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Date : 20100720

Dossier : IMM-4114-10

Référence : 2010 CF 760

Ottawa (Ontario), le 20 juillet 2010

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

BOVE LEON LAURA ROSA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

I.  Au préalable

[1]               « Le principe le plus fondamental du droit de l'immigration veut que les non-citoyens n'aient pas un droit absolu d'entrer au pays ou d'y demeurer », comme spécifié par la Cour suprême du Canada dans Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Chiarelli, [1992] 1 R.C.S. 711.

 

[2]               La Cour a souligné dans Chiarelli, ci-dessus, que la constitution fait une distinction entre les citoyens canadiens et les résidents permanents. En conséquence, la Parlement a le droit de légiférer pour prévoir à quelles conditions un résident permanent pourra rester au Canada.

[3]               Les allégations de la demanderesse sont insuffisantes afin de démontrer que son départ causerait un tort irréparable à elle ou même à sa fille, sans avoir démontré à l’agent de l’Examen des risques avant le renvoi (ERAR) ou à l’agent qui se pencherait sur des mesures humanitaires.

 

II.  Procédure judiciaire

[4]               La demanderesse, madame Laura Rosa Bove Leon, est citoyenne du Venezuela. Elle est également citoyenne de l’Italie. Elle dépose une requête demandant le sursis de l’exécution d’une mesure de renvoi émise contre elle, laquelle requête est greffée à une demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire (DACJ) attaquant la décision du 10 juin 2010 de l’agent d’exécution de renvoi, ce dernier ayant, à cette date, informé madame Bove Leon que la date de son renvoi était fixée au 21 juillet 2010 vers le Venezuela.

 

III.  Faits

[5]               Madame Bove Leon est née le 22 octobre 1964 à Barquisimeto, Venezuela. Elle est célibataire et mère d’une fille, Shanye Chantal Bove Leon, née le 16 mai 1997 au Canada.

 

[6]               Il s’agit de la deuxième demande de protection soumise au Canada par madame Bove Leon. En effet, madame Bove Leon qui obtint l’admission à titre de visiteur le 12 mars 1995 revendiqua le statut de réfugié au Canada une première fois vers le 29 mars 1995 à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) à Montréal, demande pour laquelle la Section du statut de réfugié (SSR) conclu au désistement le 19 décembre 1997.

 

[7]               Le 20 mai 1998, un mandat d’arrestation aux fins de renvois est émis contre madame Bove Leon qui a omis de se présenter tel que requis le 6 mai 1998.

 

[8]               Le 13 avril 2002, elle se présente à l’aéroport de Dorval en possession d’un billet d’avion réservé pour retour au Venezuela le 13 mai 2002.

 

[9]               Le 26 avril 2002, le Centre de traitements des demandes de Vegreville (CTD) reçoit une demande de résidence pour motifs humanitaires.

 

[10]           Le 8 juin 2002, elle quitte le Canada pour retourner au Venezuela avec sa fille mineure comme indiqué dans la confirmation de départ.

 

[11]           Le 23 janvier 2003, elle se présente à nouveau à l’aéroport de Montréal et sollicite l’admission pour une période temporaire déclarant que la vie au Venezuela est difficile avec sa fille mineure citoyenne canadienne. Après évaluation, un permis de séjour temporaire est émis à madame Bove Leon l’autorisant à demeurer au Canada jusqu’au 23 mai 2003.

 

[12]           Le 9 juin 2003, une demande de prolongation du permis de séjour temporaire est reçue au CTD Vegreville qui la transfère au CIC Montréal le 9 juillet 2003. Enjointe de se présenter au CIC le 11 août 2003 au sujet de cette demande de prolongation de son permis de séjour temporaire (PST), madame Bove Leon omet de se présenter.

 

[13]           Le 4 avril 2005, une demande de mise à jour de sa demande pour des considérations d’ordre humanitaire (CH) est acheminée à madame Bove Leon et un délai de 30 jours est accordé pour soumettre les documents requis. Madame Bove Leon ne donne aucune suite à la demande de CIC.

 

[14]           Vers septembre 2006, CIC tente de contacter madame Bove Leon par téléphone. L’interlocuteur qui se présente comme un ami de madame Bove Leon avise CIC que cette dernière a quitté pour le Venezuela avec sa fille depuis environ deux ans. D’après cette information, madame Bove Leon aurait quitté vers 2004, sans faire vérifier son départ.

 

[15]           Le 13 septembre 2009, elle revient à nouveau au Canada. À son arrivée au Canada, sur présentation de son passeport italien, elle sollicite et obtient l’admission à titre de résidente temporaire pour une période de 6 mois.

 

[16]           Vers le 27 octobre 2009, elle se présente au CIC Montréal pour revendiquer à nouveau le statut de réfugié.

 

[17]           Le 24 novembre 2009, l’entrevue relative à sa revendication est effectuée au CIC. Le même jour, sa demande d’asile est jugée irrecevable en vertu de l’alinéa L101(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) en raison de sa demande antérieure devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR).

 

[18]           Le 3 décembre 2009, l’avis d’ERAR lui est remis.

[19]           Le 18 décembre 2009, sa demande est reçue au CIC.

 

[20]           Le 29 décembre 2009, des arguments supplémentaires et documents de preuve sont reçus au CIC.

