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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100909

Dossier : IMM-6591-09

Référence : 2010 CF 887

Ottawa (Ontario), le 9 septembre 2010

En présence de monsieur le juge Kelen

 

 

ENTRE :

 

LAXMI CHAPAGAIN

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse voudrait faire annuler la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR), datée du 8 décembre 2009, qui lui a refusé, parce que sa demande d’asile n’était pas crédible et qu’elle pouvait obtenir une protection de l’État, la qualité de réfugié au sens de la Convention et la qualité de personne à protéger, en application des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). La demanderesse soutient que, outre que les conclusions de la SPR sont erronées, la SPR ne lui a pas accordé une audience équitable, d’autant que la demanderesse était désignée « personne vulnérable ».

 

LES FAITS

Le contexte

[2]               La demanderesse est une Népalaise âgée de 28 ans. Elle est arrivée au Canada le 2 juillet 2007 et a demandé l’asile le 5 juillet 2007.

 

[3]               La demanderesse est une femme instruite, titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise de l’Université de Tribhuwan, au Népal. En 2002, elle a accepté un poste d’agent de programme auprès du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (l’UNIFEM). Au début, son travail consistait en des tâches administratives. Puis elle s’est vu confier la planification et l’exécution d’activités de consolidation de la paix pour les femmes népalaises. Le 17 août 2006, des étudiants de l’université où elle faisait ses études de maîtrise l’ont invitée à se joindre à un groupe de mouvance maoïste, l’All Nepal National Independent Students Union (l’ANNISU). Les pressions, bien que mesurées, ont persisté, mais la demanderesse a toujours refusé d’adhérer au mouvement. En septembre 2006, les tâches de la demanderesse à l’UNIFEM ont été reclassées pour comprendre dorénavant la planification et l’exécution d’activités de consolidation de la paix. Le 27 septembre 2006, la demanderesse a reçu un appel téléphonique d’un membre de l’ANNISU qui disait déplorer le poste et les fonctions dont elle était maintenant titulaire à l’UNIFEM et son refus de se joindre à l’ANNISU. En novembre 2006, un traité de paix assorti d’un partage du pouvoir a été signé entre les rebelles maoïstes et le gouvernement. Le traité de paix mettait fin à la violence des rebelles maoïstes, mais des groupes de mouvance maoïste tels que la Young Communist League (l’YCL) ont continué de harceler la population. Le 28 décembre 2006, la demanderesse s’est trouvée devant cinq membres de l’YCL qui l’ont priée de leur remettre 1 million de roupies dans un délai d’une semaine vu qu’elle gagnait un salaire élevé. Ils lui ont volé la somme de 5 000 roupies qu’elle avait dans son sac à main, avant de la relâcher. La demanderesse était trop effrayée pour songer à signaler l’incident. Elle a reçu un total de 10 appels téléphoniques menaçants avant de s’enfuir au Canada le 1er juillet 2007.

 

La désignation de personne vulnérable

[4]               La demanderesse a été désignée par la SPR « personne vulnérable » en vertu des Directives de la SPR sur les procédures concernant les personnes vulnérables qui comparaissent devant la CISR. Cette désignation résultait d’une requête du conseil de la demanderesse qui avait montré qu’elle avait été gravement malade puis hospitalisée à cause d’une dépression et de tendances suicidaires. La SPR a reconnu ce fait à l’audience, et le conseil de la demanderesse fut invité à inverser l’ordre des interrogatoires afin qu’il puisse l’orienter avant que l’agent de protection des réfugiés commence son interrogatoire. Le conseil de la demanderesse a décliné l’offre.

 

La décision faisant l’objet du contrôle

[5]               Le 8 décembre 2009, la SPR a rejeté la demande d’asile, parce qu’elle la trouvait non crédible et parce qu’il était possible d’obtenir une protection de l’État au Népal.

 

[6]               La SPR n’a pas cru que la demanderesse constituait pour les maoïstes une personne d’intérêt, et cela, pour les raisons suivantes :

1.      l’affirmation selon laquelle elle figurait sur la liste des cibles des maoïstes avait été faite pour la première fois au cours de l’audience, mais elle n’apparaissait pas dans le Formulaire de renseignements personnels ni dans l’entrevue d’immigration, et cette divergence n’était pas expliquée;

2.      il était raisonnable de penser que les maoïstes auraient cherché à nuire à la demanderesse au cours des deux années où elle figurait sur leur liste de cibles, mais elle n’avait jamais été inquiétée ni blessée;

3.      la lettre du 27 décembre 2007 des maoïstes qui menaçait la demanderesse de « violences physiques » si elle ne faisait pas un don et si elle ne joignait pas le Parti communiste népalais était intéressée et manquait de crédibilité;

4.      la demanderesse craignait que la police ne révèle l’existence de la lettre ainsi que son nom aux médias si elle déposait une plainte, mais cette crainte n’avait pas été étayée;

5.      la demanderesse n’avait pu expliquer en quoi consistait son emploi à l’UNIFEM.

