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Date : 20100827

Dossier : T‑515‑10

Référence : 2010 CF 858

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 27 août 2010

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

MOIRA EILEEN DROSDOVECH

BRIAN WALTER DROSDOVECH

 

demandeurs

 

et

 

 

 

 

M. KEITH ASHFIELD,

MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

MME LINDA LIZOTTE‑MACPHERSON,

COMMISSAIRE ET PREMIÈRE DIRIGEANTE DE L’ARC,

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA ET AUTRES

M. LANCE VAILLANCOURT

M. RICHARD ANDREWS

M. RICHARD WAUGH, PDG DE LA BANQUE DE NOUVELLE‑ÉCOSSE,

LA BANQUE DE NOUVELLE‑ÉCOSSE ET AUTRES

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La question soulevée dans les requêtes dont je suis saisi, lesquelles visent à faire rejeter la demande de contrôle judiciaire des Drosdovech, consiste à déterminer si le ministre du Revenu national s’est engagé à ne pas appliquer des avis de nouvelle cotisation et en particulier à ne pas saisir un compte bancaire à la Banque de Nouvelle‑Écosse. À mon avis, non seulement il n’y a aucune possibilité que la demande soit accueillie, mais elle est en outre frivole, vexatoire et constitue un abus de procédure. L’avis de demande est radié dans son intégralité et l’affaire est classée, sans autorisation de modification.

 

I. Historique

[2]               Tout a commencé lorsque les époux Drosdovech, qui se représentaient eux‑mêmes devant la Cour, se sont opposés aux nouvelles cotisations à l’égard de leurs années d’imposition 1996 à 2000. Un agent des appels de l’Agence du Revenu du Canada leur a présenté une offre de règlement sous réserve de tous droits, aux termes de laquelle, en contrepartie de leur renonciation à leurs droits d’opposition ou d’appels relativement aux avis de nouvelle cotisation, l’Agence du revenu du Canada s’engageait à réexaminer leurs déclarations de revenus de manière à confirmer certaines déductions, à renoncer aux pénalités pour faute lourde et à réduire le revenu d’entreprise net. Il était précisé que l’offre devait être acceptée en signant et télécopiant la renonciation jointe à l’offre.

 

[3]               La réponse, telle qu’elle est consignée dans la lettre de Mme Drosdovech, était : [traduction] « Vous ne nous dites pas sur quoi repose votre réclamation. Si vous me recontactez et me faites part des éléments sur lesquels vous vous appuyez, je serai plus qu’heureuse d’envisager de signer la renonciation fournie ». Les Drosdovech ont décidé de dire qu’ils acceptaient l’offre de l’Agence de manière conditionnelle.

 

[4]               L’Agence leur a répondu par l’envoi d’une copie du rapport d’un vérificateur. Pour leur part, les Drosdovech ont envoyé quelque chose qui s’intitulait : [traduction] « Avis de défaut et occasion de réparation ». Il était notamment demandé à l’agent des appels de l’Agence d’énoncer les faits et le droit, de communiquer la preuve et de présenter un affidavit sous serment. Mme Drosdovech y écrivait [traduction] : « Par la présente, j’accepte de manière conditionnelle les réclamations et la compétence de l’Agence du revenu du Canada sur présentation sous serment de la preuve vérifiée des réclamations, étayée par des éléments de preuve, avec pleine responsabilité commerciale et pénalité en cas de parjure ». Il était demandé à l’Agence de réfuter les déclarations, que les Drosdovech ont décidé d’appeler un contrat, le défaut de répondre constituant un consentement à toutes les conditions dudit contrat et, au cas où aucune réponse ne serait donnée, il était convenu qu’il était pour toujours exclu que l’Agence perçoive les impôts prétendument dus.

 

[5]               Le ministre n’a pas obtempéré aux exigences des Drosdovech. Il a répondu au moyen d’un avis de confirmation des cotisations pour les années en question.

