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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100720

Dossier : IMM-5722-09

Référence : 2010 CF 758

[traduction certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 20 juillet 2010

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

KAMALDEEP KAUR

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]          Mme Kamaldeep Kaur sollicite, en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, le contrôle judiciaire d’une décision rendue par une agente des visas rejetant sa demande de résidence permanente au Canada à titre de travailleuse qualifiée.

 

[2]          Mme Kaur est une citoyenne de l’Inde. Elle a présenté une demande pour venir au Canada à titre de tutrice en soins infirmiers. Sa demande a été rejetée par l’agente des visas parce qu’elle n’était pas convaincue qu’elle avait accumulé au moins une année continue d’expérience de travail dans son domaine tel que l’exige le paragraphe 75(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement).

 

[3]          Mme Kaur a soumis de l’information additionnelle et a exigé que l’agente réexamine sa demande. L’agente a refusé. Mme Kaur demande le contrôle judiciaire de cette décision.

 

[4]          Pour les motifs qui suivent, je rejette la demande de contrôle judiciaire présentée par Mme Kaur.

 

 

Les faits

 

[5]          Mme Kaur est une femme de 28 ans qui possède une formation officielle d’infirmière en Inde. Elle a présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre de travailleuse qualifiée et a demandé qu’on l’évalue à l’égard de la catégorie professionnelle des infirmiers.

 

[6]          Dans une lettre datée du 29 janvier 2009, le Bureau de réception centralisée de Citoyenneté et Immigration Canada a informé la demanderesse qu’il recommandait une nouvelle évaluation de sa demande et lui a demandé de présenter une demande complète de résidence permanente au haut-commissariat du Canada à New Delhi. Cette lettre énonçait des directives précises à l’égard de ce que doit comprendre une demande. Elle mentionnait notamment ce qui suit :

 

Votre demande doit comprendre les documents suivants :

[…]

·        tous les documents à l’appui (veuillez consulter la liste de contrôle des documents du bureau des visas où vous présentez votre demande).

 

 

La lettre mentionnait que la demanderesse avait 120 jours pour préparer et soumettre sa demande complète. Elle mentionnait également que la demanderesse ne devait soumettre aucun document tant qu’elle ne les aurait pas tous réunis et que la décision à l’égard de sa demande serait fondée sur les documents soumis.

 

[7]          En vertu de la liste de contrôle des documents, est exigé qu’une lettre notariée d’un employeur soit soumise. Cette lettre doit comprendre les éléments suivants :

 

-         la période d’emploi précise;

-         le poste occupé durant la période d’emploi et le temps passé dans chaque poste;

-         les principales tâches et responsabilités du demandeur;

-         le salaire total, y compris les avantages sociaux;

-         la signature du supérieur immédiat ou du responsable des ressources humaines de l’entreprise;

-         la carte professionnelle de la personne qui signe la lettre.

 

 

 

[8]          La demanderesse a produit une lettre datée 27 novembre 2008 rédigée par son employeur, le Swami Vivekanand Schhol of Nursing and Hospital, confirmant qu’elle a travaillé pour cette institution à titre de tutrice en soins infirmiers de septembre 2004 [traduction] « jusqu’à aujourd’hui ». La lettre de l’employeur donne une description générale des responsabilités de la demanderesse. Elle comprend des remarques élogieuses quant au tempérament de la demanderesse et lui souhaite bonne chance dans ses entreprises futures. La lettre ne mentionne cependant rien quant à la rémunération de la demanderesse. La signature est illisible et aucune carte professionnelle de la personne qui a signé la lettre n’est jointe.

 

[9]          Dans sa demande, la demanderesse a tiré la description des fonctions et des exigences relatives au poste de tutrice en soins infirmiers, mot pour mot, de la Classification nationale des professions (CNP) n° 4131 eu égard au poste de professeur en soins infirmiers.

