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Cour fédérale

 

 

 

 

 

 

 

 

Federal Court

 


 

Date : 20100805

Dossier : IMM-6536-09

Référence : 2010 CF 804

Ottawa, Ontario, le 5 août, 2010

En présence de Madame la Juge Marie-Josée Bédard 

 

ENTRE :

MARIA DEL CARMEN ORTIZ GARCIA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch.27 (la « Loi ») d’une décision rendue le 30 juin 2009 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission), datée 30 novembre 2009, qui a refusé de reconnaître à Mme Ortiz Garcia le statut de personne à protéger au sens de l’article 97 de la Loi.

 

[2]               La Commission a rejeté la demande d’asile de la demanderesse au motif qu’elle n’avait pas établi de manière crédible les éléments essentiels au soutien de sa demande.

Contexte de la demande d’asile

[3]               Mme Ortiz Garcia, est citoyenne du Mexique. Au soutien de sa demande d’asile, elle invoque craindre pour sa vie après avoir reçu des menaces de la part d’un ancien employé de son mari, M. Yvan Guillermo Toledo, et après avoir été agressée sexuellement par deux individus envoyés par M. Toledo.

 

[4]                La demande d’asile de la demanderesse reposait en partie sur la demande d’asile de son mari. Le contexte factuel ayant mené aux demandes d’asile a été présenté comme suit : Le mari de la demanderesse opérait une petite entreprise de minibus et avait deux chauffeurs à son emploi, dont M. Toledo. Le 24 août 2006, M. Toledo aurait été impliqué dans un accident avec un des minibus, à la suite de quoi, il aurait été emprisonné et inculpé dans un procès pour dommages. Mécontent des conséquences qu’entraînaient son implication dans cet accident, M. Toledo aurait proféré des menaces de mort contre le mari de la demanderesse qui a par la suite décidé de quitter le Mexique.

 

[5]               La demanderesse a soutenu que, suite au départ de son mari, elle et ses enfants avaient reçu des menaces de la part d’individus qui voulaient savoir où était son mari. Elle a de plus soutenu avoir été menacée et agressée sexuellement le 19 juin 2007 par deux hommes qui venaient de la part de M. Toledo. Elle aurait fait une dénonciation aux autorités le 25 juin 2007, laquelle n’aurait pas été retenue faute de preuve. Craignant pour sa vie, elle a quitté le Mexique avec ses enfants pour le Canada le 19 septembre 2007 et elle a demandé l’asile le même jour. 

 

 

La Décision de la commission

[6]               La Commission a jugé que le récit donné par la demanderesse lors de l’audition comportait d’importantes omissions et contradictions et qu’il était contredit, à plusieurs égards, par la preuve au dossier. La Commission n’a pas cru les allégations centrales de la demande, soit les menaces et l’agression sexuelle de juin 2007.

 

La question en litige

[7]               La demanderesse soutient avoir fait la preuve qu’elle craignait avec raison pour sa sécurité et sa vie et que la Commission a commis une erreur dans son appréciation de la preuve, et plus particulièrement de sa crédibilité. Dans son mémoire, la demanderesse a reproché à la Commission d’avoir commis plusieurs erreurs dans son appréciation de la preuve et de la crédibilité de la demanderesse.  

 

[8]               Lors de l’audience, la procureure de la demanderesse a modifié son approche et invoqué deux erreurs qu’aurait commises la Commission. Dans un premier temps, la demanderesse reproche à la Commission de ne pas avoir pris en compte les Directives concernant les revendicatrices de statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe (les Directives) et ce à deux égards : en refusant sa demande de reporter l’audition, compte tenu de son état psychologique, et en ne faisant pas preuve de compassion et de sensitivité à son endroit. Deuxièmement, la demanderesse reproche à la Commission de ne pas avoir considéré son état psychologique dans l’appréciation de sa crédibilité.  

