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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20100706

Dossier : T-832-09

Référence : 2010 CF 728

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 juillet 2010

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

 

et

 

L’INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA

FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Le procureur général du Canada a présenté une demande de contrôle judiciaire d’une décision arbitrale rendue le 22 avril 2009 par un conseil d’arbitrage (le conseil d’arbitrage) établi en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (la LRTFP), afin d’arbitrer certains différends liés à la négociation collective opposant le gouvernement fédéral et la fonction publique.

 

[2]               Le procureur général a déposé la présente demande au nom du Conseil du Trésor du Canada (le demandeur ou l’employeur) qui a mené des négociations collectives avec l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (le défendeur ou l’Institut). L’Institut est l’agent négociateur accrédité des fonctionnaires appartenant au Groupe génie, architecture et arpentage (le groupe NR). Après plusieurs séances de négociations, l’Institut a présenté une demande d’arbitrage. Le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la CRTFP) a établi le conseil d’arbitrage, qui était composé de trois membres et dont le président était Philip Chodos.

 

[3]               Le conseil d’arbitrage a tenu des audiences d’arbitrage les 16 et 18 février 2009. Dans sa décision rendue le 22 avril 2009, le conseil d’arbitrage a décidé que la convention collective devait comprendre la clause 21.02. Cette clause prévoit que l’employeur rembourse les cotisations versées aux organismes ou aux ordres professionnels (ci‑après les cotisations professionnelles) par les membres du groupe NR lorsque l’affiliation à un organisme professionnel fait partie des qualités requises nécessaires pour être admissible à un poste, mais que l’affiliation à cet organisme n’est pas une exigence pour le maintien en poste.

 

[4]               Entre‑temps, le 12 mars 2009, la Loi sur le contrôle des dépenses, L.C. 2009, ch. 2, partie 10 (la LCD), est entrée en vigueur. La LCD établit l’augmentation salariale maximale et prévoit que les fonctionnaires ne peuvent pas recevoir une « rémunération additionnelle ».

 

[5]               Le demandeur soutient que le conseil d’arbitrage a outrepassé son pouvoir en décidant que la convention collective devait comprendre une disposition prévoyant un paiement qui viole la LCD et il sollicite une ordonnance annulant la partie de la décision arbitrale du conseil d’arbitrage portant sur le remboursement des cotisations professionnelles prévu à la clause 21.02.

 

[6]               Je conclus que la présente demande doit être rejetée pour les motifs qui suivent.

 

Les faits

 

[7]               Le conseil d’arbitrage a été établi en application du paragraphe 137(1) de la LRTFP par le président de la CRTFP afin de trancher le différend entre l’employeur et l’Institut.

 

[8]               La convention collective précédente conclue entre le Conseil du Trésor et le groupe NR prévoyait ce qui suit :

 

21.01 L’Employeur rembourse à l’employé les cotisations ou les droits d’inscription qu’il a versés à un organisme ou à un conseil d’administration lorsqu’un tel versement est indispensable à l’exercice continu des fonctions de l’employé.

 

Cette disposition a été reprise dans la convention collective entre l’employeur et le groupe NR et elle n’est pas en litige.

 

[9]               L’Institut a soumis à l’arbitrage le remboursement des cotisations professionnelles lorsque l’admissibilité à l’affiliation à un organisme professionnel fait partie des qualités requises nécessaires pour être admissible à un poste, mais que l’affiliation à cet organisme n’est pas une exigence pour le maintien en poste.

 

[10]           Lors des audiences d’arbitrage tenues en février 2009, le conseil d’arbitrage a été mis au courant de l’édiction imminente de la Loi d’exécution du budget de 2009, alors le projet de loi C‑10, qui prévoyait tant la Loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public que la LCD, qui est pertinente en l’espèce. Vu l’adoption imminente du projet de loi C­10, l’Institut a accepté certaines propositions salariales de l’employeur ainsi que la durée proposée de la nouvelle convention collective, écartant ainsi ces questions de l’arbitrage. Le projet de loi C­10 a obtenu la sanction royale le 12 mars 2009.

 

[11]           La LCD dispose qu’aucune convention collective ne peut prévoir de rémunération additionnelle pendant la période de contrôle. Rémunération additionnelle a été définie de la façon suivante : « Allocation, boni, prime ou autre paiement semblable à l’un ou l’autre de ceux-ci versés aux employés. »

 

[12]           Le conseil d’arbitrage a rendu sa décision le 22 avril 2009. Il a entre autres conclu ce qui suit :

 

[L]a convention collective doit contenir une nouvelle disposition (clause 21.02), qui sera libellée comme suit :

 

21.02 Lorsque le paiement de cette cotisation n’est pas une exigence pour la poursuite des fonctions du poste d’un employé, mais que l’admissibilité à l’affiliation à un organisme ou à un ordre professionnel fait partie des qualités requises dans les Normes de qualification des groupes professionnels du groupe NR, l’Employeur rembourse à l’employé, sur réception d’une preuve de paiement, la cotisation annuelle qu’il a versée à l’organisme ou à l’ordre professionnel. Le remboursement prévu par le présent article exclut les cotisations impayées pour les années antérieures.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

Les questions en litige

 

[13]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève plusieurs questions en litige :

 

a.                   Quelle est la norme de contrôle applicable?

