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Cour fédérale

 

 

 

 

 

 

 

 

Federal Court

 


 

Date : 20100804

Dossier : IMM-6318-09

Référence : 2010 CF 801

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 août 2010

En présence de madame la juge Bédard

 

 

ENTRE :

ROXANNE GAYMES

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugiés (la Commission) rendue le 23 novembre 2009, dans laquelle la Commission a conclu que la demanderesse n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention suivant l’article 96 de la Loi ni celle de personne à protéger suivant l’article 97 de la Loi.

 

LE CONTEXTE

[2]               La demanderesse est citoyenne de Saint­Vincent­et­les Grenadines (St­Vincent) et est âgée de 36 ans. Elle a fait face à de difficiles épreuves au cours de sa vie. Elle a été agressée sexuellement par son père jusqu’à l’âge de 10 ans. Sa situation était connue de tous, et elle a été humiliée par les gens de sa collectivité. Elle est venue au Canada en 1996 pour visiter un ami et elle est restée ici illégalement jusqu’en 2003, où elle a décidé de retourner à St­Vincent parce qu’elle avait commencé à souffrir de troubles mentaux prenant la forme de périodes d’éclipse mentale. Avant de quitter le Canada, on a diagnostiqué chez elle une dépression et un trouble de stress post­traumatique. À St­Vincent, on a diagnostiqué chez elle une forme de schizophrénie. Plus récemment, elle a reçu un diagnostic de trouble dissociatif de l’identité.

 

[3]               La demanderesse affirme qu’en décembre 2006 elle a été violée par deux hommes pendant une période d’éclipse mentale puis par un policier qui était censé l’aider. Elle allègue également que ce policier lui a téléphoné à la maison quelques jours après l’incident pour s’assurer qu’elle [traduction] « ne parlerait pas ». La demanderesse a affirmé ne pas avoir fait de plainte aux autorités parce qu’elle craignait que les autorités ne la croient pas et qu’elles choisiraient de protéger le policier. La demanderesse a décidé qu’il valait mieux pour elle de quitter le pays et, le 10 mars 2008, elle s’est enfuie au Canada. Elle a demandé l’asile le 9 mai 2008.

 

[4]               La demanderesse soutient que sa vie serait menacée et qu’elle serait exposée à un risque de préjudice grave équivalant à de la persécution aux mains de l’agent de police qui l’a violée en décembre 2006 si elle retournait à St­Vincent.

 

LA DÉCISION SOUMISE AU CONTRÔLE

[5]               La Commission a rejeté la demande d’asile de la demanderesse pour deux raisons. Premièrement, la Commission a conclu que la demanderesse n’avait pas fourni d’éléments de preuve crédibles ou dignes de foi au sujet de l’élément principal de sa demande, à savoir le viol commis par le policier. Deuxièmement, la Commission a conclu que la demanderesse n’avait pas réfuté la présomption relative à l’existence de la protection de l’État.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[6]               En ce qui a trait aux conclusions relatives à la crédibilité, la demanderesse soutient essentiellement que la Commission a commis une erreur dans l’appréciation de la crédibilité de la demanderesse parce que la Commission, dans le cadre de l’appréciation du comportement et de la crédibilité de la demanderesse, n’a pas tenu compte de la preuve médicale portant sur la santé mentale de la demanderesse. La demanderesse soutient également que la Commission n’a pas respecté les Directives du président intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe.

 

[7]               La demanderesse soutient également que la Commission a commis une erreur dans l’évaluation de la preuve relative à l’existence de la protection de l’État. Si la Commission avait tenu compte de la preuve médicale dans l’évaluation de la crainte subjective de la demanderesse et de la situation des femmes à St­‑Vincent dans l’évaluation de la crainte objective de la demanderesse, elle aurait conclu que la demanderesse avait réfuté la présomption relative à l’existence de la protection de l’État.

