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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20100825

Dossier : IMM-6305-09

Référence : 2010 CF 843

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 25 août 2010

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

GABRIEL ALONGE OKITO

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

 ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Gabriel Alonge Okito est un citoyen congolais dont la demande d’asile a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. M. Okito fait valoir que la Commission a commis une erreur en ne procédant pas à une analyse adéquate au regard de l’article 97. Il allègue en outre que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve à l’appui de sa demande et en fondant ses conclusions défavorables en ce qui a trait à la crédibilité et à la vraisemblance sur l’absence de documentation corroborant ses dires, sans égard aux normes culturelles.

 

[2]               Pour les motifs exposés ci-dessous, je ne suis pas convaincue que la Commission a commis les erreurs alléguées. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

La question de l’article 97

 

[3]               M. Okito soutient premièrement que la Commission a commis une erreur en ne procédant pas à une analyse appropriée au regard de l’article 97 et il fait valoir qu’une telle analyse était requise malgré la conclusion de la Commission selon laquelle son histoire de persécution par le gouvernement de la République Démocratique du Congo était invraisemblable. M. Okito affirme qu’il était une cible d’actes de persécution du fait qu’il avait signé un communiqué de presse dénonçant le gouvernement, communiqué qui avait été publié dans un journal.

 

[4]               M. Okito invoque la décision de notre Cour Kilic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 84, [2004] A.C.F. no 84, à l’appui de sa prétention selon laquelle une analyse exhaustive était requise en l’espèce en vertu de l’article 97. Cependant, il est clair que la situation de M. Okito se distingue d’emblée de celle qui était présentée à la Cour dans Kilic.

 

[5]               Kilic portait sur un individu dont la demande d’asile se fondait sur son ethnie, sa religion et ses opinions politiques. Le demandeur s’appuyait également sur son statut de conscrit réfractaire de l'armée turque, statut pour lequel il était passible d’emprisonnement.

 

[6]               Dans cette affaire, la Commission avait conclu à l’invraisemblance de plusieurs prétentions du demandeur. Il n’était toutefois pas contesté que le revendicateur était passible d’emprisonnement en Turquie du fait qu’il s’était soustrait à ses obligations militaires. À la lumière de la preuve importante dans le dossier qui faisait état des conditions carcérales déplorables en Turquie, la Cour a statué qu’« il était nécessaire que la Commission fasse une certaine analyse énonçant les raisons pour lesquelles le demandeur n'avait pas la qualité de personne à protéger » (paragraphe 23).

 

[7]               En l’espèce, comme la Commission a rejeté la prétention de M. Okito selon laquelle il était un défenseur des droits de la personne en RDC, le profil de M. Okito ne le distinguait nullement de tout autre citoyen congolais masculin de 40 ans. M. Okito n’a fait valoir aucun élément de preuve dans le dossier qui donnerait à penser que la situation en RDC était telle que les citoyens masculins de 40 ans dans ce pays couraient des risques particuliers. En l’absence d’éléments de preuve à cet égard, la Commission n’était pas tenue de procéder à une analyse exhaustive en vertu de l’article 97 (voir Bouaouni c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1211, [2003] A.C.F. no 1540, aux paragraphes 41 et 42, et Sellan c. (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 381, [2008] A.C.F. no 1685).

 

 

L’examen de la preuve de M. Okito par la Commission

 

[8]               M. Okito fait valoir que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve documentaire attestant l’expulsion d’un journaliste français de la RDC, information qui faisait l’objet du communiqué de presse qu’aurait signé M. Okito. Il déclare que la Commission n’a pas tenu compte non plus de la preuve documentaire ayant trait à l’arrestation et à la détention d’autres journalistes et d’un certain [traduction] « révérend Kutino » avec qui M. Okito aurait travaillé.

 

[9]               La difficulté que posent ces observations est qu’il n’est fait état dans tous ces documents d’aucun lien entre les individus qui y sont identifiés et M. Okito. Le fait que d’autres individus auraient été la cible du gouvernement congolais ne démontre pas que M. Okito est lui aussi exposé à un risque.

 

[10]           Le témoignage de M. Okito sur ses activités en RDC posait de graves problèmes. L’un d’eux, et non le moindre, était son incapacité de nommer un seul individu, à l’exception du révérend Kutino, qu’il avait visité en prison. Cela jette clairement un doute véritable sur sa prétention selon laquelle il était un défenseur des droits de la personne ayant pendant des années visité des détenus en prison et rédigé des rapports à leur sujet.

 

[11]           De plus, M. Okito a reconnu avoir été invité à participer aux États‑Unis à une conférence en agronomie sur l’utilisation d’une certaine plante pour le traitement de la malaria. L’invitation de M. Okito à une telle conférence jette sûrement un doute supplémentaire sur sa prétention selon laquelle il était un défenseur des droits de la personne ayant une formation juridique.

 

[12]           La Commission était également troublée de façon bien compréhensible par le défaut de M. Okito de produire une preuve documentaire pertinente à l’appui de sa demande. Il n’a nullement tenté, par exemple, d’obtenir une copie du communiqué de presse qui, selon ce qu’il affirme, est au cœur de sa demande, même si ce document avait, à ses dires, été publié dans un journal et qu’il était donc probablement disponible.

 

[13]           Quoique le témoignage déposé sous serment d’un demandeur d’asile soit présumé vrai, cette présomption est réfutée s’il existe une raison de douter de la véracité de la preuve présentée par le demandeur : Maldonado c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1979] A.C.F. no 248, au paragraphe 5. Dans de tels cas, il n’est pas déraisonnable de la part de la Commission d’exiger des documents à l’appui pour confirmer le témoignage du revendicateur (voir, par exemple, Ortiz Juarez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 288, [2005] A.C.F. no 365, au paragraphe 7, et Zhang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 787, [2009] A.C.F. no 911, au paragraphe 6).

 

[14]           M. Okito prétend avoir réussi à échapper à sa détention grâce à un ami d’école qui travaillait pour la sécurité présidentielle. Je ne suis pas convaincue que la Commission a commis une erreur en concluant qu’il était invraisemblable qu’une personne qu’il n’avait pas vue depuis plus de 20 ans ait pu mettre sa sécurité en péril pour l’aider à échapper aux forces gouvernementales. M. Okito a dit que cette conclusion avait été tirée [traduction] « sans égard aux normes culturelles », mais il reconnaît que le dossier ne contient aucun élément de preuve relatif à une norme culturelle particulière qui contredirait la conclusion de la Commission à cet égard.

 

 

Conclusion

 

[15]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

Certification

 

[16]           Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification et l’affaire n’en soulève aucune.


 

JUGEMENT

            LA COUR STATUE que :

            1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

            2.         Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6305-09

 

INTITULÉ :                                       GABRIEL ALONGE OKITO c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION                                                                                                     

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 24 août 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 25 août 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Richard Wazana

 

POUR LE DEMANDEUR

Jamie Todd

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Raoul Boulakia

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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