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Date : 20100805

 

Dossier : T-1407-09

 

Référence : 2010 CF 807

 

 

 

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le jeudi 5 août 2010

 

 

En présence de madame la protonotaire Mireille Tabib

 

 

ENTRE :

 

APOTEX INC.

 

demanderesse/

défenderesse reconventionnelle

- et -

 

 

 

H. LUNDBECK A/S

 

défenderesse/

demanderesse reconventionnelle

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               La principale question dont la Cour est saisie dans le cadre de la présente requête consiste à savoir si, dans une affaire de contrefaçon, une demande reconventionnelle de la nature d’une action quia timet, qui serait certes irrégulière et susceptible de radiation si elle était engagée sous la forme d’une instance distincte, peut néanmoins être sauvegardée et autorisée à suivre son cours lorsqu’elle est déposée en réponse à une action sollicitant une déclaration de non‑contrefaçon.

[2]               Si la demande reconventionnelle n’est pas radiée, la seconde question consiste à savoir si la demanderesse reconventionnelle devrait, dans les circonstances de l’espèce, déposer un cautionnement pour dépens et, dans l’affirmative, de quel montant.

Actes de procédure et historique des procédures judiciaires

[3]               La défenderesse et demanderesse reconventionnelle, H. Lundbeck A/S (Lundbeck) , est titulaire du brevet canadien portant le no 1 339 452 (le brevet 452), qui vise un antidépresseur appelé « escitalopram ». Souhaitant vendre sa version générique de l’escitalopram au Canada, la demanderesse, Apotex, Inc. (Apotex), a déposé une demande d’avis de conformité en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité), DORS/93‑133 (le Règlement). La demande d’une ordonnance d’interdiction que Lundbeck et sa filiale canadienne ont déposée par la suite a été accueillie le 9 mars 2009, et la Cour a rendu une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Apotex à l’égard de son escitalopram avant l’expiration du brevet 452. Il convient de souligner que l’absence d’un tel avis empêche à toutes fins pratiques Apotex de vendre le médicament au Canada, mais pas de le fabriquer, de l’importer ou de l’employer au pays. Le jugement accordant l’ordonnance d’interdiction a été porté en appel, et l’appel est censé être entendu le 14 septembre 2010.

[4]               Indépendamment de l’appel, Apotex a déposé la présente action le 21 août 2009, sollicitant non seulement une déclaration portant que chacune des revendications du brevet 452 est invalide et nulle aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi sur les brevets, mais aussi une déclaration portant qu’aux termes du paragraphe 60(2) de cette même Loi, la fabrication, l’emploi ou la vente de l’escitalopram au Canada ne constituera pas une contrefaçon du brevet 452. Même si des allégations d’invalidité précises sont formulées à l’égard de chacune des revendications du brevet, les allégations précises de non-contrefaçon ne visent que les revendications nos 2, 4 et 5 (cette dernière est subordonnée à la revendication no 4) et 6 à 11 du brevet. Il n’y a aucune allégation de non-contrefaçon concernant les revendications nos 1, 3 et 5 (cette dernière est subordonnée à la revendication no 3).

[5]               En réponse à cette déclaration, Lundbeck a déposé une défense et demande reconventionnelle dans laquelle elle nie toutes les allégations d’Apotex et, de plus, par la voie d’une demande reconventionnelle, elle sollicite les principaux recours qui suivent :

[traduction

a)                  « Une déclaration portant qu’Apotex a contrefait le brevet 452.

b)                  Une injonction provisoire, interlocutoire et permanente interdisant à Apotex, ainsi qu’à ses dirigeants, administrateurs, employés et mandataires et à toute personne ayant un lien de droit avec Apotex ou relevant de son contrôle, de :

(i) fabriquer, employer, vendre ou offrir en vente le produit d’Apotex au Canada;

(ii) fabriquer, employer, vendre ou offrir en vente l’escitalopram au Canada;

