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Federal Court

 

Cour fédérale

 


 

Date : 20100622

 

  Dossier : T-293-07

 

Référence : 2010 CF 680

 

 

Ottawa (Ontario), le 22 juin 2010

 

PRÉSENT :  le juge Harrington

 

 

ENTRE :

 

RICHARD WARMAN

 

Demandeur

 

 

et

 

 

 

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

  Commission

 

et

 

 

 

TERRY TREMAINE

 

  Intimé

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE – JUSTIFICATION

 

 

  • [1] La Commission canadienne des droits de la personne a sollicité de la Cour une ordonnance enjoignant à M. Tremaine de se présenter afin de répondre à des allégations d’outrage au tribunal.

 

  • [2] En février 2007, la Commission canadienne des droits de la personne a conclu que M. Tremaine avait à plusieurs reprises contribué à la transmission de contenus de télécommunications susceptibles d’exposer une ou plusieurs personnes appartenant à un groupe identifiable à la haine et au mépris en raison de motifs de discrimination illicites au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il a reçu une ordonnance de cesser et de s’abstenir, assortie d'une amende de 4 000 $.

 

  • [3] En ce qui concerne l’exécution, conformément à l’article 57 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, cette décision a été inscrite à la Cour. M. Tremaine a fait une demande de contrôle judiciaire. Cette demande a été rejetée par madame la juge Snider. Les motifs sont expliqués dans 2008 CF 1032.

 

  • [4] La présente requête a été effectuée en conformité à la règle 467 des Règles des Cours fédérales. Bien qu’une telle requête puisse se faire ex parte, on a donné avis. M. Tremaine était présent lorsque cette affaire a été entendue, à Saskatoon, le 17 juin 2010. Il a été représenté par voie de téléconférence par l’avocat Douglas H. Christie. En vertu de la règle 467, une ordonnance peut être rendue si un juge du tribunal est convaincu qu’il semble, à première vue, qu’un outrage a été commis. Je suis convaincu que c'est le cas.

 

  • [5] La preuve consistait en deux affidavits déposés par le demandeur, Richard Warman : le premier en date du 12 février 2009 et le deuxième, en date du 19 mars 2010. En pièce jointe aux affidavits figurent de nombreux documents qui ont été jugés par la Cour comme étant de la littérature haineuse au sens du paragraphe 13(1) de la Loi.

 

  • [6] Selon la preuve, il semble à première vue que M. Tremaine aurait pu supprimer des publications de différents sites Web, étant donné que certaines publications mentionnées dans le premier affidavit de M. Warman avaient été supprimées lorsqu’il a déposé son deuxième affidavit. Une très grande partie, sinon la totalité, des publications présentées correspondent aux paragraphes 93 et 140 des motifs de la Cour, lesquels se lisent comme suit :

 

[93]  Il est clair que l’intimé ne veut rien de moins qu’un Canada totalement blanc. Il soutient que les Blancs et les non-Blancs, y compris les Juifs, ne peuvent jamais vivre ensemble en harmonie dans le même pays. Il considère que les Noirs sont méprisables, mais trop faibles d’esprit pour représenter une menace pour les Blancs. Par contre, les Juifs sont considérés comme plus intelligents, mais ils sont dangereux, amoraux, vermines, et ils conspirent en vue de prendre le contrôle du monde. Les thèmes les plus importants de ses écrits sont la suprématie de la race blanche et l’antisémitisme.

 

[140]  Après avoir examiné ces messages dans leur contexte, je suis convaincu qu’ils risquent d’exposer des personnes de confession juive, des Noirs et d’autres minorités non blanches à la haine ou au mépris. Le thème sous-jacent des messages de l’intimé est que les Juifs, les Noirs et d’autres non-Blancs détruisent le pays et qu’ils devraient être expulsés ou isolés. Les messages évoquent aussi la menace que ces personnes représentent pour la civilisation blanche. Les membres des groupes ciblés sont qualifiés de vermine, de maladie, de parasites, de criminels, de canailles, de fraudeurs et de menteurs. Ils sont décrits comme étant dangereux et, dans certains cas, intellectuellement inférieurs.