 

b.                  Le demandeur est­il en droit de plaider que la clause 21.02, laquelle exige le remboursement de cotisations professionnelles, est interdite par la LCD étant donné qu’il n’avait pas soulevé cette question devant le conseil d’arbitrage?

 

c.                   Le conseil d’arbitrage a­t­il commis une erreur susceptible de contrôle en ordonnant l’ajout dans la convention collective de la clause 21.02 qui exige le remboursement des cotisations professionnelles?

 

 

Les dispositions légales applicables

 

[14]           Le conseil d’arbitrage a été établi par le président de la CRTFP afin qu’il tranche le différend opposant l’employeur et l’Institut pendant la négociation collective. Les lois applicables sont la LRTFP et la LCD; les dispositions suivantes sont particulièrement pertinentes :

 

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2

 

137.  (1) Sur réception de la demande d’arbitrage, le président établit un conseil chargé de l’arbitrage du différend.

 

(2) Le président peut attendre, avant de donner suite à la demande d’arbitrage, d’être convaincu que le demandeur a négocié suffisamment et sérieusement en ce qui touche le différend visé par celle-ci.

 

[…]

146.  (1) Sauf disposition contraire de la présente partie, le conseil d’arbitrage peut fixer ses modalités de fonctionnement, notamment la date, l’heure et le lieu de ses séances, en donnant toutefois aux parties l’occasion de présenter leurs éléments de preuve et leurs observations.

[…]

148.  Dans la conduite de ses séances et dans la prise de ses décisions, le conseil d’arbitrage prend en considération les facteurs qui, à son avis, sont pertinents et notamment :

a) la nécessité d’attirer au sein de la fonction publique des personnes ayant les compétences voulues et de les y maintenir afin de répondre aux besoins des Canadiens;

b) la nécessité d’offrir au sein de la fonction publique une rémunération et d’autres conditions d’emploi comparables à celles des personnes qui occupent des postes analogues dans les secteurs privé et public, notamment les différences d’ordre géographique, industriel et autre qu’il juge importantes;

c) la nécessité de maintenir des rapports convenables, quant à la rémunération et aux autres conditions d’emploi, entre les divers échelons au sein d’une même profession et entre les diverses professions au sein de la fonction publique;

 

d) la nécessité d’établir une rémunération et d’autres conditions d’emploi justes et raisonnables compte tenu des qualifications requises, du travail accompli, de la responsabilité assumée et de la nature des services rendus;

 

e) l’état de l’économie canadienne et la situation fiscale du gouvernement du Canada.

137.  (1) On receiving a request for arbitration, the Chairperson must establish an arbitration board for arbitration of the matters in dispute.

 

(2) The Chairperson may delay establishing an arbitration board until he or she is satisfied that the party making the request has bargained sufficiently and seriously with respect to the matters in dispute.

146.  (1) Except as otherwise provided in this Part, the arbitration board may determine its own procedure, including the date, time and place of its proceedings, but both parties must be given a full opportunity to present evidence and make representations.

148.  In the conduct of its proceedings and in making an arbitral award, the arbitration board must take into account the following factors, in addition to any other factors that it considers relevant:

(a) the necessity of attracting competent persons to, and retaining them in, the public service in order to meet the needs of Canadians;

 

(b) the necessity of offering compensation and other terms and conditions of employment in the public service that are comparable to those of employees in similar occupations in the private and public sectors, including any geographic, industrial or other variations that the arbitration board considers relevant;

 

(c) the need to maintain appropriate relationships with respect to compensation and other terms and conditions of employment as between different classification levels within an occupation and as between occupations in the public service;

(d) the need to establish compensation and other terms and conditions of employment that are fair and reasonable in relation to the qualifications required, the work performed, the responsibility assumed and the nature of the services rendered; and

(e) the state of the Canadian economy and the Government of Canada’s fiscal circumstances.

 

 

Loi sur le contrôle des dépenses, L.C. 2009, ch. 2, art. 393

 

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

« rémunération additionnelle » Allocation, boni, prime ou autre paiement semblable à l’un ou l’autre de ceux-ci versés aux employés.

 

[…]

6.  Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, est maintenu le droit de négocier collectivement sous le régime du Code canadien du travail, de la Loi sur les relations de travail au Parlement et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

[…]

11.  Les dispositions de la présente loi l’emportent sur les dispositions incompatibles de toute autre loi fédérale, y compris celles de la partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques, sauf dérogation expresse des dispositions de l’autre loi.

 

 

 

[…]

24.  Aucune convention collective conclue — ou décision arbitrale rendue — après la date d’entrée en vigueur de la présente loi ne peut, à l’égard de toute période commençant au cours de la période de contrôle, prévoir une augmentation des montants ou des taux de toute rémunération additionnelle applicable, avant la prise d’effet de la convention ou de la décision, aux employés régis par celle-ci.

