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Date : 20100827

Dossier : T-95-08

Référence : 2010 CF 857

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 août 2010

Devant madame la juge Johanne Gauthier

 

ENTRE :

JOHN FREDERICK CARTEN ET KAREN AUDREY GIBBS

appelants

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, JEAN CHRÉTIEN,

EDDIE GOLDENBERG, SERGIO MARCHI, LLOYD AXWORTHY,

PIERRE PETTIGREW, JOHN MANLEY, BILL GRAHAM, JIM PETERSON,

PAUL MARTIN, DAVID EMERSON, TIM MURPHY,

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE,

MICHAEL HARCOURT, GLEN CLARK, UJJAL DOSANJH, GORDON CAMPBELL, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

ALLAN ROCK, ANNE MCLELLAN, MARTIN CAUCHON, IRWIN COTLER,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE,

COLIN GABLEMAN, GEOFF PLANT, WALLY OPPAL,

CONSEIL CANADIEN DE LA MAGISTRATURE, JEANNIE THOMAS, NORMAN SABOURIN,

feu ANTONIO LAMER, BEVERLEY MCLACHLIN,

feu ALLAN MCEACHERN, PATRICK DOHM, DONALD BRENNER,

BRYAN WILLIAMS, JEFFERY OLIPHANT, JOHN MORDEN, JOSEPH DAIGLE,

THEMIS PROGRAM MANAGEMENT AND CONSULTING LTD.,

LAW SOCIETY OF BRITISH COLUMBIA, LAW SOCIETY OF ALBERTA, DAVID VICKERS, feu ROBERT EDWARDS, JOHN BOUCK, JAMES SHABBITS, HOWARD SKIPP, CRYIL ROSS LANDER, RALPH HUTCHINSON,

MICHAEL HALFYARD, HARRY BOYLE, SID CLARK, ALLAN GOULD,

ROBERT METZGER, BRIAN KLAVER, JOHN MAJOR, JOHN HORN,

BARBARA ROMAINE, ADELE KENT, SAL LOVECCHIO, DONALD WILKINS,

ROY VICTOR DEYELL, TIMOTHY LEADEM, WILLIAM PEARCE,

LISA SHEUDROFF, ANN WILSON, RICHARD MEYERS, GILLIAN WALLACE,

MAUREEN MALONEY, BRENDA EDWARDS, STEPHEN OWEN, DON CHIASSON,

CRAIG JONES, JAMES MATTISON, MCCARTHY TÉTRAULT LLP,

HERMAN VAN OMMEN, STEVE KLINE, LANG MICHENER LLP,

LA CORPORATION DE LA VILLE DE VICTORIA, JOHN DOE ET JANE DOE

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

  • [1] Il s’agit d’un appel de l’ordonnance du protonotaire Lafrenière radiant la déclaration contre tous les défendeurs, sans autorisation de modifier et annulant l’action, avec dépens en faveur des défendeurs (sauf Thémis Program Management and Consulting Ltd. (Themis)). Les appelants interjettent aussi appel de l’ordonnance annulant leur requête en défaut de jugement contre la défenderesse Themis.

 

  • [2] M. Carten et Mme Gibbs ont traversé des périodes très difficiles sur le plan financier et émotionnel. La nature humaine est aussi un facteur qui nous pousse à chercher la raison de nos malheurs, et c’est ce qui peut expliquer la raison pour laquelle ils croient si fermement aux scénarios ou aux théories présentées en si grand détail dans leur déclaration de 56 pages (311 paragraphes), dans la preuve par affidavit déposée en réponse aux requêtes en rejet des défendeurs en vertu des alinéas 221a), c) et f) des Règles des Cours fédérales, DORS 98-106 (les Règles) et la nouvelle preuve (plus de 200 pages) qu’ils cherchent à présenter dans le cadre du présent appel.

 

  • [3] Mon rôle dans le cadre de la présente requête ne consiste pas à déterminer si parfois la réalité peut véritablement être plus étrange que la fiction, mais plutôt à rendre une décision quant à savoir si la présente action satisfait aux divers critères légaux applicables en ce qui concerne la requête des défendeurs. Les Cours ne doivent aborder que des arguments qui respectent certaines normes et des arguments qui ont un certain bien-fondé. Leurs pouvoirs ne s’appliquent qu’à l’égard des questions qui relèvent de leur compétence.

 

  • [4] J’ai examiné très attentivement toute la preuve au dossier [1] avec un esprit ouvert, sans interférence ou pression d’un tiers et sans crainte pour ma santé et ma sécurité personnelles [2] . Comme le protonotaire Lafrenière, j’en suis arrivée à la conclusion que le présent appel doit être rejeté.

 

  • [5] Après avoir consacré beaucoup de temps à parcourir la preuve et à examiner la jurisprudence [3] , je me suis rendu compte que, peu importe les motifs que je donne, aussi longs et détaillés puissent-ils être, ils ne seront jamais suffisants pour convaincre les appelants qui seront sans doute très déçus et susceptibles de conclure par ce rejet que je dois également faire partie du complot dont il est question dans leurs procédures. Je ferai donc preuve de la plus grande concision possible.

 

Contexte

  • [6] Les appelants se représentent eux-mêmes. Cependant, M. Carten est un avocat chevronné [4] qui a pratiqué le droit en Colombie-Britannique de 1977 à 1999.

 

  • [7] La déclaration contient un grand nombre d’allégations qui, selon le protonotaire Lafrenière, se rapportent à un complot généralisé, à la corruption, à la collusion et à différents délits et manquements à des obligations légales par des personnes au pouvoir, incluant des membres passés, actuels et défunts des gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada, et de la magistrature, visant à causer des préjudices à M. Carten et à Mme Gibbs, dans le but de protéger de soi-disant secrets d’État et privés liés aux politiques d’exportation en vrac d’eau des gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada.

 

  • [8] Il a résumé ces allégations aux paragraphes 10 à 29 de son ordonnance. Les appelants ne se sont pas opposés à sa description. Il est donc approprié pour moi de simplement l’adopter. Ces paragraphes sont inclus à l’annexe A des présents motifs [5] . Je note toutefois que l’Accord de septembre 1989 avec Western Canada Water Enterprise Inc. (WCW) mentionnée au paragraphe 13 de l’ordonnance intervient avec le gouvernement de la Colombie-Britannique et non avec la Couronne fédérale [6] . Je tiens aussi à ajouter qu’il semble que WCW ait déclaré faillite [7] en 1993 (l’année où M. Carten a intenté sa poursuite pour le compte de Sun Belt Water Inc. (Sun Belt) et Snowcap Waters Ltd. (Snowcap) demandant une indemnisation de « Sa Majesté du chef de la Colombie-Britannique » pour pertes commerciales découlant d’un changement à la politique d’exportation de l’eau en vrac en mars 1991.

 

  • [9] En plus des procédures intentées en Colombie-Britannique pour le compte de Sun Belt, lesquelles ont été suspendues [8] en 1997 en raison du manquement par Sun Belt de produire le montant de 27 800 $ comme elle avait été ordonnée de le faire comme cautionnement pour les dépens [9] et la production d’une notification de l’intention de soumettre une plainte à l’arbitrage en vertu du chapitre 11 de l’ALENA, arbitrage qui ne s’est pas concrétisé en raison du manque de fonds de Sun Belt, M. Carten semble avoir allégué son complot contre certains des défendeurs dans bien des forums, comme le Conseil canadien de la magistrature [10] (CCM), le British Columbia Human Rights Tribunal (BCHRT) [11] , la Law Society of British Columbia (LSBC) et la Law Society of Alberta (LSA). Il a déposé des plaintes contre la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et la Police de Victoria pour défaut de mener une enquête sur ses plaintes au criminel. Il a aussi écrit à beaucoup de membres de la Chambre des communes incluant les premiers ministres du Canada et de la Colombie-Britannique ainsi que divers ministres des deux gouvernements, demandant une intervention politique pour régler la demande de Sun Belt, obtenir que les gouvernements fassent enquête sur ses allégations et que le CCM mène une enquête plus approfondie sur le bien-fondé de ses plaintes. Enfin, il a également présenté des allégations similaires dans les procédures au criminel intentées contre lui [12] ainsi que dans des procédures familiales l’impliquant ou impliquant Mme Gibbs.

 

  • [10] Il est aussi utile de noter que Aquasource Ltd. (Aquasource), un autre client de M. Carten (conseiller stratégique), a acheté une bonne partie de la documentation de WCW du syndic en faillite lui donnant accès à des renseignements d’initiés au sujet de sa compagnie.

