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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100714

Dossier : T-1122-09

T-1222-09

 

Référence : 2010 CF 743

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 juillet 2010

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

ROBIN WLOCH

demandeur

 

et

 

AGENCE DU REVENU DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, M. Robin Wloch, sollicite le contrôle judiciaire de deux décisions rendues par des fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada. Ces décisions portaient sur ses tentatives de se qualifier pour un poste de spécialiste en TI au sein de l’ARC. Le demandeur a introduit des demandes de contrôle judiciaire distinctes de ces deux décisions de l’ARC. Ces demandes ont subséquemment été fusionnées en la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[2]               La différence entre les questions en litige qui découlent des décisions contestées est ténue, et se dégagera au fur et à mesure que je relaterai les faits de la présente affaire. Pour les motifs qui suivent, je rejette les demandes de contrôle judiciaire, et ce, quant aux deux questions.

 

Le contexte

 

[3]               Le demandeur, un employé de l’ARC, était très intéressé à participer à un concours relatif à un poste vacant de CS-03 – Spécialiste en TI. Il semblerait que ce poste soit très convoité, et que les ouvertures de ce poste constituent de rares occasions de gravir les échelons. L’une des exigences essentielles pour le poste est l’obtention de la note « niveau 2 » dans un exercice de raisonnement analytique nommé le survol des compétences.

 

[4]               Le 30 mai 2008, le demandeur a remis son exercice de raisonnement analytique. Le 5 septembre 2008, il a obtenu la note niveau 1.

 

[5]               Mécontent de son résultat, le demandeur a sollicité une rétroaction individuelle, un recours prévu dans le cadre du processus de dotation de l’ARC. En octobre 2008, le représentant de l’ARC qui s’est occupé de la révision a refusé de modifier la note d’évaluation. Le demandeur a ensuite demandé une révision de la décision, étape constituant le deuxième et dernier recours dont il bénéficiait quant à cette situation, dans le cadre du processus de dotation.

 

[6]               Pendant ce temps, en septembre 2008, la définition de raisonnement analytique a fait l’objet

 

d’une révision, et celle-ci a entrainé un changement dans le critère d’évaluation. Comme nous le verrons, le demandeur aurait pu bénéficier de ce changement si celui-ci avait eu lieu avant qu’il ait rédigé son premier exercice de raisonnement analytique. Cependant, le changement a eu lieu trop tard, et le seul espoir du demandeur de pouvoir postuler l’emploi était d’obtenir une décision favorable dans le cadre de son recours.

 

[7]               L’ARC a entrepris son processus de sélection en décembre 2008. L’avis de débouché professionnel prévoyait que les candidatures de toutes les personnes qui répondaient aux exigences préalables, en date du 2 décembre 2008, seraient prises en considération. De plus, l’avis prévoyait que les candidats exerçant un recours pour les résultats des examens pouvaient aussi postuler. Comme il avait introduit un recours relativement à sa note en raisonnement analytique, et qu’il avait satisfait à toutes les autres exigences du poste, le demandeur a présenté sa demande à la date de la fermeture du concours.

 

[8]               Le 5 janvier 2009, M. Jacques Boudreau, un agent de révision, a rejeté la demande de révision du demandeur relativement à sa note niveau 1. Le 19 janvier 2009, l’ARC a confirmé que la révision de la décision était le dernier recours possible pour le demandeur. Le demandeur a alors présenté la première demande de contrôle judiciaire à la Cour.

 

[9]               Le 9 février 2009, le jury de sélection de l’ARC a avisé le demandeur qu’il avait été exclu du processus de sélection pour le poste de CS-03 – Spécialiste en TI, parce qu’il n’avait pas obtenu

 

la note de niveau 2 en raisonnement analytique, et parce que sa demande de révision avait été rejetée. Le 13 février 2009, le demandeur a sollicité une rétroaction individuelle à l’égard de la décision de l’ARC de l’exclure du processus de sélection. Le 30 mars 2009, le jury de sélection a rejeté sa demande et a maintenu sa position.