 

[…]

27.  Aucune convention collective conclue — ou décision arbitrale rendue — après la date d’entrée en vigueur de la présente loi ne peut, à l’égard de toute période commençant au cours de la période de contrôle, prévoir de rémunération additionnelle qui est nouvelle par rapport à celle applicable, avant la prise d’effet de la convention ou de la décision, aux employés régis par celle-ci.

 

 

 

[…]

56.  Est inopérante toute disposition d’une convention collective conclue — ou d’une décision arbitrale rendue ou de conditions d’emploi établies — après l’entrée en vigueur de la présente loi et incompatible avec celle-ci.

2. The following definitions apply in this Act.

 

“additional remuneration” means any allowance, bonus, differential or premium or any payment to employees that is similar to any of those payments.

6.  Subject to the other provisions of this Act, the right to bargain collectively under the Canada Labour Code, the Parliamentary Employment and Staff Relations Act and the Public Service Labour Relations Act is continued.

 

 

11.  In the event of a conflict between a provision of this Act and a provision of any other Act of Parliament, including a provision in Part X of the Financial Administration Act, the provision of this Act prevails to the extent of the conflict, unless the other Act expressly declares that it or any of its provisions apply despite this Act.

24.  No collective agreement that is entered into, or arbitral award that is made, after the day on which this Act comes into force may provide, for any period that begins during the restraint period, for any increase to the amount or rate of any additional remuneration that applied to the employees governed by the collective agreement or the arbitral award immediately before the collective agreement, or the arbitral award, as the case may be, becomes effective.

27.  No collective agreement that is entered into, or arbitral award that is made, after the day on which this Act comes into force may provide, for any period that begins during the restraint period, for any additional remuneration that is new in relation to the additional remuneration that applied to the employees governed by the collective agreement or the arbitral award immediately before the collective agreement or the arbitral award, as the case may be, becomes effective.

56.  Any provision of any collective agreement that is entered into — or of any arbitral award that is made, or of any terms and conditions of employment that are established — after the day on which this Act comes into force that is inconsistent with this Act is of no effect.

 

 

La norme de contrôle judiciaire

 

[15]           Tant le demandeur que le défendeur ont invoqué l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau­Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir), rendu par la Cour suprême du Canada.

 

[16]           Le demandeur fait valoir que la norme de contrôle judiciaire applicable dans la présente affaire est la décision correcte.

 

[17]           Dans son analyse relative à la norme de contrôle, le demandeur concède que les conseils d’arbitrage sont spécialisés dans le règlement des différends en matière de relation de travail et dans la prise de décisions arbitrales et que leurs conclusions et leurs ordonnances de réparation devraient faire l’objet de retenue. Cependant, le demandeur affirme également que l’objectif des conseils d’arbitrage est d’aider les parties à adopter des conventions collectives et que ces conseils ne tranchent que les questions litigieuses. Il soutient que ces facteurs limitent l’expertise ainsi que le rôle et la fonction spécialisés des conseils d’arbitrage.

 

[18]           Le demandeur soutient que la question de fond soulevée en l’espèce nécessite l’analyse et l’interprétation de la LCD et que le conseil d’arbitrage ne possède aucune expertise à cet égard. Étant donné que la question dont était saisi le conseil d’arbitrage porte sur des lois qui ne relèvent pas en principe de l’expertise du conseil d’arbitrage, la norme de contrôle applicable est la décision correcte.

 

[19]           Le défendeur soutient que la norme de contrôle applicable en l’espèce est la raisonnabilité.

 

[20]           Le défendeur fait valoir que la décision du conseil d’arbitrage a été rendue par un tribunal hautement spécialisé en matière de relations de travail et de négociation collective. Il allègue que l’interprétation par les conseils d’arbitrage de leur loi constitutive ou des lois ou règlements connexes appelle une norme qui dicte la retenue, soit la raisonnabilité.

 

[21]           Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême a pris une position ferme sur la question de la compétence. Une véritable question de compétence se pose « lorsque le tribunal administratif doit déterminer expressément si les pouvoirs dont le législateur l’a investi l’autorisent à trancher une question. L’interprétation de ces pouvoirs doit être juste, sinon les actes seront tenus pour ultra vires ou assimilés à un refus injustifié d’exercer sa compétence. » Voir Dunsmuir, paragraphe 59.

 

[22]           Il convient de rappeler que l’affaire Dunsmuir portait sur une décision arbitrale rendue en vertu d’une loi du Nouveau­Brunswick, soit la Loi relative aux relations de travail dans les services publics, L.R. N.­B. 1973, ch. P­25. Lors de l’analyse relative à la norme de contrôle, la Cour suprême a estimé que les facteurs qui suivent étaient pertinents : l’existence d’une clause privative, la nature du régime et l’objet de la loi, la nature de la question de droit en cause et l’expertise du tribunal. La décision de l’arbitre était protégée par une clause privative; la Cour suprême a présumé que l’arbitre possédait une expertise dans l’interprétation de sa loi habilitante et l’arbitre devait trancher une question de droit qui ne revêtait pas une importance capitale pour le système juridique. La Cour suprême a conclu que la norme de contrôle applicable à la décision était la raisonnabilité. Elle a par la suite conclu que l’interprétation des dispositions législatives effectuée par l’arbitre n’était pas raisonnable.