 

  • [11] Comme on le note dans un des jugements produits en preuve par M. Carten (pièce 44 au paragraphe 4), il semble que, depuis 1996, M. Carten a consacré la majeure partie de son temps à trouver des preuves pour appuyer ses théories et à agir pour le compte de Sun Belt.

 

  • [12] À la lumière de ce qui précède, étant donné qu’il avait travaillé pendant plusieurs années sur cette affaire, la Cour peut raisonnablement assumer qu’il a présenté ses meilleurs arguments et a renvoyé à la toute meilleure preuve qu’il a en réponse aux requêtes en rejet des défendeurs.

 

Questions préliminaires

  • [13] Je ferai référence aux défendeurs en employant la même terminologie que les parties et le protonotaire Lafrenière dans son ordonnance (annexe A). Tous les défendeurs à l’exception de Themis ont déposé une requête en rejet.

 

  • [14] Le protonotaire qui gérait le dossier a traité de toutes lesdites requêtes, y compris celles des défendeurs judiciaires, même si, comme l’a soutenu M. Carten devant moi, lesdits défendeurs judiciaires ont déposé leur dossier de requête après la date limite prévue par l’ordonnance fixant l’échéancier rendue le 11 avril 2008.

 

  • [15] Selon la lettre déposée avec cette requête, les défendeurs demandaient l’autorisation de déposer à ce moment, indiquant que la déclaration n’avait pas été signifiée à tous les défendeurs avant la date limite. À l’époque, rien n’indique que M. Carten se soit opposé à cette demande. Il n’a pas non plus produit de preuve de signification de la déclaration à ces défendeurs. Un examen du dossier de la Cour indique que ces parties ne se trouvaient pas encore devant la Cour au moment où l’ordonnance du 11 avril est rendue.

 

  • [16] Même si le protonotaire Lafrenière n’a pas abordé expressément cette question dans son ordonnance, il est clair qu’il a accepté le dépôt de ces documents. Étant donné qu’il a disposé de cette requête selon son bien-fondé, il peut être raisonnablement sous-entendu que l’autorisation a été accordée, si elle était bien nécessaire.

 

  • [17] De toute manière, le choix du moment de la production du dossier de requête est une violation technique [13] , étant donné que les Règles ne prévoient pas de délai de prescription pour de telles requêtes. Surtout, étant donné que la requête soulevait entre autres l’absence de compétence de la Cour, elle devait être traitée à la première occasion afin d’éviter des frais inutiles et une perte de temps et d’effort par tous les intéressés. L’absence de compétence est certainement une question que la Cour doit soulever proprio motu s’il existe un véritable doute à ce sujet [14] .

 

  • [18] Je note également que les appelants ont présenté des observations à la Cour en ce qui concerne la compétence de la Cour sur les défendeurs judiciaires et ont même reçu la permission de produire des documents supplémentaires après l’audience en ce qui concerne la relation entre les juges et la Couronne fédérale. Ainsi, la Cour ne vise pas le fond des six requêtes.

 

  • [19] Je dois ensuite composer avec l’opposition des défendeurs au dépôt de nouvelles preuves. Comme je l’ai indiqué plus haut, les appelants ont déposé de nouvelles preuves [15] qui, à leur avis, prouvent que l’inconduite des défendeurs se poursuit, est tortueuse, criminelle et relève du complot, et traite de questions pertinentes à la compétence de la Cour. Selon les arguments de M. Carten à l’audience, la majorité de ces renseignements sont entrés en sa possession ou traitent d’événements qui ont eu lieu après la date fixée par le protonotaire Lafrenière pour la production de sa preuve.

 

  • [20] Les défendeurs contestent cet énoncé, affirmant que la vaste majorité des documents traitent d’événements ou de renseignements disponibles bien avant cette date. Quant à d’autres faits ou renseignements, ils constituent des allégations tout simplement scandaleuses et gratuites qui ne sont d’aucune aide à la Cour, et en fait, portent atteinte à un grand nombre des défendeurs. Je ne mentionnerai que quelques exemples, comme les allégations d’une autre tentative par Themis d’influencer un juge par l’emploi du langage des signes francs-maçons, l’inconduite d’une autre juge pour laquelle l’allégation semble être fondée strictement sur le fait que la juge avait démontré le langage corporel d’une personne qui a honte et évitait de la regarder. La documentation comprend une autre allégation osée selon laquelle, en général, les juges nommés par le premier ministre Campbell de la Colombie-Britannique avaient été choisis parce qu’ils acceptaient des pots-de-vin ou pourraient être manipulés. Elle comprend la nomination de juges pédophiles qui pouvaient être manipulés facilement. À cet égard, M. Carten insinue dans son affidavit qu’un juge défunt pouvait être lié à l’enlèvement ou à la disparition d’un enfant, basé principalement sur le fait que ledit juge aurait loué une fourgonnette blanche et qu’une fourgonnette blanche a été vue dans le secteur de la disparition. Rien n’indique que ces événements ont eu lieu au même moment [16] .

 

  • [21] À l’audience, les appelants ont confirmé qu’à leur avis, la preuve originale dont le protonotaire avait été saisi (affidavit de M. Carten en date du 23 juin 2008) devrait suffire pour accueillir l’appel et rejeter les requêtes des défendeurs.

 

  • [22] La Cour ne voit pas la pertinence de ces nouvelles questions pour la question de compétence, étant donné qu’elles sont d’une nature similaire aux allégations et à la preuve déjà produite en ce qui concerne comportement tortueux, criminel ou relevant du complot mentionné dans la déclaration. Elles n’ajoutent pas grand-chose à ce qui a déjà été plaidé.

 

  • [23] En général, l’appel intenté contre une ordonnance d’un protonotaire doit se décider sur ce qui se trouvait déjà devant le décideur; aucune nouvelle preuve n’est admise; James River Corporation c. Hall mark Cards Inc. [1997] 72 C.P.R. (3e) 157 (C.F. 1re inst.). Exceptionnellement, il est possible d’admettre de nouvelles preuves dans les circonstances où : elles n’auraient pas pu être disponibles auparavant; elles serviront les intérêts de la justice; elles aideront la Cour; elles ne porteront pas gravement atteinte à l’autre partie (Mazhero c. Canada (Conseil canadien des relations industrielles) (2002) 292 N.R. 187 (C.A.F.); Graham c. Canada, 2007 CF 210, au paragraphe 12; Sanbiford c. Canada, 2007 CF 225).

 

  • [24] Comme je l’ai mentionné, j’ai examiné la nouvelle preuve pour évaluer si elle aurait une incidence quelconque sur le bien-fondé de cet appel. J’ai conclu qu’elle n’en aurait pas. Je suis donc convaincue qu’il n’est pas dans l’intérêt de la justice et qu’il ne serait pas utile à la Cour d’admettre ces preuves à ce stade-ci. Il ne s’agit pas d’un des cas exceptionnels dont il est question plus haut.

 

Discussion

  • [25] Il est convenu que la Cour doit examiner la question de novo étant donné que les questions soulevées dans les diverses requêtes en rejet sont déterminantes pour l’issue de la cause (Canada c. Aqua-Gem Investment Ltd. [1993] 2 C.F. 425, 1993 A.C.F. no 103 (C.A.F.); Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc. 2003 CAF 488, [2004] 2 R.C.F. 459; Z.I. Pompey Industrie c. ECU-Line N.V., 2003 CSC 27, [2003] A.C.S. no 23).

 

  • [26] Il n’est donc pas nécessaire de traiter des présumées erreurs dans l’ordonnance du protonotaire Lafrenière. Comme l’ont proposé les appelants, la Cour a traité leurs commentaires à cet égard comme des arguments sur le bien-fondé des requêtes en rejet en tant que tel.

 

  • [27] Les dispositions pertinentes de la Loi sur les Cours fédérales et des Règles des Cours fédérales sont reproduites à l’annexe B.

 

  • [28] Les critères qui s’appliquent à une requête en rejet en vertu de l’alinéa 221 a), c) et f) sont bien établis et peuvent se résumés comme suit.

 

  • [29] En ce qui a trait à l’absence d’une cause d’action raisonnable, comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada dans Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, il doit être évident et manifeste que les appelants n’ont aucune chance de réussir parce que leur déclaration ne révèle aucune cause d’action raisonnable. À cet égard, il faut interpréter la déclaration de manière aussi libérale que possible et remédier à tout vice de forme, imputable à une carence rédactionnelle, qui aurait pu se glisser dans les allégations (Operation Dismantle Inc. c. La Reine, [1985] 1 RCS 441, au paragraphe 14). Les allégations de fait qu’il est possible de prouver doivent être considérées comme vraies, mais les allégations fondées sur des hypothèses et des spéculations ne doivent pas l’être.

