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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100727

Dossier : T-735-08

Référence : 2010 CF 784

[traduction certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2010

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

ENTRE :

YURI BOIKO

demandeur

et

 

LE CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.        Aperçu

 

[1]               Le Dr Yuri Boiko a occupé, à titre de stagiaire, le poste d’agent de recherche au Conseil national de recherches (le Conseil) de novembre 2001 jusqu’à son congédiement du Conseil en juillet 2004. Avant son congédiement, Le Dr Boiko s’était plaint de harcèlement de la part provenant de son superviseur. Finalement, en 2008, le Conseil a rejeté sa plainte au motif qu’elle était devenue sans objet parce que le Dr Boiko et son superviseur ne travaillent plus au Conseil.

 

[2]               Le Dr Boiko prétend également qu’il a été congédié injustement, mais c’est un autre décideur qui est saisi de cette affaire. On ne savait trop si le Dr Boiko sollicitait également le contrôle judiciaire de cette décision, mais, à l’audience, il a clairement affirmé que ce n’était pas le cas. Par conséquent, la seule question dont je suis saisi est de savoir si le Conseil a commis une erreur quand il a rejeté la plainte de harcèlement du Dr Boiko. J’ai conclu que le Conseil a traité le Dr Boiko de manière équitable et que la décision qu’il a rendue n’était pas déraisonnable. Je ne vois aucune raison d’infirmer la décision du Conseil, et je dois par conséquent rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

II.     Le contexte factuel

 

[3]               Le Dr Boiko a déposé une plainte de harcèlement officielle le 12 septembre 2003. Peu de temps après, lui-même et son superviseur ont participé à un processus de médiation visant à régler l’affaire, mais cette tentative a échoué. En janvier 2004, le Conseil a embauché un enquêteur indépendant. Cet enquêteur a interrogé le Dr Boiko pendant près de huit jours. Le Dr Boiko a soumis une liste de témoins et environ 70 documents qui, selon lui, étayaient sa plainte. L’enquêteur a également interrogé le superviseur du Dr Boiko, mais l’entrevue n’a pas pu être terminée parce que le superviseur était en congé de maladie.

 

[4]               Vers la fin de juin 2004, l’enquêteur a tenté à nouveau de régler la plainte par la médiation. Il n’a pas réussi. Le 15 juillet 2004, le Conseil a congédié le Dr Boiko pour cause de rendement prétendument insatisfaisant au cours de sa période de stage.

 

III.   La décision du Conseil

 

[5]               Dans une lettre datée du 11 avril 2008, le Conseil a rejeté la plainte du Dr Boiko. Dans cette même lettre, le Conseil a rejeté le grief déposé par le Dr Boiko à la suite de son congédiement en cours de stage. Comme je l’ai déjà mentionné, je ne suis pas saisi de cette partie de l’affaire.

 

[6]               Dans sa lettre, le Conseil a expliqué que le prononcé de sa décision a été retardé par l’absence du superviseur du Dr Boiko. Le superviseur était en congé de maladie prolongé et, finalement, le Conseil l’a congédié. Au début, le Conseil voulait garder ouvert le dossier de la plainte du Dr Boiko et de terminer l’enquête lorsque le superviseur serait revenu au travail. Cependant, comme le superviseur n’est jamais revenu au travail (sauf pour quelques jours), et que le Dr Boiko avait également été congédié, le Conseil a conclu que la plainte était rendue sans objet. Le Conseil a expliqué que l’objet visé par le règlement des plaintes est [traduction] « de s’assurer que le harcèlement cesse ». Compte tenu du fait que les parties n’étaient plus présentes dans le milieu de travail, cet objet avait déjà été atteint.

 

IV.  Le Conseil a-t-il commis une erreur?

 

[7]               Le Dr Boiko affirme que le Conseil a commis deux erreurs : il ne l’a pas traité de façon équitable et il a tiré la conclusion déraisonnable que sa plainte était rendue sans objet. Je ne constate aucune iniquité dans le processus qui a mené à la décision du Conseil et je ne peux pas conclure que la décision qui a été prise était déraisonnable.

 

[8]               Le Dr Boiko prétend que le Conseil ne l’a pas traité équitablement parce que celui-ci s’est fondé sur les conclusions provisoires de l’enquêteur, sans lui donner l’occasion de formuler d’autres observations. Le Dr Boiko fonde son argument sur une déclaration du directeur du Groupe des relations de travail, M. Steve Blais. Celui-ci a affirmé dans son affidavit que, en juin 2004, l’enquêteur l’a informé que, selon l’enquête approfondie qu’il avait menée jusque là, la plainte du Dr Boiko n’était pas fondée. Il ne restait plus à l’enquêteur qu’à terminer ses entrevues avec le superviseur du Dr Boiko. Comme je l’ai déjà mentionné, le superviseur est demeuré en congé de maladie (à l’exception d’environ 30 journées de présence sporadique). Par conséquent, les entrevues n’ont jamais été terminées.