 

[23]           Aux paragraphes 30 à 34 de l’arrêt Alliance de la fonction publique du Canada c. Association des pilotes fédéraux du Canada et Procureur général du Canada, 2009 CAF 223 (l’arrêt AFP), le juge Evans, au nom de la majorité de la Cour d’appel fédérale, a noté qu’un tribunal peut commettre un excès de compétence de deux façons. Premièrement, le tribunal peut outrepasser sa compétence s’il commet une erreur sur une question juridique susceptible de révision suivant la norme de la décision correcte. Deuxièmement, un tribunal peut commettre une erreur dans l’interprétation d’une « simple » question de droit lorsque la norme de contrôle applicable est la raisonnabilité.

 

[24]           Le juge Evans était d’avis qu’une analyse relative à la norme de contrôle devait être effectuée lorsqu’il est plaidé qu’un tribunal a mal interprété une disposition de sa loi habilitante.

 

[25]           Le conseil d’arbitrage était un tribunal ad hoc établi par le président de la CRTFP afin d’arbitrer les différends entre le Conseil du Trésor et l’Institut dans le cadre de leur négociation collective. L’objet de la partie 1 de la LRTFP et des dispositions portant sur les fonctions du conseil d’arbitrage est le règlement des différends liés à la négociation collective afin qu’une convention collective soit adoptée. Comme la Cour suprême l’a affirmé au paragraphe 69 de l’arrêt Dunsmuir : « La LRTSP prévoit à l’égard des différends entre employeurs et employés un mode de règlement rapide et peu coûteux permettant d’éviter la voie judiciaire. » Même si la Cour suprême examinait le rôle d’un arbitre établi par une nouvelle loi édictée par le Nouveau­Brunswick, on peut affirmer la même chose quant à la LRTFP en ce qui a trait aux conseils d’arbitrage en matière de relations de travail.

 

[26]           Bien qu’aucune clause privative ne vise les conseils d’arbitrage établis en application du paragraphe 137(1) de la LRTFP, le conseil d’arbitrage est un tribunal spécialisé dans les relations de travail et la négociation collective. Les parties n’ont aucunement contesté l’expertise du conseil d’arbitrage. La LRTFP confère certainement aux conseils d’arbitrage un rôle appuyant la présomption selon laquelle les conseils d’arbitrage possèdent une telle expertise. La décision du conseil d’arbitrage devrait donc faire l’objet d’une certaine retenue lors d’un contrôle judiciaire.

 

[27]           Le juge Iacobucci a conclu qu’un tribunal administratif pouvait examiner d’autres lois que sa loi constitutive. Il a écrit ce qui suit au paragraphe 48 de l’arrêt Société Radio­Canada. c. Canada (Conseil de relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157 (l’arrêt SRC) :

D’une manière générale, je souscris à la proposition selon laquelle la retenue judiciaire ne s’impose pas à l’égard de l’interprétation, par un tribunal administratif, d’une loi générale d’intérêt public qui n’est pas sa loi constitutive, tout en reconnaissant qu’une certaine retenue peut être indiquée dans des cas où la loi non constitutive se rapporte au mandat du tribunal et où celui‑ci est souvent appelé à l’examiner.  Cependant, cela ne veut pas dire que chaque fois qu’un tribunal administratif examine une autre loi en rendant sa décision, celle‑ci devient dans l’ensemble sujette à un contrôle fondé sur la norme du caractère correct. S’il en était ainsi, il y aurait un élargissement considérable et injustifié des possibilités de contrôler les décisions administratives. De plus, il y a lieu de souligner que la clause privative n’incluait pas les motifs fondés sur une erreur de droit, dont il est question à l’al. 18.1(4)c) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 (modifiée par L.C. 1990, ch. 8, art. 5). Cela tend à indiquer qu’il y a lieu de faire preuve d’une certaine retenue.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[28]           Il faut faire preuve de retenue envers un conseil d’arbitrage qui interprète une autre loi « dans des cas où la loi est intimement liée au mandat du tribunal et où celui­ci est souvent appelé à l’examiner », Conseil de l’éducation de Toronto c. Fédération des enseignants-enseignantes des écoles secondaires de l’Ontario, district 15, [1997] 1 R.C.S. 487. Il en va de même en l’espèce.

 

[29]           La LCD, nouvellement édictée, n’est pas la loi constitutive du conseil d’arbitrage, mais elle traite abondamment de questions liées aux négociations collectives. La LCD, qui devait alors être édictée sous peu, a été soulevée dans des observations portant sur d’autres questions devant le conseil d’arbitrage. Même si la LCD a été récemment édictée et que les conseils d’arbitrage n’ont pas encore été souvent appelés à l’examiner, elle regorge de termes tels que « décision arbitrale », « convention collective », « taux de salaire » et « rémunération additionnelle », qui font tous partie du domaine d’expertise et des connaissances en matière de relations de travail du conseil d’arbitrage.

