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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20100902

Dossier : IMM-8-10

Référence : 2010 CF 866

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 septembre 2010

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

ORLANDO DE LOERA MARTINEZ

ELIZABETH JUAREZ LOPEZ

IVAN DE LOERA JUAREZ

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (la Commission), datée du 10 novembre 2009, laquelle concluait que Orlando de Loera Martinez (le demandeur principal), Elizabeth Juarez Lopez (l’épouse du demandeur principal) et Ivan de Loera Juarez (le fils du demandeur principal) n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ou des personnes à protéger.

 

[2]               Les dispositions législatives applicables sont jointes à l’annexe A des présents motifs.

 

[3]               Les demandeurs sont des citoyens du Mexique, de l’État d’Aguascalientes.

 

[4]               Le demandeur principal, son épouse et son fils âgé de neuf ans se sont enfuis séparément au Canada, alléguant la crainte d’être persécutés après avoir été présumément attaqués par des officiers de l’armée présents dans leur région dans le cadre des efforts du gouvernement mexicain de régler le problème de plus en plus important de la drogue dans leur pays.

 

[5]               Le 27 avril 2007, il est allégué que des officiers de l’armée ont tenté de violer Mme Juarez Lopez et ont attaqué le demandeur principal lorsqu’il a tenté d’intervenir. Mme Juarez Lopez, qui venait tout juste d’apprendre qu’elle était enceinte, s’est sentie psychologiquement et physiquement ébranlée. À la suite de cet incident, les demandeurs ont déposé une plainte auprès de la police locale.

 

[6]               Le 8 mai 2007, en se rendant à un rendez-vous chez le médecin pour la grossesse de Mme Juarez, le couple a été intercepté par des hommes qui avaient des pistolets et qui ont alors battu le demandeur principal. Le demandeur principal a reçu une menace indiquant que si sa plainte n’était pas retirée, sa famille et lui mourraient. Les demandeurs ont promis de retirer la plainte et se sont rendus à leur rendez-vous où ils ont appris qu’il y avait un risque de perdre le bébé. Le demandeur n’a pas déposé une deuxième plainte concernant le deuxième incident.

 

[7]               Selon la Commission, les questions déterminantes en l’espèce sont la crédibilité et la protection de l’État.

 

[8]               Il s’agit de questions de fait et de questions mixtes de fait et de droit auxquelles s’applique la norme de la décision raisonnable. La Cour a statué que les décisions de la Commission quant à la crédibilité et à la protection de l’État devraient toutes deux être examinées selon la norme de la décision raisonnable (Aguirre c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 571, [2008] A.C.F. no 732 (QL), au paragraphe 14; Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 490, [2008] A.C.F. no 624 (QL), au paragraphe 10). En conséquence, la Cour n’interviendra que si la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).

 

[9]               Les demandeurs soutiennent que la décision de la Commission selon laquelle le demandeur n’était pas crédible était uniquement fondée sur l’absence de preuve relative à la plainte déposée pour le premier incident et l’explication pour avoir décidé de ne pas présenter le document qui, selon les allégations des demandeurs, ne correspondait pas aux faits de l’incident.

 

[10]           Dans la décision Osman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 921, [2008] A.C.F. no 1134 (QL), au paragraphe 39, la juge Simpson a statué que si rien n’explique de façon raisonnable une omission importante, cette dernière peut constituer le fondement d’une inférence défavorable et mettre en doute la crédibilité du demandeur.

