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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

Date : 20100901

Dossier : IMM-6231-09

Référence : 2010 CF 863

 

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er septembre 2010

En présence de monsieur le juge Zinn    

 

Entre :

SHANDEEP SATHIVADIVEL

 

demandeur

 

et

 

 

Le ministre de la citoyenneté

et de l’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

Motifs du jugement et jugement

 

[1]               Le demandeur demande à la Cour, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’annuler la décision d’une agente qui a rejeté sa demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR).

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande est rejetée.

 

Le contexte

[3]               Le demandeur est un Tamoul du Sri Lanka. Il est né le 26 avril 1985 et était âgé de 24 ans lorsque l’agente d’ERAR a rendu sa décision. Le père du demandeur était propriétaire d’une épicerie à Vavuniya, au Sri Lanka, où travaillait le demandeur.

 

[4]               En mai 2002, la Tamil Rehabilitation Organization (TRO) a demandé au père du demandeur d’aider des gens déplacés à Vavuniya, ce qu’il a accepté de faire.

 

[5]               En juin 2003, des soldats sri lankais se sont présentés à l’épicerie à la recherche du père du demandeur qui s’était rendu à Colombo pour acheter des marchandises. Les soldats accusaient le père d’appuyer les Tigres de Libération de l’Eelam tamoul (les TLET). Lorsque le demandeur a rejeté cette allégation à l’encontre de son père, il a été battu et amené à un camp de l’armée où il a été détenu pendant environ cinq jours jusqu’à ce que son père s’y présente et explique la situation.

 

[6]               En août 2003, des adolescents tamouls se sont présentés à l’épicerie et ont accusé le demandeur et son père de donner des renseignements aux soldats sri lankais. Ils ont emmené le demandeur avec eux. Il y avait dans ce groupe une personne que connaissait le père du demandeur, qui a été en mesure de parler au chef du groupe et d’obtenir la libération du demandeur.

 

[7]               En novembre 2003, des adolescents inconnus se sont présentés à l’épicerie et ont accusé le demandeur et ses parents d’être des partisans des TLET. Ces derniers ont nié l’accusation. Les membres du groupe ne les ont pas crus et ont battu le demandeur. Les membres du groupe ont menacé de tuer le demandeur et ses parents. Ils ont exigé de l’argent et sont partis, étant entendu qu’ils reviendraient à la date prévue pour recueillir l’argent. Le père a versé 50 000 roupies sur le montant demandé de 75 000 roupies.

 

[8]               En mars 2004, l’armée sri lankaise a arrêté le demandeur et son ami qui revenaient à Vavuniya de Colombo avec des marchandises pour le magasin. Ils ont été accusés d’acheminer ces marchandises aux TLET. Lorsqu’ils ont nié l’allégation, ils ont été battus, emmenés au camp de l’armée et détenus pendant quatre jours. Ils n’ont été libérés qu’après que le père se soit rendu au camp et ait payé un pot-de-vin.

 

[9]               En avril 2005, les militants tamouls se sont présentés au magasin et ont exigé que le demandeur leur donne de l’argent ou se joigne à eux. En juillet 2005, les militants des TLET se sont présentés à l’épicerie et ont exigé que le demandeur se joigne à eux. Le père a refusé d’envoyer le demandeur et a convenu de verser 100 000 roupies dans les trois mois. Après leur départ, le père du demandeur a pris des mesures pour envoyer le demandeur au Canada.  

 

[10]           Le demandeur allègue qu’il est en contact avec son père depuis son arrivée au Canada et que ce dernier l’a averti de ne pas retourner au Sri Lanka puisque des soldats de l’armée s’étaient présentés à l’épicerie et s’étaient enquis de l’endroit où il se trouvait. Lorsqu’ils ont appris que le demandeur était au Canada, les soldats n’ont pas cru le père et lui ont dit que le demandeur avait joint les rangs des TLET. Ils ont dit au père de se présenter au camp militaire.

 

[11]           En octobre 2005, le demandeur est arrivé au Canada en passant par les États-Unis (les É.‑U.), le même mois que l’Entente entre le Canada et les États-Unis sur les pays sûrs est entrée en vigueur. Au point d’entrée, le demandeur a été informé qu’il n’était pas admissible à demander l’asile et a été renvoyé aux É-U. En novembre 2005, il est revenu au Canada en passant par Cornwall (Ontario) en raison de sa crainte d’être expulsé au Sri Lanka depuis les É.‑U. Il a présenté une demande d’asile, mais a été déclaré interdit de territoire en vertu de l’alinéa 101(1)c) de la Loi.