 

[30]            Dans la décision Procureur général c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2010 CF 578 (l’arrêt IPFPC), madame la juge Tremblay­Lamer a conclu que la norme de contrôle applicable à la décision d’un conseil d’arbitrage de ne pas tenir compte de la LCD était la décision correcte. En l’espèce, les questions en litige sont très différentes. Dans l’arrêt IPFPC, le conseil d’arbitrage avait refusé de se pencher sur des observations portant sur la question de savoir si la LCD s’appliquait. En l’espèce, bien qu’aucune objection visant le remboursement qui serait en définitive prévu à la clause 21.02 n’ait été soulevée, rien ne donne à penser que le conseil d’arbitrage a refusé de tenir compte de la LCD dans son examen de la clause 21.02.

 

[31]            Le conseil d’arbitrage était clairement au fait du projet de loi C­10. Il en avait été question pendant les audiences tenues en février, et la loi est entrée en vigueur le mois suivant. Le conseil d’arbitrage a expressément mentionné être au courant de l’adoption imminente du projet de loi C­10 et, vu sa compétence et son expertise présumées en matière de négociation collective, il aurait été au fait de l’entrée en vigueur de la LCD, qui était partie intégrante de ce projet de loi, dès l’adoption du projet de loi.

 

[32]           Le juge Evans a déclaré ce qui suit au paragraphe 50 de l’arrêt AFP :

 

En conclusion, pour établir que la Commission a outrepassé sa compétence en interprétant erronément une disposition de sa loi habilitante ne soulevant pas de question de droit d’une « importance capitale pour le système juridique » ou ne délimitant pas ses pouvoirs par rapport à ceux d’un autre tribunal, un demandeur doit démontrer que l’interprétation était déraisonnable.

 

[33]           La question dont était saisi le conseil d’arbitrage et dont est maintenant saisie la Cour est de savoir si la clause 21.02 viole les dispositions de la LCD au motif qu’elle prévoit une « rémunération additionnelle », ce qui est interdit. Il s’agit d’une question de droit portant sur l’interprétation du libellé de la LCD, et elle ne revêt pas une importance capitale pour le système juridique.

 

[34]           En outre, le conseil arbitral était saisi de la question du remboursement en cause en l’espèce. La question n’avait pas été écartée par suite d’une entente avant que le conseil d’arbitrage rende sa décision, et la LCD ne confère pas la compétence sur cette question à un autre tribunal. Il incombait au conseil d’arbitrage d’examiner la définition de « rémunération additionnelle » et les articles 24 et 27 de la LCD parce qu’ils portent sur la question du remboursement en cause.

 

[35]           Je conclus que la norme de contrôle applicable est la raisonnabilité. Par conséquent, la question est de savoir si la décision arbitrale rendue par le conseil d’arbitrage d’ajouter la clause 21.02 était déraisonnable.

 

Analyse

 

Le demandeur est­il en droit de plaider que la clause 21.02, laquelle exige le remboursement de cotisations professionnelles, est interdite par la LCD étant donné qu’il n’avait pas soulevé cette question devant le conseil d’arbitrage?

 

[36]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève une question particulière. Le demandeur n’a pas contesté le remboursement des cotisations professionnelles prévu à la clause 21.02 dans ses observations présentées au conseil d’arbitrage, mais il souhaite contester ce remboursement devant la Cour.

 

[37]           Les parties devant un tribunal de révision ne peuvent pas présenter ou invoquer de nouvelles observations dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Selon l’analyse établie par la jurisprudence, la Cour doit tout d’abord déterminer s’il existe une contestation valable visant la compétence du conseil d’arbitrage quant à la décision rendue, sans quoi les arguments soulevés par le demandeur, lesquels peuvent être valides, ne pourraient pas être soulevés en l’espèce parce que le conseil d’arbitrage n’en avait pas été saisi, Toussaint c. Canada (Conseil des relations de travail), [1993] A.C.F. no 616 (C.A.F.), page 399.

 

[38]           Le demandeur soutient que la Cour peut contrôler la décision contestée si le conseil d’arbitrage a outrepassé sa compétence : Crevier c. P.G. (Québec) et al., [1981] 2 R.C.S. 220, page 236; Shubenacadie, paragraphe 41.

 

[39]           La véritable difficulté en l’espèce réside dans le fait qu’au moment où les observations ont été présentées au conseil d’arbitrage, le projet de loi C­10 n’avait pas encore été adopté. Les parties et le conseil d’arbitrage savaient que l’édiction de la loi était imminente, ce qui diffère d’une loi qui est déjà en vigueur. Les autres questions visant la LCD en litige devant le conseil d’arbitrage ont fait l’objet d’ententes entre les parties et n’étaient plus du ressort du conseil d’arbitrage. Les parties ne s’étaient pas entendues sur la proposition visant le remboursement des cotisations professionnelles et le conseil d’arbitrage était encore saisi de cette question.

 

[40]           Étant donné que la LCD n’était pas encore en vigueur, le demandeur ne pouvait pas présenter d’observations visant la LCD lors de l’audience de février 2009 en ce qui a trait à la clause 21.02 qui proposait le remboursement des cotisations professionnelles. De telles observations auraient été, au mieux, simplement prématurées.

