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Date : 20100908

Dossier : T-2072-09

Référence : 2010 CF 881

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 septembre 2010

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

DANS L’AFFAIRE du Code canadien du travail,

L.R.C. 1985, ch. L-2 tel que modifié, partie III (normes du travail)

 

 

ENTRE :

RUSSELL REITER

plaignant

et

 

MASKWACIS HEALTH SERVICES

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une requête présentée par la Première Nation de Samson, la Première Nation de Montana, la Première Nation Ermineskin et la Première Nation Louis Bull, lesquelles exercent des activités sous le nom de Maskwacis Health Services (MHS), afin d’obtenir une ordonnance :

            1.         annulant l’ordonnance de saisie‑arrêt rendue ex parte par un protonotaire en date du 22 janvier 2010, qui visait toutes les sommes payables actuellement et dans l’avenir par la Peace Hills Trust Company (la Peace Hills) à MHS, aux fins de l’exécution d’un jugement obtenu par Russell Reiter à l’encontre de MHS dans l’instance;

            2.         déclarant que toutes les sommes payables actuellement et dans l’avenir par la Peace Hills à MHS sont insaisissables;

            3.         ordonnant que toutes les sommes payées à la Cour en application de l’ordonnance de saisie‑arrêt, y compris les intérêts courus, soient remises au débiteur judiciaire, MHS;

            4.         adjugeant les dépens à la Première Nation de Samson, à la Première Nation de Montana, à la Première Nation Ermineskin et à la Première Nation Louis Bull, lesquelles exercent des activités sous le nom de MHS.

 

[2]               Mme Molgat a assisté à l’audition de la requête par voie de téléconférence.

 

[3]               MHS fournit des services de santé aux quatre bandes mentionnées au paragraphe 1. Les quatre bandes composent les réserves de Hobbema et de Pigeon Lake.

 

[4]               La preuve révèle que MHS n’est pas une entité ou une société constituée en personne morale. En 1982, les quatre bandes ont adopté une résolution prévoyant la fourniture de services de santé à leurs membres par l’entremise de MHS.

 

[5]               Les services de santé des quatre bandes sont financés par Sa Majesté la Reine du chef du Canada (Santé Canada) en vertu d’un accord de financement en matière de santé signé par les quatre bandes et Santé Canada. L’accord prévoit que les fonds sont versés directement à MHS, qui s’en sert ensuite pour fournir des programmes et des services de santé aux membres des quatre bandes.

 

[6]               MHS possède un certain nombre de comptes à la succursale de la Peace Hills de Hobbema, laquelle est située dans une réserve. Tous les fonds versés dans ces comptes en vertu de l’accord de financement servent à la fourniture de programmes et de services de santé aux membres des quatre bandes.

 

[7]               Les parties s’entendent sur le fait que les fonds en cause étaient situés dans une réserve.

 

La question en litige

 

[8]               Les fonds versés chaque mois par Santé Canada dans les comptes que MHS possède à la Peace Hills sont‑ils insaisissables parce qu’ils sont situés dans une réserve selon l’article 89 de la Loi sur les Indiens, L.R., ch. I‑6 (la Loi), ou qu’ils sont réputés être situés dans une réserve selon l’alinéa 90(1)b) de la Loi?

 

Analyse et décision

 

[9]               L’article 89 de la Loi est libellé ainsi :

89.(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, les biens d’un Indien ou d’une bande situés sur une réserve ne peuvent pas faire l’objet d’un privilège, d’un nantissement, d’une hypothèque, d’une opposition, d’une réquisition, d’une saisie ou d’une exécution en faveur ou à la demande d’une personne autre qu’un Indien ou une bande.

 

(1.1) Par dérogation au paragraphe (1), les droits découlant d’un bail sur une terre désignée peuvent faire l’objet d’un privilège, d’un nantissement, d’une hypothèque, d’une opposition, d’une réquisition, d’une saisie ou d’une exécution.

 

(2) Une personne, qui vend à une bande ou à un membre d’une bande un bien meuble en vertu d’une entente selon laquelle le droit de propriété ou le droit de possession demeure acquis en tout ou en partie au vendeur, peut exercer ses droits aux termes de l’entente, même si le bien meuble est situé sur une réserve.