(iii) fabriquer, employer, vendre ou offrir en vente l’énantiomère (-) du diol intermédiaire au Canada;

(iv) employer les procédés décrits dans les revendications nos 7 à 11;

(v) fabriquer, vendre ou offrir en vente un produit fabriqué selon ces procédés;

(vi) contrefaire par ailleurs le brevet 452.

c)                  Une ordonnance prescrivant de remettre à Apotex, ou de détruire sous serment, tout produit d’Apotex visé par une ou plusieurs revendications du brevet 452, de même que tous les documents de publicité, de mise en marché et de promotion connexes.

d)                  Des dommages-intérêts pour contrefaçon de brevet, ou une restitution des bénéfices réalisés par Apotex du fait de sa contrefaçon du brevet 452, au choix de Lundbeck, et d’un montant que la présente Cour fixera […] »

[6]               Même s’il est expressément allégué au paragraphe 192 de la défense et demande reconventionnelle qu’Apotex [traduction] « a ou avait fabriqué et importé pour son compte de l’escitalopram ou des compositions pharmaceutiques contenant ce produit en quantités commerciales », la généralité même de cette allégation et le manque de détails dénotent – et l’avocat de Lundbeck l’a reconnu volontiers à l’audience tenue devant moi – que Lundbeck n’est actuellement au courant d’aucun fait important qui démontrerait qu’Apotex a bel et bien commencé à exercer des activités de contrefaçon. De ce fait, Lundbeck a admis à l’audience qu’il fallait radier le paragraphe 192 de sa défense et demande reconventionnelle, de même que les paragraphes dans lesquels elle sollicite le paiement de dommages-intérêts, une restitution des bénéfices ainsi que la remise ou la destruction du produit (les alinéas 186c) et d)). La Cour a de plus fait remarquer que la déclaration demandée, à l’alinéa 186a), porte qu’Apotex a contrefait le brevet 452, même si les autres allégations de la demande reconventionnelle visent manifestement des actes de contrefaçon ultérieurs. Selon l’avocat de Lundbeck, le jugement déclaratoire demandé aurait dû être libellé comme suit : [traduction] « […] a contrefait et contrefera le brevet 452 » et, si la demande reconventionnelle est confirmée, il faudrait modifier le paragraphe pertinent pour mentionner uniquement [traduction] « […] contrefera le brevet 452 ».

[7]               Quant aux faits importants démontrant qu’Apotex a l’intention de fabriquer, d’employer, d’importer ou de vendre de l’escitalopram au Canada, Lundbeck se fonde uniquement sur le fait qu’Apotex a exprimé ce souhait dans les actes de procédure eux-mêmes, ainsi que dans les mesures que cette dernière a prises pour donner suite à ce souhait, en déposant une présentation abrégée de drogue nouvelle auprès du ministre, en signifiant un avis d’allégation, en défendant la demande d’ordonnance d’interdiction consécutive, en faisant appel de cette demande et en instituant la présente action. Les allégations que comporte la demande reconventionnelle concordent avec ces mesures.

La requête en radiation

[8]               La Cour est depuis toujours d’avis que les actions qu’intente une « seconde personne » dans le cadre du mécanisme exposé dans le Règlement ne justifient pas en soi que le titulaire du brevet engage une procédure quia timet (voir, notamment, Connaught Laboratories Ltd. c. Smithkline Beecham Pharma Inc. (1998) 86 C.P.R. (3d) 36, AstraZeneca Canada Inc. c. Novopharm Ltd. 2009 CF 1209, décision confirmée par 2010 CAF 11, et Pfizer Research and Development Co. N.V./S.A. et al. c. Lilly ICOS LLC et al. (2003) C.P.R. (4th) 86). Lundbeck reconnaît ce fait et concède même que si sa demande reconventionnelle avait été déposée sous la forme d’une instance distincte, sans l’action d’Apotex en vue d’obtenir une déclaration de non‑contrefaçon, il aurait fallu radier cette demande en accord avec ces décisions jurisprudentielles.