 

[41]           Le conseil d’arbitrage a rendu sa décision arbitrable le 22 avril 2009 après l’entrée en vigueur de la LCD. Cette loi, à première vue, vise la convention collective en cause. Les parties ne pourraient pas expressément se soustraire ou renoncer à l’application de la LCD maintenant qu’elle est entrée en vigueur.

 

[42]           Dans cette circonstance particulière, je conclus que le demandeur peut soulever la question de savoir si la LCD s’applique à la décision arbitrale, qui exige le remboursement des cotisations professionnelles prévu à la clause 21.02. Le demandeur doit se limiter à la question de l’application et de l’effet de la LCD sur la clause 21.02, car il n’a pas invoqué de moyens économiques ou d’autres moyens lorsqu’il a contesté cette disposition devant le conseil d’arbitrage.

 

Le conseil d’arbitrage a­t­il commis une erreur susceptible de contrôle en ordonnant l’ajout dans la convention collective de l’article 21.02 qui exige le remboursement des cotisations professionnelles?

 

[43]           Le demandeur plaide que le terme « rémunération additionnelle » ne se limite pas aux allocations, aux bonis ou aux primes et qu’il vise également tout autre paiement semblable à ceux-ci. La clause 21.02 établit un nouveau bénéfice qui ne se trouvait pas dans la convention collective précédente.

 

[44]           Le demandeur soutient que la question en litige est de savoir si le bénéfice accordé par la clause 21.02 constitue une « rémunération additionnelle » au sens de la LCD. La définition de « rémunération additionnelle » comprend les mots suivants : « autre paiement semblable à l’un ou l’autre de ceux-ci versés aux employés ». Le demandeur soutient que le remboursement des cotisations professionnelles prévu à la clause 21.02 n’était pas accordé dans le passé et qu’il doit être considéré comme un nouveau paiement au sens de la définition de boni ou paiement semblable à un boni.

 

[45]           En outre, le demandeur soutient que l’objectif principal de la LCD était d’interdire à la fonction publique d’engager des dépenses supplémentaires et que les cotisations professionnelles constituent de telles dépenses. Le demandeur allègue que le remboursement des cotisations professionnelles prévu à la clause 21.02 constitue un paiement [traduction] « "semblable à un boni" , car il représente un paiement supplémentaire ajouté au salaire ou au traitement ». La clause s’applique aux employés dont le paiement de la cotisation professionnelle n’est pas une exigence pour le maintien en poste et, par conséquent, elle [traduction] « confère un bénéfice ou un avantage à l’employé ». Par conséquent, le fait de considérer le remboursement d’un tel paiement comme une « rémunération additionnelle » est compatible avec l’intention du législateur et le régime de la LCD.

 

[46]           Le demandeur invoque des dictionnaires juridiques, qui définissent boni (bonus) comme suit :

 

Le Dictionary of Canadian Law, 2e éd.

 

1.                  Gratification; prime

2.                  [...] [P]eut être un simple cadeau ou gratification en signe de bonne foi, sans être exécutoire. Peut aussi être une chose à laquelle l’employé a droit si une condition est respectée et qui est exécutoire si la condition est respectée. Cependant, dans les deux cas, il s’agit d’une chose en sus de la rémunération habituelle.

 

Le Black’s Law Dictionary, 8e éd.

 

1.                  Une prime en plus de ce qui est dû ou escompté <boni de fin d’année>. Dans le domaine de l’emploi, les bonis offerts aux travailleurs ne constituent pas un cadeau ou une gratification; ils sont remis pour des services rendus ou comme contrepartie en sus de la rémunération habituelle [...].

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[47]           La difficulté liée au recours aux dictionnaires juridiques est que leurs définitions se fondent souvent sur la jurisprudence. La citation du Dictionary of Canadian Law est tirée de l’arrêt Minister of National Revenue c. Great Western Garment Co., [1948] 1 D.L.R. 225, p. 233. Le mot « boni » n’était pas défini dans le décret concernant les salaires en temps de guerre et le juge qui présidait l’instance a consulté tant le Webster’s International Dictionary que le Oxford Concise Dictionary avant de renvoyer à la jurisprudence afin de proposer qu’un boni était un [traduction] « ajout au salaire », et il a conclu qu’il s’agissait de la définition applicable. La définition dans le Black’s Law Dictionary 8e éd. se fonde sur la jurisprudence des États‑Unis, qui n’est pas vraiment pertinente. Les dictionnaires juridiques sont utiles lorsqu’ils se fondent sur une jurisprudence plus à propos.

