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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20100329

Dossier : ITA-5671-08

Référence : 2010 CF 340

Toronto (Ontario),  le 29 mars 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

 

 

ENTRE :

AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi de l’impôt sur le revenu;

et

 

AFFAIRE INTÉRESSANT une cotisation ou des cotisations

établies par le ministre du Revenu national

en vertu d’une ou plusieurs des lois suivantes :

la Loi de l’impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada,

la Loi sur l'assurance-emploi

 

                                   à l’égard de :  Don McDonald

                                                           1515 – 1, Lombard Place

                                                           Winnipeg (Manitoba)

                                                           R3B 0X3

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               À l’audience de justification relative à la présente affaire en vertu de l’article 459, le débiteur judiciaire, M. Don McDonald, demande l’annulation de l’ordonnance provisoire au motif qu’il n’a pas de droit pouvant être grevé d’une charge au sens de l’alinéa 458(1)a).

 

[2]               Monsieur Macdonald soutient essentiellement qu’il a un intérêt bénéficiaire indirect éventuel dans la donation de biens réels prévue dans le testament de son père, et qu’il n’y a aucun instrument habilitant qui permet de constituer une charge sur un tel intérêt en vertu de l’alinéa 458(1)a).

 

[3]               Monsieur McDonald affirme que, si la Cour devait statuer qu’un tel intérêt est visé par l’alinéa 458(1)a), sa conclusion irait au-delà du sens ordinaire des mots et équivaudrait à du [TRADUCTION] « droit prétorien ». Là n’était pas l’intention du législateur ou du Comité des règles. M. McDonald ajoute que, dans le contexte de la bonne administration des successions, une telle interprétation mènerait au chaos.

 

[4]               En d’autres mots, M. McDonald dit que le paragraphe 458(1) ne s’étend pas à la constitution d’une charge sur un intérêt bénéficiaire éventuel comme l’intérêt du bénéficiaire de biens réels en vertu d’un testament. M. McDonald dit qu’il aurait fallu un libellé beaucoup plus explicite pour permettre la constitution d’une charge aussi extraordinaire, compte tenu en particulier des effets qu’une telle interprétation pourrait avoir sur la jurisprudence établie en matière d’administration des successions.

 

[5]               La question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si l’intérêt dont il est question ici – l’intérêt de M. McDonald dans les biens réels dévolus à M. McDonald et à ses sœurs en vertu du testament de leur père – est un « droit immobilier » au sens de l’alinéa 458(1)a).

 

[6]               L’alinéa 458(1)a) ne pose aucune limite à la nature ni à l’étendue des « droit[s] immobilier[s] » des débiteurs judiciaires. Comme le juge Martineau l’a souligné dans Laquerre (Re), 2008 CF 460, [2008] A.C.F. no 578, au paragraphe 3, l’enregistrement d’un certificat du ministre « équivaut à un jugement de cette Cour », de sorte que le ministre « peut inscrire immédiatement une charge provisoire sur tout immeuble appartenant au débiteur judiciaire visé par le certificat en question ». Les propos du juge Martineau s’appliquent sans distinctions à « tout » droit immobilier.

 

[7]               Le juge Martineau soulève aussi plusieurs points au paragraphe 5 de ses motifs dans Laquerre qui, à mon avis, s’appliquent aussi à l’espèce :

5. La Règle 459(1) prévoit « À l’audience visée à l’alinéa 458(1)b), la Cour déclare définitive la charge provisoire, selon la formule 459, ou l’annule. » En l’espèce, la Cour a donc deux options : déclarer la charge définitive ou l’annuler. Je note que selon les Règles 458 et 459, le créancier judiciaire ne procède pas immédiatement à la saisie de l’immeuble (il pourra le faire éventuellement), mais il veut le grever de l’équivalent d’une hypothèque judiciaire pour assurer la protection de ses droits : R. v. Mullin, [1985] 2 C.T.C. 128. Plus précisément, ces Règles ont pour objet et pour effet la création d'une charge sur l'immeuble du débiteur judiciaire en vertu d'un jugement, affectant ledit immeuble à l'exécution éventuelle de ce jugement : Re Beaudry, [1979] 2 C.F. 138. Étant donné qu’il s'agit donc d'une simple mesure d'exécution d'un jugement et que selon la Règle 462, la Cour peut, sur requête du débiteur judiciaire ou de toute autre personne ayant un droit sur les biens grevés par une charge provisoire ou définitive, annuler ou modifier l’ordonnance constituant la charge, aux conditions qu’elle estime équitables quant aux dépens, je suis d’avis qu’il n’est pas prématuré d’ordonner une constitution de charge définitive en l’espèce.

