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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

Date : 20100806

Dossier : T-1301-09

Référence : 2010 CF 810

Ottawa (Ontario), le 6 août 2010

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

NELL TOUSSAINT

 

demanderesse

 

et

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour statue sur une demande de contrôle judiciaire présentée par une personne qui se trouve illégalement au Canada et qui conteste une décision par laquelle un fonctionnaire de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a refusé sa demande de paiement de ses frais médicaux, frais d’hospitalisation et frais connexes en vertu du Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI).

Contexte procédural

[2]               Mme Toussaint a introduit deux demandes de contrôle judiciaire parce qu’elle hésitait sur la procédure à suivre pour saisir la Cour de sa cause. La présente demande (dossier T-1310-09) est présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Elle a également introduit une seconde demande (dossier IMM-3761-09) en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi). Les deux demandes sont identiques sur le fond. Les présents motifs s’appliquent donc aux deux demandes et il sera ordonné qu’une copie des présents motifs soit déposée dans le dossier IMM-3761-09.

 

[3]               Le défendeur a introduit une requête en radiation de la demande présentée dans le dossier T-1310-09 en faisant valoir que la décision visée par la demande de contrôle tombait sous le coup de l’article 72 de la Loi et que l’introduction simultanée de deux demandes constituait un abus de procédure.

 

[4]               Aux termes d’une ordonnance prononcée le 26 janvier 2010, le juge en chef a accordé l’autorisation demandée dans le dossier IMM-3761-09 et a ordonné l’instruction conjointe des demandes. Reste à savoir laquelle de ces demandes a été régulièrement portée devant la Cour. À l’audience, les parties ont reconnu que la seule répercussion de la réponse à cette question concerne les voies de recours : en effet, si la demande a été régulièrement introduite dans le dossier T‑1310-09, l’une ou l’autre partie peut faire appel de plein droit, alors que si c’est la demande présentée dans le dossier IMM-3761-09 qui a été régulièrement constituée, il faudrait faire certifier une question avant de pouvoir interjeter appel.

 

Contexte quant au fond

[5]               Mme Toussaint est une citoyenne de la Grenade. Elle est entrée au Canada il y a une dizaine d’années, le 11 décembre 1999, en qualité de visiteuse. Elle est demeurée au Canada après l’expiration de son visa de résident temporaire et elle est sans statut depuis. Âgée de 40 ans, elle est divorcée et vit dans la pauvreté.

 

[6]               Entre 1999 et 2006, Mme Toussaint a travaillé sans permis au Canada, réussissant à subvenir à ses propres besoins, et notamment à payer les soins médicaux mineurs dont elle avait besoin à l’occasion. Sa santé a commencé à se détériorer en 2006. Elle a contracté un abcès et a développé un syndrome de fatigue chronique, qui l’a forcée à arrêter de travailler.

 

[7]               En juin 2008, Mme Toussaint a consulté un médecin en vue de se faire aiguiller vers un spécialiste pour se faire enlever, par intervention chirurgicale, des fibromes utérins douloureux. Après qu’elle eut obtenu une recommandation en vue de rencontrer un spécialiste, le Women’s College Hospital a refusé de la traiter parce qu’elle n’avait pas d’assurance médicale publique ou privée et qu’elle n’avait pas les moyens de payer l’intervention chirurgicale. Mme Toussaint a finalement subi une intervention chirurgicale en novembre 2008 au Humber River Regional Hospital. On lui a réclamé 9 385 $ pour les soins qu’elle avait reçus. Elle est incapable de payer cette facture.

 

[8]               Le 27 novembre 2008, Mme Toussaint s’est présentée au St. Michael’s Hospital avec une hypertension non maîtrisée. Elle a été hospitalisée pendant dix jours et on a diagnostiqué chez elle un syndrome néphrotique, qui est un trouble du rein. Mme Toussaint souffre également de diabète, lequel a peut‑être causé le syndrome néphrotique. On ne lui a pas fait subir l’examen requis pour en trouver la cause, vraisemblablement en grande partie parce qu’elle n’était pas en mesure de payer en cas de complications, et qu’elle ne serait notamment pas capable de payer les médicaments spéciaux dont elle pourrait avoir besoin. On lui a plutôt donné son congé en lui remettant une ordonnance pour un médicament contre l’hypertension artérielle.

 

[9]               À la fin de février 2009, Mme Toussaint a commencé à éprouver des douleurs de plus en plus aigües à la jambe droite. Soupçonnant une thrombose veineuse profonde, son médecin l’a envoyée au service des urgences du St. Michael’s Hospital, où on lui a demandé de revenir le lendemain pour une échographie. À son retour, on a refusé de lui faire subir l’échographie parce qu’elle n’avait pas les moyens de payer. Elle a quitté l’hôpital et, peu de temps après, elle a commencé à ressentir des douleurs à la poitrine. Le surlendemain, sur le conseil de son médecin, Mme Toussaint est retournée à la salle d’urgence en compagnie de son avocat. On a finalement effectué une investigation clinique qui a permis de découvrir qu’elle souffrait d’une embolie pulmonaire. Mme Toussaint a été hospitalisée pendant huit jours; on lui a remis une ordonnance pour de la warfarine en lui donnant son congé. Incapable de payer le médicament, Mme Toussaint a fini par convaincre les autorités de l’hôpital de lui fournir l’approvisionnement nécessaire de ce médicament pour un mois.

 

[10]           Mme Toussaint souffre aussi de mobilité réduite et d’essoufflement à l’effort. Le docteur Guyatt, professeur d’épidémiologie clinique et de biostatistique à l’Université McMaster, a souscrit un affidavit dans lequel il explique en détail l’état de santé de Mme Toussaint. Voici ce qu’il écrit :

[traduction] Âgée de 40 ans, Mme Toussaint souffre d’un diabète mal maîtrisé et de complications liées à un dysfonctionnement rénal, une protéinurie, une rétinopathie et une neuropathie périphérique. Outre les complications rénales liées à son diabète, il est fort possible qu’elle souffre de néphropathies primitives, bien que la biopsie nécessaire pour le vérifier n’ait pas été effectuée. Ses problèmes neurologiques se traduisent par un handicap fonctionnel sévère avec mobilité grandement réduite et incapacité d’effectuer des activités de base comme s’habiller. Elle souffre aussi d’hyperlipidémie et d’hypertension.

 

 

 

[11]           Le docteur Guyatt a conclu que Mme Toussaint souffrait de problèmes médicaux qui requéraient des investigations plus poussées :

[traduction] Mme Toussaint a de graves problèmes de santé qui nuisent considérablement à sa qualité de vie, sont susceptibles de diminuer sa longévité et pourraient même constituer à court terme une menace à sa vie. Elle a besoin de soins médicaux intensifs de professionnels hautement qualifiés, y compris de médecins spécialistes. Négocier des soins bénévoles par un certain nombre de ces médecins est de toute évidence extrêmement insatisfaisant en plus d’être potentiellement dangereux. Les retards entraînés par l’absence de protection et l’incapacité de payer les soins médicaux dont elle a besoin et le risque de ne pas avoir accès aux services nécessaires créent un risque sérieux pour sa santé et peuvent avoir des conséquences sur sa vie.

 

 

 

[12]           Le docteur Hwang, qui est médecin au St. Michael’s Hospital et qui enseigne à la faculté de médecine de l’Université de Toronto, a également souscrit un affidavit dans lequel il expose en détail l’état de santé de Mme Toussaint. Il formule ses observations au sujet de l’évolution probable de l’état de santé de Mme Toussaint advenant le cas où elle ne pourrait pas recevoir de soins de santé adéquats :

 

[traduction] Mme Toussaint serait exposée à un risque extrêmement élevé de subir des conséquences graves pour sa santé si elle ne reçoit pas en temps opportun des soins médicaux. Comme je l’ai déjà signalé, elle a déjà subi des conséquences graves et jusqu’à un certain point irréversibles pour sa santé parce qu’elle n’a pas eu accès aux soins appropriés, ce qui s’est soldé par un diabète non maîtrisé et de l’hypertension, qui n’ont pas non plus été traités comme il se doit. Ainsi que le démontre son dossier médical, le fait qu’elle n’a pas pu se payer les médicaments dont elle avait besoin a également contribué au mauvais contrôle de son diabète et de son hypertension. Si, à l’avenir, elle ne recevait pas en temps opportun les soins et les médicaments nécessaires, elle courrait un risque très élevé de mort immédiate (en raison de coagulums et d’une éventuelle embolie pulmonaire), de graves complications à moyen terme (telles qu’une insuffisance rénale, et la dialyse dont elle aurait ensuite besoin) ainsi que d’autres complications à long terme découlant de son diabète mal contrôlé et de son hypertension (tels que la cécité, des ulcères diabétiques du pied, l’amputation des jambes, une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral).