 

[10]      Après le rejet de sa demande le 5 août 2009 par l’agente des visas, la demanderesse a produit une autre lettre notariée, émanant de son employeur, comprenant les renseignements manquants quant à son salaire ainsi qu’une description détaillée de ses fonctions et de ses responsabilités.

 

La décision faisant l’objet du présent contrôle

 

[11]      L’agente des visas a rejeté la demande au motif qu’elle ne comprenait pas assez de renseignements établissant que la demanderesse avait acquis suffisamment d’expérience à titre de tutrice en soins infirmiers au sens du paragraphe 75(2) du Règlement.

 

[12]      L’agente a écrit ca qui suit dans ses notes :

[traduction]

 

« La demanderesse a produit une copie de son certificat d’expérience pour le poste de tutrice en soins infirmiers dans lequel sont décrites ses fonctions au travail. Le certificat est signé par une personne dont le nom n’est pas indiqué. Aucun autre élément de preuve n’est fourni. »

 

et

[traduction]

 

« Compte tenu de l’information au dossier, je ne suis pas convaincue que la demanderesse a exécuté un nombre important des tâches principales de tutrice en soins infirmiers, y compris les tâches plus essentielles, pour au moins un an, à temps plein, pendant la période qui commence dix ans avant la date de présentation de la demande et qui se termine à la date de la décision de sélection. La demanderesse n’a présenté aucun autre élément de preuve à l’appui tel que des bordereaux de paye, des documents fiscaux, ou des relevés bancaires faisant état de dépôts de salaire; elle n’a soumis aucune lettre de nomination ou de confirmation. »

 

 

[13]      L’agente a examiné les renseignements figurant au dossier et a conclu ceci :

 

[traduction]

 

« La demanderesse a fourni une description de ses fonctions à l’annexe 3; celle‑ci est une copie intégrale de la description figurant dans la CNP quant à cette profession. Je ne suis pas prête à accepter au pied de la lettre, sans document à l’appui émanant de l’employeur, la déclaration de la demanderesse quant à son expérience de travail. »

 

 

 

[14]      L’agente des visas a rejeté, dans une lettre datée du 5 août 2009, la demande de résidence permanente présentée par la demanderesse à titre de travailleuse qualifiée.

 

[15]      Lorsque la demanderesse a demandé à l’agente des visas d’avoir la possibilité de soumettre de l’information supplémentaire, l’agente des visas a répondu, le 9 septembre 2009, que le dossier était clos et qu’il n’y avait aucun réexamen après le rejet d’une demande.

 

 

Les dispositions législatives pertinentes

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

 

75. (1) Pour l’application du paragraphe 12(2) de la Loi, la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada, qui sont des travailleurs qualifiés et qui cherchent à s’établir dans une province autre que le Québec.

Qualité

 

(2) Est un travailleur qualifié l’étranger qui satisfait aux exigences suivantes :

a) il a accumulé au moins une année continue d’expérience de travail à temps plein au sens du paragraphe 80(7), ou l’équivalent s’il travaille à temps partiel de façon continue, au cours des dix années qui ont précédé la date de présentation de la demande de visa de résident permanent, dans au moins une des professions appartenant aux genre de compétence 0 Gestion ou niveaux de compétences A ou B de la matrice de la Classification nationale des professions — exception faite des professions d’accès limité;

b) pendant cette période d’emploi, il a accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession dans les descriptions des professions de cette classification;

c) pendant cette période d’emploi, il a exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession figurant dans les descriptions des professions de cette classification, notamment toutes les fonctions essentielles.

Exigences

 

(3) Si l’étranger ne satisfait pas aux exigences prévues au paragraphe (2), l’agent met fin à l’examen de la demande de visa de résident permanent et la refuse.

75. (1) For the purposes of subsection 12(2) of the Act, the federal skilled worker class is hereby prescribed as a class of persons who are skilled workers and who may become permanent residents on the basis of their ability to become economically established in Canada and who intend to reside in a province other than the Province of Quebec.