[9]               Lundbeck soutient toutefois qu’en l’espèce les circonstances sont nettement différentes de celles dont il est question dans les décisions susmentionnées à cause du fait important qu’Apotex, dans son action, cherche précisément à obtenir une déclaration portant que le produit qu’elle propose – l’escitalopram – ne contreviendra pas au brevet 452. Je suis d’accord.

[10]           La décision rendue dans l’affaire Connaught Laboratories, précitée, énonce trois critères auquel il est nécessaire de satisfaire pour qu’une procédure quia timet soit valide, dont le fait que l’activité appréhendée est « imminente ». Ces critères jurisprudentiels ont toujours été admis et appliqués, tant à une action en matière de brevet qu’à une demande reconventionnelle, mais je ne pense pas que les circonstances comme celles dont il est question en l’espèce correspondent à celles qu’envisageait la Cour quand elle a formulé les critères. En fait, dans Connaught Laboratories et dans toutes les autres affaires qu’Apotex a soumises à mon attention, sauf trois, l’acte de procédure en litige était l’action principale. Dans les trois affaires où l’on a appliqué les critères pour radier une demande reconventionnelle, celle-ci avait été introduite en réponse à une simple action en invalidation, dans le cadre de laquelle aucune déclaration de non-contrefaçon n’était demandée (voir Pfizer, précité, Glaxosmithkline Biologicals S.A. c. Novartis Vaccines and Diagnostics, Inc. 2007 CF 883 et Faulding (Canada) Inc. c. Pharmacia S.P.A. (1998) 82 C.P.R. (3d) 435).

[11]           De plus, il ressort d’un examen de la jurisprudence que, pour la réglementation de l’emploi des procédures quia timet, le principal sujet de préoccupation est le fait d’éviter que l’on abuse de la procédure et de veiller à ce qu’il n’y ait pas de gaspillage des ressources judiciaires en tranchant des affaires qui n’auront aucun effet pratique. Dans le domaine des injonctions pour contrefaçon de brevet, le concept de l’abus de procédure est particulièrement préoccupant. La plupart des procédures quia timet que la Cour a radiées ont principalement échoué parce que le demandeur, d’une part, était incapable de fournir des détails suffisants sur ce que le défendeur proposait exactement de faire et, d’autre part, avait manifestement l’intention de se fonder sur le processus d’interrogatoire préalable pour combler son manque de connaissances. Un acte de procédure qui n’expose pas assez de faits importants et qui dépend de la tenue d’un interrogatoire préalable pour pouvoir obtenir les détails nécessaires est un abus de procédure. En fait, il s’agit là du premier motif qu’a invoqué le juge Rothstein pour radier l’instance dans l’affaire Merck and Co. c. Apotex Inc. (1997), 72 C.P.R. (3d) 515, à la page 516. Voir aussi AstraZeneca Canada Inc. c. Novopharm Ltd. (précité), aux paragraphes 16 à 18, de même que Glaxosmithkline (précité) et Faulding (précité).

[12]           Dans le cas présent, on ne peut pas parler d’un abus de procédure ni dire qu’on se sert irrégulièrement de la demande reconventionnelle pour lancer une recherche à l’aveuglette dans le cadre d’un interrogatoire préalable. En sollicitant une déclaration de non-contrefaçon, Apotex propose elle-même de soumettre à la Cour la question de savoir si elle contrefait ou non le brevet 452, une formulation et un produit précis et définis ainsi que la manière précise dont cette formulation et ce produit doivent être fabriqués, comme elle se doit de le faire s’il ne convient pas de demander à la Cour de rendre une décision dans l’abstrait ou sur la foi de faits hypothétiques (voir Lammli c. Cousins 2002 CFPI 437). Ce sont ces mêmes formulation, produit et procédé que Lundbeck cherche à faire déclarer comme contrefaits et interdits. On ne peut certes pas dire qu’il est irrégulier ou abusif de la part de Lundbeck de chercher à obtenir de la Cour, en se fondant sur le même contexte factuel que celui qu’Apotex remet en question, les conclusions, les déclarations et les recours opposés à ceux qu’Apotex tente d’obtenir, ou de bénéficier à cette fin de l’interrogatoire préalable sur les faits qu’Apotex invite elle-même à tenir.