 

Risques allégués

[21]           Madame Bove Leon allègue des risques de retour au Venezuela en raison de ses opinions politiques. En appui de sa demande, elle soumet que ses problèmes ont commencé suite à sa participation à la marche contre le régime du président Chavez et à la collecte des 3,2 millions de votes demandant sa destitution. Suite à cette participation, elle aurait été accusée par le gouvernement d’organisation frauduleuse en faveur de l’opposition et aurait reçu des menaces de mort. Elle aurait sans succès tenter de porter plainte aux autorités; des policiers lui disant qu’elle n’avait qu’à quitter le pays si elle n’était pas contente.

 

[22]           Dans son récit, elle indique également que sa fille, citoyenne canadienne aurait été menacée et agressée physiquement à l’école, sans que les surveillants n’interviennent. Madame Bove Leon aurait à nouveau tenté de porter plainte aux autorités qui refusèrent d’intervenir considérant qu’il ne s’agissait que d’une querelle entre adolescents.

 

[23]           Possédant la double nationalité, vénézuélienne et italienne, madame Bove Leon indique avoir pensé quitter pour l’Italie mais considérant qu’elle ne parle pas l’italien, qu’elle n’a aucune connaissance en Italie pour lui venir en aide et la guider et que les ressortissants d’origine vénézuélienne sont considérés comme des intrus voulant tirer avantages de ce pays; elle a choisi de venir demander l’asile au Canada, pays dont sa fille a la nationalité et qui devrait ainsi la protéger et lui permettre de vivre sans crainte ni persécution.

 

IV.  Analyse

[24]           Madame Bove Leon ne satisfait à aucun des trois critères jurisprudentiels pour l’obtention d’un sursis judiciaire émis par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.) : 1) qu’il existe une question sérieuse à trancher dans la DACJ qu’elle a déposée, 2) qu’elle risque de subir un préjudice irréparable si elle est déportée au Venezuela, et 3) que la balance des inconvénients joue en sa faveur.

 

[25]           Dans Adviento c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1430, 242 F.T.R. 295, la Cour a établi que les agents d’exécution de la LIPR ont un pouvoir discrétionnaire limité, qui se restreint à reporter le renvoi en raison de circonstances spéciales ou impérieuses :

[37]      Il est bien établi en droit que le pouvoir discrétionnaire de différer une mesure de renvoi est fort restreint. Il serait contraire aux buts et objectifs de la Loi d'étendre, au moyen d'une déclaration judiciaire, le pouvoir discrétionnaire restreint que possède l'agent chargé du renvoi, de façon à exiger un « mini » examen des raisons d'ordre humanitaire avant le renvoi (Davis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1628, paragraphe 4 (1re inst.) (QL); John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2003 A.C.F. no 583 (1re inst.) (QL)) […] (La Cour souligne).

 

(Également : Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 187 F.T.R. 219, 98 A.C.W.S. (3d) 422; Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (2002) CFPI 853, 116 A.C.W.S. (3d) 89 au par. 21; Prasad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 614, 123 A.C.W.S. (3d) 533 au par. 32; Griffith c. Canada (Solliciteur général), 2006 CF 127, 146 A.C.W.S. (3d) 123 au par. 26).

 

[26]           Dans l’affaire Simoes, ci-dessus, cette Cour a précisé les éléments qu’un agent d’exécution de la LIPR peut prendre en considération en exerçant sa discrétion de différer le renvoi :

[12]      À mon avis, le pouvoir discrétionnaire que l'agent chargé du renvoi peut exercer est fort restreint et, de toute façon, il porte uniquement sur le moment où une mesure de renvoi doit être exécutée. En décidant du moment où il est « raisonnablement possible » d'exécuter une mesure de renvoi, l'agent chargé du renvoi peut tenir compte de divers facteurs comme la maladie, d'autres raisons à l'encontre du voyage et les demandes fondées sur des raisons d'ordre humanitaire qui ont été présentées en temps opportun et qui n'ont pas encore été réglées à cause de l'arriéré auquel le système fait face [...]

 

[27]           La demanderesse n’a pas démontré qu’elle avait soumis à l’agent des éléments de preuve qui auraient pu constituer une justification suffisante lui permettant d’exercer son pouvoir discrétionnaire, qui se restreint à reporter le renvoi en raison de circonstances spéciales ou impérieuses :

[45]      En l'instance, la mesure dont on demande de différer l'exécution est une mesure que le ministre a l'obligation d'exécuter selon la Loi. La décision de différer l'exécution doit donc comporter une justification pour ne pas se conformer à une obligation positive imposée par la Loi. Cette justification doit se trouver dans la Loi, ou dans une autre obligation juridique que le ministre doit respecter et qui est suffisamment importante pour l'autoriser à ne pas respecter l'article 48 de la Loi [...] (La Cour souligne).

 

(Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 3 C.F. 682, 2001 CFPI 148).

 

 

V.  Conclusion

[28]           La demanderesse ne satisfait pas aux critères de la jurisprudence relatifs à l’obtention d’un sursis judiciaire.

 

[29]           Pour l’ensemble des motifs, la demande de sursis de l’exécution d’une mesure de renvoi de la demanderesse est rejetée.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE le rejet de la demande de sursis de l’exécution d’une mesure de renvoi déposée par la demanderesse.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4114-10

 

INTITULÉ :                                       Bove Leon Laura Rosa c.

                                                            Le Ministre de la sécurité publique

                                                            et de la protection civile

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 19 juillet 2010 (par téléconférence)

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE:                        LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 20 juillet 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Anthony Karkar

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Suzanne Trudel

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ANTHONY KARKAR, avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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