien au fait des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe. Certaines des conclusions quant à la crédibilité s’expliquent par l’invraisemblance de la preuve, que la SPR est fondée à apprécier, tandis que d’autres résultent des lacunes inexpliquées de la preuve et de contradictions manifestes entre le témoignage et la preuve documentaire, lesquelles ne sont pas atténuées par les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe.

 

[25]           Durant une période de cinq ans au Mexique et une autre de deux ans au Canada, la demanderesse n’a recueilli aucune preuve corroborante des agressions de M. Chavez, qu’il s’agisse de rapports médicaux ou de rapports de police. La SPR était fondée à dire que la mère demanderesse était incapable d’expliquer d’une manière crédible la raison pour laquelle elle n’avait pas cherché une aide médicale ou policière au Canada. La SPR était également fondée à dire que l’empressement de M. Chavez à se déclarer « l’agresseur » lorsque la demanderesse s’était adressée au Redwood Shelter était contraire au bon sens et montrait leur intention commune de faire croire à Mme Barroilhet, au Redwood Shelter, que la mère demanderesse était victime de violence. Celle-ci n’a pu dissiper les soupçons de la SPR en montrant, par des facteurs culturels et sociaux, pourquoi M. Chavez agirait de la sorte. Les soupçons de la SPR se sont évidemment accrus avec les ambiguïtés du témoignage.

 

[26]           La SPR était fondée à dire que la demanderesse avait été, en général, un témoin évasif et incohérent. Elle avait été évasive, à la page 13 de la transcription d’audience, lorsqu’on l’avait priée de dire pourquoi elle ne pouvait pas retourner vivre au Mexique, dans une autre ville, malgré la possibilité qu’elle avait de gagner sa vie comme infirmière :

[traduction]

 

L’APR :           Si vous deviez retourner au Mexique, ne pourriez-vous pas vous installer dans une autre région et refaire votre vie?

 

LA DEMANDEURE D’ASILE :          Je ne le crois pas.

 

L’APR :           Pourquoi pas?

 

LA DEMANDEURE D’ASILE :          Parce que, d’abord, je n’ai pas de famille ailleurs dans un autre État du Mexique, et, vu la situation économique, il ne me serait pas facile de m’installer ailleurs avec mes deux filles.

 

L’APR :           Mais vous êtes infirmière; ne pourriez-vous pas trouver un poste d’infirmière?

 

LA DEMANDEURE D’ASILE :          Oui, je le pourrais, mais il est difficile de s’installer à un endroit où l’on ne connaît personne avec deux petites filles.

 

L’APR :           Mais vous êtes ici au Canada; avez-vous quelqu’un ici?

 

LA DEMANDEURE D’ASILE :          Non.

 

L’APR :           Alors en quoi est-ce différent?

 

LA DEMANDEURE D’ASILE :          Je ne sais pas quoi dire sur ce qui est différent.

 

Par contraste avec les questions susmentionnées, la demanderesse a répondu avec clarté, à la page 14 de la transcription, aux questions se rapportant à l’aptitude de la police mexicaine à la protéger contre M. Chavez :

L’APR :           Et pourquoi dites-vous cela?

 

LA DEMANDEURE D’ASILE :          Parce que je connais le niveau de corruption qui existe dans mon pays.

 

 

 

[27]           Les cas où la demanderesse a produit un témoignage imprécis sur des points qui ne concernent pas sa victimisation sont trop nombreux pour pouvoir être exposés comme il convient dans les présents motifs. La Cour s’est exprimée sur plusieurs lacunes de son témoignage, des lacunes qui suffisent à montrer que la SPR a eu raison de douter globalement de sa crédibilité. La SPR était fondée à faire ressortir la contradiction entre d’une part le témoignage de la mère demanderesse, où elle dit que M. Quintanilla n’avait pas le statut d’immigrant et que pour cette raison elle n’avait pas appelé la police lorsque son mari l’avait agressée, et d’autre part l’affidavit de M. Quintanilla, où il est désigné comme citoyen canadien. Normalement, la Cour n’aurait aucun mal à dire que la SPR a fait du zèle en pointant les lacunes du témoignage dans un cas où elle se serait focalisée sur un examen aussi détaillé : Attakora c. Canada (MEI) (1989), 99 N.R. 168 (C.A.F.), le juge Heald. Telle n’est pas la conclusion à laquelle arrive ici la Cour. Le témoignage de la demanderesse était suspect dès le départ et contenait une foule de petits défauts qui, considérés globalement, ont pris une grande importance.