 

La norme de contrôle

[9]               Il est bien établi en jurisprudence que la Cour doit faire preuve de déférence à l’égard de  l’évaluation de la preuve et de l’appréciation de la crédibilité et par le tribunal administratif et que la norme de contrôle applicable à l’égard de ces conclusions est celle de la décision déraisonnable. Il n’appartient pas à la Cour de substituer sa propre appréciation de la preuve à celle du tribunal ni sa propre appréciation de la crédibilité des témoins. La Cour n’interviendra que si les conclusions du tribunal sont fondées sur une conclusion de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou si la décision ne tient pas compte de la preuve présentée. (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, Martinez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 798; Smith c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 FC 545.

 

[10]           L’argument qu’invoque la demanderesse relativement au refus de la Commission d’accorder une remise de l’audition semble plus de la nature d’une entorse à l’équité procédurale et aux règles de justice naturelle. La norme de contrôle applicable à l’égard d’une telle question est celle de la décision correcte. Malveda c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 FC 447; Adu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 FC 565.

 

Analyse

(1) Application des Directives concernant les revendicatrices de statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe.

 

[11]           La demanderesse soutien que la Commission n’a pas pris en compte les Directives. Je ne suis pas de cet avis. D’abord, la Commission mentionne expressément dans sa décision avoir pris en compte les Directives. D’autre part, une lecture de la transcription de l’audience et une lecture de la décision démontrent que le membre de la Commission n’a pas commis d’erreur dans sa décision de procéder à l’audition et que sa gestion de l’audience et son attitude à l’endroit de la demanderesse étaient tout à fait compatibles avec les Directives.  

 

[12]           Je vais d’abord traiter de la demande de remise.

 

[13]           La procureure de la demanderesse a soutenu que la Commission aurait dû accorder la remise de l’audition parce que la demanderesse avait clairement indiqué qu’elle ne se sentait pas apte à procéder, notamment parce que sa travailleuse sociale, dont la présence à l’audition l’aurait rassurée, n’était pas disponible. La procureure de la demanderesse a insisté sur la condition médicale de la demanderesse qui fait état d’un diagnostic de dépression majeure et d’un choc post traumatique liée à l’agression dont elle a été victime et qui traite de l’impact de la condition médicale de la demanderesse sur son habileté à témoigner.

 

[14]           Après avoir lu la transcription de l’audience, pris connaissance de toute la preuve médicale au dossier et de la décision de la Commission, j’estime que la Commission n’a ni erré ni violé les règles d’équité procédurale en refusant la demande de remise de l’audition.

 

[15]           Dans un premier temps, la décision de la Commission et la transcription de l’audience démontrent que la Commission a très bien saisi la nature de la condition médicale de la demanderesse et de son impact possible sur son témoignage. La Commission a tenu compte de la condition de la demanderesse mais également du fait qu’une remise de l’audience avait déjà été accordée en février 2008. La Commission a par ailleurs jugé que la condition médicale de la demanderesse ne l’empêchait pas de témoigner et cette conclusion est tout à fait raisonnable à la lumière de la preuve au dossier.

 

[16]           La preuve médicale déposée au dossier date de février 2008 et avait été déposée au soutien d’une demande de la remise de l’audience initialement fixée en février 2008. Aucune preuve médicale contemporaine à l’audience du mois d’octobre 2009 n’a été produite. La preuve médicale, datant de février 2008, mentionne l’importance de faire les ajustements nécessaire lors de l’audience pour que celle-ci ne provoque pas une détérioration de l’état de la demanderesse. La preuve médicale fait également mention de la possibilité que la condition de la demanderesse augmente son niveau d’anxiété lors de son témoignage, de la possibilité qu’elle ait des trous de mémoires et des problèmes de concentration, qu’elle devienne très émotive et qu’elle ait de la difficulté a rendre un témoignage cohérent. En revanche, la preuve médicale n’indique aucunement que la demanderesse n’est pas en mesure de témoigner ou que sa perception de la réalité est altérée par sa condition.