 

[6]               Les Drosdovech avaient 90 jours pour interjeter appel des cotisations devant la Cour canadienne de l’impôt conformément à l’article 169 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Ils ne l’ont pas fait. Par la suite, l’Agence a engagé des procédures de recouvrement. Elle a émis une demande formelle de paiement à la Banque de Nouvelle‑Écosse par voie de saisie‑arrêt en vertu de l’article 224 de la Loi de l’impôt sur le revenu et de certificats enregistrés auprès de la Cour en février 2010 relativement aux dettes fiscales des deux demandeurs. La banque a payé.

 

[7]               D’autres mesures ont été prises, y compris des charges sur leur résidence et l’émission de demandes formelles de payer à des tiers.

 

II. Procédures devant la Cour

[8]               Les Drosdovech ont alors présenté une demande de contrôle judiciaire à la Cour. Ils l’ont intitulée [traduction] « Avis de demande de contrôle judiciaire du processus administratif ». Les défendeurs comprennent le ministre du Revenu national, l’Agence du revenu du Canada, la Banque de Nouvelle‑Écosse et les individus associés à l’une ou l’autre de ces organisations. Le « et autres » est de leur fait.

 

[9]               Ils ont également présenté une demande visant l’obtention d’une injonction interlocutoire afin de bloquer les tentatives de recouvrement de l’Agence et de récupérer les sommes saisies auprès de la Banque de Nouvelle‑Écosse.

 

[10]           La banque, le ministre et l’Agence ont déposé une requête visant à faire radier les actes de procédure et à faire classer toute l’affaire parce qu’elle ne révélait aucune cause d’action et que l’affaire était frivole, vexatoire et qu’elle constituait un abus de procédure. J’accueille les deux requêtes pour les motifs exposés ci‑dessous.

 

III. La Banque de Nouvelle‑Écosse

[11]           J’ai commencé par faire remarquer à Mme Drosdovech que son affirmation selon laquelle la banque avait l’obligation de vérifier que les nouvelles cotisations étaient correctes était erronée en droit. La banque n’avait pas le choix. Elle était tenue de payer en vertu de la Loi. Elle n’avait pas le droit de mettre en question l’ordonnance et le certificat déposé devant la Cour. Comme je l’ai dit dans Warman c. Tremaine, 2010 CF 679, [2010] F.C.J. No. 822 (QL) au paragraphe 7 :

[traduction]  Quoiqu’il en soit, l’on est en outre tenu de respecter une ordonnance anticonstitutionnelle, à moins qu’elle n’ait été officiellement radiée ou modifiée par la Cour, et ce, tant qu’elle ne l’a pas été. Dans Paul Magder Furs Limited c. Ontario (Attorney General) (1991), 6 O.R. (3d) 188, le juge Brooke de la Cour d’appel de l’Ontario a statué qu’il est bien établi qu’il faut se conformer aux lois ou ordonnances de la Cour tant qu’elles sont en vigueur. Dans Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892, la majorité de la Cour a estimé qu’il n’était pas nécessaire de traiter de cette question, mais la juge McLachlin a écrit, à la page 974 :

 

À mon avis, tant qu’elle n’aura pas été annulée, l’ordonnance qui a été rendue en l’espèce par le Tribunal en 1979 et inscrite dans le livre des jugements et ordonnances de la Cour fédérale, demeure valide indépendamment de la violation de la Charte.  Il doit en être ainsi.  S’il est permis de désobéir aux ordonnances judiciaires parce qu’on croit que leur fondement est inconstitutionnel, on va vers l’anarchie.  Le recours des citoyens est non pas de désobéir aux ordonnances illégales mais à demander en justice leur annulation.

 

Sans égard au bien‑fondé de la réclamation à l’encontre du ministre du Revenu national et de l’Agence du revenu du Canada, les procédures visant la Banque de Nouvelle‑Écosse et son président-directeur général, Richard Waugh, doivent échouer.

 

IV. Le ministre du Revenu national

[12]           Les avocats ont soulevé des questions techniques que je n’estime pas nécessaire d’examiner. Les Drosdovech réclament, entre autres choses, des dommages‑intérêts, ce qu’ils ne peuvent pas faire dans le cadre d’un contrôle judiciaire : les individus nommés comme défendeurs ne sont pas des offices fédéraux et l’Agence elle‑même n’aurait peut‑être pas dû être nommée comme partie défenderesse. Ils ont également souscrit des affidavits conjoints plutôt qu’individuels.