Skilled workers

 

(2) A foreign national is a skilled worker if

(a) within the 10 years preceding the date of their application for a permanent resident visa, they have at least one year of continuous full-time employment experience, as described in subsection 80(7), or the equivalent in continuous part-time employment in one or more occupations, other than a restricted occupation, that are listed in Skill Type 0 Management Occupations or Skill Level A or B of the National Occupational Classification matrix;

(b) during that period of employment they performed the actions described in the lead statement for the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification; and

(c) during that period of employment they performed a substantial number of the main duties of the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification, including all of the essential duties.

Minimal requirements

 

(3) If the foreign national fails to meet the requirements of subsection (2), the application for a permanent resident visa shall be refused and no further assessment is required.

 

Les questions en litige

 

[16]      La présente affaire soulève deux questions :

 

a.       L’agente a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale en ne donnant pas à la demanderesse l’occasion de fournir des renseignements supplémentaires?

 

b.      La demanderesse a-t-elle droit a un réexamen?

 

 

La norme de contrôle

 

[17]       La Cour suprême, dans la décision Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, a conclu qu’il existe deux normes de contrôle en common law au Canada, celle de la décision correcte et celle de la décision raisonnable. Il convient de faire preuve de retenue à l’égard des questions de droit et des questions mixtes de fait et de droit et celles-ci doivent être révisées selon la norme de la décision raisonnable, alors que les questions de droit doivent être révisées selon la norme de la décision correcte.

 

[18]      Je conclus que les deux questions en litige en l’espèce portent sur l’obligation d’équité procédurale. Ce sont des questions à l’égard desquelles aucune retenue n’est exigée; la norme de contrôle est donc celle de la décision correcte.

 

Les arguments invoqués et l’analyse

 

[19]      La demanderesse affirme que l’agente a manqué à son obligation d’équité procédurale en refusant de lui donner l’occasion de [traduction] « dissiper » les doutes à l’égard de son expérience de travail.

 

[20]      Le paragraphe 75(3) du Règlement prévoit ce qui suit :

 

Si l’étranger ne satisfait pas aux exigences prévues au paragraphe 2, l’agent met fin à l’examen de la demande de visa de résident permanent et la refuse.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[21]      Il y a des cas où un agent, afin de se conformer à son obligation d’équité procédurale, doit attirer l’attention du demandeur sur les lacunes et lui donner l’occasion de les combler. Or, en l’espèce, il ne s’agit pas de l’un de ces cas.

 

[22]      Dans Hassani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, le juge Mosley a été saisi d’un cas semblable, mais concernant un mécanicien. Il a fait une distinction entre les exigences énoncées dans les lois et les règlements, et les autres exigences. Dans le premier cas, il a conclu que les agents des visas ne sont pas tenus de donner aux demandeurs l’occasion de dissiper leurs réserves. Il a écrit ceci au paragraphe 26 :

La conclusion de l’agente selon laquelle le demandeur n’avait pas démontré qu’il avait de l’expérience dans le domaine [traduction] « exploitation/administration/compatibilité/gestion » et que, en conséquence, il n’avait pas les qualités d’un directeur des comptes et de l’exploitation et de l’entretien d’immeubles est fondée directement sur les exigences de la loi et des règlements. Il incombait au demandeur de démontrer qu’il satisfaisait aux critères de la profession pour laquelle il avait demandé à être évalué. Il n’était pas nécessaire que le demandeur soit informé des réserves de l’agente concernant la preuve produite à cet égard.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[23]      Dans Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 786, au paragraphe 8, la juge Snider a conclu qu’un agent des visas n’est nullement tenu de clarifier une demande incomplète et que l’imposition d’une telle exigence équivaudrait à exiger de la part de l’agent des visas de donner préavis d’une décision défavorable.

 

[24]      La demanderesse a soumis une lettre d’un employeur qui ne comprenait pas certains renseignements expressément exigés, soit le salaire et les avantages sociaux. Les renseignements relatifs à l’expérience de travail de la demanderesse doivent être fournis pour satisfaire aux exigences énoncées au paragraphe 75(2) du Règlement.

