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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100907

Dossier : T-1732-09

Référence : 2010 CF 877

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 septembre 2010

En présence de monsieur le juge Near

 

 

Entre :

ANGELIKI PANOPOULOS

demanderesse

et

 

Le procureur général du Canada

défendeur

 

Motifs du jugement et jugement

 

[1]               Il s’agit d’une demande sollicitant le contrôle judiciaire d’une décision du ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences du Canada (le ministre), datée du 23 septembre 2009, dans laquelle le ministre a refusé de réviser une décision antérieure parce que la demande de révision a été présentée après le délai de 90 jours prévu par le Régime de pensions du Canada, L.R., 1985, ch. C‑8 (le Régime) pour de telles demandes.

 

[2]               Pour les motifs énoncés ci-après, la demande est rejetée.

 

I.          Le contexte

 

[3]               La demanderesse a été blessée dans deux accidents de voiture, en 1996 et en 2000. À la suite de ces accidents, la demanderesse a subi des blessures physiques et psychologiques et a été traitée à la fois par des médecins et des psychiatres. Après l’accident survenu en 2000, la demanderesse a présenté sans succès une demande de prestations d’invalidité. La demanderesse a présenté une demande de prestations de retraite en vertu du Régime et a commencé à recevoir des prestations en novembre 2006.

 

[4]               En septembre 2008, la demanderesse a présenté une demande sollicitant la conversion de ses prestations de retraite en prestations d’invalidité. Cette demande a été rejetée dans une lettre datée du 20 octobre 2008. Le motif du rejet était qu’une personne ne peut pas présenter une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada 15 mois ou plus après avoir reçu une pension de retraite du Régime de pensions du Canada et que la demanderesse était hors du délai de 15 mois. À la suite de ce qui précède, la lettre déclarait ce qui suit (en gras dans l’original) :

                        [traduction]

Si vous n’êtes pas d’accord avec la décision

 

Vous pouvez nous demander de revoir cette décision, si vous nous envoyez un avis écrit à cette fin dans les 90 jours. La période de 90 jours commence à courir à la date à laquelle vous recevez la présente lettre.

 

Si vous avez des questions

 

Si vous avez des questions, vous pouvez nous téléphoner sans frais depuis le Canada ou les États-Unis. Vous pouvez également nous écrire. L’adresse et les numéros de téléphone sont indiqués plus bas.

 

[5]               La lettre était accompagnée d’un dépliant intitulé « Programme de prestations d’invalidité - Comment demander au Régime de pensions du Canada (RPC) de revoir sa décision ».

 

[6]               Le 29 juillet 2009, la demanderesse a retenu les services d’un avocat qui a alors demandé une révision de la décision du 20 octobre 2008. Dans sa demande, l’avocat de la demanderesse a écrit ce qui suit :

[traduction]

Veuillez prendre note que la personne mentionnée ci-dessus vient tout juste de retenir les services du soussigné.

 

Mme Panopoulos a informé le soussigné qu’une décision a été rendue le 20 octobre 2008, rejetant sa demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

 

Nous reconnaissons pleinement que nous sommes hors du délai de 90 jours prévu par ladite décision. Malgré cela, nous transmettons cette lettre pour demander si une révision serait possible à ce moment-ci.

 

[7]               Le 23 septembre 2009, la demanderesse a été informée par lettre que sa demande de révision n’était pas acceptée puisque la date à laquelle la demande a été reçue se situait en dehors du délai prescrit de 90 jours. La lettre déclare également que si la demanderesse souhaite faire l’objet d’un examen en vue de recevoir des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada dans l’avenir, elle devra remplir une nouvelle demande.

 

II.         Le cadre législatif

 

[8]               Le pouvoir discrétionnaire du ministre d’accorder une prorogation de délai est énoncé au paragraphe 81(1) du Régime. En vertu de cette disposition, un requérant qui n’est pas satisfait de la décision initiale du ministre dispose d’un délai de 90 jours à compter de la date à laquelle il reçoit avis de la décision pour demander une révision au ministre. Le ministre peut autoriser un délai plus long pour présenter une demande de révision. La partie pertinente du paragraphe 81(1) est rédigée comme suit :

Appel au ministre

 

81. (1) Dans les cas où :

 

[…]

 

ceux-ci peuvent, ou, sous réserve des règlements, quiconque de leur part, peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où ils sont, de la manière prescrite, avisés de la décision ou de l’arrêt, ou dans tel délai plus long qu’autorise le ministre avant ou après l’expiration de ces quatre-vingt-dix jours, demander par écrit à celui-ci, selon les modalités prescrites, de réviser la décision ou l’arrêt.

 

Appeal to Minister

 

81. (1) Where

 

[…]

 

the dissatisfied party or, subject to the regulations, any person on behalf thereof may, within ninety days after the day on which the dissatisfied party was notified in the prescribed manner of the decision or determination, or within such longer period as the Minister may either before or after the expiration of those ninety days allow, make a request to the Minister in the prescribed form and manner for a reconsideration of that decision or determination.

 

III.       Les questions en litige

 

[9]               La demanderesse déclare que le défendeur a commis une erreur en ne lui accordant pas la révision et qu’il a violé les règles de justice naturelle.

 

IV.       La norme de contrôle

 

[10]           La question en litige dans la présente affaire est une question mixte de fait et de droit et sera examinée selon la norme de la raisonnabilité (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339). J’en arrive à cette conclusion après avoir examiné les éléments suivants : les décisions concernant les prorogations de délai sont définitives et exécutoires, sous réserve d’un contrôle judiciaire; le régime législatif prévoit que la capacité du ministre d’accorder une prorogation de délai est discrétionnaire; la présente question en litige est, principalement, une question mixte de fait et de droit; il a été établi qu’une disposition semblable de l’article 82 du Régime était susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir Canada (Procureur général) c. Schneider, 2008 CF 764, [2008] A.C.F. no 1176, et Canada (Procureur général) c. Blondahl, [2009] A.C.F. no 178, 2009 CF 118).