 

[11]           En l’espèce, même si les demandeurs possédaient une copie de la plainte écrite, ils ont choisi de ne pas la produire. Ils font valoir que la Commission n’aurait pas dû tirer une inférence défavorable concernant la crédibilité des demandeurs en se fondant uniquement sur ce fait. Un demandeur doit cependant fournir une explication raisonnable de la raison pour laquelle un tel élément de preuve n’est pas accessible. En l’espèce, la plainte est très importante, compte tenu que tous les éléments du récit des demandeurs s’appuient sur cet événement. L’explication des demandeurs, selon laquelle le document traitait d’une situation qui ne se rapportait pas aux circonstances qu’ils avaient signalées à la police, ne constitue pas une explication suffisante de la raison pour laquelle la copie n’a pas été présentée. À titre d’exemple, les demandeurs n’ont offert aucune explication à propos de la raison pour laquelle la police leur aurait fourni un document destiné à leur servir de copie de leur plainte et de plus, ils n’ont fourni aucun renseignement à propos du contenu de la plainte écrite qu’ils ont reçue. J’estime que l’explication incomplète présentée en l’espèce, est l’une des explications auxquelles la juge Simpson faisait allusion dans la décision Osman. Par conséquent, c’est l’absence du document, combinée à des explications incomplètes, qui a amené la Commission à tirer une inférence défavorable.

 

[12]           Pour aider leur cause, les demandeurs auraient pu à tout le moins fournir une explication plus complète de la raison pour laquelle la plainte écrite n’a pas été traduite et présentée et indiquer les renseignements qui ne se rapportaient pas à la plainte du demandeur principal. Il aurait été utile pour les demandeurs de faire traduire le document et de permettre à la Commission de décider elle‑même si le document constituait un élément de preuve pertinent et d’accepter les explications des demandeurs.

 

[13]           Les demandeurs prétendaient également qu’ils ont déposé un certificat médical, délivré avant le départ du Mexique, relatif à l’épouse du demandeur principal et qui corrobore les blessures physiques qu’elle a subies et le risque de faire une fausse couche. Comme la Cour d’appel l’a déclaré dans l’arrêt Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (QL) (C.A.), la Commission est présumée avoir apprécié et examiné l’ensemble de la preuve portée à sa connaissance, à moins que le contraire ne soit établi. Ainsi, il peut être présumé que la Commission a en effet examiné le certificat médical. En l’espèce, il est difficile de conclure que le dossier médical aurait modifié les conclusions de la Commission quant à la crédibilité, compte tenu que le rapport médical ne mentionne aucunement les événements qui auraient causé des blessures physiques. Je ne peux donc pas conclure que la Commission a ignoré cet élément de preuve.

 

[14]           En ce qui concerne l’analyse de la Commission concernant la preuve documentaire sur la protection de l’État, la Cour constate qu’elle est brève. Cependant, les conclusions de la décision fondées sur le fait que les demandeurs n’ont pas montré que le Mexique ne pouvait pas les protéger ou ne voulait pas le faire sont raisonnables. En conséquence, il n’est pas justifié que la Cour intervienne.

 

[15]           Aucune question de portée générale n’a été proposée aux fins de certification et l’affaire n’en soulève aucune.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.


 

ANNEXE A

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépossibilité d’un refuge internes des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

 

7. Le demandeur d’asile transmet à la Section des documents acceptables pour établir son identité et les autres éléments de sa demande. S’il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour s’en procurer.

7. The claimant must provide acceptable documents establishing identity and other elements of the claim. A claimant who does not provide acceptable documents must explain why they were not provided and what steps were taken to obtain them.

 

 


 

cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8-10

 

Intitulé :                                       ORLANDO DE LOERA MARTINEZ

ELIZABETH JUAREZ LOPEZ

                                                            IVAN DE LOERA JUAREZ

c.

le ministre de la citoyenneté

ET DE L’IMMIGRATION

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 31 août 2010

 

Motifs du jugement

et jugement :                              le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       le 2 septembre 2010

 

 

 

Comparutions :

 

Ethan A. Friedman                                                                    pour les demandeurs

 

Suzanne Trudel                                                                         pour le défendeur

                                                                                               

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ethan A. Friedman                                                                    pour les demandeurs

Montréal (Québec)

                                                                                               

Myles J. Kirvan                                                                        pour le défendeur       

Sous‑procureur général du Canada

 

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