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[8]               Il est de jurisprudence constante que la norme de contrôle applicable aux affaires portant sur l’appréciation de la preuve et de la crédibilité est la raisonnabilité (Dunsmuir c. Nouveau­Brunswick, 2008 CSC 9; Ndam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 513; Martinez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 798. « Les décisions quant à la crédibilité, qui constituent "l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits" doivent recevoir une déférence considérable à l’occasion d’un contrôle judiciaire, et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve. » (Siad c. Canada (Secrétaire d’État) (C.A.), [1997] 1 C.F. 608, paragraphe 24.) La Cour ne doit pas substituer sa propre opinion à celle du décideur même si une autre issue semble préférable, et il ne lui appartient pas de réévaluer la preuve. Le rôle de la Cour lors du contrôle d’une décision selon la raisonnabilité a été établi dans l’arrêt Dunsmuir, précité, paragraphe 47 :

La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

 

[9]               Il est également bien établi en droit que les questions relatives au caractère adéquat de la protection de l’État constituent des questions mixtes de fait et de droit et que la norme de contrôle applicable est la raisonnabilité (Hinzman c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CAF 171).

 

ANALYSE

 

La Commission a-t-elle commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité de la demanderesse?

[10]           La Commission a estimé que la demanderesse n’avait pas fourni d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi au sujet de l’élément principal de sa demande, à savoir le viol qui aurait été commis en décembre 2006. La Commission a tiré cette inférence sur le fondement de conclusions défavorables relatives à la crédibilité. Lors de l’audience, l’avocate de la demanderesse a soutenu que la Commission n’avait pas semblé remettre en question l’incident en soi, à savoir le viol, et que les réserves de la Commission portaient davantage sur le comportement de la demanderesse après l’incident. Je ne suis pas d’accord. Je conclus qu’il est très clair, à la lecture de la décision, que la Commission n’a pas cru que la demanderesse avait été violée par un policier. La Commission a fait les commentaires qui suivent concernant l’incident de décembre 2006 :

[9] Le tribunal estime que la demandeure d’asile n’a pas fourni d’éléments de preuve crédibles ou dignes de foi, et qu’elle n’a pas qualité de « réfugié au sens de la Convention » ni celle de « personne à protéger » du fait d’un risque de torture, d’une menace à sa vie ou d’un risque de traitements ou peines cruels et inusités.

[. . .]

[11] La demandeure d’asile soutient que, si elle retournait à Saint‑Vincent, elle serait exposée à une menace à sa vie et à un préjudice grave équivalant à de la persécution de la part d’un policier local qui aurait participé au viol de la demandeure d’asile en décembre 2006. Toutefois, le tribunal constate que de sérieuses préoccupations en ce qui concerne cet incident minent la crédibilité des allégations de la demandeure d’asile.

[. . .]

[13] Cependant, le tribunal doute sérieusement de la crédibilité de l’allégation centrale, soit que la demandeure d’asile a été violée en décembre 2006. […]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[11]           La Commission a fondé ses conclusions relatives à la crédibilité sur deux éléments principaux.

 

[12]           Premièrement, la Commission a vu d’un mauvais œil que la demanderesse n’eût jamais mentionné le viol dans les renseignements de base qu’elle a fournis avec sa demande d’asile ni pendant son entrevue avec l’agent d’immigration. Dans les deux cas, la demanderesse a mentionné que sa crainte était liée à la discrimination et au harcèlement commis par des personnes de sa collectivité en raison des agressions dont elle avait été victime enfant. La Commission n’a pas accepté l’explication de la demanderesse lorsqu’elle a affirmé qu’elle n’avait pas mentionné le viol dès le début parce [traduction] « [qu’]il était très frais dans sa mémoire, que cela était douloureux et qu’elle ne voulait pas en parler ». La Commission a rejeté l’explication parce que l’incident était censé constituer la principale allégation de la demande d’asile et parce que 18 mois s’étaient écoulés depuis que l’incident allégué s’était produit lorsqu’elle a présenté cette demande.