 

  • [30] La cause d’action ne doit pas reposer sur des hypothèses (Chavali c. Canada, 2001 CFPI 268, 2002 F.T.R. 166, au paragraphe 21; Vojic c. Canada, [1987] 2 C.T.C. 203, 87 D.T.C. 5384 (C.A.F.)).

 

  • [31] La Cour d’appel fédérale dans MIL Davie Inc. c. Hibernia Management and Development Co., (1998) 226 N.R. 369, 85 C.P.R. (3e) 320 a clairement indiqué qu’il existe une distinction entre une requête en radiation pour manque de compétence et d’autres requêtes en radiation pour manque de cause d’action raisonnable, la preuve par affidavit étant admissible pour déterminer s’il y a des faits attributifs de compétence ou des allégations de faits appuyant une attribution de compétence. Ainsi, en ce qui a trait à l’argument des défendeurs (autres que les défendeurs de la Couronne fédérale) quant au manque de compétence, la Cour examinera les plaidoyers ainsi que la preuve par affidavit déposée par M. Carten en réponse aux requêtes. De la même façon, cette preuve doit être prise en compte en ce qui concerne les requêtes en vertu des alinéas 221c) et f) des Règles.

 

  • [32] Le critère en vertu de l’alinéa 221c) des Règles est aussi rigoureux que celui qui s’applique à l’alinéa 221a) des Règles. Dans Creaghan Estate c. Canada [1972] C.F. 732 (T.D.) Le juge Pratte le décrit comme suit [17]  :

(3) Enfin, une déclaration ne doit pas, à mon avis, être radiée pour le motif qu’elle est vexatoire ou futile, ou qu’elle constitue un emploi abusif des procédures de la Cour, pour la seule raison que, de l’avis du juge qui préside l’audience, l’action du demandeur devrait être rejetée. Je suis d’avis que le juge qui préside ne doit pas rendre une pareille ordonnance à moins qu’il ne soit évident que l’action du demandeur est tellement futile qu’elle n’a pas la moindre chance de réussir, quel que soit le juge devant lequel l’affaire sera plaidée au fond. C’est uniquement dans ce cas qu’il y a lieu d’enlever au demandeur l’occasion de plaider.

 

 

  • [33] Le terme vexatoire a été utilisé dans la jurisprudence pour décrire une déclaration qui ne révèle pas suffisamment les faits sur lesquels le demandeur fonde sa cause d’action, de façon à permettre au défendeur d’y répondre ou à permettre à la cour de réguler l’instance, Murray c. Canada, 21 N.R. 230, 1978 A.C.F. no 406 (QL) (C.A.F.), au paragraphe 10.

 

  • [34] Le protonotaire Hargrave a aussi défini les termes « scandaleux, frivole et vexatoire » de la façon suivante dans Steiner c. Canada, [1996] A.C.F. no 1356 :

[traduction]

 

16  Un plaidoyer scandaleux inclut celui qui jette de façon inappropriée un regard dérogatoire sur quelqu’un, en ce qui concerne son caractère moral. Une déclaration est frivole lorsqu’elle a peu de poids ou d’importance, ou pour laquelle il n’existe pas de raisonnement logique dans la preuve ou le droit pour l’appuyer. Une procédure vexatoire est une procédure qui a été intentée avec malice ou sans cause probable, ou qui ne donnera pas de résultat pratique.

 

(Voir également Kisikawpimootewin c. Canada [2004] A.C.F. no 1709 (T.D.), aux paragraphes 8 et 9).

 

  • [35] Les commentaires suivants du juge Henry dans Re Lang, Michener et al c. Fabian et al, [1987] 59 O.R. (2e) 353, au paragraphe 19, sont aussi pertinents et utiles ici :

 

[traduction]

 

d) une caractéristique générale des procédures vexatoires est que les fondements et les questions soulevées ont tendance à être transposés en actions subséquentes, puis répétées et augmentées, souvent avec des actions intentées contre les avocats qui ont agi pour ou contre le plaideur dans des procédures antérieures;

 

e) pour déterminer si une procédure est vexatoire, la Cour doit examiner tout l’historique de l’affaire, pas seulement s’il y avait une cause d’action acceptable à l’origine.

 

 

 

  • [36] Pour ce qui est de la doctrine de l’abus de procédure, elle a été abordée récemment par la Cour suprême du Canada dans Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 C.S.C. 63, [2003] 3 R.C.S. 77, au paragraphe 37, comme suit :

    1. Dans le contexte qui nous intéresse, la doctrine de l’abus de procédure fait intervenir [traduction] « le pouvoir inhérent du tribunal d’empêcher que ses procédures soient utilisées abusivement, d’une manière [...] qui aurait [...] pour effet de discréditer l’administration de la justice » (Canam Enterprises Inc. c. Coles (2000), 51 O.R. (3e) 481 (C.A.), par. 55, le juge Goudge, dissident, approuvé par [2002] 3 R.C.S. 307, 2002 CSC 63)). Le juge Goudge a développé la notion de la façon suivante aux par. 55 et 56 :

 

[traduction]

 

La doctrine de l’abus de procédure engage le pouvoir inhérent du tribunal d’empêcher que ses procédures soient utilisées abusivement, d’une manière qui serait manifestement injuste envers une partie au litige, ou qui aurait autrement pour effet de discréditer l’administration de la justice. C’est une doctrine souple qui ne s’encombre pas d’exigences particulières telles que la notion d’irrecevabilité. Voir House of Spring Gardens Ltd. c. Waite, [1990] 3 W.L.R. 347, p. 358, [1990] 2 All E.R. 990 (C.A.).

 

Un cas d’application de l’abus de procédure est lorsque le tribunal est convaincu que le litige a essentiellement pour but de rouvrir une question qu’il a déjà tranchée. [Je souligne.]

 

Ainsi qu’il ressort du commentaire du juge Goudge, les tribunaux canadiens ont appliqué la doctrine de l’abus de procédure pour empêcher la réouverture de litiges dans des circonstances où les exigences strictes de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée (généralement les exigences de lien de droit et de réciprocité) n’étaient pas remplies, mais où la réouverture aurait néanmoins porté atteinte aux principes d’économie, de cohérence, de caractère définitif des instances et d’intégrité de l’administration de la justice.

 

  • [37] De plus, dans Painblanc c. Kastner, (1994) 176 N.R. 68, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’un appelant qui intente des procédures simplement dans l’espoir de découvrir quelque chose (aller à la pêche) peut voir les procédures radiées comme abus de procédure. Dans Bashi c. Canada, 2004 CF 80, [2004] A.C.F. no 95 (T.D.), ainsi que dans Détenus de la prison Mountain c. Canada, (1998) A.C.F. no 573 (T.D.) et dans Yearsley c. Canada, (2001) A.C.F. no 1078 (T.D.), le protonotaire Hargrave a examiné différents cas avant de conclure que les plaidoyers qui sont vagues ou confus, ou qui contiennent plusieurs allégations différentes de sorte qu’il serait impossible pour la Cour d’assurer le déroulement ordonné du procès, constituent un abus du système.

 

  • [38] J’appliquerai maintenant ces critères à l’affaire en cause. Je traiterai d’abord des requêtes des défendeurs autres que ceux de la Couronne fédérale, puisqu’elles comportent une question de compétence que les requêtes des défendeurs fédéraux n’abordent pas.

 

  • [39] M. Carten a soutenu que la Cour fédérale devrait assumer la compétence parce qu’il n’a pas d’autre moyen étant donné que les appelants ont perdu confiance dans le système de la Cour provincial de la Colombie-Britannique. Mais à l’audience, il n’a pas sérieusement contesté le fait que la Cour doit appliquer les critères énoncés par la Cour suprême du Canada dans ITO – International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et al, [1986] 1 R.C.S. 752, au paragraphe 11, pour déterminer si la Cour fédérale est compétente en ce qui concerne une personne ou à un sujet examiné en l’espèce.

 

  • [40] Il est bien établi en droit que la Cour n’est pas compétente par défaut. Les parties, et même la Cour, ne peuvent pas accepter d’attribuer une compétence lorsque le Parlement ne l’a pas fait [18] . La compétence de la Cour doit être évaluée pour chaque défendeur comme si chacun avait été poursuivi indépendamment de la Couronne fédérale.