 

[48]           Dans la décision IPFPC, la juge Tremblay-Lamer a analysé la question de savoir si les cotisations professionnelles respectent la définition de « rémunération additionnelle » de la LCD. Elle affirmé ce qui suit :

 

[22] Dans cette loi, la définition de « rémunération additionnelle » n’est pas exhaustive et s’étend non seulement à des catégories précises de paiements, mais également à des paiements « semblables à » (je souligne) ces catégories. Le mot « semblables » et la règle d’interprétation ejusdem generis donnent tous deux à penser que, pour constituer une « rémunération additionnelle » au sens de l’article 2 de la LCD, un paiement « doi[]t posséder la même nature générale ou le même caractère général que » ceux décrits dans cette disposition (Gurniak c. Nordquist, 2003 CSC 59, [2003] 2 R.C.S. 652, paragraphe 31 [souligné dans l’original]; Ruth Sullivan, Sullivan on the construction of Statutes, 5e éd., Markham (Ont.), LexisNexis, 2008, page 231). À mon avis, le paiement visé à l’article concernant les droits d’inscription ne possède pas la même nature générale ou le même caractère général qu’une allocation, un boni ou une prime.

 

[23] Le paiement n’est pas semblable à une « allocation ». Le Canadian Oxford Dictionary définit ce mot de façon large : [traduction] « un montant ou une somme donné à une personne, particulièrement pour un objectif déclaré. » Toutefois, son sens juridique bien connu est un peu plus étroit. Une allocation est un paiement dont le montant est arbitrairement déterminé à l’avance, et l’allocataire n’est pas tenu de rendre compte de l’utilisation de son allocation (Canada (Procureur général) c. MacDonald (1994), 94 D.T.C. 6262 (C.A.F.)). Pour recevoir un paiement en vertu de l’article concernant les droits d’inscription, un employé est en fait tenu de montrer qu’il a payé les droits d’inscription et ne peut recevoir plus que le montant qu’il a versé.

 

[24] Le paiement visé par l’article concernant les droits d’inscription n’est pas non plus semblable à un « boni » qui, selon le Canadian Oxford Dictionary, est soit un [traduction] « avantage supplémentaire non sollicité ou imprévu », soit [traduction] « une somme d’argent versée en plus du salaire habituel, en reconnaissance d’un rendement exceptionnel ou à titre de supplément à Noël, etc. ». La première définition n’est pas pertinente dans le contexte de l’espèce : un avantage prévu dans une convention collective n’est évidemment pas [traduction] « non sollicité ou imprévu ». La deuxième définition ne s’applique pas non plus en l’espèce. Le remboursement par un employeur des droits d’inscription à un ordre professionnel payés par un employé n’a aucun lien avec le rendement de l’employé (d’autant plus lorsque l’employeur estime que l’adhésion professionnelle n’est pas nécessaire) et n’est pas un simple cadeau comme un [traduction] « boni de Noël ».

 

[25] De plus, le paiement visé à l’article concernant les droits d’inscription n’est aucunement semblable à une prime (differential), que le Canadian Oxford Dictionary définit comme [traduction] « la différence de traitement ou de salaire entre des industries ou des catégories d’employés au sein de la même industrie ».

 

[26] Enfin, il n’est pas non plus semblable à une prime (premium), qui est, selon la même source, [traduction] « une somme ajoutée au […] traitement, […] un boni » ou [traduction] « une récompense ou un prix ». Comme je l’ai expliqué ci-dessus, l’article concernant les droits d’inscription n’établit pas un boni, ni ne constitue une récompense à l’égard de quoi que ce soit.

 

[27] Le paiement visé par l’article concernant les droits d’inscription est plutôt un remboursement. Un remboursement est différent des catégories de paiement discutées ci‑dessus, qui représentent toutes des ajouts au salaire de base d’un employé. Selon le Canadian Oxford Dictionary, il sert à [traduction] « repayer » les dépenses engagées par une personne. Le fait que l’article concernant les droits d’inscription utilise les mots « remboursement » et « rembourser », bien qu’ils ne soient pas déterminants, donne à penser qu’un employé sera tenu de montrer qu’il a effectivement payé des droits d’inscription avant qu’une compensation ne lui soit remise pour un tel paiement, et cette compensation constitue un remboursement du montant versé par l’employé à l’égard de ces droits, quoique ce remboursement ne puisse pas dépassé un montant maximum prévu. Le remboursement est un type de paiement bien connu et distinct, et si le législateur avait voulu qu’il soit visé par l’article concernant les droits d’inscription, il aurait pu facilement le dire. Il ne l’a pas fait.

 

 

 

[49]           La juge Tremblay-Lamer a brièvement traité de l’observation du demandeur fondée sur les définitions des dictionnaires juridiques; elle a affirmé ce qui suit au paragraphe 24, que je répète :

 

La première définition n’est pas pertinente dans le contexte de l’espèce : un avantage prévu dans une convention collective n’est évidemment pas [traduction] « non sollicité ou imprévu ». La deuxième définition ne s’applique pas non plus en l’espèce. Le remboursement par un employeur des droits d’inscription à un ordre professionnel payés par un employé n’a aucun lien avec le rendement de l’employé (d’autant plus lorsque l’employeur estime que l’adhésion professionnelle n’est pas nécessaire) et n’est pas un simple cadeau comme un [traduction] « boni de Noël ».

 

 

 

[50]           La juge Tremblay­Lamer a conclu que l’article concernant les droits d’inscription dans l’affaire IPFPC ne contrevenait pas à l’interdiction de la LCD quant à la « rémunération additionnelle ».