[13]           Il est en outre particulièrement préoccupant que l’action d’Apotex ne vise pas à obtenir une déclaration de non-contrefaçon à l’égard de trois des revendications du brevet. Ce fait pourrait mener à une situation dans laquelle l’une quelconque de ces trois revendications est considérée comme valide, mais sans qu’il soit décidé si le produit ou le procédé proposé d’Apotex la contrefera. La demande reconventionnelle de Lundbeck concerne cette lacune. Empêcher la demande reconventionnelle de Lundbeck de suivre son cours et de régler en fin de compte tous les points de discorde entre les parties au sujet des activités proposées d’Apotex donnerait lieu à une situation où, après avoir recouru aux procédures de la Cour et dépensé les ressources de cette dernière et des parties pour examiner en détail le produit proposé d’Apotex à la lumière des revendications du brevet, Apotex pourrait commercialiser son produit et s’exposer ensuite à ce qu’une nouvelle action en contrefaçon soit lancée, à propos des mêmes brevet, produit et procédé, en vue de régler les questions de contrefaçon se rapportant à ces trois revendications en suspens. Un tel gaspillage des procédures de la Cour n’est sûrement pas le résultat que vise l’application des principes régissant les procédures quia timet.

[14]           Je suis donc convaincue qu’on peut au moins faire valoir qu’il convient d’appliquer avec plus de souplesse les critères formulés dans la décision Connaught Laboratories dans les cas où une procédure quia timet est engagée en réponse à une action visant à obtenir une déclaration de non-contrefaçon. Cela suffit pour rejeter la requête en radiation d’Apotex.

Le cautionnement pour dépens

[15]           Après avoir décidé qu’il ne convient pas de radier la demande reconventionnelle de Lundbeck, examinons maintenant la partie de la requête dans laquelle Apotex sollicite un cautionnement pour dépens.

[16]           Les parties reconnaissent que Lundbeck ne réside pas ordinairement au Canada et que les dispositions de l’alinéa 416(1)a) des Règles des Cours fédérales s’appliquent aux demandeurs reconventionnels, de sorte qu’Apotex a droit à première vue à ce qu’on ordonne que Lundbeck dépose un cautionnement pour ses dépens. Lundbeck soutient toutefois que le montant du cautionnement que demande Apotex est excessif et que, en tout état de cause, vu les ressources considérables dont elle dispose, cette dernière ne court aucun risque réel de ne pas recouvrer les dépens adjugés en sa faveur; la Cour devrait donc exercer son pouvoir discrétionnaire pour la dispenser de l’obligation de déposer un cautionnement.

[17]           Lundbeck a produit une preuve démontrant qu’elle a bel et bien des ressources fort considérables ainsi que des revenus de plusieurs millions de dollars par année. Cependant, cette preuve ne démontre pas que ces ressources se trouvent au Canada, hormis les actions que Lundbeck détient dans Lundbeck Canada Inc., un accord de licence apparemment conclu avec Lundbeck Canada pour la distribution de l’escitalopram (voir le paragraphe 4 de la déclaration, tel qu’admis) et le brevet canadien qui est l’objet de la présente instance. La preuve fournie n’indique pas non plus la valeur de ces ressources canadiennes.