 

  • [41] M. Carten a parsemé la déclaration d’affirmations osées selon lesquelles les défendeurs non fédéraux agissaient en tant que mandataires ou sous-mandataires du gouvernement canadien; ensuite, il s’appuie sur l’alinéa 17(5)b) de la Loi sur les Cours fédérales comme fondement de l’attribution légale de compétence pour appuyer sa déclaration contre les défendeurs non fédéraux.

 

  • [42] En vertu de cette disposition, la Cour fédérale a compétence concurrente en première instance :

 

« contre un fonctionnaire, préposé ou mandataire de la Couronne pour des faits – actes ou omissions – survenus dans le cadre de ses fonctions. »

 

  (je souligne)

 

  • [43] En 1992, l’alinéa 17(5)b) (auparavant, l’alinéa 17(4)b)) ne mentionnait que le fonctionnaire ou préposé de la Couronne, mais il était déjà interprété comme incluant les mandataires de la Couronne, comme c’était le cas pour le mot « préposé » en vertu de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C., 1985, ch. C-50. Le mot « mandataire » a donc été ajouté dans les modifications qui sont entrées en vigueur en 1992 pour préciser la situation. Comme l’a noté la Cour d’appel fédérale dans Commissaire des Territoires du Nord-Ouest c. la Reine, 2001 FAC 220; [2001] A.C.F. no 1093 (C.A.F.), au paragraphe 70, l’alinéa 17(5)b) de la Loi sur les Cours fédérales « par ses termes mêmes, renvoie à la Loi sur la responsabilité de l’État ».

 

  • [44] Bien qu’à l’audience M. Carten ait soutenu pour le compte des appelants que les membres de la magistrature canadienne étaient [traduction] « fonctionnaires du Roi » et donc de la Couronne fédérale, il a noté que ce point était sans objet étant donné que chaque juge avait été poursuivi en sa capacité de « mandataire de la Couronne ». À son avis, cela suffit pour distinguer la situation récente à celle qui est traitée dans Crowe c. Canada (Procureur général et al) 2008 CAF 298; [2008] A.C.F. no 1473 où la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il était évident et manifeste que les membres de la magistrature canadienne ne sont pas des « préposés de la Couronne » et que la Cour n’est pas compétente pour accorder des réparations contre eux [19] .

 

  • [45] Bien que les appelants reconnaissent que le gouvernement canadien ne participe habituellement pas à l’administration quotidienne de la justice et des cours partout au Canada, ils conjecturent qu’il intervient dans les cas d’intérêt par l’entremise du juge en chef de la Cour suprême du Canada qui siège comme membre du Conseil privé et qui a accès aux juges en chef des différentes cours partout au Canada (paragraphe 64 des observations des appelants au protonotaire Lafrenière).

 

  • [46] Aucune explication concrète ou théorie détaillée n’a été avancée pour expliquer la façon dont le gouvernement canadien « contrôlerait » les membres élus du gouvernement de la Colombie-Britannique, y compris les différents premiers ministres et ministres, le Bureau du procureur général, et encore moins les cabinets d’avocats privés comme McCarthy Tétrault et Lang Michener.

 

  • [47] Il n’a été ni plaidé ni allégué que la loi déclare que certains membres des défendeurs non fédéraux (en particulier les ordres professionnels de juristes) agissent à titre de mandataires de la Couronne fédérale, ou qu’une disposition d’une loi les assujettit directement à un niveau de contrôle et de supervision du pouvoir exécutif du gouvernement canadien qui satisfait au critère de contrôle abordé dans l’ouvrage de P. Hogg et P. Monahan, Liability of the Crown, 3d (Carswell, 2000), aux pages 334 et suivantes. En fait, la Cour est convaincue qu’aucun des défendeurs ne satisferait au critère de contrôle établi par la Cour suprême du Canada dans Administration du pipe-line du Nord c. Perehinec, [1983] 2 R.C.S. 513, aux pages 519 à 521. La notion de « mandataire de l’État » dans la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif ainsi qu’au paragraphe 17(5) de la Loi sur les Cours fédérales exige un contrôle de jure plutôt qu’un contrôle de facto.

 

  • [48] De plus, même si la Cour acceptait le fait que, quoiqu’à mon avis cela aille à l’encontre du droit actuel, l’alinéa 17(5)b) pourrait inclure un mandataire de l’État de facto, la Cour n’est pas convaincue qu’il y ait des faits importants ou la moindre preuve [20] pour appuyer une telle allégation en l’espèce. Je ne suis pas prête à conclure, comme le proposaient les appelants, que ces derniers avaient présenté une requête suffisamment fondée dans les faits sur laquelle un juge des faits raisonnable pouvait conclure que les défendeurs non fédéraux (y compris Themis [21] ) agissaient pour le compte du gouvernement canadien comme ils le prétendent dans la déclaration.

 

  • [49] Comme le protonotaire Lafrenière, la Cour a conclu qu’il n’y a pas de fondement de l’attribution légale de compétence en ce qui concerne défendeurs non fédéraux. Ainsi, la Cour conclut qu’il est évident et manifeste que la déclaration des appelants échoue contre tous ces défendeurs pour absence de compétence.

 

  • [50] Cela étant dit, je ne traiterai que brièvement de quelques autres questions soulevées dans les requêtes de ces défendeurs.

 

  • [51] En ce qui a trait à la requête des défendeurs judiciaires, les décisions du CCM en ce qui concerne les plaintes reçues de leur part (voir par exemple les paragraphes 125, 137 à 139, 150 de la déclaration) sont des décisions d’un « office fédéral » qui sont susceptibles de contrôle en vertu de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales. La Cour est liée par les décisions de la Cour d’appel fédérale qui énoncent clairement que la Cour ne peut pas envisager d’attaques accessoires des décisions susceptibles de contrôle jusqu’à leur contrôle et infirmation (voir Crowe, précité, aux paragraphes 20 et 21).

 

  • [52] Quant à l’attaque contre l’indépendance judiciaire des juges particuliers et l’allégation des appelants que l’immunité judiciaire [22] − c’est-à-dire qu’on ne peut pas demander aux juges d’expliquer leurs décisions autrement que par leurs motifs – ne s’applique pas, il faut plus que de la conjecture [23] d’une partie perdante selon laquelle quelqu’un, comme la Couronne fédérale, aurait influencé les décisions et/ou s’y serait immiscé.

 

  • [53] On ne peut pas contourner le principe selon lequel, si une personne n’est pas satisfaite d’un jugement parce que le résultat ou les motifs sont contraires au droit, cette décision ne peut être contestée qu’au moyen d’un appel, simplement en affirmant qu’on a perdu confiance dans l’ensemble du système judiciaire provincial.

 

  • [54] La Cour est persuadée que les déclarations contre les défendeurs judiciaires devraient aussi être rejetées comme étant scandaleuses, frivoles ou vexatoires.

 

  • [55] En fait, ayant examiné la question très soigneusement, je suis convaincue que ces déclarations contre tous les défendeurs (sauf les défendeurs de la Couronne de la Colombie-Britannique et de la Couronne fédérale) doivent être rejetées comme scandaleuses, frivoles et vexatoires.

 

  • [56] En ce qui concerne les défendeurs de la Couronne de la Colombie-Britannique, cette dernière demeure défenderesse dans l’action de Sun Belt qui fait l’objet d’un sursis, la Cour estime qu’il est préférable de ne pas se prononcer sur le bien-fondé de la déclaration en tant que telle puisque l’allégation de « fraude envers la Cour » dans cette procédure peut demeurer pertinente pour une telle action.

 

  • [57] En ce qui concerne les défendeurs de la Couronne fédérale, comme je l’ai dit, les allégations reliant les actions d’autres défendeurs de la Couronne fédérale selon le principe d’un organisme de facto ne sont pas appuyées de la moindre preuve. Et j’accepte de façon générale les commentaires du protonotaire Lafrenière concernant le terme « agence » (paragraphes 38 à 40). Cela veut dire qu’il reste très peu [24] d’allégations pour appuyer la déclaration contre les défendeurs de la Couronne fédérale, particulièrement les fonctionnaires et préposés individuels nommés dans la déclaration. Encore une fois, ayant examiné très soigneusement toutes les allégations et la preuve présentée, la Cour doit de nouveau conclure que la déclaration est purement de nature spéculative et hypothétique. Elle n’est pas appuyée de la moindre preuve et ne présente aucune argumentation rationnelle fondée sur la preuve. La Cour partage donc l’avis de ces défendeurs selon lequel elles doivent être rejetées conformément à l’alinéa 221(1)c).