 

[12]           Il a présenté une demande d’ERAR fondée sur sa crainte d’être persécuté, d’être exposé au risque d’être torturé ou de subir des traitements ou peines cruels et inusités ou d’être exposé à une menace à sa vie par les autorités sri lankaises, les groupes paramilitaires et les TLET, en raison de ses expériences passées et de son profil de jeune homme tamoul qui avait vécu dans le Nord du Sri Lanka. La demande d’ERAR a été rejetée le 26 octobre 2009, sans la tenue d’une entrevue.

 

[13]           L’agente a souligné le récit du demandeur, y compris le fait qu’aucune observation n’avait été présentée pour expliquer la raison pour laquelle il n’avait pas présenté de demande d’asile au cours des nombreux mois qu’il avait passés aux É.-U. Elle a déclaré qu’en raison de l’ampleur des observations, elle n’évaluerait pas ni ne soupèserait chaque élément de preuve individuellement. Elle mentionne toutefois qu’elle a tenu compte [traduction] « de tous les éléments de preuve qui répondent aux exigences des dispositions de la LIPR. »

 

[14]           Le premier élément de preuve dont elle discute est une lettre de Mme Wu, coordonnatrice des réfugiés au bureau de Toronto d’Amnistie internationale Canada. L’agente a constaté que les observations étaient muettes sur la manière dont Mme Wu en est venue à connaître la situation du demandeur au Sri Lanka. Elle a déclaré qu’[traduction] « il est important de souligner que le processus d’ERAR exige que les risques auxquels un requérant est exposé soient personnalisés. » (Non souligné dans l’original.) Elle a conclu qu’il n’y avait pas de preuve suffisante dans la lettre de Mme Wu pour appuyer la prétention selon laquelle le demandeur était personnellement à risque au Sri Lanka. L’agente a également conclu que le demandeur n’avait pas fourni de [traduction] « preuve objective à l’appui » indiquant qu’il avait été incarcéré ou battu auparavant par les autorités sri lankaises, les membres des TLET ou d’autres personnes au Sri Lanka ou qu’il sera exposé à un tel traitement à son retour. Elle a conclu que la lettre faisait état de la situation générale du pays et n’était pas liée aux risques futurs et personnels du demandeur dans ce pays.

 

[15]           L’agente a par la suite examiné un exemplaire du rapport de décembre 2006 du HCNUR déclarant qu’aucun Tamoul du Nord ou de l’Est ne devrait être renvoyé jusqu’à ce qu’il y ait une amélioration importante de la sécurité au Sri Lanka. Elle a alors mentionné qu’en mai 2009, la défaite des Tigres tamouls avait été déclarée. Elle a indiqué que les recommandations du HCNUR n’étaient pas exécutoires et a insisté sur le fait que l’ERAR se fondait sur des situations et des risques précis, propres au demandeur qui n’a pas [traduction] « fourni suffisamment de documents pour étayer le fait qu’il serait personnellement à risque de subir un préjudice au Sri Lanka. »

 

[16]           L’agente a ensuite examiné l’affidavit du demandeur et plus particulièrement ce qui lui a été dit par son père, selon sa déclaration. L’agente a souligné que, dans sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, le demandeur a indiqué que l’adresse de sa famille était à Colombo, non pas à Vavuniya. Elle a également souligné que le père du demandeur n’indique pas le moment de la visite des membres de l’armée sri lankaise ni ne fournit de détails concernant la raison pour laquelle il était tenu de se présenter à un camp militaire. Le demandeur n’a pas expliqué la raison pour laquelle l’armée continue de s’intéresser à lui après une absence de quatre ans. L’agente a conclu que les détails de la conversation avec le père étaient vagues, manquaient de précisions, et a accordé peu de valeur probante à cet élément de preuve.

 

[17]           L’agente s’est ensuite penchée sur une lettre du père du demandeur, datée du 19 septembre 2009. Elle a conclu que la lettre était vague, manquait de détails et était écrite par une personne qui n’était pas désintéressée quant à l’issue de l’ERAR. Le père du demandeur n’a pas expliqué la raison pour laquelle il est difficile pour sa famille de vivre à Vavuniya, il n’a pas mentionné la raison, la fréquence ou les dates des visites de l’armée ou si ces visites avaient été signalées aux autorités. Elle a également examiné deux autres lettres, l’une provenant de membres de la famille, l’autre d’un ami, mais a conclu qu’elles ne constituaient pas une preuve documentaire objective appuyant la prétention selon laquelle le demandeur était personnellement à risque au Sri Lanka.