89.(1) Subject to this Act, the real and personal property of an Indian or a band situated on a reserve is not subject to charge, pledge, mortgage, attachment, levy, seizure, distress or execution in favour or at the instance of any person other than an Indian or a band.

 

 

 

 

(1.1) Notwithstanding subsection (1), a leasehold interest in designated lands is subject to charge, pledge, mortgage, attachment, levy, seizure, distress and execution.

 

 

 

 

(2) A person who sells to a band or a member of a band a chattel under an agreement whereby the right of property or right of possession thereto remains wholly or in part in the seller may exercise his rights under the agreement notwithstanding that the chattel is situated on a reserve.

 

 

 

[10]           Le défendeur (le demandeur) soutient que les comptes sont insaisissables en raison de l’article 89 et de l’alinéa 90(1)b) de la Loi, car MHS n’est pas une entité juridique distincte des quatre bandes qu’il représente.

 

[11]           Le plaignant (le défendeur), Russell Reiter, a soutenu que son employeur était en fait MHS, lequel est contrôlé par un conseil d’administration et non par l’une ou l’autre des quatre bandes. Il a soutenu également que ni MHS ni son conseil d’administration n’était une bande ou un Indien au sens de la Loi. En conséquence, les fonds déposés pour MHS ne sont pas insaisissables en vertu de l’article 89 ou 90 de la Loi.

 

[12]           Le plaignant (le défendeur) faisait aussi valoir que, comme l’arbitre a conclu qu’il était employé par MHS, l’affaire est réglée et les quatre bandes ne peuvent pas prétendre qu’elles étaient son employeur ni que la Peace Hills leur devait les fonds en question. Il a ajouté que la préclusion pour même question en litige s’applique par suite de la conclusion de l’arbitre.

 

[13]           La saisie‑arrêt du compte est régie par l’article 449 des Règles des Cours fédérales, DORS/2004‑283, art. 2 :

449.(1) Sous réserve des règles 452 et 456, la Cour peut, sur requête ex parte du créancier judiciaire, ordonner :

 

a) que toutes les créances suivantes du débiteur judiciaire dont un tiers lui est redevable soient saisies-arrêtées pour le paiement de la dette constatée par le jugement :

 

(i) les créances échues ou à échoir dont est redevable un tiers se trouvant au Canada,

 

(ii) les créances échues ou à échoir dont est redevable un tiers ne se trouvant pas au Canada et à l’égard desquelles le débiteur judiciaire pourrait intenter une poursuite au Canada;

 

 

 

b) que le tiers se présente, aux date, heure et lieu précisés, pour faire valoir les raisons pour lesquelles il ne devrait pas payer au créancier judiciaire la dette dont il est redevable au débiteur judiciaire ou la partie de celle-ci requise pour l’exécution du jugement.

 

(2) L’ordonnance rendue en vertu du paragraphe (1) est signifiée, au moins sept jours avant la date fixée pour la comparution du tiers saisi :

 

a) au tiers saisi, par signification à personne;

 

b) au débiteur judiciaire, sauf directives contraires de la Cour.

 

 

(3) Sous réserve de la règle 452, l’ordonnance rendue en vertu du paragraphe (1) grève les créances saisies-arrêtées à compter du moment de sa signification.

449.(1) Subject to rules 452 and 456, on the ex parte motion of a judgment creditor, the Court may order

 

(a) that

 

 

 

 

 

 

(i) a debt owing or accruing from a person in Canada to a judgment debtor, or

 

(ii) a debt owing or accruing from a person outside Canada to a judgment debtor, where the debt is one for which the person might be sued in Canada by the judgment debtor,

 

be attached to answer the judgment debt; and

 

(b) that the person attend, at a specified time and place, to show cause why the person should not pay to the judgment creditor the debt or any lesser amount sufficient to satisfy the judgment.

 

 

 

(2) An order to show cause made under subsection (1) shall be served, at least seven days before the time appointed for showing cause,

 

(a) on the garnishee personally; and

 

(b) unless the Court directs otherwise, on the judgment debtor.

 

(3) Subject to rule 452, an order under subsection (1) binds the debts attached as of the time of service of the order.

 

 

 

 

[14]           Si l’on considère que les fonds sont payables aux bandes, ils constituent des biens meubles appartenant aux bandes qui sont insaisissables en vertu du paragraphe 89(1) de la Loi. Par contre, si l’on considère qu’ils appartiennent à MHS, l’ordonnance de saisie‑arrêt peut être maintenue.