 

[13]           L’idée maîtresse des observations présentées est qu’il est impossible d’interpréter qu’il existe un contrat entre les parties aux termes duquel le ministre a convenu de ne pas confirmer les nouvelles cotisations et de ne pas prendre de mesures pour recouvrer des sommes dues en vertu de ce contrat. Je suis d’accord.

 

[14]           L’obligation de déposer une déclaration de revenus et de payer les impôts ainsi calculés est prévue par la loi et n’a rien à voir avec le consentement du contribuable. Une offre de règlement a été faite. Les Drosdovech ne l’ont pas acceptée. Cela met fin à la question. Il se peut qu’ils souhaitent qualifier leur réponse [traduction] « d’acceptation conditionnelle », mais ce que l’on peut dire est tout au plus qu’il s’agissait d’une contre‑offre. Celle‑ci n’a pas été acceptée. C’est aussi simple que cela.

 

[15]           Les Drosdovech peuvent dire tout ce qu’ils veulent au sujet des processus administratifs, de leur [traduction] « Avis de défaut et occasion de réparation », de l’existence d’un règlement résultant du silence ou de l’inertie, de préclusions accessoires, d’un défaut de présenter une preuve prima facie et d’une [traduction] « Demande d’entente et d’harmonie en matière d’amirauté  […] », etc., mais, en fait et en droit, ils n’ont aucune cause d’action. Ces procédures sont frivoles, vexatoires et constituent un abus de procédure.

 

[16]           Les contribuables ne peuvent pas revendiquer un processus dans le cadre duquel la présente Cour détermine si les cotisations d’impôt sur le revenu sont correctes. La Cour canadienne de l’impôt a une compétence exclusive en ce domaine. En dépit du fait qu’ils ont dépassé le délai et bien qu’ils fassent valoir qu’un processus administratif parallèle à la compétence de la Cour de l’impôt a été engagé, les Drosdovech ont demandé une prorogation de délai à cette cour. On me dit qu’aucune décision n’a encore été rendue.

[17]           Conformément au droit inhérent de la présente Cour de contrôler sa propre procédure, je radie tous les actes de procédure des demandeurs et j’ordonne que l’affaire soit classée, sans droit de modification. Dans les circonstances, il n’est pas nécessaire d’examiner la requête des demandeurs visant l’obtention d’une injonction interlocutoire.


ORDONNANCE

 

                        VU LES REQUÊTES des défendeurs, le ministre du Revenu national, l’Agence du revenu du Canada, la Banque de Nouvelle‑Écosse et Richard Waugh, visant à faire intégralement radier l’avis de demande, avec dépens,  

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS CI‑DESSUS,

LA COUR ORDONNE :

1.                  Les requêtes sont accueillies, sans autorisation de modification, et l’affaire est classée.

2.                  L’avis de demande est radié.

3.                  Des dépens, d’un montant global de 1 500 $, sont adjugés au ministre du Revenu national ainsi qu’à la Banque de Nouvelle‑Écosse.

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑515‑10

 

INTITULÉ :                                                   MOIRA EILEEN DROSDOVECH et al. c.

                                                                        M. KEITH ASHFIELD et al.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 26 août 2010

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :                         Le 27 août 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Moira Drosdovech

Brian Drosdovech

 

LES DEMANDEURS

agissant pour leur propre compte

Michael Taylor

 

POUR LES DÉFENDEURS

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL et L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

Mark Fancourt‑Smith

POUR LES DÉFENDEURS

LA BANQUE DE NOUVELLE‑ÉCOSSE et RICHARD WAUGH

 

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sans objet

 

LES DEMANDEURS

agissant pour leur propre compte

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LES DÉFENDEURS,

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL et L’AGENCE DU REVENU DU Canada

 

Fasken Martineau DuMoulin LLP

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LES DÉFENDEURS

LA BANQUE DE NOUVELLE‑ÉCOSSE et RICHARD WAUGH

 

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