 

[10]           À ce moment-là, 180 jours s’étaient écoulés depuis le premier survol des compétences, et le demandeur était admissible à passer un nouvel examen de réflexion analytique. Il a soumis un exercice qui était identique, mot pour mot, à celui qu’il avait soumis près d’un an auparavant. Cette fois-là cependant, le demandeur a obtenu une note de niveau 2.

 

[11]           Le demandeur a envoyé à l’ARC, le 22 mai 2009, un courriel dans lequel il indiquait qu’il présenterait un grief contre son exclusion du processus de sélection du poste CS-03 – Spécialiste en TI, et ce, en raison de la différence dans les notes obtenues relativement à l’exercice de raisonnement analytique. Il a mis en doute, en raison des notes différentes qu’il a obtenu, la révision de la décision antérieure. Le 17 juin 2009, le demandeur a informé l’ARC, par courriel, que le syndicat étudiait la possibilité de présenter une demande de contrôle judiciaire. Le demandeur n’a pas déposé de grief.

 

[12]           L’ARC a interprété les courriels du demandeur du 22 mai 2009 et du 17 juin 2009 comme étant une demande que l’ARC examine de nouveau l’exclusion du demandeur du processus de sélection. Le 18 juin 2009, Mme Andrée Thériault a confirmé la position du jury, en écrivant ce qui suit :

[traduction]

[…] Le jury de sélection a pris note de votre situation et est disposé à réexaminer votre dossier, à votre demande, après qu’un grief aura été entendu et qu’il aura été tranché. À ce moment-ci, vous ne répondez pas aux prérequis du présent processus de sélection et nous n’étudierons pas davantage votre candidature.

 

[13]           Le demandeur a présenté sa deuxième demande de contrôle judiciaire à la suite de ce refus de la part de Mme Thériault.

 

Les décisions faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

 

La décision du 5 janvier 2009 de rejeter la demande de révision

[14]           La première décision à l’examen est celle rendue par l’agent de révision, M. Boudreau, le 5 janvier 2009, dans laquelle il a décidé que le demandeur n’avait pas fait l’objet d’un traitement arbitraire et par laquelle il a rejeté sa demande de révision.

 

[15]           La révision de la décision effectuée par M. Boudreau relativement à l’obtention du niveau de compétence 1 par le demandeur donnait une brève description de l’évaluation et de l’objectif du raisonnement analytique. Sa révision décrit pourquoi les réponses données par le demandeur ont entraîné l’attribution de la note niveau 1. M. Bourdreau a conclu que le critère a été appliqué uniformément à tous les candidats, et que le demandeur n’a pas fait l’objet d’un traitement arbitraire.

 

La décision du 18 juin 2009 de rejeter la demande de réexamen

[16]           La deuxième décision à l’examen est celle par laquelle Mme Thériault, le 18 juin 2009, au nom du jury de sélection du poste de CS-03 – Spécialiste en TI, à refusé de réexaminer sa décision d’exclure le demandeur du processus de sélection, à moins de recevoir des directives contraires d’un grief.

 

Les dispositions législatives

 

Loi sur les Cours fédérales, (L.R.C. 1985, ch. F-7)

 

 

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

[…]

 

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;

 

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

Time limitation

 

(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

 

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

 

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

(f) acted in any other way that was contrary to law..

 

 

Loi relative aux relations de travail dans la fonction publique, (2003, ch. 22, art. 2)

 

208. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), le fonctionnaire a le droit de présenter un grief individuel lorsqu’il s’estime lésé :

a) par l’interprétation ou l’application à son égard :

 

(i) soit de toute disposition d’une loi ou d’un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l’employeur concernant les conditions d’emploi,

 

(ii) soit de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

 

b) par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi.