 

[18]           L’agente a conclu que les autres observations décrivaient la situation générale au Sri Lanka, mais qu’elles n’établissaient aucun lien avec les risques futurs personnalisés du demandeur. Elle a conclu que le demandeur n’avait pas fourni une preuve documentaire objective selon laquelle son profil correspondait à celui de personnes qui seraient exposés à des risques. L’agente a reconnu que le père du demandeur lui avait récemment dit que l’armée s’était enquise de l’endroit où il se trouvait, mais elle a conclu que les éléments de preuve objectifs dont elle était saisie n’appuyaient pas la prétention selon laquelle les autorités, l’armée, les TLET ou d’autres le recherchaient ou le ciblaient, ainsi que sa famille. L’agente a conclu qu’il était objectivement déraisonnable qu’après quatre ans et les changements politiques favorables dans la situation du pays, le gouvernement, les forces de sécurité ou les TLET recherchent le demandeur. L’agente a reconnu que le demandeur craignait pour sa sécurité, mais a conclu que la situation actuelle dans le pays était une condition à laquelle était exposée la population en général.

 

[19]           L’agente a ensuite examiné la preuve documentaire objective pour déterminer si la définition de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger s’appliquerait au demandeur en raison de son origine ethnique tamoule ou de ses opinions politiques imputées comme partisan des TLET.

 

[20]           Elle a tout d’abord examiné un rapport de 2008 du Département d’État des É.-U., suivi d’un profil du pays de la BBC traitant de la défaite des Tigres tamouls. S’appuyant sur le rapport du Home Office du Royaume-Uni et du Département d’État des É.-U., elle a souligné ce qui suit :

·        En 2002, une commission de police nationale sri lankaise a été mise sur pied pour surveiller la police.

 

·        En 1997, la Commission des droits de la personne du Sri Lanka a été mise sur pied pour enquêter sur la torture, les disparitions, les meurtres politiques, etc. La Commission ne comptait pas d’un assez grand nombre de membres du personnel et de suffisamment de ressources et ne bénéficiait pas de l’entière collaboration du gouvernement.

 

·        La preuve indique qu’à la suite de l’adoption du Règlement d’urgence en 2005, les rafles et les arrestations de jeunes hommes tamouls ont eu lieu.

 

·        Les demandeurs d’asile déboutés qui arrivent à Colombo sans carte d’identité nationale sont habituellement en mesure d’en obtenir une en présentant un certificat de naissance qui est facile à obtenir.

 

·        Les récentes cibles de représailles de la part des TLET étaient tous des activistes bien connus opposés aux TLET.

 

[21]           L’agente a indiqué qu’il avait été établi qu’une situation d’instabilité civile ne suscitait pas en soi une crainte bien fondée d’être persécuté pour un des motifs prévus par la Convention. Elle a de nouveau déclaré que le demandeur n’avait pas fourni une preuve suffisante pour étayer la prétention selon laquelle il était exposé à un risque personnalisé au Sri Lanka, outre le risque auquel la population en général était exposée.

 

[22]           Compte tenu de l’examen complet des observations du demandeur et des documents accessibles au public, l’agente a conclu qu’il existe moins qu’une simple possibilité que le demandeur soit persécuté ou exposé à un risque d’être soumis à la torture ou à une menace à sa vie ou à un risque de subir des traitements ou peines cruels et inusités. La demande d’ERAR a donc été rejetée.

 

Les questions en litige

[23]           Le demandeur soulève les trois questions suivantes dans son exposé des arguments :

1.                  L’agente d’ERAR a-t-elle commis une erreur de droit en interprétant mal la définition de réfugié au sens de la Convention et en omettant de prendre en compte que le demandeur, en qualité d’homme tamoul du Nord du Sri Lanka, appartenait à un groupe social particulier dont les membres, selon la preuve documentaire, étaient persécutés et étaient exposés à un risque d’être soumis à la torture et à une menace à leur vie au Sri Lanka?

 

2.                  L’agente d’ERAR a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte et (ou) en comprenant mal la preuve documentaire objective dont elle était saisie?

 

3.                  L’agente d’ERAR a-t-elle commis une erreur de droit et a-t-elle manqué à l’obligation d’équité en omettant de convoquer le demandeur à une audience conformément à l’alinéa 113b) de la Loi?