 

[51]           Le demandeur soutient que les motifs de la juge Tremblay­Lamer ne lient pas la Cour parce que ni le principe de la stare decisis ni celui de la courtoisie judiciaire ne s’appliquent vu que les libellés des décisions arbitrales sont différents. Je suis d’accord. J’estime néanmoins que le raisonnement de la juge Tremblay­Lamer est convaincant et j’adopte la partie de son raisonnement portant sur la signification du terme « rémunération additionnelle » compte tenu des considérations supplémentaires qui suivent.

 

[52]           Le principe moderne de l’interprétation des lois prévoit que [traduction] « l’approche appropriée quant à l’interprétation […] est de lire les termes dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » E. A. Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983).

 

[53]           Le mot « rémunérer » (remunerate) est défini dans le Canadian Oxford Dictionary (2e éd.). Le paiement pour des services ou un travail constitue l’essentiel de cette définition. La définition est ainsi libellée :

 

[traduction]

1. rétribution; paye pour service rendu. 2 sert de récompense ou fournit une récompense pour (un travail, etc.) ou à (une personne).

 

À cet égard, la rémunération vise la paye des employés du groupe NR. La « rémunération additionnelle » ainsi que les motifs de la juge Tremblay‑Lamer visent la paye de ces employés de la fonction publique.

 

[54]      La LCD mentionne expressément ce qui suit :

 

6. Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, est maintenu le droit de négocier collectivement sous le régime du Code canadien du travail, de la Loi sur les relations de travail au Parlement et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[55]           En application de l’article 148 de la LRTFP, le conseil d’arbitrage doit entre autres tenir compte des facteurs suivants :

148. Dans la conduite de ses séances et dans la prise de ses décisions, le conseil d’arbitrage prend en considération les facteurs qui, à son avis, sont pertinents et notamment :

a) la nécessité d’attirer au sein de la fonction publique des personnes ayant les compétences voulues et de les y maintenir afin de répondre aux besoins des Canadiens;

[…]

d) la nécessité d’établir une rémunération et d’autres conditions d’emploi justes et raisonnables compte tenu des qualifications requises, du travail accompli, de la responsabilité assumée et de la nature des services rendus;

e) l’état de l’économie canadienne et la situation fiscale du gouvernement du Canada.

[Non souligné dans l’original.]

 

[56]      En réponse à des questions posées lors de l’audience de la présente affaire, le défendeur a avisé la Cour que les exigences liées aux qualités dont il est question dans la clause 21.02 entrent en jeu lorsqu’une personne pose sa candidature pour un poste dans le groupe NR, est transférée à un poste de même niveau, est déménagée à un autre endroit ou sollicite une promotion. Le demandeur n’a pas contesté cet avis.

 

[57]      La LCD porte principalement sur le taux de salaire et la « rémunération additionnelle ». Elle ne va pas jusqu’à traiter des « conditions d’emploi […] compte tenu des qualifications requises ». Si c’était le cas, le législateur aurait fait en sorte que le libellé de la LCD vise expressément le régime de la LRTFP.

 

[58]      La clause 21.02 porte sur le remboursement des cotisations professionnelles en lien avec les normes de qualification. Elle ne porte pas sur la rémunération. À mon avis, le terme et la définition élargie de « rémunération additionnelle » ne vont pas jusqu’à interdire le remboursement lié aux normes de qualification que le conseil d’arbitrage doit examiner suivant la LRTFP.

 

[59]      Si le terme « rémunération additionnelle » était d’une quelconque façon ambiguë, j’adopterais les observations formulées par la juge Hansen dans la décision Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Conseil du Trésor), [1984] A.C.F. no 523 (C.F. 1re inst.), dans laquelle elle a affirmé ce qui suit à la page 8 :

De plus, j’estime qu’il s’agit d’un cas qui requiert l’application du principe voulant qu’en cas d’ambiguïté, la loi doit être interprétée en faveur de ceux qui y sont assujettis.

 

 

[60]      Enfin, bien que le conseil d’arbitrage n’ait pas expliqué pourquoi il avait inclus la clause 21.02, j’estime qu’il n’était pas obligé de le faire étant donné qu’aucune objection n’avait été soulevée lors de l’audience. L’objectif du processus arbitral, à savoir être un « mode de règlement rapide et peu coûteux permettant d’éviter la voie judiciaire », serait miné si les conseils arbitraux devaient fournir des motifs pour chacune de leurs conclusions.

 

[61]      Vu ce qui précède, je conclus que la décision du conseil d’arbitrage d’ajouter la clause 21.02 portant sur le remboursement des cotisations professionnelles était raisonnable.

 

 

Conclusion

 

[62]           La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[63]           Les dépens seront adjugés au défendeur.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Les dépens sont adjugés au défendeur.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin, LL.B, M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-832-09

 

 

INTITULÉ :                                                   PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 26 JANVIER 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE MANDAMIN

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 6 JUILLET 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Caroline Engmann

 

POUR LE DEMANDEUR

Isabelle Roy

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Geoffrey Grenville-Wood

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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