 

 

(2) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

208. (1) Subject to subsections (2) to (7), an employee is entitled to present an individual grievance if he or she feels aggrieved

(a) by the interpretation or application, in respect of the employee, of

(i) a provision of a statute or regulation, or of a direction or other instrument made or issued by the employer, that deals with terms and conditions of employment, or

 

(ii) a provision of a collective agreement or an arbitral award; or

 

(b) as a result of any occurrence or matter affecting his or her terms and conditions of employment.

 

(2) An employee may not present an individual grievance in respect of which an administrative procedure for redress is provided under any Act of Parliament, other than the Canadian Human Rights Act.

 

 

Loi sur l’agence du revenu du Canada, (1999, ch. 17)

 

30. (1) L’Agence a compétence dans les domaines suivants :

[…]

 

 

d) la gestion de ses ressources humaines, notamment la détermination de ses conditions d’emploi;

[…]

 

 

54. (1) L’Agence élabore un programme de dotation en personnel régissant notamment les nominations et les recours offerts aux employés.

 

(2) Sont exclues du champ des conventions collectives toutes les matières régies par le programme de dotation en personnel.

30. (1) The Agency has authority over all matters relating to

 

(d) human resources management, including the determination of the terms and conditions of employment of persons employed by the Agency;

54. (1) The Agency must develop a program governing staffing, including the appointment of, and recourse for, employees.

 

(2) No collective agreement may deal with matters governed by the staffing program.

 

 

Les recours en matière d’évaluation et de dotation à l’ARC

[17]           Le processus de recours à l’ARC prévoit ce qui suit en ce qui concerne les révisions de décisions :  

2.   Types de recours

2.3 La révision de la décision est un processus interne mené par un réviseur de la décision, qui se penche sur une décision de dotation prise par une personne autorisée ou son délégué.

[]

4.      Motifs de recours

4.1              Dans tous les cas, les motifs de recours à une rétroaction individuelle, à une révision de la décision ou à une révision par un tiers indépendant sont que l’employé se prévalant d’un recours a fait l’objet d’un traitement arbitraire. On doit mettre l’accent sur le traitement dont la personne a fait l’objet durant le processus, et non sur l’évaluation des autres candidats ou employés.

4.2              Le terme « arbitraire » se définit comme suit :

De manière irraisonnée ou faite capricieusement; pas faite ou prise selon la raison ou le jugement; non basée sur le raisonnement ou une politique établie; n’étant pas le résultat d’un raisonnement appliqué aux considérations pertinentes; discriminatoire » (c’est-à-dire, selon les motifs de distinction illicite énoncés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[]

9.2       Le réviseur de la décision

9.2.6    Dirigera la révision et recueillera les renseignements requis afin de parvenir à une décision. En général, la révision se compose des étapes suivantes :

                                                               i.      Examen de la documentation présentée par le candidat ou l’employé et la personne autorisée ou son délégué;

                                                             ii.      Collecte des renseignements supplémentaires, au besoin; analyse des faits;

                                                            iii.      Communication par écrit de la décision définitive, notée dans le dossier de dotation ou le profil des compétences de l’employé.

 

Les questions en litige

 

[18]           Les questions en litige soulevées dans la présente demande combinée de contrôle judiciaire sont les suivantes :

1.                  Quelle est la norme de contrôle applicable pour chacune des deux décisions faisant l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire?

2.                  La révision de la décision relative à l’évaluation de la compétence du demandeur en raisonnement analytique a-t-elle été effectuée de manière appropriée?

3.                  La décision du jury de sélection d’exclure le demandeur du poste de CS‑03 – Spécialiste en TI était-elle justifiée?

4.                  Quelle réparation peut-on accorder au demandeur, dans l’éventualité où l’une des décisions, ou les deux, est ou sont contrôlées judiciairement?

 

La norme de contrôle

 

[19]           Le demandeur prétend que la norme de contrôle applicable aux deux décisions dans la présente affaire est celle de la décision correcte. Le défendeur prétend que la norme de contrôle applicable aux deux décisions est celle de la raisonnabilité.