 

 

[8]               Monsieur McDonald ne nie pas que le testament de son père lui confère un « droit immobilier ». Il qualifie ce droit de [TRADUCTION] « bénéficiaire indirect éventuel », mais il s’agit tout de même d’un droit immobilier.

 

[9]               Comme le juge Martineau l’a souligné dans Laquerre, l’article 462 permet une annulation ou une modification sur requête du débiteur judiciaire ou de toute autre personne ayant un droit sur les biens grevés par une charge provisoire ou définitive en vertu de l’article 458 ou 459, en tout temps, aux conditions que la Cour estime équitables quant aux dépens. À mon avis, ces dispositions offrent suffisamment de souplesse pour statuer sur la charge en question si un tel exercice devait s’avérer nécessaire dans le cadre du processus d’administration de la succession. Je ne dispose vraiment d’aucun élément de preuve indiquant que la charge en question mènera à des problèmes ou au « chaos » dans l’administration de la succession. Je considère que les préoccupations de M. McDonald à cet égard sont conjecturales et improbables, compte tenu du pouvoir d’annulation ou de modification de la Cour aux conditions qu’elle estime équitables quant aux dépens.

 

[10]           Pour ce qui concerne la portée de l’expression « droit immobilier » au paragraphe 458(1), la loi habilitante et les Règles ne comportent tout simplement aucune disposition qui indique qu’un tel droit devrait être limité de quelque façon. M. McDonald soutient qu’il n’y a aucune disposition qui indique que le législateur a voulu que l’expression en question s’étende à l’intérêt qu’il possède dans les biens réels de la succession de son père. À mon avis, cependant, c’est M. McDonald qui cherche à restreindre le sens ordinaire et évident de l’expression « droit immobilier » alors que la loi habilitante, les Règles et la jurisprudence ne comportent aucune disposition ni aucune règle indiquant qu’une telle restriction devrait s’appliquer. Un intérêt foncier est un intérêt foncier, même s’il s’agit d’un intérêt foncier bénéficiaire et éventuel. J’estime que tenter d’exclure certains intérêts fonciers qui ne devraient pas être assujettis à l’article 458 serait une tâche extrêmement difficile et entraînerait le genre de confusion auquel je ne puis trouver aucune justification, ni en principe ni en droit.

 

[11]           Le Jowitt’s Dictionary of English Law (2e éd. 1977) (tel que cité dans Words & Phrases, volume 4, à la page 1178) énonce, à la page 995, qu’une personne est titulaire d’un intérêt (interest) dans une chose lorsqu’[TRADUCTION] « elle est titulaire de droits, d’avantages, d’obligations, de dettes ou d’autres choses semblables, actuel ou futurs, déterminés ou éventuels, qui y sont reliés […] ».

 

[12]           Compte tenu de cette large définition, je crois qu’il fait peu de doute que les intérêts fonciers que détient actuellement le défendeur sont visés par l’article 458.

 

[13]           Le Black’s Law Dictionary comporte aussi une interprétation large du mot « interest ». Black’s considère un intérêt comme [TRADUCTION] « une participation légale à l’égard d’une chose; tout ou partie d’une revendication ou d’un droit en common law ou en equity dans un bien ». (Black’s, 7e édition, à la page 816.)

 

[14]           En outre, dans Williams v. Papworth, [1900] A.C. 563, 69 LJPC (telle que citée dans Rystephaniuk c. Prosken, 59 Man R. 142 et dans Words and Phrases, précité), Lord Macnagten a affirmé ce qui suit, au sujet de l’expression « interest in land » (intérêt foncier) :

[TRADUCTION] Il ne saurait évidemment être contesté que l’expression « intérêt foncier », à moins que quelque chose n’en restreigne le sens, doit inclure les intérêts en equity ainsi que les intérêts en common law.