 

[13]           Deuxièmement, la Commission a conclu que le comportement de la demanderesse après le viol allégué ne correspondait pas à celui d’une personne fuyant la persécution ou un préjudice. La Commission a fondé sa conclusion sur le fait que la demanderesse a attendu 15 mois après l’incident allégué avant de quitter St­Vincent et que, pendant cette période de temps, elle est demeurée au même endroit et a suivi des cours en informatique. La Commission a également noté que la demanderesse avait attendu encore deux mois après son arrivée au Canada avant de demander l’asile. Elle a conclu que la demanderesse avait donné un témoignage vague lorsqu’elle s’était vu interroger au sujet de ces retards. En ce qui concerne le retard entre les incidents allégués et son départ vers le Canada, la demanderesse a affirmé qu’elle avait dû attendre afin d’économiser l’argent nécessaire pour acheter son billet d’avion pour venir ici. La Commission a noté que la demanderesse avait un passeport valide et qu’elle aurait pu quitter son pays et se rendre dans une destination plus rapprochée. En ce qui concerne le retard lié au dépôt de sa demande d’asile, la demanderesse a affirmé qu’elle n’était pas au courant du processus relatif au statut de réfugié. La Commission n’a pas accepté cette explication, car la demanderesse avait vécu au Canada pendant près de sept ans pendant son premier séjour.

 

[14]           La demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur dans l’appréciation de son comportement, laquelle appréciation était au cœur de la conclusion défavorable liée à la crédibilité tirée par la Commission, parce qu’elle n’a tenu compte ni de la preuve médicale portant sur son état mental ni, plus précisément, du rapport médical du Dr J.A. O’Neil.

 

[15]           Dans son rapport, Dr O’Neil a confirmé le diagnostic de trouble dissociatif de l’identité. Il n’a pas mentionné le viol, mais il a fait les commentaires qui suivent au sujet de l’effet qu’a l’état de la demanderesse sur sa capacité à témoigner et à relater des faits :

[traduction]

En ce qui a trait à la mémoire et à la capacité de témoigner, la mémoire de Mme Gaymes dépend grandement de son état d’esprit au moment où elle est interrogée et son état d’esprit quant à lui dépend dans une grande mesure sur le contexte. On doit s’attendre à ce que la mémoire de Mme Gaymes dans le bureau de son thérapeute, où elle se sent en sécurité, soit très différente de sa mémoire, et même de sa capacité à parler, dans un endroit menaçant. Chez les personnes souffrant de trouble dissociatif de l’identité, tous les états d’esprit peuvent être considérés comme étant des états modifiés de conscience, car même le soi­disant état « hôte » (c.­à­d. Roxanne, qui est âgée de 35 ans), la « personnalité apparemment normale », n’a pas toujours accès à son identité ni aux souvenirs liés à sa vie. On doit s’attendre à ce que Mme Gaymes ait un accès particulièrement limité aux souvenirs liés à des événements traumatiques, car il s’agit habituellement de la chasse gardée des personnalités créées par suite des événements traumatiques. Lorsque Mme Gaymes est dans un état d’esprit altéré, c.­à­d. « Mia », elle affirmerait probablement ne pas être Roxanne ni avoir 35 ans. Dans cet état, on pourrait s’attendre à ce qu’elle ait accès à seulement certains événements non traumatiques, car les personnes souffrant de trouble dissociatif de l’identité ont souvent des personnalités non traumatisées (telle que Cass­19) qui se spécialisent dans certaines tâches de la vie de tous les jours, p. ex. postuler des emplois, remplir des formulaires, parler une langue étrangère, interagir avec les psychiatres, les avocats, les juges, etc.

 

[16]           La demanderesse soutient que la Commission n’a aucunement mentionné le rapport dans sa décision malgré que ce rapport ait été important pour l’évaluation de la crédibilité de la demanderesse. Elle soutient que son état mental a influé sur son comportement et que sa crédibilité ne pouvait pas être appréciée de façon adéquate sans qu’on tienne compte de son état de santé. Elle allègue également que son état de santé expliquerait pourquoi elle a attendu 15 mois avant de venir au Canada et pourquoi elle n’a pas parlé du viol au point d’entrée. Elle soutient que, en ne tenant pas compte de cette preuve très pertinente, la Commission a tiré une conclusion défavorable relative à la crédibilité qui n’était ni raisonnable ni appuyée par la preuve. La demanderesse invoque des décisions dans lesquelles la Cour a conclu que le fait de négliger ou de ne pas apprécier de façon appropriée la preuve médicale qui établissait un lien de causalité entre l’état de santé de la personne et sa capacité de témoigner ou sa crédibilité constituait une erreur susceptible de contrôle (Lahpai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté), [2001] A.C.F. no 232; Pulido c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 209; Hassan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1359.

