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Date : 20100827

Dossier : IMM-6658-09

Référence : 2010 CF 855

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 août 2010

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE Mactavish

 

 

ENTRE :

ELICOIT LEXINE

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Elicoit Lexine a présenté une demande d’asile au Canada, alléguant avoir une crainte bien fondée de persécution à Haïti en raison de l’opinion politique qu’on lui impute en tant que fils d’un membre de haut rang de l’Organisation du Peuple en Lutte (« OPL »). Il a aussi affirmé qu’il serait exposé à un risque dans ce pays en tant que Haïtien revenant de l’étranger.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

Analyse

 

[3]               Bien que M. Lexine ait soulevé un certain nombre de questions différentes, la demande peut être tranchée au motif que la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a omis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve substantielle ou en l’interprétant mal.

 

[4]               Monsieur Lexine affirme avoir assisté à des réunions de l’OPL avec son père pendant plusieurs années. L’OPL est un parti politique qui s’opposait aux gouvernements Lavalas des présidents Aristide et Préval.  En 1999, alors que M. Lexine étudiait aux États-Unis, son père a été assassiné, supposément par des membres d’un groupe pro-Lavalas.  Selon M. Lexine, au moment de la mort de son père, des amis et voisins lui ont dit que les membres du groupe le cherchaient et qu’ile voulaient le tuer également.

 

[5]               Même si elle semble avoir reconnu que le père de M. Lexine était effectivement un membre de haut rang de l’OPL et qu’il a été brutalement assassiné en 1999, la Commission a conclu que c’était pure conjecture que d’attribuer son meurtre à ses ennemis politiques. Cependant, la Commission n’a pas mentionné le fait que le père avait été menacé par ses ennemis politiques à différentes reprises avant son décès. Cet élément de preuve était évidemment très pertinent quant à sa demande et le fait que la Commission ne l’ait pas mentionné donne à penser qu’elle n’en a pas tenu compte : voir Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1998] A.C.F. n° 1425, 157 F.T.R. 35, aux par.14-17.

[6]               Le fait que la Commission n’ait pas tenu compte de l’attaque contre la maison familiale survenue en 2000 est encore plus troublant.  La Commission a conclu que même si le père de M. Lexine avait effectivement été assassiné par des membres d’un groupe pro-Lavalas, « leur objectif fut atteint en 1999 ».  La Commission semble dire que M.  Lexine ne court plus de risques depuis la mort de son père.

 

[7]               Cette conclusion pose un problème, car la Commission disposait de certains éléments de preuve selon lesquels des membres d’un groupe pro-Lavalas ont envahi la résidence familiale de Port-au-Prince en juin 2000 alors qu’ils étaient spécifiquement venus à la recherche de M. Lexine. Les membres du groupe auraient battu la femme de M. Lexine ainsi que les frères et sœurs de cette dernière et auraient violé une de ses sœurs.

 

[8]               La Commission a jugé que certains aspects du témoignage de M. Lexine n’étaient pas crédibles, mais aucune conclusion défavorable quant à la crédibilité n’a été rendue à l’égard de cet incident. Bien qu’il soit mentionné dans la décision qu’un incident est survenu en 2000, il n’est pas question de la nature de l’incident. Comme l’incident démontrait l’intérêt continu qu’avaient les groupes pro-Lavalas à trouver M. Lexine après la mort de son père, cette omission est grave.

 

[9]               Monsieur Lexine a déposé une photographie montrant supposément les ruines du domicile familial après que celui-ci ait été détruit par le feu en 2004. Selon M. Lexine, l’incendie a été allumé par des membres du groupe pro-Lavalas qui le cherchaient et qui pensaient qu’il était retourné à la maison quand les membres de sa famille s’y sont réinstallés. La Commission n’a pas accepté cet élément de preuve parce que la source que la photographie ne pouvait pas être vérifiée.

 

[10]           Il est peut-être loisible à la Commission d’écarter des éléments de preuve documentaire dans les cas où un demandeur est jugé généralement non crédible, si je comprends bien les motifs de la Commission, mais ses conclusions défavorables quant à la crédibilité semblent se limiter à certaines questions.  De plus, la décision de rejeter la photographie est encore davantage minée par le fait que la Commission n’a pas reconnu l’intérêt continu que portaient les groupes pro-Lavalas à M. Lexine.

 

[11]           Cette omission est particulièrement problématique compte tenu du fait que la Commission disposait d’éléments de preuve selon lesquels des personnes qui avaient déjà été ciblées comme éventuelles victimes de persécution et qui retournaient à Haïti étaient toujours exposées à un risque à leur retour.

 

Conclusion

 

[12]           Pour ces motifs, je conclus que la décision de la Commission était déraisonnable et que la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

 

Certification

 

[13]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question à certifier et aucune n’est soulevée en l’espèce.

JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE :

 

            1.         que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il procède à un nouvel examen;

 

            2.         qu’ aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6658-09

 

INTITULÉ :                                       ELICOIT LEXINE c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION                                                                                                

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 25 août 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Mactavish

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 27 août 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Raoul Boulakia

 

POUR LE DEMANDEUR

Melissa Mathieu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

RAOUL BOULAKIA

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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