 

[9]               Je ne vois rien d’inéquitable dans ce processus. Premièrement, malgré ce que l’enquêteur a pu dire à M. Blais en 2004, le Conseil a rejeté la plainte du Dr Boiko tout simplement parce qu’elle était rendue sans objet. Rien n’indique que le bien‑fondé de la plainte a été pris en compte. Deuxièmement, au moment où il a parlé à M. Blais, l’enquêteur n’avait pas encore tiré de conclusion. Il ne pouvait exprimer qu’un point de vue provisoire. De plus, l’enquêteur avait passé beaucoup de temps à interroger le Dr Boiko, il avait passé en revue tous ses documents, il avait discuté avec les témoins et il avait commencé ses entrevues avec le superviseur. Selon moi, il n’a rien d’inéquitable dans ce processus. Si l’enquêteur avait eu le temps de terminer ses entrevues avec le superviseur, il aurait peut-être invité le Dr Boiko à formuler des commentaires sur les déclarations du superviseur avant d’en arriver à sa conclusion finale. Mais cette étape de l’enquête n’a jamais eu lieu et aucune conclusion finale n’a été tirée quant au fond de la plainte.

 

[10]           Pour ce qui est de la décision du Conseil quant au caractère théorique de l’affaire, le Dr Boiko affirme que sa plainte n’aurait pas du être considérée comme étant sans objet, car les faits qui y ont donné lieu étaient liés à l’évaluation faite par le Conseil de son rendement au cours de sa période de stage. En bref, Dr Boiko affirme que sa performance a été jugée médiocre en partie à cause du fait qu’il était harcelé par son superviseur. Par conséquent, le Conseil aurait dû terminer son analyse de la plainte de harcèlement afin que celle-ci puisse être prise en compte pour décider si le congédiement du Dr Boiko en période de stage était justifié. Selon Dr Boiko, le fait que le superviseur était en congé de maladie a compliqué l’enquête, mais ne l’a pas rendue sans objet.

 

[11]           Je comprends que le Dr Boiko puisse penser que son allégation de harcèlement et son congédiement sont liés. Si ces deux questions étaient traitées séparément, le Dr Boiko perdrait l’occasion de prétendre que le harcèlement a eu une incidence sur ses évaluations de rendement. À l’extrême, il affirme que si les plaintes de harcèlement devenaient sans objet dès que les plaignants quittent le milieu de travail, les employeurs pourraient librement et impunément harceler les employés, puis les congédier.

 

[12]           Cependant, à mon avis, le fait que la plainte du Dr Boiko puisse être pertinente quant aux évaluations de son rendement (et quant à sa contestation de son congédiement) ne signifie par que le Conseil a commis une erreur en concluant que la plainte elle-même était sans objet. La plainte du Dr Boiko avait trait à la conduite d’une seule personne qui, pour des raisons qui n’ont aucun lien apparent avec la plainte ou les faits qui l’entourent, ne travaillait plus au Conseil. Dans cette situation, il était raisonnable pour le Conseil de conclure qu’il n’y aurait aucun avantage à se prononcer sur le fond d’un litige entre deux ex-employés.

 

[13]           Il demeure loisible au Dr Boiko de faire valoir auprès d’un autre décideur que la décision de le congédier était déraisonnable et, plus particulièrement, d’étayer sa contestation en faisant référence au harcèlement dont il aurait été victime. Cependant, je conclus que la conclusion du Conseil selon laquelle la plainte de harcèlement était sans objet est dépourvue d’erreur.

 

V.     Conclusion et dispositif

 

[14]           La conclusion du Conseil selon laquelle la plainte de harcèlement déposée par le Dr Boiko est devenue sans objet après que le Dr Boiko et son superviseur eurent arrêté de travailler au Conseil n’était pas déraisonnable. En outre, le Dr Boiko a été traité équitablement tout au long de l’enquête relative à la plainte. En conséquence, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Le Conseil a soumis un mémoire de dépens au montant de 7 760,41 $ en honoraires et débours. Le Dr Boiko affirme qu’il n’a pas les ressources financières nécessaires pour payer un tel montant parce qu’il est encore aux études et qu’il doit un prêt étudiant. Ainsi, je fixerai les dépens à 1 500 $.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Le défendeur a droit aux dépens, pour la somme de 1 500 $.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-735-08

 

INTITULÉ :                                       BOIKO c. LE CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               4 MAI 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT :                      
LE 27 JUILLET 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Yuri Boiko

LE DEMANDEUR

 

Laura Stewart

Stephanie Pearce

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Yuri Boiko

Ottawa (Ontario)

 

LE DEMANDEUR

Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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