[18]           Pour ce qui est des résidents étrangers, l’obligation de déposer un cautionnement pour dépens garantit qu’un défendeur mis en cause au Canada peut faire exécuter au pays n’importe quelle adjudication de dépens rendue en sa faveur, et qu’il n’est pas obligé d’engager des procédures à l’étranger pour recouvrer son dû. Cela étant, la jurisprudence exige généralement que le demandeur étranger prouve qu’il détient au Canada des ressources suffisantes pour s’acquitter d’une adjudication probable de dépens afin d’être dispensé de l’obligation de déposer un cautionnement (K-Tel International Limited c. Benoît, (1995) 92 F.T.R. 157, Structural Instrumentation, Inc. c. Balance électronique de Camion R.T. Inc., (1993) 68 F.T.R. 133). Les ressources qu’un demandeur possède à l’étranger ne justifient pas en soi cette dispense. Lundbeck invoque par erreur l’affaire Pembina County Water Resource District et al. c. Manitoba et al., 2005 CF 1226. Même s’il était question dans cette affaire de la capacité des demanderesses de payer une adjudication de dépens à partir de ressources situées à l’étranger, il ne s’agissait là que d’un seul facteur parmi d’autres; en outre, il est clair que l’un des principaux facteurs justifiant que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire dans cette affaire était le statut spécial des demandeurs devant la Cour, qui avaient engagé l’action en vertu de la Loi du traité des eaux limitrophes internationales, L.R. 1985, ch. I‑17.

[19]           Cela dit, il est quand même possible de prendre en considération, de pair avec n’importe quel autre facteur pertinent, la capacité manifeste de Lundbeck de payer une adjudication de dépens – quoique à partir de ressources situées dans de nombreux autres pays – ainsi que le fait qu’elle détient bel et bien des ressources au Canada, même si leur valeur n’est pas établie.

[20]           L’un de ces facteurs pertinents est la nature particulière de la demande reconventionnelle de Lundbeck. Comme nous l’avons vu plus tôt, cette demande est vouée à l’échec en tant qu’instance distincte. Sa validité repose sur le fait qu’il s’agit d’une réponse et d’un contrepoint directs à l’action engagée par Apotex pour obtenir une déclaration de non-contrefaçon, en sollicitant, sur le fondement des mêmes faits que ceux qu’invoque Apotex, les conclusions et les recours opposés. Même si, en principe, une demande reconventionnelle peut être instruite séparément de l’action principale, celle dont il est question ici ne peut être dissociée de l’action principale : si Apotex se désistait de son action visant à obtenir une déclaration de non-contrefaçon ou l’abandonnait, la demande reconventionnelle de Lundbeck, telle qu’elle est présentement libellée, serait forcément rejetée.

[21]           Il a été conclu dans la décision Maersk Inc. c. Coldmatic Refrigeration of Canada Ltd., [1994] A.C.F. 265, (1994) 74 F.T.R. 70 qu’un cautionnement pour dépens se rapporte aux dépens liés à la demande du demandeur et non à la demande reconventionnelle du défendeur. En l’espèce, le cautionnement relatif aux dépens d’Apotex doit donc se rapporter aux dépens que cette dernière engagera pour se défendre contre la demande reconventionnelle de Lundbeck – et non à ceux qu’elle engagera dans le cadre de la poursuite de son action. Étant donné qu’Apotex est l’instigatrice de l’action principale visant l’obtention d’une déclaration de non-contrefaçon et que la demande reconventionnelle de Lundbeck est subordonnée à cette action et repose sur les mêmes faits, le fait d’ordonner à Lundbeck de déposer un cautionnement pour la totalité des dépens qu’occasionnerait à Apotex la défense contre la demande reconventionnelle reviendrait à lui ordonner de déposer un cautionnement pour les dépens liés à la poursuite de son action. Cependant, s’il peut être établi que les dépens prévus de la défense d’Apotex contre la demande reconventionnelle sont supérieurs à ceux que lui occasionnera la poursuite de l’action, il y aurait lieu de déposer un cautionnement, mais qui ne couvrirait que la différence.