 

[13]           Mme Toussaint a souscrit un affidavit dans lequel elle parle des répercussions que ses problèmes de soins de santé ont eues sur elle :

[traduction]

 

J’ignore toujours si je serai en mesure de recevoir en temps utile les soins ou les examens dont j’ai besoin. Je ne peux pas prévoir quand les médecins ou les services de santé accepteront de me soigner sans rémunération et quand ils le refuseront. J’ai le sentiment de n’avoir aucun contrôle sur ma santé.

 

Je suis extrêmement reconnaissante pour les services que j’ai reçus par les médecins et autres intervenants du milieu de la santé, malgré le fait que je ne n’ai pas pu les payer. En revanche, je trouve humiliant et dégradant de devoir négocier avec des médecins ou des fournisseurs de services médicaux pour recevoir par charité des soins médicaux. J’ai le sentiment de ne pas être perçue comme ayant la même valeur que d’autres patients.

 

Je suis consciente que bon nombre de médecins, de réceptionnistes et de personnes qui se trouvent dans des salles d’attente et qui m’entendent expliquer pourquoi je n’ai pas d’assurance-maladie et qui m’entendant réclamer de la compassion en raison de la gravité de ma situation peuvent avoir une attitude négative au sujet des immigrants qui cherchent à obtenir des soins médicaux au Canada. Je me sens vulnérable du fait que je suis considérée comme une étrangère. J’ai le sentiment que les administrateurs, réceptionnistes et autres patients ou médecins qui ne sont pas au courant des détails de ma situation peuvent avoir une perception négative au sujet des gens qui se trouvent dans ma situation. Ils peuvent penser que j’essaie de « profiter » du système de santé canadien, au lieu de me percevoir comme un être humain comme eux, qui réside au Canada et qui a travaillé fort et a contribué à la société, mais qui est tombé malade et a besoin de soins médicaux pour sauver sa vie.

 

Lorsque les gens sont hostiles envers moi ou refusent de me permettre d’avoir accès aux soins médicaux dont j’ai besoin,  j’ai le sentiment que ma vie et ma santé sont sans valeur en raison de mon statut d’immigrante et de mon handicap. Je suis déprimée et inquiète au sujet de ma situation de vulnérabilité et je dois déployer de grands efforts pour conserver ma dignité et mon estime de moi-même.

 

[14]            Mme Toussaint n’a entrepris des démarches pour régulariser sa situation au Canada que le 12 septembre 2008, date à laquelle elle a soumis une demande de résidence permanente fondée sur des raisons d’ordre humanitaire accompagnée d’une demande priant le ministre de la dispenser du paiement des frais de 550 $ associés à cette demande pour cause d’indigence. Le ministre a refusé de la dispenser de ces frais. Notre Cour a confirmé la décision du ministre dans Toussaint c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 873 [Toussaint I]. Un appel est en cours devant la Cour d’appel fédérale.

 

[15]           En mars 2009, Mme Toussaint a présenté au ministre une demande de permis de résident temporaire en vue de devenir admissible au Régime d’assurance-maladie de l’Ontario (le RAMO) (voir l’article 1.4 du Règlement 550, R.R.O. 1990 pris en application de la Loi sur l’assurance-santé, L.R.O. 1990, ch. H.6). Mme Toussaint a de nouveau demandé une dispense de paiement des frais exigés pour cause d’indigence. Sa demande a été refusée.

 

[16]           En avril 2009, Mme Toussaint a été informée qu’elle était admissible à des prestations d’aide sociale parce qu’elle avait présenté, au Canada, une demande de résidence permanente fondée sur des raisons d’ordre humanitaire. Bien que le programme d’aide sociale couvre les frais de certains médicaments, il ne paie pas les services médicaux. Je n’exprime aucun commentaire sur la question de savoir si, compte tenu de la décision 2010 CF 873 rendue par notre Cour au sujet de la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire, c’est à bon droit ou non que l’on a reconnu que Mme Toussaint avait droit à des prestations d’aide sociale.

 

[17]           En juin 2009, Mme Toussaint s’est renseignée sur la protection prévue par le RAMO. On lui a répondu qu’elle n’était pas admissible. Elle n’a pas entrepris d’autres démarches pour obtenir du RAMO une décision formelle sur son admissibilité ou pour demander le contrôle judiciaire de la réponse du RAMO.

 

[18]           En mai 2009, Mme Toussaint a de nouveau présenté une demande d’admissibilité au PFSI. Une décision négative a été rendue le 10 juillet 2009. C’est la décision dont Mme Toussaint demande le contrôle judiciaire.

 

[19]           La décision est brève. En voici les passages qui nous intéressent :

[traduction]

Les services de soins de santé sont fournis par les provinces et les territoires. C’est donc aux autorités provinciales et territoriales – en l’occurrence à la province de l’Ontario – qu’il appartient d’accorder ou de refuser l’accès aux soins de santé.

 

Le Programme fédéral de santé intérimaire fournit une couverture temporaire d’assurance-maladie aux individus admissibles qui ne sont pas encore couverts par un régime d’assurance-maladie public ou privé et qui démontrent qu’ils ont besoin d’une aide financière. Les groupes visés sont les suivants :

 

·        demandeurs d’asile;

·        réfugiés réinstallés;

·        personnes détenues en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR);

·        victimes de la traite des personnes.

 

Comme vous ne nous avez pas soumis de renseignements démontrant que votre cliente entre dans l’une de ces catégories, je suis au regret de vous informer que votre demande d’admissibilité au PFSI ne peut être approuvée.

 

Sachez par ailleurs que votre cliente n’a aucune demande active d’immigration auprès de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC).

 

 

Questions en litige

[20]           Je reformulerais comme suit les questions que les parties ont exposées dans leur mémoire et dans leurs plaidoiries :

1.      Laquelle, de la demande introduite dans le dossier T-1310-09 en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales ou de celle présentée dans le dossier IMM-3761-09 en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, a été régulièrement portée devant la Cour?

2.      L’auteur de la décision a-t-il commis une erreur susceptible de révision en concluant que la demanderesse n’avait pas droit aux prestations prévues par le PFSI?

3.      La décision déclarant la demanderesse non admissible au PFSI violait-elle les principes de droit international, notamment les conventions internationales dont le Canada est signataire?

4.      La décision déclarant la demanderesse non admissible au PFSI violait-elle l’article 7 de la Charte des droits et libertés et, dans l’affirmative, cette décision est‑elle sauvegardée par l’article premier de la Charte?

5.      La décision déclarant la demanderesse non admissible au PFSI violait-elle l’article 15 de la Charte des droits et libertés et, dans l’affirmative, cette décision est‑elle sauvegardée par l’article premier de la Charte?

 

[21]           La première question est procédurale. Les autres questions dépendent de l’interprétation du décret n157-11/848, qui a pris effet le 20 juin 1957 et aux termes duquel le PFSI actuel a été créé. Il est donc nécessaire d’interpréter ce décret. Je vais d’abord examiner la question procédurale pour ensuite me pencher sur l’interprétation qu’il convient de donner au décret avant de passer aux quatre autres questions.

 

Analyse

Quelle demande a été régulièrement portée devant la Cour?

 

[22]           La demanderesse soutient que la décision par laquelle elle a été déclarée non admissible au PFSI a été prise en vertu des pouvoirs conférés à ce qui s’appelait alors le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social aux termes du décret no 157-11/848, qui a pris effet le 20 juin 1957. La demanderesse affirme que ces pouvoirs ont été transférés à CIC mais qu’ils n’ont jamais été promulgués dans la Loi ou dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, D.O.R.S./2002-227 pris en application de cette dernière. La demanderesse soutient qu’on ne peut interpréter l’article 72 de la Loi comme englobant les décisions prises en vertu d’un décret, de sorte que la présente demande a régulièrement été introduite en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

 

[23]           Le défendeur soutient que le PFSI relève de la compétence exclusive de CIC en tant que « question d’immigration » depuis 1993. Le défendeur ajoute qu’en édictant l’article 72, le législateur voulait s’assurer que toutes les décisions en matière d’immigration soient assujetties à l’obligation d’obtenir l’autorisation prévue à cet article. Le défendeur affirme qu’une question peut tomber sous le coup de l’article 72 de la Loi, qu’elle soit mentionnée ou non explicitement dans la Loi ou dans ses règlements d’application. Suivant le défendeur, ce sont les dispositions du décret qui ont trait à l’immigration qu’il faut examiner, et ces dispositions font relever de l’article 72 de la Loi les décisions prises en vertu de ce décret.

 

[24]           Voici le libellé du paragraphe 72(1) de la Loi :

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation. [Non souligné dans l’original.]

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court. [Emphasis added.]

 

 

[25]           Le passage essentiel du paragraphe 72(1), aux fins de la question soumise à la Cour, est l’expression « dans le cadre de la présente loi ». Si l’on en retranche les mots mis entre tirets, le paragraphe 72(1) est alors libellé comme suit :

 

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure … prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter … under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

[26]           Il ressort à mon avis à l’évidence de ce texte que le législateur voulait que, pour entrer dans le champ d’application du paragraphe 72(1) de la Loi, l’objet de la demande soit une mesure prise dans le cadre de la Loi. S’il avait eu l’intention d’adopter la portée plus large proposée par le défendeur, le législateur aurait ajouté le mot « immigration » après « mesure » et les mots « ou autrement » après « la présente loi ». Or, il ne l’a pas fait.