 

 

DÉFENSE DE M. TREMAINE

  • [7] Avant l’audition de la requête en justification, M. Tremaine avait demandé une ordonnance de Rowbotham, c’est-à-dire que sa défense soit financée par l’État. Dans cette requête, il a soulevé un certain nombre de questions comme :

    1. une double incrimination;

    2. le paragraphe 13 (1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui a par la suite été jugé inconstitutionnel par le Tribunal, et dont la Cour est actuellement saisie au moyen d’un contrôle judiciaire;

    3. Il n’y avait eu aucune « communication » de sa part.

 

  • [8] Cette requête a été rejetée. Mes motifs sont indiqués dans 2010 CF 679.Le seul moyen de défense invoqué à la requête en justification était que M. Tremaine n’avait pas « communiqué ».

 

  • [9] L’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne stipule ce qui suit :

13. (1) It is a discriminatory practice for a person or a group of persons acting in concert to communicate telephonically or to cause to be so communicated, repeatedly, in whole or in part by means of the facilities of a telecommunication undertaking within the legislative authority of Parliament, any matter that is likely to expose a person or persons to hatred or contempt by reason of the fact that that person or those persons are identifiable on the basis of a prohibited ground of discrimination.

 

  (2) For greater certainty, subsection (1) applies in respect of a matter that is communicated by means of a computer or a group of interconnected or related computers, including the Internet, or any similar means of communication, but does not apply in respect of a matter that is communicated in whole or in part by means of the facilities of a broadcasting undertaking.

 

(3) For the purposes of this section, no owner or operator of a telecommunication undertaking communicates or causes to be communicated any matter described in subsection (1) by reason only that the facilities of a telecommunication undertaking owned or operated by that person are used by other persons for the transmission of that matter.

 

13. (1) Constitue un acte discriminatoire le fait, pour une personne ou un groupe de personnes agissant d’un commun accord, d’utiliser ou de faire utiliser un téléphone de façon répétée en recourant ou en faisant recourir aux services d’une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement pour aborder ou faire aborder des questions susceptibles d’exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base des critères énoncés à l’article 3.

 

 

(2) Il demeure entendu que le paragraphe (1) s’applique à l’utilisation d’un ordinateur, d’un ensemble d’ordinateurs connectés ou reliés les uns aux autres, notamment d’Internet, ou de tout autre moyen de communication semblable mais qu’il ne s’applique pas dans les cas où les services d’une entreprise de radiodiffusion sont utilisés.

 

 

 (3) Pour l’application du présent article, le propriétaire ou exploitant d’une entreprise de télécommunication ne commet pas un acte discriminatoire du seul fait que des tiers ont utilisé ses installations pour aborder des questions visées au paragraphe (1).

 

 

  • [10] À mon avis, M. Tremaine prépare une attaque collatérale d’arrière-garde contre une décision finale. Il est trop tard pour faire cela.

 

  • [11] Le document délivré par le Tribunal s’intitule « Motifs de décision » et comporte cinq paragraphes, dont le cinquième est « Ordonnance ». L’ordonnance se lit comme suit :

[169]   Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que la plainte contre Terry Tremaine est fondée et ordonne que :

 

1.  Terry Tremaine, et les autres personnes qui agissent en concertation avec lui, mettent fin à l’acte discriminatoire consistant à utiliser ou à faire utiliser un téléphone en recourant ou en faisant recourir aux services d’une entreprise de télécommunications relevant de la compétence du Parlement, pour communiquer des messages du genre de ceux qui ont ici été déclarés contraires au paragraphe 13(1), ou tout autre message présentant un contenu sensiblement analogue, qui sont susceptibles d’exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable en raison d’un motif de distinction illicite, contrevenant ainsi au paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

2.  Terry Tremaine est condamné à une sanction pécuniaire de 4 000 $. Cette somme sera payée par chèque visé ou mandat, à l’ordre du receveur général du Canada, et devra être reçue par le Tribunal dans les 120 jours qui suivront la notification de la présente décision à M. Tremaine.