 

  • [58] Dans les circonstances, il n’est pas nécessaire de traiter de la requête en jugement par défaut de M. Carten. Comme le protonotaire Lafrenière, la Cour estime que cette requête sans objet.

 

  • [59] L’appel est rejeté avec dépens. Chaque défendeur aura droit à un montant global de 750 $.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que l’appel est rejeté avec dépens. Chaque défendeur aura droit à un montant global de 750 $.

 

 

« Johanne Gauthier »

Juge

 

 

 

 


ANNEXE A

 

Date : 20091201

Dossier : T-95-08

Référence : 2009 CF 1233

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique) le 1er décembre 2009

En présence de monsieur le protonotaire Roger R. Lafrenière

 

 

ENTRE :

JOHN FREDERICK CARTEN ET KAREN AUDREY GIBBS

appelants

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, JEAN CHRÉTIEN,

EDDIE GOLDENBERG, SERGIO MARCHI, LLOYD AXWORTHY,

PIERRE PETTIGREW, JOHN MANLEY, BILL GRAHAM, JIM PETERSON,

PAUL MARTIN, DAVID EMERSON, TIM MURPHY,

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE,

MICHAEL HARCOURT, GLEN CLARK, UJJAL DOSANJH, GORDON CAMPBELL, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

ALLAN ROCK, ANNE MCLELLAN, MARTIN CAUCHON, IRWIN COTLER,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE,

COLIN GABLEMAN, GEOFF PLANT, WALLY OPPAL,

CONSEIL CANADIEN DE LA MAGISTRATURE, JEANNIE THOMAS, NORMAN SABOURIN,

feu ANTONIO LAMER, BEVERLEY MCLACHLIN,

feu ALLAN MCEACHERN, PATRICK DOHM, DONALD BRENNER,

BRYAN WILLIAMS, JEFFERY OLIPHANT, JOHN MORDEN, JOSEPH DAIGLE,

THEMIS PROGRAM MANAGEMENT AND CONSULTING LTD.,

LAW SOCIETY OF BRITISH COLUMBIA, LAW SOCIETY OF ALBERTA, DAVID VICKERS, feu ROBERT EDWARDS, JOHN BOUCK, JAMES SHABBITS, HOWARD SKIPP, CRYIL ROSS LANDER, RALPH HUTCHINSON,

MICHAEL HALFYARD, HARRY BOYLE, SID CLARK, ALLAN GOULD,

ROBERT METZGER, BRIAN KLAVER, JOHN MAJOR, JOHN HORN,

BARBARA ROMAINE, ADELE KENT, SAL LOVECCHIO, DONALD WILKINS,

ROY VICTOR DEYELL, TIMOTHY LEADEM, WILLIAM PEARCE,

LISA SHEUDROFF, ANN WILSON, RICHARD MEYERS, GILLIAN WALLACE,

MAUREEN MALONEY, BRENDA EDWARDS, STEPHEN OWEN, DON CHIASSON,

CRAIG JONES, JAMES MATTISON, MCCARTHY TÉTRAULT LLP,

HERMAN VAN OMMEN, STEVE KLINE, LANG MICHENER LLP,

LA CORPORATION DE LA VILLE DE VICTORIA, JOHN DOE ET JANE DOE

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

  • [1] […]

  • [2] […]

  • [3] […]

  • [4] []

 

Requêtes à la Cour

  • [5] Six requêtes en radiation distinctes ont été déposées par les parties requérantes suivantes :

 

  a)  Sa Majesté la Reine du chef du Canada, Jean Chrétien, Eddie Goldenberg, Sergio Marchi, Lloyd Axworthy, Pierre Pettigrew, John Manley, Bill Graham, Jim Peterson, Paul Martin, l’honorable David Emerson, Tim Murphy, le Procureur général du Canada, Allan Rock, Anne McLellan, Martin Cauchon et Irwin Cotler (défendeurs de la Couronne fédérale);

 

  b)  les défendeurs, Michael Harcourt, Glen Clark, Ujjal Dosanjh, Gordon Campbell, le Procureur général de la Colombie-Britannique, Colin Gableman, Geoff Plant, Wally Oppal, feu Allan McEachern, Patrick Dohm, Donald Brenner, Bryan Williams, David Vickers, feu Robert Edwards, John Bouck, James Shabbits, Howard Skipp, Cyril Ross Lander, feu Ralph Hutchinson, Michael Halfyard, Harry Boyle, feu Sid Clark, Allan Gould, Robert Metzger, Brian Klaver, John Major, John Horn, Timothy Leadem, William Pearce, Lisa Shendroff, Ann Wilson, Richard Meyers, Gillian Wallace, Maureen Maloney, Brenda Edwards, Stephen Owen, Don Chiasson, Craig Jones et James Mattison (défendeurs de la Couronne de la Colombie-Britannique);

 

  c)  le Conseil canadien de la magistrature (CCM), Jeannie Thomas, Norman Sabourin, feu Antonio Lamer, Beverley McLachlin, Jeffery Oliphant, John Morden, Joseph Daigle, Barbara Romaine, Adele Kent, Sal LoVecchio, Donald Wilkins et Roy Victor Deyell (défendeurs judiciaires);

 

  d)  Law Society of British Columbia (LSBC), McCarthy Tétrault LLP (McCarthy Tétrault) et Herman Van Ommen;

 

  e)  Lang Michener LLP (Lang Michener); et

 

  f)  Law Society of Alberta (LSA).

 

  • [6] []

  • [7] []

  • [8] []

  • [9] []

 

Allégations dans la déclaration

  • [10] La déclaration consiste en 56 pages et contient 311 paragraphes à simple interligne. Aux fins de ces motifs, il n’est pas nécessaire d’examiner en détail toutes les allégations énoncées dans le plaidoyer. Il faut se rappeler que, pour une requête en vertu de la règle 221 a), les faits énoncés dans le plaidoyer doivent être considérés comme vrais pour déterminer si la demande révèle une cause d’action raisonnable.

 

  • [11] Les services de M. Carten ont été retenus par Sun Belt Water Inc. (Sun Belt) et Snowcap Waters Ltd. (Snowcap) en 1992 afin d’agir en qualité d’avocat pour une poursuite demandant une indemnité pour des pertes commerciales liées à un changement à la politique d’exportation d’eau en vrac, par Sa Majesté la Reine du chef de la Colombie-Britannique (la Couronne de la Colombie-Britannique). Les procédures ont été intentées devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique (CSCB) en janvier 1993.

 

  • [12] Selon les appelants, des renseignements sont venus à leur attention pendant le processus d’interrogatoire préalable et à la suite d’enquêtes privées menées pendant et après la conclusion des procédures devant la CSCB. Ils prétendent avoir découvert des preuves que des employés et fonctionnaires de la Couronne fédérale et de la Couronne de la Colombie-Britannique avaient accordé en secret des faveurs illégales à des « amis de l’ancien gouvernement » par l’intermédiaire d’une société appelée W.C.W. Western Canada Water Enterprises Ltd. (WCW). M. Carten avait appris que WCW était organisée par des familles de la mafia de Chicago et que plusieurs membres de la Chambre des communes en session à Ottawa avaient investi dans WCW.

 

  • [13] Les appelants allèguent qu’il existe un accord conclu en septembre 1989 entre la Couronne fédérale et WCW qui prouve que ces deux parties ont comploté afin de contourner l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, la Loi sur les ressources en eau et l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. L’accord aurait exonéré WCW du paiement des frais prévus par la Loi sur les ressources en eau imputés en ce qui concerne l’eau en vrac.

 

  • [14] Les allégations essentielles de la déclaration sont que des personnes aux niveaux les plus élevés de la Couronne fédérale ont approuvé une stratégie de fraude et de dissimulation de fraude, et y ont participé avec d’autres défendeurs dans le but de porter personnellement atteinte à M. Carten afin de protéger les renseignements prétendument secrets. Des dizaines de personnes et d’entités auraient causé collectivement un préjudice aux appelants par divers actes d’inconduite et d’omission sur une période de 15 ans. La déclaration est remplie d’allégations de complots entre différents défendeurs, y compris des juges de la Cour provinciale et de la Cour supérieure et des membres du CCM (paragraphes 3, 32, 38, 46, 71, 75, 77, 78, 83, 84, 135, 148, 151, 176, 178, 180, 184, 185, 194, 206, 218, 219, 223, 229, 235, 239, 243, 244, 246, 252, 260, 261, 301 et 311), et l’« ingérence » par les défendeurs dans diverses enquêtes judiciaires, quasi-judiciaires et policières (paragraphes 4, 5, 6, 8, 12, 28, 32, 39, 40, 65, 66, 69, 71, 73, 135, 148, 151, 153, 157, 161, 163, 168, 169, 170, 171, 174, 178, 184, 186, 194, 196, 213, 245, 269, 277, 278, 285, 286, 292 et 302).