 

[27]           À mon avis, si on l’interprète correctement, pour être assujettie au paragraphe 72(1) de la Loi, la décision doit avoir été prise en vertu de la Loi ou de ses règlements d’application. On ne saurait affirmer que les décisions relatives à l’admissibilité au PFSI sont prises « dans le cadre de la présente loi » parce que ni la Loi ni ses règlements d’application ne prévoient de pouvoirs en ce qui concerne le PFSI. Le décret en vertu duquel cette décision a été prise, ainsi que les décrets qui l’ont précédé, n’ont pas été pris dans le cadre de la Loi; d’ailleurs, la Loi, dans sa rédaction présentement en vigueur, n’existait pas à l’époque.

 

[28]           Compte tenu du libellé du paragraphe 72(1) de la Loi et du fait que le fondement légal de la décision visée par la demande de contrôle est un décret et non la Loi, il s’ensuit qu’une demande de contrôle judiciaire introduite en vertu de la Loi n’est pas régulièrement constituée. Une demande visant à contester la décision ne peut être présentée qu’en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Pour ce motif, la demande présentée dans le dossier IMM-3761-09 sera rejetée.

 

 

            Quelle est l’interprétation correcte du décret no157-11/848?

 

[29]           Les parties divergent d’opinion sur la question fondamentale de savoir si, compte tenu de la situation particulière de la demanderesse, le décret autorise le ministre à payer les frais médicaux de la demanderesse. La demanderesse affirme que [traduction] « en tant que personne sans statut ayant soumis diverses demandes à Citoyenneté et Immigration Canada [elle] “relève” de toute évidence “de l’Immigration” » au sens de l’alinéa b) du décret. Le défendeur rétorque que [traduction] « une lecture attentive [...] démontre que les bénéficiaires du PFSI ont, pendant toute la durée de ses 60 années d’existence, presque exclusivement été des personnes légalement admises au Canada en tant que nouveaux immigrants et, plus récemment, des personnes qui ont été accueillies au Canada en tant que personnes à protéger à titre de réfugiés ou pour des raisons d’ordre humanitaire » (soulignement dans l’original omis).

 

[30]           Le défendeur a soumis à la Cour un exposé de l’historique des dispositions qui ont permis au ministère fédéral compétent de payer des frais médicaux. Suivant le défendeur, cet exposé confirme son opinion que les soins médicaux assumés par le gouvernement ne sont offerts qu’aux personnes qui sont légalement admises au Canada.

 

[31]           Il ressort du dossier que le Canada a d’abord payé les frais médicaux de catégories précises d’immigrants : les ex-membres des Forces armées polonaises au cours de la Seconde Guerre mondiale, puis les personnes se trouvant dans des camps de personnes déplacées en Europe.

 

[32]           Le premier texte ayant autorisé de tels paiements était le décret C.P. 3112 du 23 juillet 1946. Ce décret autorisait la sélection et le déplacement de quelque 4 000 ex‑membres des Forces armées polonaises de l’Europe au Canada pour leur permettre d’accepter du travail dans l’agriculture. Il autorisait également le gouvernement à payer les frais médicaux et d’hospitalisation des personnes atteintes de maladies ou d’affections déterminées pendant les deux premières années suivant leur admission au Canada. Le paiement de ces services a par la suite été prolongé, dans certaines circonstances précises, au-delà de la période de deux ans en question par une décision du Conseil privé du 15 mars 1949.

 

[33]           L’autorisation suivante se trouve dans la décision du Conseil privé datée du 30 décembre 1947. La décision précisait qu’elle ne devait s’appliquer qu’aux personnes se trouvant au Canada depuis moins de six mois. En voici les passages pertinents :

[traduction]

 

[…] Dans plusieurs cas où des immigrants se trouvant dans des camps pour personnes déplacées en Europe ou ailleurs ont été admis au Canada conformément respectivement au décret C.P. 2180 ou à d’autres ententes similaires, des soins médicaux ou hospitaliers se sont avérés nécessaires pour ces personnes peu de temps après leur arrivée au Canada.

 

[…]

 

[…] Le ministère du Travail a autorisé le paiement ou la garantie de paiement des frais d’hospitalisation et des frais médicaux des immigrants admis au Canada conformément aux dispositions du décret C.P. 2180 […] dans les cas où, de l’avis du ministère du Travail, il est nécessaire que de pareils services soient offerts pour répondre aux situations d’urgence occasionnées par un accident ou une maladie et dans les cas où, de l’avis du Ministère, l’immigrant est incapable de payer ces services et ces dépenses ou de donner des assurances acceptables de paiement.

 

 

 

[34]           Cette autorisation visant certaines catégories précises a été suivie en 1949 par une autorisation plus large visant plus généralement les immigrants au Canada. Dans une lettre adressée au secrétaire du Conseil du Trésor, le sous-ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration explique que le décret C.P. 41/3888 du 4 août 1949 autorise le Ministère [traduction] « à payer les frais d’hospitalisation et les frais d’entretien des immigrants victimes d’une maladie subite après avoir été admis à un point d’entrée et avant d’arriver à destination, lorsque ces immigrants ne disposent pas des ressources financières suffisantes pour assumer eux‑mêmes ces frais ».

 

[35]           Le décret C.P. 41/3888 a été abrogé et remplacé par le décret C.P. 4/3263 du 6 juin 1952, qui autorisait [traduction] « le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration à prendre en charge les dépenses liées aux soins médicaux et dentaires, aux hospitalisations et aux dépenses accessoires au nom des immigrants qui ont besoin de soins médicaux après avoir été admis à un point d’entrée et avant d’arriver à destination, ou alors qu’ils reçoivent des soins en attendant de se trouver un emploi, dans les cas où ces immigrants ne disposent pas de ressources financières suffisantes pour payer ces dépenses ».

 

[36]           Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que les textes en question prévoyaient uniquement que seules les personnes légalement admises au Canada comme immigrants pouvaient bénéficier du paiement de leurs frais médicaux. La question à laquelle la Cour doit répondre est celle de savoir si la situation est demeurée la même à la suite de la prise du décret C.P. 157‑11/848 le 20 juin 1957. C’est le décret sur lequel repose présentement le PFSI. Il dispose :

[traduction]

Le Conseil recommande que le décret C.P. 4/3263 du 6 juin 1952 soit révoqué et que le ministère de la Santé nationale et du Bien‑être social soit autorisé à prendre en charge des dépenses liées aux soins de santé et dentaires, aux hospitalisations et aux dépenses accessoires, et ce, pour :

 

a) les immigrants, après leur admission au point d’entrée et avant leur arrivée à destination, ou pendant leur traitement médical en attendant de trouver un emploi,

 

b) les personnes qui, à un moment ou à un autre, relèvent de l’Immigration ou dont les autorités de l’Immigration s’estiment responsables et qui ont été envoyées par un agent d’immigration autorisé pour qu’elles se soumettent à un examen ou à un traitement,

 

dans le cas où l’immigrant, ou la personne visée, ne peut assumer ces dépenses, imputables aux fonds accordés tous les ans par le Parlement aux Services médicaux de l’immigration du ministère de la Santé et du Bien-être social.  [Souligné dans l’original.]

 

[37]           On constatera que l’alinéa a) reprend presque littéralement le libellé du décret C.P. 4/3263 du 6 juin 1952. Pour tomber sous le coup de l’alinéa a), la personne dont les frais médicaux sont payés doit être un « immigrant » au Canada. Les termes « immigrant » et « relèvent de l’Immigration » que l’on trouve à l’alinéa b) du décret ne sont pas définis dans ce décret, pas plus qu’ils ne le sont dans la Loi actuelle ou dans ses règlements d’application. Le terme « immigrant » était défini comme suit dans la Loi sur l’immigration qui était en vigueur à l’époque où le décret a été pris : « personne qui cherche à être admise au Canada en vue d’une résidence permanente » (Loi sur l’immigration, L.C. 1952, ch. 42, al. 2i)).

 

[38]           La demanderesse affirme qu’elle est devenue une « immigrante » au sens de l’alinéa a) du décret lorsqu’elle a « déposé » sa demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire. Toutefois, on ne peut dire qu’une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire a été déposée que lorsqu’elle a été présentée conformément aux règles la régissant. Dans le cas de la demanderesse, ce n’est pas ce qui s’est produit, de sorte qu’aucune demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire n’a été déposée au nom de la demanderesse.

