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Cour fédérale

Federal Court


Date : 20100727

Dossier : T-1789-09

Référence : 2010 CF 785

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2010  

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

LE CAPITAINE FRANÇOIS LEBLANC

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.        Aperçu

 

[1]               Le capitaine François Leblanc demande l’annulation d’une décision du directeur général (DG) de l’autorité des Forces canadiennes en matière de griefs, dans laquelle le directeur général a conclu qu’il n’était pas dans l’intérêt de la justice de proroger un délai de 90 jours. En vertu des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), un grief doit en temps normal être déposé à l’autorité de dernière instance (ADI) dans les 90 jours qui suivent la réception de la décision de l’autorité initiale (AI) (art. 7.10). Le DG agissait à titre d’ADI dans le cas du grief du capitaine Leblanc. L’ADI peut proroger le délai de 90 jours lorsqu’il est dans l’intérêt de la justice de le faire. Le capitaine Leblanc avait fourni des motifs expliquant sa demande tardive, mais l’ADI a conclu qu’il n’avait pas prouvé que l’intérêt de la justice jouait en sa faveur.

 

[2]               Une décision du DG portant sur une demande de prorogation de délai est susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Hudon c. Canada (P.G.), 2009 CF 1092). Par conséquent, la seule question dont je suis saisi est de savoir si la décision du DG était déraisonnable.

 

II.     Contexte factuel

 

[3]               En février 2007, le capitaine Leblanc a déposé un grief dans lequel il alléguait que son commandant exerçait son autorité de manière abusive. En janvier 2008, l’AI a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve pour étayer l’allégation du capitaine Leblanc. Le capitaine Leblanc avait 90 jours à compter de la date à laquelle il a reçu la décision de l’AI pour porter son grief devant l’ADI. Il dit avoir reçu la décision le 28 février 2008. Cependant, il n’a pas porté son grief devant l’ADI avant le 18 juillet 2008, soit presque cinq mois plus tard.

 

[4]               En février 2009, l’ADI a porté le grief du capitaine Leblanc devant le Comité des griefs des Forces canadiennes (CGFC). Le CGFC a demandé au capitaine Leblanc d’expliquer son retard à porter son grief devant l’ADI. Le capitaine Leblanc a répondu en déclarant qu’il avait participé à un cours intensif sur les opérations de l’armée de terre (jusqu’au 26 juin 2008). De plus, il attendait que des documents additionnels lui soient communiqués relativement à son grief.

 

[5]               En juillet 2009, le CGFC a transmis ses conclusions au DG (qui agissait à titre d’ADI). Le CGFC a conclu que les motifs invoqués par le capitaine Leblanc pour avoir porté son grief à l’ADI en retard n’étaient pas valables. Le DG a ensuite examiné les raisons du capitaine Leblanc et, le 14 septembre 2009, il a conclu que celles-ci ne justifiaient pas une prorogation. Il s’agit de la décision dont le capitaine Leblanc sollicite le contrôle.

 

III.   La décision du DG

 

[6]               Le DG a mentionné qu’il ne faut pas déroger aux délais à la légère. Il faut prendre en considération les circonstances propres au plaignant, ainsi que l’intérêt général de l’équité.

 

[7]               Le DG a conclu que le cours des opérations de l’armée de terre, bien qu’intensif, n’empêchait pas le capitaine Leblanc de donner suite à son grief en temps opportun. Les étudiants ont le temps de s’occuper de leurs affaires personnelles pendant qu’ils suivent le cours. De plus, la communication inadéquate n’empêchait pas le capitaine Leblanc d’exercer le recours qu’il avait à sa disposition. C’est ce qu’il a tout de même fait, avant de recevoir la communication qu’il sollicitait.

 

 

(1)   La décision du DG était-elle déraisonnable?

 

[8]               Le capitaine Leblanc maintient que la décision du DG était déraisonnable, car elle ne tenait pas compte des réalités du cours de formation qu’il suivait lors de la période pertinente, ainsi que des problèmes qu’il a eus à obtenir communication des renseignements nécessaires. En effet, il prétend que le retard était causé en partie par l’omission des Forces canadiennes de respecter leurs obligations en matière de communication. Le capitaine Leblanc prétend aussi que le DG ne semblait pas comprendre que son grief portait sur une question fondamentale touchant à l’intégrité des Forces canadiennes : un prétendu abus de pouvoir commis par un officier supérieur.

 

[9]               Il incombait au capitaine Leblanc de convaincre le DG qu’il est dans l’intérêt de la justice de proroger le délai. Cependant, le capitaine Leblanc a simplement dit qu’il était occupé avec son cours des opérations de l’armée de terre et qu’il attendait qu’on lui communique d’autres pièces. Compte tenu des observations sans substance dont le DG était saisi, je ne vois rien de déraisonnable dans sa décision portant que le capitaine Leblanc n’avait pas démontré que l’intérêt de la justice justifiait une prorogation du délai.

 

[10]           Le grief du capitaine Leblanc, ainsi que sa demande de contrôle judiciaire, est imprégné d’un souci et d’un respect authentiques envers les Forces canadiennes et le gouvernement du Canada. Le capitaine Leblanc a tenté de s’assurer que la lettre et l’esprit des lois et des règlements applicables aux Forces canadiennes soient scrupuleusement respectés, ce qui est tout à son honneur. Il laisse entendre que le directeur général aurait dû reconnaître la gravité de son grief, ainsi qu’en tenir compte avant de statuer que l’intérêt de la justice ne justifiait pas une prorogation du délai.

 

[11]           Le DG était manifestement au courant du contenu de la plainte du capitaine Leblanc. Mais celui-ci a fait observer à juste titre qu’une prorogation « n’est pas un instrument qui doit être utilisé à la légère ». Comme le juge Richard Boivin l’a mentionné, si les prorogations de délai devaient être octroyées trop facilement, le recours prévu « se trouverait rapidement court‑circuité et vidé de son sens » (Hudon, précité, au paragraphe 27). Une telle issue serait contraire aux objectifs que le capitaine Leblanc cherche à atteindre.

 

[12]           Par conséquent, je ne peux conclure que la décision du DG était déraisonnable.

 

IV.  Conclusion et dispositif

 

[13]           Compte tenu des observations dont le DG était saisi, je ne peux conclure que sa décision portant qu’il n’était pas dans l’intérêt de la justice de proroger le délai pour renvoyer un grief à l’ADI – était déraisonnable. Elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, paragraphe 47). Je dois par conséquent rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1789-09

 

 

INTITULÉ :                                       LEBLANC c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 HALIFAX (N-É)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 12 MAI 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 27 JUILLET 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

François LeBlanc

POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

Jessica Harris

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

François Leblanc

New Minas (N-É)

 

POUR SON PROPRE COMPTE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (ON)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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