 

[7]               La SPR a estimé qu’une protection pouvait être obtenue de l’État au Népal. Selon elle, les documents résumant les conditions ayant cours dans le pays ne montraient pas que la police révélait les plaintes aux médias de telle sorte qu’il soit alors possible aux maoïstes d’exercer des représailles. La SPR écrivait, au paragraphe 20 de sa décision, que, selon les documents actuels sur les conditions ayant cours dans le pays, le Népal est plus sûr qu’il ne l’était à l’époque où la demanderesse aurait été inquiétée par les maoïstes :

20      Il existe divers éléments d’information en ce qui a trait à la situation au Népal. Comme il en est fait mention dans le FRP de la demandeure d’asile, il y a eu un cessez-le-feu au Népal en avril 2006 et un accord de paix global a été signé le 21 novembre de la même année. En juillet 2007, au moment où la demandeure d’asile a quitté le Népal, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a estimé que la situation générale s’était améliorée de façon significative au Népal, bien qu’il subsistait des préoccupations concernant les tensions dans la région du Terai et certaines formes d’extorsion de la part des maoïstes. Des rapports datant de la fin de l’année 2007 indiquent que la situation des droits de la personne a empiré et que le Népal court le risque de retomber dans un nouveau conflit. Lors de l’élection d’une assemblée constituante le 10 avril 2008, le Parti communiste du Népal (maoïste) (PCN-M) a remporté 220 des 575 sièges, soit deux fois plus que le Parti du congrès népalais (NCP). Le Parti marxiste-léniniste unifié (MLU) a remporté 103 sièges. Le PCN-M dirige un gouvernement de coalition au Népal. Des articles de journaux ont fait état du meurtre d’un riche homme d’affaires et du tabassage d’enseignants par des agresseurs maoïstes. Mon examen de la preuve documentaire me convainc que, selon la prépondérance des probabilités, l’extorsion et le recrutement forcé ont diminué considérablement depuis que la demandeure d’asile a quitté le Népal en juillet 2007. J’estime que celle-ci n’est pas dans la même situation que les personnes dont il est question dans les articles de journaux.

 

[Renvois omis.]

 

[8]               La SPR a jugé, subsidiairement, que le risque appréhendé par la demanderesse, celui d’être recrutée de force par les maoïstes ou d’être harcelée par eux, était un risque que devait affronter la population népalaise en général. La demande d’asile a donc été rejetée.

 

LES DISPOSITIONS APPLICABLES

[9]               L’article 96 de la LIPR confère la protection aux réfugiés au sens de la Convention :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

 

[10]           L’article 97 de la LIPR confère la protection à certaines catégories de personnes :

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[11]           La demanderesse soulève les questions suivantes :

a)      La SPR a-t-elle commis une erreur de droit en tirant des conclusions quant à la crédibilité qui étaient vagues et qui reposaient principalement sur des considérations déraisonnables et non pertinentes?

 

b)      La SPR a-t-elle manqué aux principes de justice naturelle en ne tenant pas compte du rapport psychologique faisant état d’un trouble de stress post-traumatique et de la manière dont ce trouble pouvait altérer le témoignage de la demanderesse?

 

c)      La SPR a-t-elle commis une erreur en laissant de côté d’autres éléments de preuve documentaire confirmant le récit de la demanderesse, sur le fondement d’une conclusion défavorable générale quant à la crédibilité?

 

d)      La SPR a-t-elle manqué aux principes de justice naturelle en ne tenant pas compte des objections répétées du conseil de la demanderesse selon lesquelles celle-ci avait du mal à comprendre les questions à cause de la mauvaise qualité de l’interprétation, et en refusant d’accéder à la demande du conseil, qui souhaitait que la demanderesse puisse répondre aux questions du commissaire en anglais sans l’aide d’un interprète?

 

e)      La SPR a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la totalité de la preuve qui faisait état de « personnes qui sont dans une situation semblable » et qui avait été produite au soutien de la demande d’asile, et en particulier en laissant de côté certains éléments de preuve qui contredisaient directement la conclusion de l’agent selon laquelle une protection pouvait être obtenue de l’État?

 

f)        La SPR a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’analyser la preuve relative au « pays de référence »?

 

[12]           La Cour a reformulé ainsi les questions susmentionnées :

a)      La SPR a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale envers la demanderesse?

b)      La SPR était-elle habilitée à dire que la demanderesse n’était pas crédible?

c)      La SPR était-elle habilitée à dire que la demanderesse pouvait obtenir une protection de l’État?