[17]           Une lecture de la transcription de l’audition et da la décision démontrent que le membre de la Commission a fait les ajustements nécessaires pour faciliter le témoignage de la demanderesse. Bien qu’elle ait refusé de remettre l’audience après avoir jugé que l’absence de la travailleuse sociale ne compromettait pas la capacité de la demanderesse de témoigner, le membre de la Commission a permis à la demanderesse d’être accompagnée pas sa psychologue.

 

[18]           Le membre de la Commission a également informé la demanderesse qu’elle ne l’interrogerait pas sur l’agression sexuelle, qu’elle limiterait le nombre de question qu’elle lui poserait et qu’elle lui accorderait des pauses au besoin.

 

[19]           L’attitude de la Commission démontre une sensibilité tout à fait appropriée à l’état de la demanderesse. Une lecture de la transcription de l’audience permet d’ailleurs de constater que la demanderesse a témoigné avec aplomb, de façon tout à fait cohérente, qu’elle a bien compris les questions qui lui étaient posées et qu’elle a eu l’occasion de donner toutes les réponses et les explications qu’elle souhaitait. Il est intéressant de noter que l’avocate de la demanderesse devant la Commission a elle-même indiqué que le témoignage de la demanderesse s’était très bien passé.

La première chose que je veux dire, on le dit pas souvent mais je veux dire que franchement ça l’a extrêmement bien été pour son audience là, par rapport aux fois ou je l’ai rencontré dans mon bureau. Je suis réellement contente de ça parce que c’est probablement une de ses meilleures journées depuis que, oui. Puis je pense, on en a parlé avec madame Giraldo puis, elle était d’accord avec moi. On était franchement impressioné les deux (2) de …

R. Bien quand c’est calme, ça, ça favorise là.

C’est ça mais c’est…Fait que, c’est ça, mais en même temps, ça vous dit que c’est pas toujours comme ça mais là ça très très bien été.

 

 

[20]           Je suis donc satisfaite que la décision de la Commissaire de procéder à l’audience était tout à fait raisonnable dans les circonstances et que cette décision n’a aucunement brimée les droits de la demanderesse ni sa possibilité de rendre un témoignage complet.

 

[21]           Je suis tout aussi satisfaite que le membre de la Commission n’a manqué ni de sensibilité ni de compassion à l’endroit de la demanderesse et que tant sa gestion de l’audience que son attitude à l’endroit de la demanderesse étaient en accord avec les Directives.

 

(2) L’impact de la condition médicale de la demanderesse sur sa crédibilité

 

[22]           La demanderesse soutient, dans un deuxième temps, que la Commission n’a pas tenu compte de son état psychologique dans son appréciation de sa crédibilité : sa crédibilité aurait dû être appréciée à travers le prisme de sa condition médicale, laquelle aurait influencé les conclusions de la Commission au niveau da sa crédibilité.

 

[23]           Avec égard, j’estime que rien dans la preuve médicale ne permettait de soulever des doutes quant à la perception de la réalité de la demanderesse ou à sa capacité de témoigner. De plus une lecture de la transcription de l’audience permet de constater que le témoignage de la demanderesse était articulé, cohérent, qu’elle a témoigné de façon calme et qu’elle n’a subit aucune perte de mémoire.

 

[24]           Le reproche de la demanderesse m’apparaît donc injustifié et les conclusions de la Commission relativement à la crédibilité de la demanderesse sont raisonnables, elles sont appuyées par la preuve et elles sont bien articulées.   

 

[25]           La présente demande de contrôle judiciaire doit donc être rejetée.

 

[26]           Les procureurs n’ont proposé aucune question d’importance générale pour certification.

 

 


JUGEMENT

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Marie-Josée Bédard »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6536-09

 

INTITULÉ :                                       MARIA DEL CARMEN ORTIZ GARCIA c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 21 juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            L’honorable Marie-Josée Bédard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 5 août 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Claudia Aceituno

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Sylviane Roy

 

POUR LEDÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Claudia Aceituno

Montréal Québec

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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