 

[20]           La Cour suprême a conclu, dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, que les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit devraient être révisées selon la norme de la raisonnabilité, alors que les questions de droit seront généralement révisées selon la norme de la décision correcte. Lorsque la norme de contrôle applicable pour des questions similaires est bien établie par la jurisprudence, celle-ci peut être employée.  

 

La décision du 5 janvier 2009 de rejeter la demande de révision

 

[21]           Le demandeur prétend que cette décision soulève une question d’équité procédurale, qui devrait être révisée selon la norme de la décision correcte. Je ne souscris pas à cette affirmation; la question est de savoir si le réviseur a tenu compte des facteurs appropriés pour parvenir à sa décision. Le réviseur de la décision doit examiner les faits et déterminer si la mesure contrevenait à la directive portant sur le traitement arbitraire. J’ai conclu, dans Gerus c. Canada (Procureur général), 2008 CF 1344, aux paragraphes 15 et 16, que le contenu d’une décision relative à une demande de révision était une question de fait et de droit qui doit être révisée selon la norme de la raisonnabilité. On doit appliquer la même norme en l’espèce.

 

La décision du 18 juin 2009 de rejeter la demande de réexamen de la décision

[22]           La décision quant à la demande de réexamen du demandeur rendue par le jury de sélection n’était pas une décision relative à une demande de révision d’une décision. Il s’agissait d’un refus du jury de procéder à un réexamen, après qu’on l’ait informé que le demandeur avait ultérieurement obtenu la note niveau 2 lors de l’évaluation de son raisonnement analytique.

 

[23]           Même si le demandeur a mentionné au jury de sélection qu’il étudiait la possibilité de présenter un grief à cet égard, il a clairement mentionné qu’il ne présenterait pas de grief et que le syndicat envisageait plutôt la présentation d’une demande de contrôle judiciaire. Le jury a dit qu’il réexaminerait sa décision d’exclure le demandeur du processus seulement si on lui ordonnait de le faire à la suite d’un grief.

 

[24]           La réponse du jury de sélection comprend une interprétation de la procédure de règlement des griefs de la Loi relative aux relations de travail dans les services publics, et de son lien avec la Loi sur l’agence du revenu du Canada. Le jury de sélection devait déterminer quelle devait être la « prochaine étape » prévue par la loi, ce qui indique que la question en litige est purement une question de droit.

 

[25]           La décision du jury de sélection est une question de droit, révisable selon la norme de la décision correcte. Le jury a interprété une loi qui se situe hors de son champ d’expertise.

 

Analyse

 

[26]            Le demandeur combine ses observations relativement aux deux décisions. Ses observations portent surtout sur la deuxième décision de refus du jury de sélection, prononcée le 18 juin 2009, de réexaminer son exclusion du processus de sélection.

 

[27]           Le demandeur prétend que l’ARC ne devrait pas pouvoir se fier à la note initiale de niveau 1 en raisonnement analytique qu’il avait obtenue pour l’exclure du processus de sélection pour le poste CS-03 – Spécialiste en TI, parce que l’ARC n’a pas fourni une explication raisonnable quant au fait qu’il a obtenu des notes différentes pour le raisonnement analytique dans le cadre d’examens de compétences identiques. Il prétend qu’il incombe à l’ARC de se justifier.

 

[28]           Le demandeur déclare que les compétences des candidats doivent non seulement être évaluées en fonction des mêmes normes, mais qu’elles doivent également être appliquées de manière uniforme (Canada (Procureur général) c. Clegg, 2008 CAF 189, au paragraphe 25). Il prétend que le principe d’uniformité devrait aussi s’appliquer à l’évaluation et à la réévaluation des compétences d’un employé.

 

Analyse de la décision du 18 juin 2009 d’exclure le demandeur

[29]           Je vais aborder les questions en ordre chronologique inversé puisqu’il est possible de trancher rapidement la deuxième question en litige. Je suis d’avis que le jury de sélection a commis une erreur lorsqu’il a conclu qu’il ne réviserait pas la demande du demandeur de réexaminer son exclusion. La Cour d’appel fédérale a confirmé que, « [e]n droit, hormis une restriction législative, les décisions de nature non juridictionnelle peuvent être réexaminées et modifiées ». Anderson c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2003 CFPI 667, au paragraphe 48; confirmé par 2004 CAF 126.