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[13]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, 372 N.R. 1, la Cour suprême du Canada écrivait au paragraphe 62 que la première étape d’une analyse relative à la norme de contrôle consiste à « vérifie[r] si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier » : voir aussi l’arrêt Khosa c. Canada (MCI), 2009 CSC 12, le juge Binnie, au paragraphe 53.

 

[14]           Les questions intéressant la crédibilité, la protection de l’État et la possibilité de refuge intérieur sont des questions de fait et des questions mixtes de droit et de fait. Il est clair que, en conséquence des arrêts Dunsmuir et Khosa, ces questions doivent être contrôlées d’après la norme de la décision raisonnable. La jurisprudence récente a confirmé que la norme de contrôle applicable à la question de savoir si un demandeur d’asile dispose d’une PRI valable est la décision raisonnable : Mejia c. Canada (MCI), 2009 CF 354, le juge Russell, au paragraphe 29; Syvyryn c. Canada (MCI), 2009 CF 1027, 84 Imm. L.R. (3d) 316, la juge Snider, au paragraphe 3; et la décision du soussigné, Perea c. Canada (MCI), 2009 CF 1173, au paragraphe 23. La question de savoir si le droit de la demanderesse à une audience équitable et à la justice naturelle a été compromis par une mauvaise interprétation est une question d’équité procédurale, qui doit être contrôlée d’après la norme de la décision correcte : Sherpa c. Canada (MCI), 2009 CF 267, 344 FTR 30, le juge Russell, aux paragraphes 20 à 22.

 

[15]           Procédant à l’examen de la décision de la SPR d’après la norme de la décision raisonnable, la Cour s’attachera « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; arrêt Khosa, précité, au paragraphe 59.

 

Question n° 1 :           La SPR a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale envers la demanderesse?

 

[16]           L’unique observation présentée par la demanderesse au cours de l’audience était qu’il avait été porté atteinte à son droit à une audience équitable, parce que le commissaire n’avait pas été suffisamment sensible à son statut de personne vulnérable aux termes des Directives de la présidente sur les procédures concernant les personnes vulnérables qui comparaissent devant la CISR. La demanderesse avait été désignée « personne vulnérable » avant l’audience, parce qu’elle avait été hospitalisée pour troubles psychiatriques et avait montré de fortes tendances suicidaires. Elle avait été hospitalisée à l’initiative de la police.

 

[17]           Au cours de l’audience de la SPR, la demanderesse était clairement apparue vulnérable et sensible. Elle s’était plainte de vertiges et avait informé le commissaire de la SPR qu’elle avait oublié de prendre ce jour-là son médicament contre le stress.

 

[18]           Il y avait à l’audience un interprète népalais. Durant l’audience, la demanderesse avait répondu à certaines questions en anglais. Son conseil avait expliqué qu’elle préférait répondre en anglais aux questions portant sur sa description de poste, parce que c’était l’anglais qui était employé pour décrire le travail qu’elle faisait au Népal pour les Nations Unies. Par exemple, à la page 24 de la transcription, on trouve ce qui suit :

[traduction]

 

LE CONSEIL DE LA DEMANDEURE D’ASILE : Excusez-moi. Pouvez-vous, avec vos propres mots, si cela est possible, expliquer en anglais en quoi consistait votre travail, pour que nous comprenions?

 

Le commissaire de la SPR lance alors :

 

[traduction]

 

LE COMMISSAIRE : Vous ne voulez pas que la demandeure d’asile profite de l’interprète?

 

Le conseil de la demanderesse a répondu que c’était en anglais qu’elle pouvait le mieux expliquer ce en quoi consistait son travail :

[traduction]

 

LE CONSEIL DE LA DEMANDEURE D’ASILE : L’interprétation ne transmet sans doute pas la totalité de ce que j’avais à l’esprit. Donc, si cela est possible, il vaudrait mieux qu’elle réponde en anglais. Nous verrons si elle y parvient. Autrement, nous pourrons demander à l’interprète d’intervenir à nouveau.

 

 

Puis le commissaire dit : [traduction] « Mais c’est elle qui a choisi de s’exprimer en népalais, et non en anglais ». C’est alors que la demandeure d’asile a été prise de vertiges et a exprimé le besoin de se reposer.

 

[19]           Durant l’audience de la SPR, la demanderesse avait expliqué qu’elle s’occupait d’un plan d’action relatif au VIH/sida, et avait donné cette information en anglais. Le commissaire : [traduction] « Elle s’exprime en anglais… y a-t-il une raison pour laquelle nous sommes revenus à l’anglais pour les réponses à ces questions? » La demandeure d’asile : [traduction] « J’ai parfois de la difficulté ». Puis le commissaire à nouveau : [traduction] « Conseil, comme je l’ai dit, nous n’inversons pas l’ordre des interrogatoires ». « Et votre tour viendra de poser les questions qui, selon vous, doivent être éclaircies, ou les questions qui ne lui auront pas été posées ».