 

[39]           L’historique de la présumée demande déposée par la demanderesse est relaté par la juge Snider dans la décision Toussaint I. On peut la résumer comme suit. Le 12 septembre 2008, la demanderesse a soumis une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire accompagnée d’une lettre dans laquelle elle demandait d’être dispensée des frais de traitement de 550 $. Le 12 janvier 2009, sa demande lui a été retournée sans avoir été traitée, accompagnée d’une lettre lui expliquant notamment ce qui suit [traduction] « [s]i vous désirez présenter une demande de résidence permanente au Canada, vous devez joindre à votre demande le paiement des frais exigés ». Rien ne permet de penser que la demanderesse a jamais soumis une demande accompagnée des frais exigés et, à mon avis, on ne peut pas dire que la demanderesse a demandé à être admise au Canada en tant que résidente permanente. Conclure autrement impliquerait que quiconque envoie une lettre ou une demande sans paiement au ministre pour lui réclamer le statut de résident permanent serait un « immigrant » au Canada. Une telle interprétation viderait complètement ce terme de son sens. En tout état de cause, l’alinéa a) prévoit qu’il s’applique aux immigrants « après leur admission au point d’entrée et avant leur arrivée à destination ». À mon avis, il s’ensuit que la personne visée doit avoir été admise à un point d’entrée en tant qu’immigrant. Or, Mme Toussaint n’a jamais été admise au Canada en tant qu’immigrante. Elle est entrée au Canada munie d’un visa de visiteur et elle a donc été admise au Canada en tant que résidente temporaire, et non en tant qu’immigrante. De plus, son visa de résidence temporaire est expiré.

 

[40]           La demanderesse affirme en outre qu’elle est visée par l’alinéa b) parce qu’elle « relève de l’Immigration ». La thèse de la demanderesse est que toute personne peut être visée par les dispositions de la Loi dès lors qu’elle « relève de l’Immigration » au sens du décret. Cette interprétation impliquerait que relèverait de l’Immigration toute personne se trouvant au Canada qui n’est pas un citoyen canadien ou un résident permanent et dont le statut n’est pas contesté.

 

[41]           Je ne puis accepter cet argument. Si l’expression « relève de l’Immigration » devait recevoir l’interprétation large préconisée par la demanderesse, elle engloberait notamment « les immigrants, après leur admission au point d’entrée et avant leur arrivée à destination ». En résumé, les personnes visées par l’alinéa a) seraient également visées par l’alinéa b), de sorte que l’alinéa a) serait superflu.

 

[42]           Suivant un principe d’interprétation des lois, le législateur est présumé avoir évité les mots superflus (Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd., Markham (Ontario), LexisNexis, 2008, à la page 210). « Suivant un principe d’interprétation législative reconnu, une disposition législative ne devrait jamais être interprétée de façon telle qu’elle devienne superfétatoire » : R. c. Proulx, 2000 CSC 5, au paragraphe 28. L’interprétation proposée par la demanderesse va à l’encontre de ce principe. Ainsi donc, l’expression « relève de l’Immigration » a un sens plus étroit que ce que prétend la demanderesse.

 

[43]           Suivant le défendeur, relève de l’Immigration celui qui fait l’objet d’une mesure ou d’une instance dans le cadre du régime législatif ou des pouvoirs des autorités de l’Immigration. Le défendeur soutient que ces mots, que l’on trouve dans le décret, doivent être interprétés dans leurs sens courant et ordinaire. Le défendeur explique qu’hormis les citoyens, toute personne est assujettie aux dispositions de la Loi, mais que ce ne sont pas toutes ces personnes qui relèvent de l’Immigration. Il affirme que ne relèvent de l’Immigration que les personnes qui sont sous la garde et le contrôle des autorités de l’Immigration ou celles qui font l’objet d’une procédure d’immigration prévue par la Loi.

 

[44]           À mon avis, l’interprétation du défendeur est correcte. J’en trouve une confirmation dans la lettre du ministre de la Santé nationale et du Bien-être social qui, avec l’appui du ministre de la Santé, a recommandé le libellé du décret. Les ministres ont expliqué dans les termes suivants la raison pour laquelle ils recommandaient la révocation du décret C.P. 4/3263 et la promulgation du décret C.P. 157-11/848 :

[traduction]

 

            ATTENDU QU’à l’occasion, des personnes reçoivent des soins médicaux ou sont hospitalisées à un moment où on estime qu’elles relèvent de la compétence des autorités de l’Immigration mais avant qu’on puisse se prononcer de façon satisfaisante sur leur statut d’immigrant au sens de la Loi sur l’immigration et qu’en raison de l’urgence de leur affection incapacitante, on ne peut reporter les traitements de façon prudente en attendant que leur statut exact ait été déterminé avec précision;

 

            ATTENDU QUE, dans d’autres cas, des personnes qui ne répondent pas à la définition d’immigrants et qui relèvent temporairement de la compétence des autorités de l’Immigration ont un besoin urgent de soins médicaux ou d’être hospitalisées et qu’il n’est par ailleurs pas humainement possible de reporter l’intervention médicale tant qu’on ne pourra déterminer qui, d’elles ou de tiers, doivent se charger financièrement du coût de cette intervention;

 

            ATTENDU QUE L’ON considère qu’il est dans l’intérêt public et qu’il est nécessaire pour le maintien de bonnes relations publiques entre les deux ministères fédéraux concernés et le grand nombre de personnes, de sociétés et d’agences qui travaillent en étroite collaboration avec ces ministères dans le cadre habituel des activités de l’immigration, que l’autorisation actuelle, qui est restrictive, en raison de la portée du terme « immigrant » et des conditions relatives aux « délais » qui sont appliquées, soit modifiée de manière à permettre au ministère de la Santé nationale et du Bien-être social de fournir l’assistance médicale nécessaire en pareils cas;

 

            ATTENDU QUE les deux ministères s’engagent à exercer ce pouvoir de manière à l’utiliser uniquement dans les cas où cette solution est celle qui est la meilleure dans l’intérêt public et seulement lorsque des considérations humanitaires les obligent plus ou moins à accepter cette responsabilité […]

[Non souligné dans l’original.]

 

[45]           Les mots que j’ai soulignés dans le troisième attendu démontrent clairement que le législateur souhaitait élargir la portée de la catégorie des personnes dont le gouvernement pouvait assumer les frais médicaux par l’ajout des deux groupes de personnes précisés. Comme nous le verrons plus loin, la portée élargie du décret peut déborder quelque peu le cadre de ces deux groupes précis.

 

[46]           Le premier groupe mentionné dans la lettre des ministres est constitué de personnes que les autorités de l’Immigration croient être des immigrants mais qui, en fait, peuvent ou non être des immigrants étant donné que leur statut n’a pas encore été déterminé. La personne dont le statut n’a pas encore été déterminé doit nécessairement être une personne qui n’a pas encore été admise au Canada, parce qu’une fois admise, son statut, d’immigrant ou autre, a été déterminé. En conséquence, les personnes qui font partie de ce premier groupe sont des personnes qui n’ont pas encore été admises au Canada. Ainsi, le premier groupe censé être visé par le décret est constitué de personnes dont les autorités de l’Immigration croient qu’elles sont des immigrants mais qui, en fait, ne le sont pas encore puisque leur statut n’a pas encore été déterminé, et qui n’ont pas encore été admises au Canada.

 

[47]           En ce qui concerne le premier groupe, la situation dans laquelle les autorités risquent le plus probablement de penser que les intéressés sont des immigrants alors que ce statut ne leur a pas encore été reconnu est celle dans laquelle une personne se présente à un point d’entrée mais n’est pas en mesure, en raison d’une maladie, d’un trouble de la parole ou de l’incapacité à parler anglais ou français, de faire savoir si elle souhaite être admise au Canada en tant que résident permanent et non en une autre qualité. En pareil cas, lorsque la personne a besoin sans délai de soins médicaux, le gouvernement peut rembourser ses frais médicaux.

 

[48]           Ne seraient pas incluses dans ce premier groupe les personnes qui ont présenté une demande de résidence permanente ou qui ont indiqué leur intention de le faire parce que, dans ces circonstances, leur statut d’immigrant a été déterminé, et ce, même si leur demande n’a pas encore été traitée ou approuvée.