 

  • [12] Me Christie fait valoir que la seule preuve contre M. Tremaine consiste en des documents téléchargés d’Internet par M. Warman. Il n’a pas communiqué par téléphone avec M. Warman ni, par ailleurs, avec qui que ce soit d’autre en publiant du contenu sur Internet. Il se fonde sur des affaires comme CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13, [2004] 1 RCS 339, relativement à la propriété intellectuelle, et Goldman c. R, [1980] 1 RCS 976, ayant trait à l’interception de communications en vertu des dispositions du Code criminel.

 

  • [13] À première vue, aucune défense ne peut être invoquée. Comme l’a noté le Tribunal dans les motifs de sa décision, la preuve contre M. Tremaine consistait surtout en copies de publications sur Internet. La Loi, comme elle a été promulguée à l’origine, ne traitait pas explicitement d’Internet. Toutefois, à la suite de l’adoption de la Loi antiterroriste, L.C. 2001, ch. 41, la Loi a été amendée par ajout du paragraphe 13(2). En raison du caractère déclaratoire du paragraphe 13(2), il n’y avait nulle raison d’y faire précisément référence dans l’ordonnance.

 

  • [14] Le sens des mots peut varier en fonction du contexte dans lequel ils sont employés. Le libellé de la loi prévaut. En outre, au paragraphe 149, le Tribunal déclare précisément : « Il est donc ordonné à l’intimé, Terry Tremaine, de cesser l’acte discriminatoire consistant à communiquer ou à faire communiquer, de la manière décrite dans l’article 13 de la Loi, à savoir Internet, des articles du genre de ceux qui ont été jugés contraires au paragraphe 13(1) [...]. »

 

  • [15] En vertu de la règle 467, une ordonnance de justification doit comporter une date, une heure et un endroit précis de comparution. Toutefois, il a été convenu durant l’audience, étant donné que Me Christie est nouveau dans le dossier et qu’une aide financière publique a été refusée, que dans l’éventualité où je prononcerais une ordonnance, il aurait besoin de s’entretenir avec son client ainsi qu’avec le représentant de la Commission, dans l’espoir de convenir d’une date et d’un lieu. J’estime qu’il s’agit là d’une situation particulière justifiant une dérogation à la règle 467(1)a).


ORDONNANCE

POUR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL ORDONNE :

  1. M. Tremaine doit comparaître devant un juge au moment et à l’endroit prévus dans une ordonnance subséquente.

  2. M. Tremaine doit être prêt à entendre la preuve de l’acte d’outrage qui lui est reproché, c’est-à-dire d’avoir contrevenu à l’ordonnance de cesser et de s’abstenir énoncée dans la décision du Tribunal canadien des droits de la personne, datée du 2 février 2007, les détails de cette contravention étant constatés dans les affidavits de Richard Warman, datés du 12 février 2009 et du 19 mars 2010, et être prêt à présenter toute défense qu’il pourrait avoir.

  3. Cette ordonnance, et l’ordonnance subséquente fixant l’heure et l’endroit, n’ont pas à être signifiées personnellement à M. Tremaine, mais plutôt à son avocat au dossier, Me Douglas H. Christie.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 



 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-293-07

 

INTITULÉ :  Warman c. CCDP c. Tremaine

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Saskatoon (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 17 juin 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE –

JUSTIFICATION :  Le juge Harrington

 

DATE DES MOTIFS :  Le 22 juin 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Aucune comparution

 

POUR LE DEMANDEUR

Daniel Poulin

POUR LA COMMISSION

 

Douglas H. Christie

 

POUR L'INTIMÉ

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

S.O.

 

POUR LE DEMANDEUR

Daniel Poulin

Division des services du contentieux

Commission canadienne des droits de la personne

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA COMMISSION

 

Douglas H. Christie

Avocat

Victoria (C.-B.)

 

POUR L'INTIMÉ

 

 

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