[22]           Dans le cadre de la présente requête, Apotex n’a pas tenté d’établir ou de distinguer quelles parties des dépens anticipés seraient imputables à son action, et quelles autres seraient liées à la demande reconventionnelle. En fait, le projet de mémoire de dépens inclut des éléments qui ne peuvent se rapporter qu’à la partie « invalidation » de l’action, comme l’interrogatoire préalable des inventeurs, y compris l’ensemble des requêtes, des lettres rogatoires et des requêtes visant à contraindre qui s’y rapportent, de même que les recherches d’antériorités. Le projet de mémoire de dépens ne détaille pas non plus les « débours », dont les déplacements aériens, les notes d’hôtel et les honoraires d’experts, même s’ils sont estimés à plus de 200 000 $. Enfin, le projet de mémoire de dépens prévoit un procès d’une durée de 25 jours, ce qui amène à conclure qu’il porte sur l’instruction de la totalité des questions visées par l’action et la demande reconventionnelle.

[23]           S’il y a dans ce projet de mémoire de dépens, ou à quelque autre endroit dans le dossier, une indication quelconque que les dépens relatifs à la défense contre la demande reconventionnelle seraient même légèrement supérieurs aux dépens liés à la poursuite de l’action d’Apotex, c’est en rapport avec les étapes de la préparation et du dépôt d’une défense contre la demande reconventionnelle, du dépôt d’une requête en vue d’obtenir des précisions et un cautionnement pour dépens (même si aucune requête en précisions n’a été annoncée) et du dépôt d’une requête en disjonction (ce qui n’est plus nécessaire car Lundbeck a admis que sa demande en dommages-intérêts devait être radiée). Là encore, les montants demandés pour ces étapes sont clairement excessifs en ce sens qu’ils sont fondés sur des dépens avocat-client, même s’il n’a été plaidé ou mentionné aucune circonstance qui pourrait fort bien donner lieu à une telle adjudication. Les dépens relatifs à la préparation d’une défense contre la demande reconventionnelle et à une requête en précisions hypothétique, taxés au milieu de la colonne III du tarif, ce qui serait une adjudication raisonnablement probable, ne se chiffreraient qu’à quelques milliers de dollars.

[24]           Compte tenu de la présence au Canada d’un certain nombre de ressources, aussi minimes qu’elles soient, de même que des revenus et des éléments d’actif considérables de Lundbeck à l’échelle mondiale, du caractère subordonné de sa demande reconventionnelle et des dépens additionnels minimes qu’occasionnerait à Apotex le fait de se défendre contre la demande reconventionnelle de Lundbeck, par opposition à la poursuite de sa propre action, je suis persuadée qu’il convient de dispenser Lundbeck de l’obligation de déposer un cautionnement pour dépens.

Les dépens

[25]           À l’issue de l’audience, les parties ont convenu que la valeur appropriée de la présente requête était de 1 500 $. Lundbeck ayant eu en bonne partie gain de cause à l’égard des deux aspects de la requête, ses dépens afférents à la requête seront fixés au montant convenu de 1 500 $.

 


ORDONNANCE

            IL EST ORDONNÉ :

1.                  Le paragraphe 192 et les alinéas 186 c) et  d) de la demande reconventionnelle de Lundbeck sont radiés.

2.                  L’alinéa 186(a) de la demande reconventionnelle de Lundbeck est modifié de façon à ce que les mots [traduction] « a contrefait » soient remplacés par « contrefera ».

3.                  La requête d’Apotex est par ailleurs rejetée, avec dépens en faveur de Lundbeck, au montant fixe de 1 500 $.

 

 

 

 

 

 

« Mireille Tabib »

Protonotaire

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1407-09

 

 

INTITULÉ :                                       APOTEX INC. c. H. LUNDBECK A/S

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 20 mai 2010

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LA PROTONOTAIRE TABIB

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             Le 5 août 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sandon Shogilev

 

POUR LA DEMANDERESSE

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

Hilal El Ayoubi

POUR LA DÉFENDERESSE

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

Fasken Martineau DuMoulin s.e.n.c.r.l., s.r.l.

Montréal (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

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