 

[15]           Compte tenu des définitions larges du mot « intérêt » [interest] et de l’expression « intérêt foncier », je suis d’avis que l’intérêt du défendeur est visé par l’article 458. En outre, contrairement à ce que soutient le défendeur, le libellé de l’article 458 ne restreint nullement le sens de l’expression « un droit immobilier ». Ainsi, selon mon interprétation, l’intérêt du défendeur est visé à l’article 458.

 

[16]           Étant donné que la succession n’a pas encore été distribuée, le défendeur s’inquiète de ce qu’il soit peut-être prématuré d’exiger qu’il paie de l’impôt sur un bien qu’il n’a pas encore acquis. Je crois cependant qu’une telle inquiétude, bien qu’elle puisse être fondée dans certains cas, n’est pas justifiée en l’espèce.

 

[17]           En l’espèce, le défendeur semble tenter de retarder la distribution des biens en question aux bénéficiaires, dont lui-même, de manière à éviter de payer sa part d’impôt sur les biens. Comme le demandeur l’a affirmé, son [TRADUCTION] « défaut de céder l’intérêt en common law dans ces biens réels aux légataires maintient ostensiblement son intérêt bénéficiaire d’un quart dans ces biens hors de la portée du percepteur des impôts ». Ainsi, compte tenu de ces faits, je ne vois aucune raison de ne pas permettre que l’alinéa 458(1)a) s’applique conformément à l’interprétation exposée plus haut. Comme le juge Martineau l’a souligné dans Laquerre, étant donné que nous avons affaire à une mesure d’exécution d’un jugement, il y a assez de souplesse pour statuer sur les anomalies et les injustices quand elles se présenteront. Or, il n’y ne a aucune en l’espèce.

 

[18]           Par conséquent, je crois que la charge provisoire en l’espèce devrait être maintenue conformément à l’article 459.

 


 

ORDONNANCE DÉFINITIVE DE CONSTITUTION DE CHARGE

 

VU LA REQUÊTE présentable le 18 janvier 2010 en vertu de l’ordonnance du 30 novembre 2009 du juge Pinard;

 

ET APRÈS avoir lu les documents produits pour le compte du procureur général du Canada dans le cadre de sa demande ex parte d’ordonnance provisoire de constitution de charge, et après avoir entendu les observations de l’avocat de M. McDonald et de l’avocat du procureur général du Canada, et après avoir lu les observations écrites additionnelles produites par les deux avocats;

 

LA COUR ORDONNE :

 

  1. L’intérêt de Don McDonald dans les biens réels décrits comme :

a.                  PCL 34570 SEC DKF; PT LOCATION 460P UNSURVEYED TERRITORY PT OF GALT ISLAND, LAKE OF THE WOODS, PT 9, 10, 11, 12, 13 23R5964 and PT 3 and 4 KR341 S/T PT 10 and 13, 23R5964 AS IN LT30027; S/T LT222465; DISTRICT OF KENORA; et

b.                 PDL 35264 SEC DKF; PT LOCATION 460P UNSURVEYED TERRITORY BEING PT OF GALT ISLAND, LAKE OF THE WOODS, PT 8, 23R5964; DISTRICT OF KENORA.

sont grevés d’une charge pour le paiement de 2 546 249,27 $, la somme que Don McDonald doit à Sa Majesté la Reine du chef du Canada représentée par le ministre du Revenu national en vertu d’un certificat enregistré auprès de la Cour le 8 mai 2008 ou aux environs de cette date, ledit certificat ayant la même force exécutoire qu’un jugement rendu en vertu du paragraphe 223(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, ainsi que tout intérêt applicable, composé quotidiennement, au taux prescrit en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu et les dépens relatifs à la présente requête, qui sont ajoutés à la créance judiciaire.

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        ITA-5671-08

 

INTITULÉ :                                      AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi de l’impôt sur le revenu;

et

AFFAIRE INTÉRESSANT une cotisation ou des cotisations

établies par le ministre du Revenu

en vertu d’une ou plusieurs des lois suivantes : la Loi de l’impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada,

la Loi sur l'assurance-emploi

 

 

à l’égard de :               Don McDonald

1515 – 1, Lombard Place

Winnipeg  (Manitoba)

R3B 0X3

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Winnipeg  (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 18 janvier 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE RUSSELL

 

DATE DE L’ORDONNANCE :       le 29 mars 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Denyse T. Coté

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Jeff D. Pniowsky

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 (non représenté)

 

 

Thompson Dorfman Sweatman LLP

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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