 

  • [15] Après le règlement du litige Snowcap en juillet 1996 par un paiement de 335 000 $, les appelants allèguent que la Couronne de la Colombie-Britannique s’est retirée des discussions pour négocier un règlement de la demande de Sun Belt, malgré les observations selon lesquelles elle amorcerait des négociations de bonne foi. Les défendeurs de la Couronne de la Colombie-Britannique auraient supposément repris la poursuite et adopté une stratégie défendue qui comportait une « fraude envers la Cour ». Les allégations d’inconduite comprennent celles-ci :

 

a)  la suppression d’éléments de preuve, la dissimulation de documents, l’emploi de faux témoignages, aussi bien au moment de l’interrogatoire préalable que par voie de faux affidavits, et des observations fausses et trompeuses au juge d’instance pendant les demandes interlocutoires qui ont eu lieu au cours des procédures de Sun Belt;

 

b)  l’influence inappropriée et en secret des fonctionnaires judiciaires nommés pour présider aux diverses audiences dans le cadre des procédures de Sun Belt;

 

c)  une attaque secrète contre M. Carten en influençant de manière inappropriée et en secret des fonctionnaires judiciaires dans un litige familial privé touchant M. Carten.

 

  • [16] Les appelants allèguent que les Couronnes de la Colombie-Britannique et fédérales ont influencé de manière inappropriée et en secret les fonctionnaires judiciaires dans le cadre d’un litige entre Rain Coast Water Corp., anciennement appelée Aquasource Ltd. (Aquasource) et la Couronne de la Colombie-Britannique, en ce qui concerne une demande d’Aquasource en vertu de la Freedom of Information and Protection of Privacy Act de la Colombie-Britannique et une demande par Aquasource d’indemnité découlant du changement à la politique d’exportation de l’eau en vrac. Pour situer le contexte, Aquasource a présenté une demande de renseignements liée à la décision d’exécuter le décret en conseil 331 en date du 18 mars 1991. En réponse, la Couronne de la Colombie-Britannique a publié une version expurgée d’un document appelé « présentation au Cabinet » dans lequel plusieurs pages avaient été éliminées ou masquées. Aquasource a demandé que ces pages soient publiées. M. Carten allègue que la demande a été rejetée parce que des mandataires de la Couronne fédérale se sont immiscés et ont comploté avec différents juges pour rendre des décisions qui empêchaient Aquasource de mener un interrogatoire préalable complet et approprié. M. Carten prétend que de 2000 à 2004, la Couronne de la Colombie-Britannique a retenu des documents dans les procédures de Aquasource Bulk Water Export parce qu’elle savait que M. Carten avait donné des conseils stratégiques à Aquasource et voulait l’empêcher d’obtenir des renseignements qui seraient utiles aux procédures de Sun Belt.

 

  • [17] Les appelants allèguent aussi que la Couronne fédérale a secrètement attaqué Mme Gibbs en exerçant une influence inappropriée et en secret sur des fonctionnaires judiciaires dans le cadre d’un litige de la famille privée impliquant Mme Gibbs. Les appelants prétendent que la Couronne fédérale aurait nommé différents juges pour entendre les affaires dans les audiences relatives à la garde d’enfants de Mme Gibbs et aurait comploté avec eux pour rendre des décisions défavorables à l’égard de Mme Gibbs et, par extension, de M. Carten lui-même. M. Carten allègue que des mandataires de la Couronne fédérale se sont immiscés dans les procédures en matière de propriété privée de Mme Gibbs, entraînant des décisions défavorables pour Mme Gibbs et lui-même. Les mandataires de la Couronne fédérale auraient fait cela dans le but de porter atteinte à Mme Gibbs en raison de son association avec M. Carten.

 

  • [18] Les procédures de Sun Belt ont été rejetées par la CSCB en 1999. En novembre 1999, Sun Belt a signifié une notification de l’intention de soumettre une plainte et une demande d’arbitrage en vertu du chapitre 11 de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA). Les procédures de l’ALÉNA n’ont pas procédé en raison d’un manque de ressources de la part de Sun Belt.

 

  • [19] M. Carten a déposé des plaintes auprès de la GRC et du Service de police de Vancouver demandant qu’ils ouvrent une enquête policière sur la conduite inappropriée par des fonctionnaires. Les appelants prétendent que des mandataires de la Couronne fédérale se sont immiscés dans les enquêtes et les ont entravées en 2002 et en 2005.

 

  • [20] La Couronne fédérale aurait tenté de faire radier M. Carten du barreau afin de l’empêcher de continuer d’agir pour Sun Belt en ayant recours à ses mandataires pour s’immiscer dans les affaires des défendeurs, la LSBC et la LSA. Au paragraphe 100 de la déclaration, les appelants affirment que [traduction] « les particularités de l’inconduite des [défendeurs de la Couronne fédérale] ne sont pas entièrement connues des appelants et deviendront évidentes et manifestes après les procédures d’interrogatoire préalable ».

 

  • [21] Les appelants soutiennent qu’un certain nombre de juges de la Cour supérieure, y compris des juges en chef de la Colombie-Britannique et de la Cour suprême du Canada, ont agi en contravention de leurs obligations et ont entravé le cours de la justice dans les procédures de Sun Belt et autres litiges associés. Les appelants allèguent que des affaires ont été reportées, des juges ont été réaffectés et des ordonnances ont été rendues contre eux en raison des actions prises par des mandataires de la Couronne fédérale, qui se sont immiscés dans la magistrature.

 

  • [22] Par exemple, les appelants prétendent au paragraphe 71 de la Déclaration que des agents de la Couronne fédérale ont comploté avec un juge de la CSCB [traduction] « pour prononcer des motifs de jugement qui étaient abusifs et contraires au droit et qui visaient à obliger Sun Belt à divulguer préalablement ses preuves et ses arguments en droit avant la fin des procédures d’interrogatoire préalable ».

 

  • [23] Un autre exemple d’ingérence judiciaire se rapporte aux audiences relatives à la garde d’enfants intentées par l’ex-époux de Mme Gibbs en Alberta en 1995. Les appelants soutiennent que la Cour de l’Alberta n’aurait pas dû accepter la compétence en l’espèce et que diverses décisions par les Cours de l’Alberta et de la Colombie-Britannique au contraire étaient erronées. M. Carten prétend que des mandataires de la Couronne fédérale s’étaient immiscés dans les audiences relatives à la garde d’enfants afin d’empêcher Mme Gibbs de venir en aide à M. Carten dans les procédures de Sun Belt.

 

  • [24] M. Carten s’est plaint au CMM à plusieurs reprises pour qu’il enquête sur la présumée inconduite des juges dans les procédures de Sun Belt. Divers membres et employés du CMM auraient enfreint leurs obligations en omettant de mener une enquête sur les plaintes de M. Carten et en camouflant l’inconduite et la conduite illégale. La conduite des fonctionnaires du CMM [traduction] « équivaudrait à de l’entrave à la justice et violerait le Code criminel du Canada ».

 

  • [25] M. Carten soutient que la LSBC a agi à l’encontre de ses obligations légales en omettant d’enquêter sur les plaintes déposées par M. Carten contre différents avocats représentant les Couronnes fédérales et de la Colombie-Britannique. La LSBC aurait, [traduction] « par corruption et en violation de ses obligations légales », obligé M. Carten à se soumettre à une évaluation psychiatrique et aurait adopté une stratégie visant à « porter atteinte à la moralité au moyen de la psychiatrie ». Les appelants prétendent que la LSBC a secrètement induit LSA à s’immiscer dans une procédure intentée contre M. Carten en vertu de la Family Maintenance Enforcement Act (FMEA) en s’arrangeant secrètement pour annuler l’audience du 30 juin 2006. Les appelants prétendent que la LSBC a secrètement persuadé le juge d’instance dans les procédures de la FMEA à rendre une ordonnance de la cour empêchant M. Carten d’appeler des témoins sans le consentement du juge.

 

  • [26] Les appelants allèguent que des mandataires de LSA, comme sous-mandataires de la Couronne fédérale, lui avaient envoyé des lettres menaçantes en 1999 ou en 2000 en raison d’un contrat secret entre la LSBC et la LSA. Ils soutiennent que la LSA a refusé d’enquêter sur des plaintes présentées par Mme Gibbs concernant des avocats qui l’avaient représentée en Alberta. Ils soutiennent en outre que la LSA aurait envoyé deux enquêteurs dans le but de tenter de mener des enquêtes illégales et inappropriées au domicile personnel de Mme Gibbs à Calgary en 1999 ou en 2000.