 

[49]           Le second groupe mentionné dans la lettre des ministres est composé de personnes qui ne sont pas des immigrants mais qui [traduction] « relèvent temporairement de la compétence des autorités de l’Immigration » et qui ont un besoin urgent de soins médicaux. Par personnes relevant temporairement de la compétence des autorités de l’Immigration et qui ne sont pas des immigrants, on entend celles qui transitent par un point d’entrée et qui relèvent donc de la compétence des autorités de l’Immigration, celles dont le statut au Canada est à l’examen par les autorités de l’Immigration et celles qui sont détenues par les autorités de l’Immigration. Font partie des personnes qui relèvent temporairement de la compétence des autorités de l’Immigration les demandeurs d’asile, étant donné que les demandeurs d’asile sont susceptibles de faire l’objet d’une mesure de renvoi qui ne peut être exécutée tant qu’une décision n’aura pas été rendue au sujet de leur admissibilité à présenter une demande, au sujet de la demande elle-même ou au sujet de la demande de contrôle judiciaire présentée ultérieurement à l’encontre de la décision négative de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

 

[50]           L’alinéa b) du décret comprend ces deux groupes de personnes. Il précise toutefois qu’il englobe aussi les personnes [traduction] « dont les autorités de l’Immigration s’estiment responsables et qui ont été envoyées par un agent d’immigration autorisé pour qu’elles se soumettent à un contrôle ou à un traitement ». Cette mesure supplémentaire de paiement des frais médicaux concorde avec la déclaration faite au quatrième attendu précité suivant lequel le ministère s’engage à payer les frais médicaux lorsque [traduction] « cette solution est celle qui est la meilleure dans l’intérêt public et seulement lorsque des considérations humanitaires obligent plus ou moins [les ministères] à accepter cette responsabilité ». Le Ministère a, en vertu de cette autorisation, accepté d’assumer le paiement des frais médicaux des victimes de la traite des personnes. En vertu de cette autorisation, le Ministère prend également à sa charge les frais médicaux des réfugiés qui se sont réinstallés et ceux des demandeurs d’asile dont la demande a été accueillie en attendant qu’ils deviennent admissibles au régime d’assurance-maladie de leur province et, dans certains cas, le Ministère offre une protection supplémentaire même après que le réfugié est devenu admissible à un régime provincial. Ces catégories de personnes, dont le Ministère s’estime responsable, sont étroites, nettement délimitées, temporaires et composées principalement de personnes qui ont un grand besoin d’aide; cette qualification étroite s’accorde avec l’exigence susmentionnée suivant laquelle la protection en question ne doit être accordée que dans des cas rares et lorsque cette mesure est justifiée.

 

[51]           Lorsqu’on l’interprète correctement, le décret C.P. 157-11/848 ne s’applique pas à la demanderesse, qui n’est pas admissible au RAMO. La demanderesse n’est pas une « immigrante » puisqu’elle ne demande pas la résidence permanente au Canada. Elle ne relève pas non plus temporairement de la compétence des autorités de l’Immigration, et n’entre pas dans une des catégories étroites et nettement délimitées de personnes dont les autorités de l’Immigration s’estiment responsables.

 

Le ministre a-t-il commis une erreur justifiant l’intervention de la Cour?

[52]            Le décret P.C. 157-11/848 autorise le ministre ou son représentant – sans toutefois les y obliger – à payer les frais de santé de certaines catégories de personnes. La décision d’accorder la protection médicale prévue par le PFSI est une décision discrétionnaire que prend le ministre ou son représentant.

 

[53]           La demanderesse affirme que le représentant du ministre, le directeur, Gestion et contrôle des programmes, Direction générale de la gestion de la santé à CIC, a entravé son pouvoir discrétionnaire en se fondant uniquement sur les directives du Ministère et en ne se demandant pas si elle était admissible au PFSI en vertu du décret C.P. 157-11/848 malgré le fait qu’elle n’était pas admissible, selon les directives. La demanderesse affirme que, si le décideur avait tenu compte du décret, il aurait constaté que la demanderesse relevait de l’Immigration parce qu’elle avait [traduction] « soumis diverses demandes à Citoyenneté et Immigration Canada » ce qui, ajouté à ses besoins médicaux et son incapacité de payer, la rendait admissible au PFSI aux termes du décret. Le défendeur affirme pour sa part que le décideur a correctement interprété le décret et qu’il a raisonnablement conclu que la demanderesse n’était pas admissible au PFSI.

 

[54]           L’entrave à l’exercice d’un pouvoir constitue une erreur de droit.

[traduction] Un organisme ne peut pas entraver l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère la loi, pas plus que son obligation d’interpréter et d’appliquer les dispositions de sa loi habilitante, en appliquant machinalement une règle qu’il a antérieurement formulée, sauf lorsque celle-ci a été régulièrement édictée en vertu d’un pouvoir de prendre des mesures législatives subordonnées […] Dans chaque cas, il s’agit de savoir non pas si la règle, la ligne directrice, le précédent, la politique ou le contrat a joué un rôle même déterminant dans la décision, mais bien celle de savoir si le décideur l’a considéré comme obligatoire et concluant, sans qu’il soit nécessaire d’examiner d’autres facteurs, notamment celui de savoir s’il devrait s’appliquer, compte tenu des circonstances uniques de l’espèce (Donald J.M. Brown & John M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada, vol. 3, éditions à feuilles mobiles (Toronto, Canvasback Publishing, 1998), ¶12:4410).

 

 

[55]           Il n’y a rien de mal à ce qu’un organisme formule des directives ou invoque celles‑ci pour l’aider à prendre des décisions administratives. Au contraire, les directives comportent des avantages indéniables, comme celui d’assurer une cohérence dans les décisions administratives (Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 198). Les organismes n’ont pas besoin de l’autorisation conférée par leur loi habilitante pour formuler des directives ou pour les invoquer (Ainsley Financial Corp. c. Ontario Securities Commission, (1994), 21 O.R. (3d) 104 (C.A.)). « Même si elles ne lient pas en droit les décideurs, dans le sens qu’une mauvaise interprétation ou une mauvaise application peut constituer une erreur de droit, les directives peuvent néanmoins influer valablement sur la conduite du décideur » (Thamotharem, au paragraphe 59). Néanmoins, le décideur qui se fonde uniquement sur une directive pour rendre sa décision et qui ne tient pas compte de la loi sous-jacente entrave l’exercice de son pouvoir discrétionnaire :

Néanmoins, si les organismes sont libres de donner des directives ou de formuler des énoncés de politique visant à coordonner l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire conféré par la loi afin de favoriser la cohérence, les décideurs administratifs ne peuvent pas appliquer ces directives et politiques comme si elles constituaient le droit. Aussi une décision fondée uniquement sur les consignes impératives d’une directive malgré une demande pour qu’il y soit fait exception en raison d’une situation particulière, pourra‑t‑elle être annulée au motif que le décideur a illicitement entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire […] (Thamotharem, au paragraphe 62)

 

[56]           À mon avis, en l’espèce, le décideur a appliqué les directives du Ministère sur l’admissibilité au PFSI comme si elles avaient force de loi, entravant ainsi l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Le décideur a examiné l’objet limité du PFSI en tant que régime de protection complémentaire offert à certains groupes de migrants non admissibles à un régime provincial d’assurance-maladie. Le décideur a cité des exemples de ces groupes donnés dans les directives. Il a estimé que la demanderesse ne correspondait à aucun des exemples donnés dans les directives, ajoutant qu’elle n’avait [traduction] « aucune demande active d’immigration auprès de Citoyenneté et Immigration (CIC) ». Le décideur n’a pas examiné explicitement le décret P.C. 157-11/848.

 

[57]           Le décideur ne s’est pas expressément demandé si la demanderesse relevait temporairement de la compétence des autorités de l’Immigration. On pourrait soutenir que le fait que le décideur a relevé l’absence de demande d’immigration active constitue une conclusion tacite que la demanderesse ne relevait pas de l’Immigration. On ne trouve toutefois dans ses motifs aucune mention explicite ou implicite de la question de savoir si les autorités de l’Immigration s’estimaient responsables de la demanderesse et auraient dû exercer leur pouvoir discrétionnaire de manière à lui accorder la protection du PFSI.

 

[58]           Le raisonnement du décideur se limitait au défaut de la demanderesse d’expliquer pourquoi elle faisait partie des catégories de personnes prévues par les directives. Le décideur n’a jamais examiné si ces catégories étaient exhaustives et si le décret C.P. 157-11/848 devait englober un groupe de personnes plus vaste qui aurait compris la demanderesse. Le décideur s’est plutôt fondé sur la liste de catégories mentionnée dans les directives comme si elle constituait une liste exhaustive des personnes admissibles au PFSI et comme si ces directives constituaient un texte ayant force de loi qu’il était tenu d’appliquer. À cet égard, le décideur a effectivement entravé son pouvoir discrétionnaire.

 

[59]           Les erreurs administratives, même si elles sont susceptibles de révision, ne se soldent pas toutes par l’annulation de la décision. Lorsque l’erreur ne tire pas à conséquence en ce qui concerne le résultat, le tribunal de révision peut exercer son pouvoir discrétionnaire en décidant de ne pas annuler la décision (Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 55).

 

[60]           Dans le cas qui nous occupe, le fait que le décideur a entravé son pouvoir discrétionnaire ne tirait pas à conséquence sur l’issue de la demande d’admissibilité au PFSI de la demanderesse. Si le décideur avait examiné et interprété correctement le décret C.P. 157-11/848, il aurait conclu que la demanderesse n’était pas admissible au PFSI. La demanderesse n’était pas une immigrante puisqu’elle ne demandait pas la résidence permanente. Elle ne relevait pas temporairement de la compétence des autorités de l’Immigration.