 

[17]           Bien que je souscrive aux principes énoncés dans ces décisions, chaque affaire doit être appréciée selon les faits qui lui sont propres. En l’espèce, je ne souscris pas aux allégations de la demanderesse.

 

[18]           Premièrement, je conviens que la Commission n’a pas mentionné expressément le rapport du Dr O’Neil dans sa décision. Cependant, dans les circonstances de l’espèce, je suis d’avis que cette omission ne veut pas dire que la Commission n’a pas tenu compte de l’état de santé de la demanderesse ni du rapport témoignant de cet état. Deuxièmement, il ressort clairement de la transcription de l’audience que le commissaire était bien au courant de l’état de la demanderesse et des épreuves auxquelles elle a fait face et qu’il y était sensible. Le commissaire a même eu une discussion avant l’audience avec l’avocate de la demanderesse concernant l’état de cette dernière. Troisièmement, même si la décision ne refermait aucune mention précise du rapport du Dr O’Neil, la Commission a mentionné avoir tenu compte de l’état de santé de la demanderesse. La Commission a écrit ce qui suit :

[12] D’abord, le tribunal ne tient pas compte de la preuve psychologique concernant la demandeure d’asile, en particulier ses antécédents à titre de victime de violence sexuelle. Le tribunal a reçu les dossiers médicaux de son premier séjour au Canada en 2003. En outre, le tribunal examine la documentation attestant les troubles médicaux de la demandeure d’asile dans son pays. Le tribunal a également pris en compte, en plus des éléments de preuve actuels, les directives du président intitulées Revendicatrices de statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe.

 

[13] Cependant, le tribunal doute sérieusement de la crédibilité de l’allégation centrale, soit que la demandeure d’asile a été violée en décembre 2006. […] 

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[19]           On peut comprendre de cet extrait que la Commission a tenu compte de l’état de santé de la demanderesse, mais cela ne l’a pas menée à conclure que l’état de santé de la demanderesse avait eu un effet sur sa crédibilité en ce qui trait au viol.

 

[20]           En outre, lorsque la Commission a fait mention des « éléments de preuve actuels », elle faisait probablement allusion au rapport du Dr O’Neil et du rapport du thérapeute, car ces rapports sont les seuls éléments de preuve médicale actuels dont disposait la Commission. Quoi qu’il en soit, la Commission est présumée avoir examiné l’ensemble de la preuve dont elle disposait et elle n’est pas tenue de mentionner chacun des éléments de preuve dans ses motifs (Florea c. Canada, [1993] A.C.F. no 598 (C.A.F.). Plus récemment, la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Litke c. Canada (Ministre des Ressources naturelles et du Développement social), 2008 CAF 366, a rappelé que les décisions de la Commission doivent être interprétées dans leur ensemble :

 

[7]        La demanderesse soutient que la décision de la Commission était déraisonnable, car cette dernière n’a pas mentionné dans ses motifs certains éléments de preuve appuyant sa demande. Bien qu’une décision soit déraisonnable si la Commission ne tient pas compte d’éléments de preuve pertinents (Gould c. Procureur général du Canada, 2004 CAF 246), il est clair que celle-ci n’est pas tenue de mentionner dans sa décision ni d’analyser chaque élément de preuve dont elle est saisie. (Dossa c. Canada (Commission d’appel des pensions), 2005 CAF 387). Examinant le dossier dans son ensemble, notre Cour conclut que la Commission n’a pas commis de faute à cet égard, puisqu’elle a procédé à un examen complet et sérieux des éléments dont elle disposait. Il n’appartient pas à notre Cour d’apprécier à nouveau la preuve.