 

Analyse

1. Le risque personnalisé

[24]           Le demandeur fait valoir qu’un jeune homme tamoul du Nord du Sri Lanka est un [traduction] « groupe social particulier » et mentionne des décisions dans lesquelles la Cour a ainsi conclu. Il soutient que l’agente d’ERAR a commis une erreur de droit en concluant que le demandeur devait démontrer un risque personnalisé alors que la définition de réfugié au sens de la Convention reconnaît clairement que les personnes qui appartiennent à un groupe social dont les membres ont été ciblés sont des réfugiés au sens de la Convention.

 

[25]           Le demandeur prétend de plus que l’agente d’ERAR a commis une erreur en droit en concluant que la crainte du demandeur d’être soumis à la persécution ou à un risque d’être torturé ou à une menace à sa vie n’était pas objectivement bien fondée. À cet égard, il déclare que l’agente a omis de prendre en compte que son profil de jeune homme tamoul du Nord du Sri Lanka établissait un lien entre lui et le risque auquel étaient exposées des personnes dans une situation semblable.  

 

[26]           Je ne suis pas convaincu que l’agente ait mal interprété la définition de réfugié au sens de la Convention. À la page 6 de sa décision, l’agente déclare ce qui suit :

[traduction] J’examine maintenant la preuve documentaire objective pour déterminer si la définition de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger s’appliquerait au demandeur en raison de son origine ethnique tamoule ou de ses opinions politiques imputées comme partisan des TLET.

 

[27]           L’agente effectue alors une analyse, fondée sur des sources à jour, de la situation à laquelle sont exposés les Tamouls au Sri Lanka après la guerre. Bien que l’agente ne mentionne pas précisément [traduction] « un groupe social » (ou le statut du demandeur en qualité d’homme, jeune, du Nord du pays), il ressort clairement qu’elle s’est penchée sur la situation actuelle des Tamouls au Sri Lanka. Le demandeur renvoie à de la jurisprudence de la Cour qui statue que les jeunes Tamouls du Nord du Sri Lanka constituent un groupe social le rendant admissible à la protection. Toutefois, cette jurisprudence, comme l’indique le défendeur, est dépassée et ne reflète pas la situation actuelle au Sri Lanka. Même la décision la plus récente mentionnée par le demandeur insistait sur « la situation générale de conflit armé et de violence dans le Nord du Sri Lanka, au moment où le demandeur a quitté le pays et à l’heure actuelle » (Kanesaratnasingham c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 48, au paragraphe 7 (non souligné dans l’original) – cette situation n’existe plus. Je préfère les décisions plus récentes mentionnées par le défendeur qui indiquent l’amélioration de la situation au Sri Lanka, même pour les jeunes hommes tamouls (Sivabalasuntharampillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), IMM-6701-09, le 27 janvier 2010; Sittampalam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 562; Arumugam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), IMM‑565‑10, le 1er mars 2010).

 

[28]           L’agente aurait pu s’exprimer de façon plus précise. Cependant, il ressort clairement de la lecture de l’ensemble de sa décision qu’elle parlait d’un risque personnalisé dans le sens décrit par la Cour dans Raza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1385, au paragraphe 29 : « Les articles 96 et 97 exigent que le risque soit personnalisé, c’est‑à‑dire qu’il concerne la personne qui demande l’asile. »

 

2. La preuve documentaire

[29]           Le demandeur fait valoir que l’évaluation de l’agente concernant la situation au Sri Lanka et sa crainte d’être persécuté était déraisonnable. Il prétend que le risque auquel il était exposé n’était pas un risque auquel était exposée la population en général, mais un risque auquel était exposé un groupe particulier, c’est-à-dire les jeunes hommes tamouls. Il déclare que l’agente était saisie d’éléments de preuve documentaire qui indiquent que les jeunes tamouls étaient exposés au risque d’être persécutés et torturés et à une menace à leur vie. 

 

[30]           La difficulté que soulève cette observation est que la preuve documentaire sur laquelle s’appuie le demandeur se rapporte en grande partie à la période pendant laquelle la guerre avait cours. Bien que certains éléments de preuve présentés reflètent la situation après la fin de la guerre et que cela indique que certains hommes tamouls continuent d’être à risque, on ne peut pas dire que la conclusion de l’agente selon laquelle le présent demandeur n’était pas exposé aux risques décrits était déraisonnable. Aucun élément de preuve, ni le demandeur dans ses observations devant la Cour, ne vont jusqu’à dire que tous les jeunes hommes tamouls du Nord continuent d’être exposés à ces risques. L’agente a conclu que le demandeur en l’espèce n’était pas exposé à ces risques et son évaluation appartient aux issues possibles raisonnables compte tenu du dossier dont elle était saisie.