 

[61]           De plus, bien que la demanderesse ne relevait d’aucune des catégories de personnes dont le Ministère s’estimait traditionnellement responsable et pour lesquelles il était autorisé, en vertu du décret C.P. 157-11/848, à payer les frais de santé, elle n’aurait pas été visée par le décret, même si cette catégorie avait été élargie de manière à englober sa situation. Le décret prévoit que sont admissibles [traduction] « les personnes qui, à un moment ou à un autre, relèvent de l’Immigration ou dont les autorités de l’Immigration s’estiment responsables et qui ont été envoyées par un agent d’immigration autorisé pour qu’elles se soumettent à un examen ou à un traitement » (non souligné dans l’original). Comme on le voit, il ne suffit pas que la personne en soit une dont les autorités s’estiment responsables, il faut également que cette personne ait été envoyée par un agent d’immigration autorisé pour qu’elle se soumette à un examen ou à un traitement. Or, Mme Toussaint n’a pas été dirigée de la sorte en l’espèce.

 

[62]           La demanderesse se trouvait au Canada de son propre gré et sans statut légal. À la différence des réfugiés qui se sont réinstallés ou des victimes de la traite de personnes, et compte tenu de son défaut de présenter une demande de résidence permanente, la demanderesse ne pouvait être admissible au PFSI par application du décret C.P. 157-11/848, si ce dernier est interprété comme il se doit. L’erreur du décideur ne tirait pas à conséquence quant au résultat. J’exerce donc mon pouvoir discrétionnaire en refusant d’annuler la décision pour ce motif.

 

La décision allait-elle à l’encontre des principes du droit international?

[63]           Il est de jurisprudence constante que « [l]es conventions et les traités internationaux ne font pas partie du droit canadien à moins d’être rendus applicables par la loi » (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 69). Il est également bien établi que l’on peut faire appel au droit international pour interpréter le droit interne, y compris la Constitution.

À proprement parler, le Canada n’est lié par des normes internationales consignées dans un traité que si celui‑ci a été incorporé au droit canadien par une loi. Toutefois, les tribunaux peuvent faire appel au droit international pour dégager le sens de la Constitution du Canada. Notre analyse ne porte pas sur les obligations internationales du Canada en tant qu’obligations, mais plutôt sur les principes de justice fondamentale. Nous faisons appel au droit international non pas parce qu’il régit la question, mais afin d’y trouver la confirmation de ces principes (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, au paragraphe 60).

 

[64]           La demanderesse soutient que le droit international protège le droit à des soins de santé. Plus particulièrement, elle affirme que l’article 12(1) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966, 993 R.T.N.U. 3, R.T. Can. 1976 No. 46[1] [PIDESC] et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 7 mars 1966, 660 R.T.N.U. 195, R.T. Can. 1970 no 28[2] [CIEFDR] [traduction] « devraient guider l’interprétation et l’application » de la Charte dans le cas qui nous occupe. La demanderesse affirme que, pour se conformer aux obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne, la portée du PFSI doit être élargie de manière à englober [traduction] « toute personne relevant de l’Immigration qui n’a pas les moyens de payer les soins de santé dont elle a besoin ». Le défendeur, pour sa part, ne formule aucun argument au sujet de l’application du droit international au cas qui nous occupe.

 

[65]           L’article 12(1) du PIDESC dispose : « Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre ».

 

[66]           L’article 5 de la CIEFDR est ainsi libellé :

Conformément aux obligations fondamentales énoncées à l’article 2 de la présente Convention, les États parties s’engagent à interdire et à éliminer la discrimination raciale sous toutes ses formes et à garantir le droit de chacun à l’égalité devant la loi sans distinction de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique, notamment dans la jouissance des droits suivants : 

 

[…]

 

e) Droits économiques, sociaux et culturels, notamment :

[…]

iv) Droit à la santé, aux soins médicaux, à la sécurité sociale et aux services sociaux;

[…]

 

 

[67]           Bien que le droit à la santé soit reconnu en droit international, [traduction] « définir la teneur du droit à la santé constitue un défi redoutable » (Eleanor D. Kinney, « The International Human Right to Health: What Does This Mean for Our Nation and World? », (2001) 34 Ind. L. Rev. 1457, à la page 1457). La notion de « santé » n’est pas nécessairement synonyme de « soins de santé ». Le droit à la santé n’impose pas nécessairement non plus à l’État l’obligation positive de fournir des services de santé déterminés. Une question encore plus controversée en droit international est celle de savoir si le droit à la santé oblige strictement l’État à fournir certains services de santé à des non-ressortissants se trouvant sur son territoire avec ou sans statut.

 

[68]           La demanderesse cite diverses observations émanant d’organismes internationaux qui supervisent le PIDESC et la CIEFDR. Ces observations ont une certaine force persuasive mais elles ne sont pas contraignantes pour la Cour. Elles préconisent une interprétation du PIDESC et de la CIEFDR qui confère aux non-ressortissants le même droit à la santé que les citoyens, et ce, indépendamment de leur statut d’immigrant. Par exemple, dans son observation générale sur le sens de l’expression « droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre » que l’on trouve à l’article 12 de la CIEFDR, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels souligne que « les États sont en particulier liés par l’obligation de respecter le droit à la santé physique, notamment en s’abstenant de refuser ou d’amoindrir l’égalité d’accès de toutes les personnes, dont […] les immigrants en situation irrégulière, aux soins de santé prophylactiques, thérapeutiques et palliatifs » (Le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint, CESCR, Vingt-deuxième session, Observation générale no 14, document des Nations Unies  E/C.12/2000/4 (2000), au paragraphe 34). En revanche, le Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et l’Organisation mondiale de la santé reconnaissent que :

Les États ont expressément déclaré devant les organes internationaux chargés des droits de l’homme ou spécifié dans la législation nationale qu’ils ne peuvent ou ne souhaitent pas accorder le même niveau de protection aux migrants qu’à leurs propres ressortissants. De même, la plupart des pays ont défini leurs obligations en matière de santé envers les non-ressortissants en termes de « soins essentiels » ou de « soins d’urgence uniquement ». Étant donné que ces concepts ont des significations différentes en fonction des pays, leur interprétation est souvent laissée au personnel de santé à titre individuel. Les pratiques et les lois peuvent donc être discriminatoires ». Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et   Organisation mondiale de la santé. Le droit à la santé, fiche  d’information no 31. En ligne : http://www.ohchr.org/Documents/Publications/Factsheet31_fr.pdf, à la page 23.

 

[69]           Il convient de signaler que le Canada n’a pas signé la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, 18 décembre 1990, Document des Nations Unies A/RES/45/158, dont l’article 28 dispose :

Les travailleurs migrants et les membres de leur famille ont le droit de recevoir tous les soins médicaux qui sont nécessaires d’urgence pour préserver leur vie ou éviter un dommage irréparable à leur santé, sur la base de l’égalité de traitement avec les ressortissants de l’État en cause. De tels soins médicaux d’urgence ne leur sont pas refusés en raison d’une quelconque irrégularité en matière de séjour ou d’emploi.

 

Si le droit à la santé a une portée aussi large que celle que préconisent les organismes de surveillance des Nations Unies susmentionnés, il deviendrait pratiquement superflu de prévoir une protection supplémentaire pour les travailleurs migrants comme ceux qui sont visés à l’article 28 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

 

[70]           Comme la demanderesse se fonde surtout sur la Charte, et compte tenu du fait que le Canada n’a pas expressément incorporé le PIDESC et la CIEFDR à sa législation interne, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la portée contestée du droit à la santé reconnu en droit international. La présente demande ne saurait prospérer sur le fondement de présumées obligations prévues par le droit international du Canada puisque le Canada ne les a pas expressément mises en œuvre.

 

La décision contrevient-elle à l’article 15 de la Charte?

 

[71]           Avant de passer aux moyens que la demanderesse tire de la Charte, il importe de formuler quelques observations sur les aspects de la présente affaire qui ont trait au partage des pouvoirs. En vertu de la Constitution, la responsabilité des soins de santé au Canada relève principalement des provinces. Le gouvernement fédéral assume toutefois certaines obligations en matière de soins de la santé, surtout aux termes de la Loi canadienne sur la santé, L.R.C. 1985, ch. C‑6. On pourrait soutenir que la demanderesse aurait dû réclamer officiellement l’assurance-maladie en vertu du régime d’assurance publique de l’Ontario, et, en cas de refus, faire valoir ses moyens tirés de la Charte sur le fondement de ce refus.

 

[72]           Après avoir pris le décret C.P. 157-11/848, le Cabinet a créé un régime de prestations qui, depuis l’entrée en vigueur de la Charte, est assujetti au contrôle constitutionnel. Même si la demanderesse aurait pu contester son apparente inadmissibilité à l’assurance-maladie provinciale, rien ne l’empêche de contester son exclusion du PFSI en faisant valoir que son exclusion du PFSI porte atteinte aux droits que la Charte lui reconnaît.

 

[73]           La demanderesse affirme que le refus de sa demande d’admissibilité au PFSI violait son droit à la non-discrimination protégé par l’article 15 de la Charte parce qu’il équivalait à une distinction fondée sur la déficience et la citoyenneté. Citant l’arrêt Chaoulli c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 35, le défendeur rétorque que la Charte ne confère aucun droit constitutionnel distinct à des soins de santé. Le défendeur explique que, si ce droit distinct n’est pas reconnu aux citoyens canadiens, [traduction] « à plus forte raison, les non-ressortissants qui résident illégalement au Canada ne possèdent certainement pas de tels droits ». Le défendeur explique que, dans l’arrêt Auton c. Colombie-Britannique (Procureur général), 2004 CSC 78, la Cour suprême a rejeté l’argument tiré de l’article 15 de la Charte selon lequel les citoyens canadiens ont droit à tous les traitements médicaux dont ils ont besoin.  