 

[25]      La demanderesse n’a pas fourni ces renseignements par quelque autre moyen. Si elle l’avait fait, il aurait été justifié de lui donner l’occasion de soumettre des renseignements supplémentaires à des fins de clarification. À cet égard, l’agente des visas a examiné la description que la demanderesse a faite de ses responsabilités et fonctions dans sa demande et a souligné que la demanderesse semblait avoir tout simplement copié les fonctions d’une tutrice en soins infirmiers énoncés dans la CNP au lieu de décrire ses propres responsabilités et fonctions. L’agente des visas a aussi souligné l’absence de talons de paye ou de dépôts de salaire.

 

[26]      Les principes énoncés dans Hassani, précité, et dans Sharma, précité, s’appliquent en l’espèce. L’agente des visas n’est nullement tenue de demander des explications à la demanderesse quant aux lacunes figurant dans sa demande.

 

[27]      La demanderesse affirme également que l’agente des visas a manqué à son obligation d’équité procédurale en refusant de réexaminer sa demande après qu’elle lui en ait fait la demande.

 

[28]      Le défendeur invoque en réponse la doctrine du functus officio et se rapporte à la décision rendue par la Cour suprême dans Chandler c. Alberta association of architects, [1989] 2 R.C.S. 848. Au paragraphe 20, la Cour suprême a écrit ceci :

[…] la reconnaissance du caractère définitif des procédures devant les tribunaux administratifs se justifie par une bonne raison de principe.  En règle générale, lorsqu’un tel tribunal a statué définitivement sur une question dont il était saisi conformément à sa loi habilitante, il ne peut revenir sur sa décision simplement parce qu’il a changé d’avis, parce qu’il a commis une erreur dans le cadre de sa compétence, ou parce que les circonstances ont changé.

 

 

[29]      Il ne s’agit pas d’une règle générale car il existe des cas dans lesquels un décideur peur revenir sur sa décision. La Cour suprême en a tenu compte dans l’arrêt Chandler, précité, aux paragraphes 19 à 25, et les mêmes principes ont été énoncés ailleurs. Aucun d’eux ne s’applique en l’espèce.

 

[30]      Je conclus qu’il n’y a en l’espèce aucune raison que l’agente réexamine le dossier en fonction d’une argumentation plus étoffée. Le processus est clair. Un demandeur doit présenter une demande complète. La lettre acceptant le traitement de sa demande de résidence permanente au titre de travailleuse qualifiée exigeait expressément la présentation d’une demande comprenant tous les documents à l’appui.

 

[31]      Le processus de demande de visa à titre de travailleur qualifié a été conçu afin de permettre le traitement efficace des demandes complètes en énonçant les exigences de façon explicite. Le fait d’exiger la présentation de demandes complètes, et d’énoncer les conséquences en cas de manquement à cette exigence, contribue à éviter les retards attribués à la présentation de demandes incomplètes.

 

 

Conclusion

 

[32]      La demanderesse était au courant des exigences auxquelles elle devait satisfaire pour que sa demande soit jugée complète. Elle n’a pas soumis tous les documents exigés lorsqu’elle a présenté sa demande à l’agente des visas.

 

[33]      Je conclus que l’agente des visas s’est acquittée de son obligation d’équité procédurale lorsqu’elle a examiné la demande dont elle était saisie et a refusé le dépôt d’observations tardives.

 

[34]      La demanderesse est certainement déçue de la décision, mais celle-ci souligne l’importance de présenter des demandes complètes.

 

[35]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que

1.         la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5722-09

 

 

INTITULÉ :                                       KAMALDEEP KAUR c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 14 JUILLET 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MANDAMIN

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 20 JUILLET 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wennie Lee

 

POUR LA DEMANDERESSE

Nicole Paduraru

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lee & Company

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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