 

  • [27] Les appelants soutiennent que la Couronne fédérale s’est immiscée dans les opérations de Themis et a incité la compagnie à intenter des actions agressives, abusives et illégales contre M. Carten, y compris des procédures en saisie en ce qui concerne les arriérés accumulés au titre de la pension alimentaire pour enfants payables par M. Carten, la suspension de son permis de conduire, et le lancement d’une campagne de diffamation frauduleuse conter M. Carten en avisant les fonctionnaires du gouvernement en Alberta que M. Carten avait des antécédents de violence.

 

  • [28] Les allégations particulières contre Lang Michener se trouvent aux paragraphes 292 à 295 de la déclaration. Les appelants prétendent que Lang Michener s’est immiscé dans la relation avocat-client de M. Carten avec Sun Belt, que le cabinet d’avocats agissait secrètement comme mandataire de la Couronne fédérale et qu’il avait divulgué des renseignements personnels obtenus de M. Carten et de Sun Belt à des tiers non identifiés, en contravention des obligations professionnelles de Lang Michener.

 

  • [29] M. Carten affirme qu’en 1997, McCarthy Tétrault a accepté de préparer une opinion juridique sur la possibilité d’engager une instance dans le cadre de l’ALÉNA en ce qui concerne Sun Belt. Ce faisant, le cabinet a fait preuve d’inconduite parce qu’il avait un conflit d’intérêts étant donné leurs travaux précédents pour WCW et la Couronne fédérale, et leur défaut de communiquer le conflit. Il a de plus violé ses obligations professionnelles lorsqu’un associé de McCarthy Tétrault, M. Van Ommen, a accepté un mandat de la LSBC dans le cadre de la demande de réintégration à la LSBC de M. Carten, même si M. Carten avait été un client dans le passé. Les appelants soutiennent en outre que M. Van Ommen a incité un psychiatre à rédiger une lettre citant que M. Carten pouvait souffrir de [traduction] « troubles mentaux importants non diagnostiqués et non traités ».

 

[…]

 

 

 


 

ANNEXE B

 

 

 

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7

 

 

Réparation contre la Couronne

17. (1) Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, la Cour fédérale a compétence concurrente, en première instance, dans les cas de demande de réparation contre la Couronne.

Motifs

(2) Elle a notamment compétence concurrente en première instance, sauf disposition contraire, dans les cas de demande motivés par :

a) la possession par la Couronne de terres, biens ou sommes d’argent appartenant à autrui;

b) un contrat conclu par ou pour la Couronne;

c) un trouble de jouissance dont la Couronne se rend coupable;

d) une demande en dommages-intérêts formée au titre de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif.

Conventions écrites attributives de compétence

(3) Elle a compétence exclusive, en première instance, pour les questions suivantes :

a) le paiement d’une somme dont le montant est à déterminer, aux termes d’une convention écrite à laquelle la Couronne est partie, par la Cour fédérale – ou l’ancienne Cour de l’Échiquier du Canada – ou par la Section de première instance de la Cour fédérale;

b) toute question de droit, de fait ou mixte à trancher, aux termes d’une convention écrite à laquelle la Couronne est partie, par la Cour fédérale – ou l’ancienne Cour de l’Échiquier du Canada – ou par la Section de première instance de la Cour fédérale.

Demandes contradictoires contre la Couronne

(4) Elle a compétence concurrente, en première instance, dans les procédures visant à régler les différends mettant en cause la Couronne à propos d’une obligation réelle ou éventuelle pouvant faire l’objet de demandes contradictoires.

Actions en réparation

(5) Elle a compétence concurrente, en première instance, dans les actions en réparation intentées :

a) au civil par la Couronne ou le procureur général du Canada;

b) contre un fonctionnaire, préposé ou mandataire de la Couronne pour des faits – actes ou omissions – survenus dans le cadre de ses fonctions.

Relief against the Crown

17. (1) Except as otherwise provided in this Act or any other Act of Parliament, the Federal Court has concurrent original jurisdiction in all cases in which relief is claimed against the Crown.

Cases

(2) Without restricting the generality of subsection (1), the Federal Court has concurrent original jurisdiction, except as otherwise provided, in all cases in which

(a) the land, goods or money of any person is in the possession of the Crown;

(b) the claim arises out of a contract entered into by or on behalf of the Crown;

(c) there is a claim against the Crown for injurious affection; or

(d) the claim is for damages under the Crown Liability and Proceedings Act.

Crown and subject: consent to jurisdiction

(3) The Federal Court has exclusive original jurisdiction to hear and determine the following matters:

(a) the amount to be paid if the Crown and any person have agreed in writing that the Crown or that person shall pay an amount to be determined by the Federal Court, the Federal Court — Trial Division or the Exchequer Court of Canada; and

(b) any question of law, fact or mixed law and fact that the Crown and any person have agreed in writing shall be determined by the Federal Court, the Federal Court — Trial Division or the Exchequer Court of Canada.

Conflicting claims against Crown

(4) The Federal Court has concurrent original jurisdiction to hear and determine proceedings to determine disputes in which the Crown is or may be under an obligation and in respect of which there are or may be conflicting claims.

Relief in favour of Crown or against officer

(5) The Federal Court has concurrent original jurisdiction

(a) in proceedings of a civil nature in which the Crown or the Attorney General of Canada claims relief; and

(b) in proceedings in which relief is sought against any person for anything done or omitted to be done in the performance of the duties of that person as an officer, servant or agent of the Crown.

 

 


Règles des Cours fédérales, DORS n° 98-106

 

 

Exposé des faits

174. Tout acte de procédure contient un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde; il ne comprend pas les moyens de preuve à l’appui de ces faits.

Précisions

181. (1) L’acte de procédure contient des précisions sur chaque allégation, notamment :

a) des précisions sur les fausses déclarations, fraudes, abus de confiance, manquements délibérés ou influences indues reprochés;

b) des précisions sur toute allégation portant sur l’état mental d’une personne, tel un déséquilibre mental, une incapacité mentale ou une intention malicieuse ou frauduleuse.

Précisions supplémentaires

(2) La Cour peut, sur requête, ordonner à une partie de signifier et de déposer des précisions supplémentaires sur toute allégation figurant dans l’un de ses actes de procédure.

Contenu

182. La déclaration, la demande reconventionnelle et la mise en cause contiennent les renseignements suivants :

a) la nature des dommages-intérêts demandés;

b) lorsqu’une réparation pécuniaire est réclamée, une mention indiquant si le montant demandé excède 50 000 $, intérêts et dépens non compris;

c) la valeur des biens réclamés;

d) toute autre réparation demandée, à l’exclusion des dépens;

e) le cas échéant, une mention portant que l’action est poursuivie en tant qu’action simplifiée.

 

Requête en radiation

221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;

b) qu’il n’est pas pertinent ou qu’il est redondant;

c) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire;

d) qu’il risque de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder;

e) qu’il diverge d’un acte de procédure antérieur;

f) qu’il constitue autrement un abus de procédure.

Elle peut aussi ordonner que l’action soit rejetée ou qu’un jugement soit enregistré en conséquence.

Preuve

(2) Aucune preuve n’est admissible dans le cadre d’une requête invoquant le motif visé à l’alinéa (1)a).

Material facts

174. Every pleading shall contain a concise statement of the material facts on which the party relies, but shall not include evidence by which those facts are to be proved.

 

Particulars

181. (1) A pleading shall contain particulars of every allegation contained therein, including

(a) particulars of any alleged misrepresentation, fraud, breach of trust, wilful default or undue influence; and

(b) particulars of any alleged state of mind of a person, including any alleged mental disorder or disability, malice or fraudulent intention.

Further and better particulars

(2) On motion, the Court may order a party to serve and file further and better particulars of any allegation in its pleading

 

Claims to be specified

182. Every statement of claim, counterclaim and third party claim shall specify

(a) the nature of any damages claimed;

(b) where monetary relief is claimed, whether the amount claimed, exclusive of interest and costs, exceeds $50,000;

(c) the value of any property sought to be recovered;

(d) any other specific relief being claimed, other than costs; and

(e) whether the action is being proceeded with as a simplified action.