 

[74]           Il convient d’aborder avec une certaine prudence l’arrêt Chaoulli de la Cour suprême. Dans cette affaire, la question en litige n’était pas celle de savoir si la Charte reconnaissait un droit distinct à des soins de santé, mais bien celle de savoir si la province de Québec pouvait interdire aux Québécois de s’assurer pour obtenir des services médicaux privés qui étaient par ailleurs offerts dans le cadre du régime d’assurance-maladie public. Je dis qu’il convient d’aborder cette décision avec prudence parce que les motifs de la juge Deschamps, qui ont « brisé l’égalité » et fait pencher la balance du côté des juges majoritaires, étaient fondés sur la Charte québécoise et non sur la Charte fédérale. Trois juges se sont ralliés à la juge Deschamps tout en se disant d’avis que l’interdiction frappant l’assurance médicale privée constituait également une violation de la Charte. Trois juges se sont dissociés de l’opinion de la juge Deschamps et ont estimé que l’interdiction ne violait pas la Charte. Les observations formulées à la fois par le groupe majoritaire composé de trois juges et par le groupe des trois juges dissidents sont des observations incidentes, dans la mesure où elles portent sur le droit à la santé et sur la Charte.

 

[75]           Ce qui est encore plus important, à mon avis, c’est le fait que le défendeur interprète mal la décision des trois juges majoritaires. Le défendeur cite fidèlement la décision de la juge en chef McLachlin et du juge Major, qui déclarent que « [l]a Charte ne confère aucun droit constitutionnel distinct à des soins de santé » (Chaoulli, au paragraphe 104), mais ce qu’il omet de signaler, c’est que les juges ont poursuivi en disant : « Cependant, lorsque le gouvernement établit un régime de soins de santé, ce régime doit respecter la Charte » (Chaoulli, au paragraphe 104). La présente affaire porte sur un régime (le PFSI) que le gouvernement a mis en place pour fournir des soins de santé à certaines personnes; elle ne porte pas sur la question de savoir si les non-ressortissants, ou même les citoyens, ont un droit distinct à des soins de santé.

 

[76]           J’estime également que le défendeur interprète mal l’arrêt Auton de la Cour suprême. Dans cette affaire, la question en litige était celle de savoir si « le refus de la province de la Colombie-Britannique de financer un traitement destiné aux enfants autistes d’âge préscolaire portait atteinte au droit à l’égalité garanti par l’article 15 de la Charte » (Auton, au paragraphe 1). La Cour a jugé que ce refus ne violait pas l’article 15 de la Charte.

 

[77]           La Cour suprême a expliqué, au paragraphe 28, que le paragraphe 15(1) de la Charte ne pouvait viser « qu’un avantage ou une obligation prévus par la loi ». La Cour a qualifié la demande des familles des enfants autistes intimés de demande de « financement de tous les traitements médicalement requis » (Auton, au paragraphe 30). La Cour a expliqué que « le régime législatif ne garantit pas à tout Canadien le financement de tout traitement médicalement requis » (Auton, au paragraphe 35). Comme l’avantage recherché par les défendeurs « n’[était] pas prévu par la loi », il ne pouvait y avoir violation du paragraphe 15(1). Tout ce que la Cour écrit après avoir tiré cette conclusion, y compris les paragraphes invoqués par le défendeur, ne constitue que des observations incidentes.

 

[78]           La Cour suprême a établi une distinction entre les arrêts Auton et Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624, lequel « porte sur l’inégalité d’accès à un avantage prévu par la loi et sur l’application non discriminatoire d’une loi conférant un avantage » (Auton, au paragraphe 38, souligné dans l’original). En l’espèce, la demanderesse ne réclame pas le financement de tous les traitements médicalement requis. Dans la présente espèce, comme dans l’affaire Eldridge, il y a une loi qui confère un avantage ; les conditions d’admissibilité à cet avantage créent une inégalité d’accès de sorte que la question qui se pose est celle de savoir si cette inégalité d’accès est discriminatoire. Il ne s’agit pas de savoir si le Ministère doit créer le PFSI, mais si, une fois créé, le PFSI est discriminatoire en ce sens qu’il exclut certaines personnes sur le fondement d’un des motifs énumérés.

 

[79]           La demanderesse soutient qu’elle est victime de discrimination fondée sur son handicap et sur le fait qu’elle n’a pas la citoyenneté canadienne. Dans un cas comme dans l’autre, son argument n’est pas convaincant.

 

[80]           Il est incontestable que la demanderesse est handicapée et qu’elle a de grands besoins médicaux, mais elle n’a pas été déclarée inadmissible au PFSI du fait de son handicap. Contrairement à la situation en cause dans l’affaire Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin, 2003 CSC 54, avec laquelle la demanderesse a tenté de faire une analogie, le handicap précis dont Mme Toussaint souffre n’est pas exclu du régime de prestations applicable.

 

[81]           La demanderesse n’a pas non plus été jugée inadmissible au PFSI parce qu’elle ne possède pas la citoyenneté canadienne. Elle a été déclarée inadmissible parce qu’elle se trouve illégalement au Canada. Ce n’est que dans l’hypothèse où le « statut d’immigrant » serait considéré comme un motif analogue que l’on pourrait soutenir que le fait que la demanderesse a été déclarée non admissible au PFSI viole le paragraphe 15(1) de la Charte.

 

[82]           La demanderesse n’affirme pas que le « statut d’immigrant » constitue un motif analogue. Dans les affaires portant sur la Charte, il n’appartient pas à la Cour d’interpréter les arguments des parties ou d’en invoquer à leur place. Comme la demanderesse n’a pas affirmé que le « statut d’immigrant » constitue un motif analogue, le moyen qu’elle tire du paragraphe 15(1) doit être rejeté[3].

 

[83]           En l’espèce, la demanderesse n’a pas démontré qu’en lui refusant l’accès au PFSI, le décideur a établi une distinction fondée sur un motif énuméré. La demanderesse n’a pas fait l’objet d’une discrimination fondée sur son handicap ou sur sa citoyenneté. En conséquence, le moyen qu’elle tire du paragraphe 15(1) ne saurait prospérer.

 

La décision violait-elle l’article 7 de la Charte?

[84]           La demanderesse affirme que la Cour suprême a reconnu que le retard dans la fourniture de soins médicaux fait entrer en jeu l’article 7 de la Charte. La demanderesse soutient que, dans son cas, les retards qu’elle a subis ont accru ses [traduction] « risques liés à une maladie présentant une menace pour la vie », lui ont fait subir des douleurs prolongées, en plus de lui causer des souffrances psychologiques graves et de l’anxiété, ce qui, à la longue, a nui à sa santé. La demanderesse affirme que sa situation est analogue à celle dont il était question dans l’affaire Chaoulli en ce sens qu’elle [traduction] « ne réclame pas un nouvel avantage mais seulement l’accès à un avantage qui existe déjà ». Elle soutient que son exclusion du PFSI est arbitraire et qu’elle va à l’encontre des exigences de la justice fondamentale.

 

[85]           Le défendeur affirme que la demanderesse est l’artisane de son propre malheur. Le défendeur cite l’arrêt R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309 à l’appui de la proposition que l’article 7 de la Charte ne confère pas aux simples particuliers la procédure la plus avantageuse qu’on puisse imaginer. Le défendeur explique que :

[traduction] Accorder au Canada un accès gratuit et illimité aux soins de santé à tous les individus qui vivent au Canada, qu’ils soient des citoyens canadiens, des résidents permanents ou des ressortissants d’autres pays qui choisissent de résider illégalement au Canada, peut effectivement constituer « la procédure la plus avantageuse qu’on puisse imaginer », mais ce n’est pas la procédure que le gouvernement du Canada a choisie, de façon raisonnable et légitime.

 

 

[86]           Pour établir que l’article 7 de la Charte a été violé, la demanderesse doit prouver : (1) que la Charte s’applique à sa situation, (2) qu’on lui a nié son droit à la vie, à la liberté et/ou à la sécurité de sa personne, (3) que cette négation n’était pas conforme aux principes de justice fondamentale.

 

[87]           À mon sens, il est indubitable que le PFSI et l’exclusion de la demanderesse constituent une « mesure gouvernementale » à laquelle la Charte s’applique de façon générale. Dans l’arrêt Singh c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177, à la page 202, la Cour suprême explique que le mot « chacun » employé à l’article 7 « englobe tout être humain qui se trouve au Canada et qui, de ce fait, est assujetti à la loi canadienne ». En conséquence, nul ne peut contester que les non-ressortissants qui se trouvent au Canada, y compris les immigrants illégaux, ont droit à la protection de l’article 7 de la Charte. Une conception aussi large de l’article 7 concorde avec le principe que tous les êtres humains ont, indépendamment de leur statut au regard de l’immigration, droit à la dignité et à la protection de leur droit fondamental à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, ce qui ne veut pas dire pour autant que les non‑ressortissants, et en particulier les migrants illégaux, ont le droit de demeurer au Canada.