 

3. L’audience

[31]           Le demandeur souligne que puisqu’il a été déclaré inadmissible à présenter une demande d’asile, il n’a jamais eu l’occasion de présenter son témoignage à une audience. Il renvoie alors à l’article 167 du Règlement pris en vertu de la Loi qui prévoit les facteurs pour déterminer si une audience doit être tenue dans le contexte d’un ERAR. Il s’appuie sur la décision Liban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1252, pour affirmer que lorsqu’un agent déclare qu’il n’y a « pas suffisamment d’éléments de preuve objectifs », ce qu’il dit en fait c’est qu’il ne croit pas le demandeur et que ce n’est que si le demandeur avait présenté des éléments de preuve objectifs pouvant corroborer ses affirmations qu’il les aurait crues. La Cour dans cette affaire avait conclu qu’il s’agissait de conclusions quant à la crédibilité et que l’agent avait commis une erreur en omettant de tenir une audience. De même, le demandeur prétend que les conclusions de l’agente en l’espèce sont des conclusions quant à la crédibilité et que par conséquent une audience était justifiée.

 

[32]           Je ne suis pas d’accord pour dire que l’agente a manqué à l’obligation d’équité envers le demandeur en omettant de tenir une audience. En lisant la décision dans son ensemble, je ne peux pas accepter l’observation du demandeur selon laquelle l’agente a tiré une sorte de conclusion voilée quant à la crédibilité. Le demandeur soutient que si elle avait été acceptée, la preuve de sa conversation avec son père aurait justifié que la demande soit accueillie. Il s’agit d’une mauvaise qualification du raisonnement de l’agente. L’agente a en fait accepté cet élément de preuve et a ensuite pondéré sa valeur probante. Ceci ressort clairement du passage suivant :

[traduction] [L]e père du demandeur n’indique pas le moment où les membres de l’armée sri lankaise lui ont rendu visite ni les détails de la raison pour laquelle il était tenu de se présenter à un camp militaire. Le demandeur n’explique pas la raison pour laquelle l’armée sri lankaise continue de s’intéresser à lui après une absence de près de quatre ans. […] Je conclus que les détails de cette conversation sont vagues, qu’ils manquent de précisions et je leur accorde peu de valeur probante.

 

L’agente n’a tiré aucune conclusion défavorable quant à la véracité de la preuve. Elle a plutôt conclu qu’à première vue, la preuve n’étayait pas les observations du demandeur concernant le risque.

 

[33]           Je rejette également l’observation selon laquelle l’utilisation des mots « pas suffisamment d’éléments de preuve objectifs » par l’agente signifie qu’elle ne croit pas le témoignage du demandeur, soulevant ainsi la question de crédibilité. La décision d’ERAR elle-même n’étaie pas cette interprétation. L’agente écrit ce qui suit : [traduction] « Je reconnais que le demandeur déclare que son père au Sri Lanka l’a récemment informé que l’armée s’enquérait de l’endroit où il se trouvait. » Encore ici, l’agente a soupesé le témoignage du demandeur et les éléments de preuve objectifs à propos de la situation actuelle au Sri Lanka.

 

[34]           Le demandeur renvoie à la décision Liban en faveur de la thèse selon laquelle il n’y a « pas suffisamment d’éléments de preuve objectifs » signifie réellement que le témoignage d’un demandeur n’est pas cru. Je ne souscris pas à cette affirmation. Dans la décision Liban, l’agent évaluait la prétention du demandeur selon laquelle il était bisexuel. Ainsi, la conclusion selon laquelle il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve objectifs signifiait en fait qu’il ne croyait pas le demandeur. En l’espèce, l’agente a soupesé à la fois le témoignage du demandeur et les éléments de preuve objectifs sur la situation actuelle au Sri Lanka. L’agente n’a pas semblé croire les éléments de preuve subjectifs du demandeur, elle leur a simplement accordé moins de poids. Je conclus que la crédibilité n’était pas en litige en l’espèce.

 

[35]           Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification. Compte tenu des faits en l’espèce, il n’y a aucune question pertinent à certifier.

 


 

JUGEMENT

 

1.         La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Aucune question n’est certifiée.

 

                                                                                                              « Russel W. Zinn »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.


cour fédérale

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6231-09

 

Intitulé :                                       SHANDEEP SATHIVADIVEL c.

                                                            Le ministre de la citoyenneté et de l’immigration

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 11 août 2010

 

Motifs du jugement

et jugement :                              le juge ZINN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       le 1er septembre 2010

 

 

 

Comparutions :

 

Krassina Kostadinov

 

Pour le demandeur

Brad Gotkin

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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