 

Motion to strike

221. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

(b) is immaterial or redundant,

(c) is scandalous, frivolous or vexatious,

(d) may prejudice or delay the fair trial of the action,

(e) constitutes a departure from a previous pleading, or

(f) is otherwise an abuse of the process of the Court,

and may order the action be dismissed or judgment entered accordingly.

Evidence

(2) No evidence shall be heard on a motion for an order under paragraph (1)(a).

 

 

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :  T-95-08

 

INTITULÉ :  JOHN FREDERICK CARTEN ET KAREN AUDREY GIBBS c. SA MAJESTÉ LA REINE ET AL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Vancouver (Colombie-Britannique)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Le 20 avril 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LA JUGE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS :  Le 27 août 2010

 

COMPARUTIONS :

 

M. John Frederick Carten

 

POUR LES APPELANTS

Mme Lisa Riddle

 

POUR LES DÉFENDEURS DE LA COURONNE FÉDÉRALE

 

M. Hugh Gwillim

 

POUR LES DÉFENDEURS DE LA COURONNE PROVINCIALE

 

M. Bruce Comba

 

POUR LA DÉFENDERESSE

LAW SOCIETY OF ALBERTA

 

M. Michael G. Armstrong

 

POUR LES DÉFENDERESSES,

LAW SOCIETY OF BRITISH COLUMBIA, McCARTHY TÉTRAULT LLP

 

Mme Jaye Hooper

 

POUR LA DÉFENDERESSE

LANG MICHENER LLP

 

M. Martin W. Mason

POUR LE CONSEIL CANADIEN DE LA MAGISTRATURE ET LES DÉFENDEURS JUDICIAIRES

 

Mme Laura Cundari

POUR LA DÉFENDERESSE

THEMIS PROGRAM MANAGEMENT AND CONSULTING LTD.

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ministère de la Justice

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DÉFENDEURS DE LA COURONNE FÉDÉRALE

Ministère du Procureur général

Victoria (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DÉFENDEURS DE LA COURONNE PROVINCIALE

Emery Jamieson LLP

Edmonton (Alberta)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

LAW SOCIETY OF ALBERTA

Armstrong Simpson

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES DÉFENDERESSES,

LAW SOCIETY OF BRITISH COLUMBIA, McCARTHY TÉTRAULT LLP

 

Williams McEnery

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

LANG MICHENER LLP

Gowling Lafleur Henderson LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS JUDICIAIRES

Blake Cassels & Graydon LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LA DÉFENDERESSE

THEMIS PROGRAM MANAGEMENT AND CONSULTING LTD.

 

 

 



[1] La nouvelle preuve aussi, même si elle a été finalement jugée inadmissible.

[2] M. Carten a insisté pour que je tranche la question le plus rapidement possible, indiquant que certaines personnes (dont 9 juges) étaient décédées dans des circonstances douteuses, presque certainement en raison de leur participation à ses dossiers et aux allégations qu’ils contiennent.

[3] M. Carten a passé en revue d’autres allégations de faits et produit peu de jurisprudence et d’arguments concernant les éléments essentiels à faire valoir pour tous les délits qu’il allègue.

[4] M. Carten n’a pas été membre du barreau de la Colombie-Britannique depuis 1999.

[5] Je note que l’ordonnance du protonotaire Lafrenière (paragraphe 45) traitant des fausses allégations d’emprisonnement reprend l’observation de l’appelant concernant son incarcération pendant 40 jours; cependant, à la pièce 44, au paragraphe 6 de l’affidavit de l’appelant en date du 23 juin 2008, le juge Taylor note que M. Carten [traduction] « n’avait pas passé plus de quelques jours en détention pour être ensuite libéré dans le cadre du programme de surveillance électronique ».

[6] Les modalités principales de cet accord, y compris le fait que WCW n’avait pas payé les frais de distribution d’eau pour l’eau en vrac, ont été communiquées au client de M. Carten, Snowcap, par un fonctionnaire de la Colombie-Britannique dès 1990 (pièces 7 et 8 de l’affidavit en date du 23 juin 2008). Le même résumé des modalités a servi à informer le Cabinet de la Colombie-Britannique en 1991 (pièce 10).

[7] Selon les renseignements fournis par M. Carten, il semble qu’à l’époque 91 % des actionnaires étaient Américains et tous ont perdu leur investissement. De plus, malgré l’avantage commercial allégué fourni par l’accord de 1989, il semble que Snowcap et Sun Belt ont gagné le contrat avec l’État de la Californie.

[8] Après au moins une première ronde d’interrogatoires préalables.

[9] Il s’agit du montant établi dans l’ordonnance de la Cour. M. Carten a indiqué que Sun Belt pouvait être assujettie à d’autres demandes de cautionnement pour les dépens.

[10] Comme l’indique la preuve et le paragraphe 124 de la déclaration, M. Carten a déposé un grand nombre de plaintes auprès du CCM qui ont fait l’objet d’une enquête au moins jusqu’en 1999 (pièce 49, p. 219 de l’affidavit) et ont été fermées parce que le CCM n’a constaté aucun fondement pour des actions, les allégations d’inconduite ont été jugées être de nature purement spéculative et non appuyées par des preuves. Après avoir été informé que le CCM ne répondrait plus aux communications de M. Carten fondées sur un complot à tous les niveaux du gouvernement et de la magistrature, M. Carten a continué de produire des plaintes et d’écrire aux fonctionnaires et préposés du CCM.

[11] Les plaintes au BCHRT ont été portées contre la Law Society of BC, alléguant la discrimination basée sur des croyances politiques et l’incapacité – troubles de la santé mentale.

[12] Elles semblent avoir été rejetées.

[13] Comme celle des appelants qui ont fait défaut de produire une preuve de signification suivant les instructions des Règles des Cours fédérales, DORS n° 98-106, paragraphe 203(2).

[14] AGIP S.p.A. c. Canada (Commission de contrôle de l’énergie atomique), [1979] 1 C.F. 190, 22 N.R. 39 (C.A.F.), au paragraphe 4.

[15] Affidavit de Karen Audrey Gibbs, établi sous serment le 7 décembre 2009 et deux affidavits de John Frederick Carten respectivement, établis sous serment le 7 décembre 2009 et le 4 janvier 2010.

[16] M. Carten, dans un courriel aux avocats de Themis et de Maximus Canada Inc., note qu’il avait détruit ce juge et pouvait aussi détruire Themis (p. 62 du dossier de requête de l’appelant; pièce 5, affidavit du 24 novembre 2009 de l’appelant).

[17] Il traitait de l’ancien alinéa 419(1)a) des Règles qui est le prédécesseur de celle-ci et se lit exactement comme l’alinéa 221(1)a).

[18] Juge Rothstein dans Sparvier c. Bande indienne Cowessess no 73, [1994] 1 C.N.L.R. 182 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 10.

[19] Il faut noter que, dans Crowe, le juge de première instance a soulevé la question de la compétence proprio motu et que son ordonnance a été confirmée en appel.

[20] Même si l’on devait adopter le point de vue de complot du monde proposé par M. Carten, le fait que seule la Couronne de la Colombie-Britannique était défenderesse dans les procédures contre Sun Belt, intentées en Colombie-Britannique où une présumée « fraude envers la Cour » a eu lieu, en plus du fait que l’histoire commence par un contrat avec la Couronne de la Colombie-Britannique (WCW), et ensuite par les changements législatifs et de politiques du gouvernement de la Colombie-Britannique, tout indique un complot dirigé ou contrôlé par la Couronne de la Colombie-Britannique plutôt que par la Couronne fédérale.

[21] Voir mes commentaires sur mon devoir d’examiner cette question proprio motu.

[22] MacKeigan c. Hickman, [1989] 2 R.C.S. 796; Valente c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 673; Beauregard c. Canada, [1986] 2 R.C.S. 56.

[23] Baryluk (Wyrd Sisters) c. Campbell, 2008 CanLII 55134 (ON S.C.).

[24] Par exemple, le refus d’un ministre de rencontrer M. Carten, le refus du ministre de la Justice d’obliger le CCM d’enquêter sur la plainte de M. Carten, les commentaires défavorables (dont les appelants ne connaissent pas encore la nature) dans le cadre d’une réunion avec des fonctionnaires du gouvernement des États-Unis, le défaut de régler ou de présenter des offres de règlement à Sund Belt en ce qui concerne le dépôt de l’avis d’intention de déposer un arbitrage en prévision des décisions de règlement et avant le début de es procédures d’arbitrage, les allégations que des fonctionnaires ou préposés de la Couronne fédérale auraient investis dans WCW ou aurait fait des représentations au Mexique pour le compte de WCW, entre autres.

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