 

[88]           Il n’existe pas de droit à la migration en droit international. L’article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, 999 R.T.N.U. 171, R.T. Can. 1976 no 47[4] protège le droit de quiconque « se trouve légalement sur le territoire d’un État » d’y circuler librement, de même que celui de quitter un pays et de retourner dans son propre pays, mais il ne confère pas de droit distinct de migration (non souligné dans l’original). Conformément à cette non-reconnaissance d’un droit de migration, la Cour suprême du Canada a jugé ce qui suit :

 

Le principe le plus fondamental du droit de l’immigration veut que les non‑citoyens n’aient pas un droit absolu d’entrer ou de demeurer au Canada : Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, p. 733.  À elle seule, l’expulsion d’un non‑citoyen ne peut mettre en cause les droits à la liberté et à la sécurité garantis par l’art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

(Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51, au paragraphe 46)

 

 

[89]           De plus, l’article 7 de la Charte ne joue pas non plus dans les cas où l’expulsion d’un non-ressortissant vers son pays d’origine l’expose à un danger du fait de l’incapacité de ce pays de lui assurer des soins médicaux vitaux. Dans l’affaire Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 365, le demandeur souffrait d’une insuffisance rénale en phase terminale pour laquelle il recevait au Canada une hémodialyse, un traitement médical essentiel au maintien de la vie. Ce traitement n’était pas offert dans son pays d’origine. Le demandeur a présenté une demande d’examen des risques avant le renvoi (ERAR) en faisant valoir que sa vie était menacée s’il devait retourner dans son pays d’origine, où il ne pourrait recevoir le même traitement essentiel au maintien de la vie, ce qui entraînerait certainement sa mort. La Cour d’appel a confirmé le rejet de la demande d’ERAR du demandeur en concluant que l’allocation qu’un autre État faisait de ses ressources en matière de santé ne pouvait fonder une demande d’ERAR que si ce pays cherchait délibérément à persécuter une personne en allouant sciemment des ressources insuffisantes pour traiter et soigner la maladie ou l’invalidité dont souffre cette personne. La Cour d’appel n’a pas abordé les moyens tirés de la Charte invoqués par le demandeur, se contentant de déclarer qu’ils ne reposaient pas sur des preuves suffisantes et que le demandeur devait explorer d’autres avenues avant de pouvoir présenter une demande fondée sur la Charte.

 

[90]           Mme Toussaint se trouve au Canada sans statut. Il se peut qu’elle ne soit pas en mesure de recevoir les soins médicaux dont elle a besoin si elle est expulsée du Canada. Quoi qu’il en soit, il n’existe présentement aucun obstacle qui empêche le Canada d’entamer des procédures en vue de renvoyer la demanderesse du Canada. Pour des raisons que la Cour ignore, ces procédures n’ont pas été entamées et la demanderesse se trouve toujours au Canada. Compte tenu de la présence physique de la demanderesse au Canada, il est nécessaire de passer à la deuxième et à la troisième condition à remplir pour établir que l’article 7 de la Charte a été violé.

 

[91]           Il est admis que les délais dans la fourniture de soins médicaux et le stress psychologique aigu occasionné par une mesure gouvernementale ont des incidences sur le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne protégés par l’article 7 de la Charte (Chaoulli, précité, R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30; Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.), [1999] 3 R.C.S. 46). Il ressort de la preuve dont dispose la Cour que la demanderesse a subi des retards excessifs avant de recevoir des soins médicaux, en plus d’éprouver un stress psychologique aigu parce qu’elle ignorait si elle recevrait ou non les soins médicaux dont elle a besoin. Mais surtout, le dossier soumis à la Cour démontre que l’exclusion de la demanderesse du PFSI l’a exposée à une menace à sa vie, en plus d’entraîner des conséquences négatives à long terme, voire irréversibles, sur sa santé. La preuve médicale dont dispose la Cour établit en effet que

[traduction] [s]i, à l’avenir, elle ne recevait pas en temps opportun les soins et les médicaments nécessaires, elle courrait un risque très élevé de mort immédiate (en raison de coagulums et d’une éventuelle embolie pulmonaire), de graves complications à moyen terme (telles qu’une insuffisance rénale, et la dialyse dont elle aurait ensuite besoin) ainsi que d’autres complications à long terme découlant de son diabète mal contrôlé et de son hypertension (tels que la cécité, des ulcères diabétiques du pied, l’amputation des jambes, une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral).

 

 

À mon avis, la demanderesse a démontré que son exclusion du PPFSI s’est traduite par une négation de son droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne.

 

[92]           La demanderesse affirme que le refus des soins de santé dont elle fait l’objet va à l’encontre des principes de justice fondamentale parce qu’il est arbitraire. Le défendeur répond que l’exclusion de la demanderesse du PFSI est fondamentalement juste parce que ce programme n’a jamais été conçu de manière à s’appliquer aux migrants illégaux qui choisissent de venir au Canada et d’y demeurer illégalement par choix.

 

[93]           Le PFSI vise essentiellement à fournir des soins médicaux temporaires aux migrants légaux. Le Canada permet également à certains migrants illégaux de bénéficier du PFSI, notamment les victimes de la traite des personnes, qui sont souvent des migrants illégaux contre leur gré. Le Canada s’estime responsable de ces migrants illégaux du fait qu’ils sont victimes de l’exploitation d’individus sans scrupules qui se livrent à la traite de personnes. Mme Toussaint n’est ni une migrante légale ni une migrante illégale contre son gré. Bien qu’elle soit entrée légalement au Canada, elle a choisi d’y demeurer illégalement; rien ne l’empêche de retourner dans son pays d’origine. Elle a choisi d’être une migrante illégale, et elle a de plus choisi de le demeurer. Je ne vois pas comment on pourrait soutenir que sa situation cadre avec l’objet du PFSI. Il existe une raison de principe pour laquelle les victimes de la traite de personnes ont droit à des soins médicaux alors que ce droit est refusé à d’autres migrants illégaux. Les premières sont au Canada parce qu’elles ont été trompées et manipulées tandis que les autres s’y trouvent par choix.

 

[94]           Je n’accepte pas l’argument de la demanderesse suivant lequel le fait qu’elle ne peut recevoir de soins de santé va à l’encontre des principes de justice fondamentale pour la simple raison que ce refus est arbitraire. Je ne vois rien d’arbitraire dans le fait de refuser de financer des soins de santé aux personnes qui ont choisi d’entrer au Canada et d’y demeurer illégalement. Accorder pareille protection à de tels individus ferait du Canada un refuge pour tous ceux qui ont besoin de soins et de services médicaux. Il n’y a rien de fondamentalement injuste dans le fait de refuser de créer pareille situation.

 

[95]           Pour ces motifs, la présente demande est rejetée. Comme les questions examinées concernent l’intérêt public et débordent le cadre des intérêts purement personnels de la demanderesse, et compte tenu de la situation personnelle de la demanderesse, il y a lieu en l’espèce de ne pas adjuger de dépens.

 

 

 

 

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.         la demande est rejetée;

 

2.         une copie des présents motifs du jugement et du présent jugement sera déposée dans le dossier IMM-3761-09;

 

3.         aucuns dépens ne sont adjugés.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1301-09

 

INTITULÉ :                                       NELL TOUSSAINT c.

                                                            PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 mars 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 6 août 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mes Andrew C. Dekany,

Raj Anand et

Angus Grant

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Marie-Louise Wcisio

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me ANDREW C. DEKANY

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

MYLES KIRVAN

POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

 



[1] Entré en vigueur le 3 janvier 1976; le Canada y a adhéré le 19 mai 1976.

[2] Entrée en vigueur le 4 janvier 1969; ratifiée par le Canada le 14 octobre 1970.

[3] Dans l’arrêt Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203, la Cour suprême laisse entendre que « le statut d’immigrant » pourrait un jour être considéré comme un motif analogue. Dans l’arrêt Corbiere, au paragraphe 60, la Cour a reconnu que, pour analyser si une caractéristique constitue un motif analogue, « [u]n autre élément central de l’analyse est la question de savoir si les personnes définies par la caractéristique sont dépourvues de pouvoir politique, défavorisées ou susceptibles de le devenir ou de voir leurs intérêts négligés ». On peut à juste titre affirmer que les migrants illégaux sont dépourvus de pouvoir politique et sont fréquemment défavorisés, en plus d’être très vulnérables aux abus, ce qui, ajouté à la difficulté de régulariser leur situation de migrants illégaux, pourrait appuyer l’argument qu’une telle caractéristique constitue un motif analogue.

 

[4] Il est entré en vigueur le 21 mars 1976 et le Canada y a adhéré le 19 mai 1976.

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