 

[30]           La loi interdisait au demandeur de présenter un grief. Les recours dont il disposait en vertu du recours en évaluation et dotation à l’ARC étaient la rétroaction individuelle et la révision de la décision du jury de l’exclure. Le paragraphe 208(2) de la Loi relative aux relations de travail dans la fonction publique interdit à un employé de l’ARC de présenter un grief lorsque celui-ci dispose d’un recours administratif de réparation. Ce principe a récemment été confirmé par le juge Evans de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Johal c. Canada (Agence du Revenu), 2009 CAF 276, aux paragraphes 30, 32 et 34 (Johal). Le jury a commis une erreur en subordonnant le réexamen à la présentation d’un grief.

 

[31]           Cependant, l’erreur du jury n’est pas déterminante dans la présente affaire. Comme le juge John Evans l’a énoncé, au paragraphe 41 de Johal : « cette erreur, à moins qu’elle ne soit importante, ne détermine pas nécessairement l’issue de l’appel ».

 

[32]           Pour que le demandeur ait gain de cause relativement à sa demande de réexamen du 18 juin 2009, il doit démontrer qu’il s’est qualifié pour le processus de sélection du 2 décembre 2008. Sa note de niveau 2 devra être reconnue rétroactivement. À ce stade, cela ne peut se produire que si je l’ordonne dans le cadre du contrôle judiciaire. Or, je ne peux l’ordonner dans le cadre du contrôle judiciaire que si je relève une erreur susceptible de contrôle.

Analyse de la décision du 5 janvier 2009 de rejeter la demande de révision de la décision

 

[33]           Comme il a été mentionné, le demandeur, dans le cadre du recours qui lui était offert relativement à sa note niveau 1 a demandé une rétroaction individuelle. La personne chargée de la rétroaction individuelle a rejeté la demande du demandeur en soulignant le problème dans son exercice. 

 

[34]           Insatisfait de ce résultat, le demandeur a procédé à l’étape suivante du recours : la révision de la décision. À ce stade, l’agent de révision recueille et examine la documentation présentée par l’employé, et par toute personne ayant eu un mot à dire dans la note qui fait l’objet de la révision. Il recueille d’autres renseignements si nécessaire, et analyse les pièces. Il ne peut appliquer qu’un seul motif de révision : la décision de l’employeur était-elle arbitraire, au sens où ce terme est employé dans le processus de dotation.

 

[35]           L’agent de révision a expliqué les lacunes dans l’examen des compétences du demandeur. Il renvoie à des passages précis de l’examen, et fournit des motifs convaincants pour expliquer pourquoi ceux-ci ne respectaient pas le critère à ce moment-là. Le demandeur n’a aucune erreur commise par l’agent de révision.

 

[36]           Après examen, je conclus que l’agent de révision a correctement cerné le motif de révision comme étant le caractère arbitraire de la décision, qu’il a conclu que le demandeur avait été évalué en fonction d’un critère valide appliqué à tous les candidats, et qu’il a fourni une explication rationnelle pour justifier l’attribution de la note de niveau 1. Je conclus que la décision relative à la révision de la décision est raisonnable.

 

Application rétroactive de l’évaluation du raisonnement analytique

 

[37]           En raison des notes différentes qu’il a obtenues en raisonnement analytique, le demandeur soutient qu’il a été traité de manière arbitraire par l’ARC. Il soutient que, en l’absence d’une explication raisonnable de l’ARC, la Cour devrait conclure que la note initiale attribuée pour le raisonnement analytique était déraisonnable, et que la note plus élevée qui a été attribuée dans le cadre de la deuxième évaluation devrait être appliquée de manière rétroactive.