 

[28]           J’ai examiné le dossier certifié, y compris la transcription de l’audience. J’ai passé en revue les contradictions et invraisemblances relevées par la SPR. La SPR est pleinement habilitée à apprécier la preuve et à dire si les témoignages sont vraisemblables ou non. Je crois que ce à quoi trouvent à redire les demanderesses, c’est le fait que la SPR a rejeté les explications qu’elles ont données lorsqu’elle a mis en doute leur preuve. J’arrive à la conclusion que la SPR pouvait fort bien, au vu de la preuve, rejeter ces explications. Elle a bien motivé sa conclusion en ce sens. Par conséquent, ce motif de contrôle doit être rejeté.

 

Troisième question : La SPR a-t-elle commis une erreur en laissant de côté la preuve qui allait à l’encontre de sa conclusion d’existence d’une protection de l’État au Mexique, et a-t-elle appliqué erronément le critère juridique?

 

[29]           Les demanderesses disent que la SPR a laissé de côté de la preuve et qu’elle est arrivée à une conclusion déraisonnable sur l’existence d’une protection de l’État.

 

[30]           Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, la Cour suprême écrivait que l’asile constitue une « mesure auxiliaire » de protection destinée uniquement aux cas où l’État d’origine n’offre pas sa protection. Le juge La Forest s’exprimait ainsi à la page 709 :

[...] Le droit international relatif aux réfugiés a été établi afin de suppléer à la protection qu’on s’attend à ce que l’État fournisse à ses ressortissants.  Il ne devait s’appliquer que si la protection ne pouvait pas être fournie, et même alors, dans certains cas seulement.  La communauté internationale voulait que les personnes persécutées soient tenues de s’adresser à leur État d’origine pour obtenir sa protection avant que la responsabilité d’autres États ne soit engagée. [...]

 

La Cour suprême écrivait aussi que, sauf effondrement complet de l’appareil étatique, il faut en général présumer qu’un État est en mesure de protéger ses citoyens.

 

[31]           La présomption d’existence d’une protection de l’État peut être réfutée, mais elle ne peut l’être que lorsque le demandeur d’asile produit une preuve « claire et convaincante » confirmant que l’État est incapable de lui offrir une protection. Il pourra s’agir, par exemple, du témoignage de personnes qui sont dans une situation semblable à la sienne et que les dispositions prises par l’État pour les protéger n’ont pas aidées, ou ce pourra être son propre témoignage au sujet d’incidents personnels antérieurs au cours desquels la protection de l’État ne s’est pas concrétisée : arrêt Ward, précité, pages 724 et 725. Un demandeur d’asile doit faire des « efforts raisonnables » pour obtenir la protection de l’État, et son obligation de prouver l’incapacité de l’État à le protéger sera plus élevée si l’État en cause est démocratique : arrêt Kadenko c. Canada (Solliciteur général) (1996), 206 N.R. 272 (C.A.F.), au paragraphe 5.

 

[32]           La Cour d’appel fédérale a récemment explicité la présomption d’existence d’une protection de l’État, dans l’arrêt Carrillo c. Canada (MCI), 2008 CAF 94, 69 Imm. L.R. (3d) 309, rendu par le juge Létourneau. Elle a jugé, aux paragraphes 33 à 35, que, au vu des faits qui lui avaient été soumis, la SPR était fondée à apprécier comme elle l’avait fait la protection de l’État au Mexique :

¶33      La Commission a conclu que l’intimée n’avait pas déployé d’efforts soutenus pour obtenir la protection de l’État. Pendant quatre années de prétendus mauvais traitements, elle n’avait eu recours à la police qu’une seule fois […]

 