 

[20]           Le conseil de la demandeure d’asile déclare qu’il y a des lacunes dans la compréhension qu’a l’interprète des propos de sa cliente et que c’est la raison pour laquelle il vaut mieux qu’elle réponde en anglais.

 

[21]           Au cours de l’audience, le commissaire est contrarié. Il dit à la page 35 de la transcription :

[traduction]

 

LE COMMISSAIRE :  … Souhaitez-vous continuer à profiter de l’interprète népalais ou souhaitez-vous répondre en anglais? J’avais déjà fait savoir que je préférais que l’on continue avec l’interprète.

 

                        LA DEMANDEURE D’ASILE : Je suivrai l’avis du commissaire.

 

 

Le malentendu a persisté et le commissaire s’est montré totalement inflexible.

 

[22]           La Cour doit conclure, après lecture de la transcription tout entière, que le commissaire n’a pas été assez accommodant ni sensible à la vulnérabilité de la demanderesse. L’avocat de la demanderesse a fait état de l’hostilité et de l’inflexibilité du commissaire. La Cour croit que le commissaire aurait dû se montrer souple et favoriser, durant l’audience, une atmosphère plus aimable et plus accommodante. Il n’était pas nécessaire pour lui d’être aussi rigide en ne laissant pas la demanderesse répondre aux questions tantôt en népalais, tantôt en anglais, surtout si la question concernait sa description de poste, qu’elle trouvait plus commode d’exposer en anglais. La demanderesse avait souhaité au départ témoigner en népalais et bénéficier d’un interprète à l’audience, mais le commissaire n’aurait pas dû pour autant l’empêcher de répondre à certaines questions en partie en anglais pour lui permettre de mieux communiquer sa pensée. Comme l’a dit l’avocat de la demanderesse, il y a des mots qui n’existent pas en népalais et qui requièrent donc une réponse en anglais.

 

[23]           Je dois conclure que le commissaire n’a pas été suffisamment sensible et accommodant et qu’il aurait dû adapter les procédures de la SPR aux besoins particuliers de la demanderesse, une personne vulnérable. Il aurait dû laisser la demanderesse donner ses réponses en partie en anglais si cela lui était plus facile. Il aurait dû laisser la demanderesse inverser l’ordre des interrogatoires, puisqu’il était clair que son conseil trouvait opportun de poser les questions le premier, même si au départ il avait décliné l’offre. Le commissaire aurait dû se montrer plus aimable et avoir davantage à cœur de mettre la demanderesse à l’aise. Pour ces motifs, la demanderesse a droit à une nouvelle audience devant un autre commissaire de la SPR, et il ne sera pas nécessaire à la Cour d’examiner les points restants qui concernent la crédibilité de la demanderesse et la protection de l’État.

 

[24]           À la fin de l’audience, j’ai informé les parties que j’avais instruit un autre appel le matin même, où était contestée une décision du même commissaire. La plainte formulée dans cette affaire‑là était que le commissaire s’était montré dur et insensible envers le demandeur. Dans cette affaire‑là, numéro du greffe IMM-117-10, le demandeur n’était pas une personne vulnérable, mais j’observe que, dans les deux cas, le commissaire s’est comporté de la même façon.

 

[25]           Dans la présente affaire, l’audition du cas de la demanderesse a été accélérée, parce que la demanderesse était une personne vulnérable. Il importe que la SPR tienne rapidement aussi sa nouvelle audience sur le cas de la demanderesse et qu’elle conduise cette affaire à son terme. La demanderesse n’a pas nécessairement de moyens raisonnables à faire valoir à l’appui de sa demande d’asile. C’est ce qui sera décidé de façon appropriée si le nouveau commissaire se montre sensible à la vulnérabilité de la demanderesse au cours de l’audience qu’il tiendra.

 

AUCUNE QUESTION À CERTIFIER

[26]           Les deux parties ont informé la Cour que la présente affaire ne soulevait aucune question grave de portée générale susceptible d’être certifiée. La Cour partage leur avis.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la SPR datée du 8 décembre 2009 est annulée, et la demande d’asile est renvoyée à un autre commissaire de la SPR pour nouvelle décision selon une procédure accélérée.

 

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6591-09

 

INTITULÉ :                                       Laxmi Chapagain c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 24 août 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 9 septembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Atul Subedi

 

POUR LA DEMANDERESSE

Neeta Logsetty

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Atul Subedi

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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