 

[38]           J’ai quelques difficultés avec les observations du demandeur à cet égard.

 

[39]           Premièrement, le demandeur ne renvoie à rien dans le processus de sélection de l’ARC qui prévoit l’application rétroactive des résultats obtenus dans le cadre des évaluations, à l’exception des mécanismes de recours abordés ci-dessus, dans le cadre desquels le demandeur n’a pas eu gain de cause.

 

[40]           Deuxièmement, le défendeur a donné des explications logiques en ce qui concerne les différences entre les notes. Le critère d’évaluation a fait l’objet d’une modification entre la première et la deuxième évaluation. Une infolettre de l’ARC a fait état de ces modifications. Le défendeur prétend que le fait que le demandeur ait donné les mêmes réponses et ait obtenu des notes différentes est la conséquence évidente d’un changement dans la définition de raisonnement analytique.

 

[41]           Le demandeur affirme que cet élément de preuve ne devrait pas être recevable, car le jury de sélection n’était pas saisi de cette information. Cependant, la modification au critère est pertinente en ce qui concerne la note de niveau 2 obtenue dans le cadre de la deuxième évaluation des compétences, et, à mon avis, peut être prise en compte par la Cour afin qu’elle puisse comprendre comment cette note a pu être attribuée.

 

[42]           Finalement, le demandeur prétend que, malgré tout, le premier résultat est arbitraire, parce que la modification apportée au critère était mineure. Le défendeur prétend le contraire. Celui-ci prétend que le demandeur a bénéficié de la modification, puisqu’il a obtenu un meilleur résultat, même s’il a donné les mêmes réponses.

 

[43]           Même si les modifications apportées à la formulation et à la structure du critère étaient ténues, celles-ci étaient plus que des modifications grammaticales et portaient sur des sujets spécialisés. Je refuse de m’aventurer dans une évaluation comparative du critère relatif au raisonnement analytique en ce qui concerne les technologies de l’information.

 

[44]           Je suis d’avis que le défendeur a offert une explication raisonnable quant aux différences dans les notes qui ont été attribuées dans le cadre de l’exercice de raisonnement analytique

 

Conclusion

 

[45]           Je rejette la demande de contrôle judiciaire relative à la décision du 5 janvier 2009.

 

[46]           J’ai conclu que le jury de sélection avait commis une erreur dans les motifs qu’il a invoqués pour rejeter la demande de réexamen de l’exclusion du demandeur du processus de sélection pour le poste de CS-03 – Spécialiste en TI. Je suis d’avis que le réexamen est théorique, puisque le demandeur n’a pas eu gain de cause dans sa demande de contrôle judiciaire de la décision du 5 janvier 2009 de rejeter la demande de révision de la décision, et qu’il n’existe aucun mécanisme permettant de donner un effet rétroactif à la note « niveau 2 » obtenue ultérieurement par le demandeur.

 

[47]           Le contrôle judiciaire est un redressement discrétionnaire. Puisque je ne vois aucun motif pour ordonner au jury de sélection de réexaminer sa décision relative à la sélection, je choisis de ne pas exercer mon pouvoir discrétionnaire d’accueillir le contrôle judiciaire.

 

[48]           Étant donné le succès partagé, je n’adjuge aucuns dépens.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

1.         La demande de contrôle judiciaire de la décision du 5 janvier 2009 est rejetée.

2.         Je choisis de ne pas exercer mon pouvoir discrétionnaire d’accueillir le contrôle judiciaire de la décision rendue par le jury de sélection. La demande de contrôle judiciaire de la décision du 18 juin 2009 est rejetée.

3.         Je n’adjuge aucuns dépens.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIERS :                                      T-1122-09

                                                            T-1222-09

 

 

INTITULÉ :                                       ROBIN WLOCH c.

                                                            L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 8 avril 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MANDAMIN

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 14 juillet 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Steven Welchner

 

POUR LE DEMANDEUR

Korinda McLaine

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Welchner Law Office

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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