 

[11]           Comme l’énoncent les arrêts Dunsmuir et Khosa, le caractère raisonnable doit tenir à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[12]           Tout manquement à la justice naturelle est examiné selon la norme de la décision correcte.

 

V.        Discussion

 

A.        La décision

 

[13]           La demanderesse allègue que le défendeur a commis une erreur en ne révisant pas la décision initiale datée du 20 octobre 2008. La demanderesse déclare que si elle avait connu la disposition selon laquelle elle pouvait présenter une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada si elle était atteinte d’une invalidité avant sa demande de prestations de retraite, elle aurait retenu les services d’un avocat pour présenter une demande concernant la décision du 20 octobre 2008 et demandé à l’avocat de demander une révision de cette décision.

 

[14]           En conséquence, elle déclare que le 20 octobre 2008, Ressources humaines et Développement des compétences Canada aurait dû l’informer qu’elle pouvait encore présenter une demande de prestations d’invalidité au motif qu’elle était atteinte d’une invalidité avant sa demande de prestations de retraite.

 

[15]           Toutefois, la décision en cause en l’espèce est le refus de proroger le délai de 90 jours au cours duquel la demanderesse aurait pu présenter une demande de révision. Le motif du refus était que la demande de révision se situait, selon l’aveu de la demanderesse, en dehors du délai de 90 jours. La demanderesse a été expressément informée de ce délai de 90 jours dans la lettre du 20 octobre 2008.

 

[16]           La décision était raisonnable.

 

B.                 Justice naturelle

 

[17]           La demanderesse a déclaré qu’en refusant de lui accorder la révision demandée dans la lettre du 29 juillet 2009, le défendeur a contrevenu aux règles de justice naturelle. La demanderesse n’a présenté aucun autre argument sur cette question.

 

[18]           Dans les affaires concernant la justice naturelle, la question sous-jacente à poser et à laquelle il faut répondre est la suivante : compte tenu des faits de ce cas particulier, le tribunal a‑t‑il agi équitablement à l’égard de la personne qui se prétend lésée? (Blencoe c. Colombie‑Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, 2000 CSC 44, au paragraphe 105). En conséquence, je dois déterminer si Ressources humaines et Développement des compétences Canada a agi équitablement à l’égard de la demanderesse. La réponse est oui.

 

[19]           En l’espèce, la demanderesse avait reçu le diagnostic d’un état psychologique qui pouvait avoir une incidence sur sa capacité à traiter des questions urgentes, comme un délai précis. Selon son témoignage, elle a un faible niveau d’instruction et une connaissance limitée de l’anglais.

 

[20]           La demanderesse n’a pas reçu d’aide pour sa demande de prestations d’invalidité du 9 septembre 2008 ni pour la lettre de refus du 20 octobre 2008 jusqu’à ce qu’elle retienne les services de son avocat actuel. Cependant, la demanderesse avait institué plusieurs demandes de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada et appels avant septembre 2008. La demanderesse avait reçu de l’aide à l’égard de plusieurs de ces demandes et (ou) de ces appels de la part d’un consultant, d’un membre de la famille ou d’un autre conseil. Même si la demanderesse peut avoir été insatisfaite des services fournis par ces personnes, leur engagement démontre qu’elle croyait avoir besoin d’aide à l’égard de ces processus.

 

[21]           La demande que la demanderesse a présentée le 9 septembre 2008 a été étudiée et la lettre du 20 octobre 2008 a informé la demanderesse de la décision défavorable. La lettre indique clairement qu’elle pouvait demander une révision dans les 90 jours et un dépliant sur la manière de le faire était joint. Malgré le fait qu’elle ait eu de l’aide pour d’autres demandes et appels dans le passé, la demanderesse n’a pas tenté d’obtenir de l’aide à l’égard de cette lettre avant environ 10 mois plus tard.

 

[22]           La demande de révision de la demanderesse a été présentée en dehors du délai de 90 jours expressément énoncé. Dans la lettre demandant une révision, l’avocat de la demanderesse a reconnu qu’il se situait à l’extérieur du délai de 90 jours, mais n’a présenté aucune raison pour la demande tardive au-delà du fait que ses services venaient tout juste d’être retenus.

 

[23]           Le fait que, dans la lettre du 20 octobre 2008, Ressources humaines et Développement des compétences Canada n’a pas informé la demanderesse qu’elle pouvait toujours présenter une demande de prestations d’invalidité au motif qu’elle était atteinte d’une invalidité avant sa demande de prestations de retraite, ne rend pas la décision du 23 septembre 2009 inéquitable.

 

[24]           Puisque j’ai conclu que la décision était raisonnable et qu’il n’y avait eu aucun manquement aux principes de justice naturelle, il n’est pas nécessaire d’examiner les mesures de réparation recherchées par la demanderesse.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée, sans dépens.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.


cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1732-09

 

Intitulé :                                       ANGELIKI PANOPOULOS c.

                                                            Le procureur général du Canada

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 25 août 2010

 

Motifs du jugement

et jugement :                              le juge NEAR

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       le 7 septembre 2010

 

 

 

Comparutions :

 

Peter Carlisi

 

 

Pour la demanderesse

Michael Stevenson

 

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Peter S. Carlisi

Kapelos & Carlisi

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

Michael Stevenson

Ministère de la Justice

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

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