¶34      En outre, la Commission a conclu, sur le fondement de la preuve produite devant elle, que l’intimée n’avait pas fait d’efforts additionnels pour obtenir la protection des autorités lorsqu’il se fut avéré, selon ses dires, que la police locale ne lui offrirait pas la protection qu’elle recherchait. Elle aurait pu alors s’adresser à la Commission nationale ou d’État des droits de la personne, au Secrétariat de l’administration publique, au Programme contre l’impunité ou à la Direction de l’assistance du Contrôleur général, ou encore recourir à la procédure de plainte offerte par le Bureau du procureur général de la République […]

 

 

 

[33]           La mère demanderesse, dans la présente affaire, ne s’est pas adressée à la police mexicaine au cours des cinq années de sa vie commune avec M. Chavez. Elle n’a pas non plus tiré parti de la protection supérieure de l’État au Canada, après son arrivée ici avec ses filles. La SPR pouvait fort bien dire que les raisons qu’elle avait de ne pas chercher à obtenir la protection de l’État au Canada ne cadraient pas avec les raisons qu’elle avait eues de ne pas obtenir la protection de l’État au Mexique.

 

[34]           En l’espèce, la SPR a reconnu, au paragraphe 59 de sa décision, que les mesures prises au Mexique pour lutter contre la violence sexiste ne sont pas parfaites, mais elle a jugé, aux paragraphes 61 et 62, que, si la demanderesse n’avait pu réfuter la présomption d’existence d’une protection de l’État, c’était parce qu’elle avait une répugnance subjective à engager l’État et qu’elle n’avait pas une crainte fondée de persécution :

 

61      […] [la demandeure d’asile] n’a pas présenté des éléments de preuve clairs et convaincants établissant que les services policiers en l’espèce ne sont pas en mesure d’assurer sur demande la protection adéquate en cas de violence familiale ou de menaces proférées à son endroit par les ennemis de M, Chavez. Un demandeur d'asile ne peut pas réfuter la présomption de la protection de l'État dans un pays où la démocratie fonctionne en affirmant simplement qu'il a une réticence subjective à solliciter cette protection

 

62      Le tribunal estime que la demandeure d’asile n’a fait aucun effort pour solliciter la protection de l’État au Mexique et que cela provient du fait que sa crainte n’était pas fondée.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

La SPR a jugé aussi que la répugnance subjective de la mère demanderesse à tirer parti de la protection de l’État s’étendait au Canada, mais pour d’autres raisons, dont aucune n’était satisfaisante.

 

[35]           La SPR ne s’est peut-être pas référée à des documents précis, mais il est clair, à la lecture de ses motifs, qu’elle a lu et pris en compte les observations écrites des demanderesses, ainsi que les références documentaires qu’elles avaient citées. Il est clair également que la SPR a décidé de rejeter leurs arguments. Elle pouvait fort bien dire, se fondant sur les faits, que la présomption d’existence d’une protection de l’État n’avait pas été réfutée. Ce motif de contrôle doit donc être rejeté.

 

Quatrième question :             Au vu de l’ensemble des circonstances, la décision de la SPR était-elle déraisonnable?

 

[36]           Compte tenu des motifs exposés sur les trois premières questions, la Cour arrive à la conclusion qu’il était loisible à la SPR de conclure que les demanderesses n’étaient pas des réfugiées au sens de la Convention ni des personnes à protéger, et de rejeter leur demande d’asile. La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

 

AUCUNE QUESTION À CERTIFIER

[37]           Les deux parties ont informé la Cour que la présente affaire ne soulevait aucune question grave de portée générale devant être certifiée en vue d’un appel. La Cour partage leur avis.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5-10

 

INTITULÉ :                                       Jazmin Alejandra Correa Juarez et AUTRES. c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 25 août 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 10 septembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Shannon Black

 

POUR LES DEMANDERESSES

David Joseph

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

M. Shannon Black

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 



[1]           Pièce R/A-1, point 5.13, Human Rights Watch, mars 2006, « Chapter III –Impunity for Sexual and Domestic Violence » [chapitre III – impunité dans les cas de violence sexuelle et familiale] paragr. 4.

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