 

[21]           Bien que je convienne que, dans certaines circonstances, l’omission de mentionner un élément de preuve qui est crucial quant à la question en litige et qui mène à une conclusion différente de celle de la Commission puisse constituer une erreur (Cepeda­Gutierrez c. Canada, [1998] A.C.F. no 1425; Hinzman c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CAF 171), je suis d’avis que, en l’espèce, l’omission de mentionner le rapport du Dr O’Neil ne se révèle pas fatal parce que ce rapport n’était pas au cœur de la décision de la Commission.

 

[22]           Dans son rapport, le Dr O’Neil confirme le diagnostic de trouble dissociatif de l’identité et son possible effet sur la mémoire et le comportement de la demanderesse lorsque cette dernière change de personnalité. L’avocate de la demanderesse soutient que la Commission aurait dû tenir compte du rapport du Dr O’Neil parce que l’état mental de la demanderesse peut expliquer pourquoi elle a attendu 15 mois après l’incident avant de quitter St­Vincent, pourquoi elle n’a pas mentionné l’incident lorsqu’elle a rempli les documents liés à sa demande d’asile et pourquoi elle ne l’a pas mentionné lors de l’entrevue avec l’agent d’immigration.

 

[23]           Les observations de la demanderesse ne sont pas étayées par la preuve, ni par la preuve médicale ni par le témoignage de la demanderesse à l’audience.

 

[24]           J’ai lu la transcription de l’audience. La demanderesse a donné un témoignage cohérent et elle n’a eu aucun problème de mémoire. En outre, elle n’a jamais invoqué son état de santé pour expliquer pourquoi elle avait attendu 15 mois avant de quitter St­Vincent, pourquoi elle avait attendu deux mois avant de demander l’asile après son arrivée au Canada et pourquoi elle n’avait pas mentionné l’incident au point d’entrée. Elle a donné des explications claires : elle a attendu 15 mois avant de partir parce que c’est le temps qu’il lui a fallu pour économiser l’argent nécessaire pour acheter un billet d’avion; elle n’a pas mentionné le viol au point d’entrée parce [traduction] « qu’elle n’était pas prête à en parler, car le viol était encore frais dans sa mémoire » et elle a attendu deux mois avant de demander l’asile parce qu’elle n’était pas au courant du processus relatif au statut de réfugié. La Commission a tenu compte de la preuve de la demanderesse, y compris de son état de santé, et elle a conclu que l’incident allégué n’avait pas été établi.

 

[25]           Je conclus donc que les conclusions de la Commission sont étayées par la preuve et qu’elles sont raisonnables; son raisonnement est clair, et les conclusions sont bien motivées et appartiennent « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, paragraphe 47). Rien ne justifie l’intervention de la Cour. En outre, je conclus qu’il n’était pas déraisonnable que la Commission tienne compte de la divergence entre le récit initial de la demanderesse et les versions données ultérieurement par cette dernière dans son Formulaire de renseignements personnels et lors de l’audience, car le viol est supposé constituer le cœur de sa demande (Ratnavelu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 938; Moscol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 657; Ramay c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 954; Chavez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 10. J’estime également qu’il n’était pas déraisonnable que la Commission conclût que le fait que la demanderesse soit restée pendant 15 mois à St­Vincent après l’incident allégué était incompatible avec une crainte de préjudice ou de persécution (Caballero c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 483 (C.A.F.); Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 403; Nyachieo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 869. La demanderesse demande essentiellement à ce que la Cour apprécie et examine de nouveau la preuve dont disposait la Commission. Ce n’est pas le rôle de la Cour.

 

[26]           Étant donné que la question de la crédibilité est déterminante en l’espèce, il ne sert à rien de trancher la question de l’existence de la protection de l’État (Houshan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 650; Carillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94.

 

[27]           Aucune question n’a été proposée aux fins de certification en vertu de l’alinéa 74d) de la Loi, aucune question du genre ne sera certifiée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-6318-09

 

INTITULÉ :                                                   ROXANNE GAYMES c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             MONTRÉAL

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 22 JUILLET 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE MARIE-JOSÉE BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 4 AOÛT 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jessica Lipes

 

POUR LA DEMANDERESSE

Lynne Lazaroff

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jessica Lipes

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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