 

[15]           J’ai examiné la preuve et les arguments qui m’ont été présentés et je suis arrivé à la conclusion que les fonds contenus dans le compte appartiennent aux bandes et ne peuvent pas être saisis.

 

[16]           MHS a été créé par les quatre bandes pour administrer les sommes versées par Santé Canada en vertu de l’accord de financement afin de fournir des services et des programmes de santé aux quatre bandes. Celles‑ci ont signé l’accord de financement et MHS est appelé [traduction] « Première Nation » sur la page titre de l’accord.

 

[17]           Je ne dispose d’aucune preuve montrant que MHS est une société commerciale ou une société de personnes. Il ressort de la preuve qu’il peut s’agir d’une association non constituée en personne morale.

 

[18]           Je ne dispose non plus d’aucune preuve indiquant que d’autres personnes ou groupes que les quatre bandes ont le droit d’utiliser les fonds à d’autres fins que la fourniture de services de santé aux membres des quatre bandes.

 

[19]           La preuve permet de conclure que les fonds ont été versés aux quatre bandes, qui ont utilisé MHS pour recevoir les fonds et planifier et fournir les services de santé pour leur compte.

 

[20]           L’affaire dont la Cour est saisie est différente de Choken c. Bande indienne de Lake St. Martin, 2004 CAF 248, où le ministère versait les fonds à un séquestre‑administrateur. Dans Kostyshyn (Johnson) c. West Region Tribal Council Inc., [1994] 1 C.N.L.R. 94, on a considéré que le détenteur des fonds était une personne morale, non un Indien ou une bande au sens de la Loi.

 

[21]           Compte tenu de la preuve, je dois conclure que les fonds contenus dans le compte à la Peace Hills appartiennent en définitive aux quatre bandes.

 

[22]           En conséquence, les fonds sont insaisissables en vertu du paragraphe 89(1) de la Loi. Comme il s’agit de biens meubles appartenant aux quatre bandes, l’ordonnance de saisie‑arrêt prononcée par le protonotaire doit être annulée.

 

[23]           Il s’ensuit que la requête du défendeur (le demandeur) doit être accueillie en partie, et l’ordonnance de saisie‑arrêt est annulée, les dépens relatifs à la présente requête étant accordés au défendeur (le demandeur).

 


 

ORDONNANCE

 

[24]           LA COUR ORDONNE:

            1.         L’ordonnance de saisie‑arrêt rendue ex parte par un protonotaire en date du 22 janvier 2010, qui visait toutes les sommes payables actuellement et dans l’avenir par la Peace Hills Trust Company (la Peace Hills) à MHS, aux fins de l’exécution d’un jugement obtenu par Russell Reiter à l’encontre de MHS dans l’instance, est annulée.

            2.         Il est déclaré que toutes les sommes payables actuellement et dans l’avenir par la Peace Hills à MHS sont insaisissables.

            3.         Il est ordonné que toutes les sommes payées à la Cour en application de l’ordonnance de saisie‑arrêt, y compris les intérêts courus, soient remises au débiteur judiciaire, MHS.

            4.         Les dépens sont adjugés à la Première Nation de Samson, à la Première Nation de Montana, à la Première Nation Ermineskin et à la Première Nation Louis Bull, lesquelles exercent des activités sous le nom de MHS.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-2072-09

 

INTITULÉ :                                      RUSSELL REITER c.

                                                            MASKWACIS HEALTH SERVICES

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 8 mars 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      Le juge O’Keefe

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 8 septembre 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

J. A. Clifford Kemp

 

POUR LE PLAIGNANT

(LE DÉFENDEUR)

Kelsey Becker Brookes

 

Sylvie Molgat

 

POUR LE DÉFENDEUR

(LE DEMANDEUR)

PAR TÉLÉCONFÉRENCE

POUR LA PREMIÈRE NATION

 LOUIS BULL

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

J. A. Clifford Kemp Professional Corporation

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE PLAIGNANT

(LE DÉFENDEUR)

Reynolds Mirth Richards & Farmer s.r.l.

Edmonton (Alberta)

 

Dubuc Osland

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

(LE DEMANDEUR)

 

 

POUR LA PREMIÈRE NATION

 LOUIS BULL

 

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