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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100630

Dossier : T-1203-08; T-1204-08;T-1205-08

Référence : 2010 CF 719

Ottawa (Ontario), le 30 juin 2010

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

ENTRE :

THE MINISTRY OF COMMERCE AND

INDUSTRY OF THE REPUBLIC OF CYPRUS

demanderesse

et

LES PRODUCTEURS LAITIERS DU CANADA,

AGROPUR COOPÉRATIVE AGRO-ALIMENTAIRE

ET INTERNATIONAL CHEESE COUNCIL OF CANADA

défenderesses

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit de trois appels différents de la demanderesse The Ministry of Commerce and Industry de la République de Chypre formés en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. 1985, c. T-13; ci-après la « Loi ») à l’encontre des trois décisions du registraire des marques de commerce (le « Registraire ») rendues le 29 avril 2008.  Ces décisions faisaient droit aux oppositions des défenderesses Producteurs Laitiers du Canada (« Producteurs Laitiers »), Agropur Coopérative Agro-Alimentaire (« Agropur ») et Conseil Canadien des fromages internationaux (« Conseil des fromages ») en rejetant la demande d’enregistrement de la demanderesse pour la marque de certification du fromage HALLOUMI (demande no. 795,511, ci-après « la Marque »).  Le 4 septembre 2008, la défenderesse Agropur s’est désistée des présentes procédures.

 

[2]               Conformément à une décision rendue par le protonotaire Richard Morneau le 24 août 2009, ces trois dossiers ont fait l’objet d’une audition commune.  Une copie des présents motifs sera donc placée dans chacun des dossiers T-1203-08, T-1204-08 et T-1205-08.

 

I.          Les faits

[3]               Le ou vers le 23 octobre 1995, la demanderesse produisait une demande d’enregistrement pour la Marque en liaison avec du fromage et ce, sur la base d’une allégation d’emploi de la Marque au Canada depuis le 19 octobre 1995.  Cette demande d’enregistrement a été publiée au Journal des marques de commerce le 28 novembre 2001.

 

[4]               S’agissant d’une marque de certification, la norme pour laquelle l’emploi de la Marque est destiné était ainsi détaillée au Journal des marques de commerce :

La marque de certification sert à indiquer que les marchandises spécifiques énumérées ci-dessus et utilisées en association avec cette marque répondent à la norme suivante : la norme prescrit que le fromage est fabriqué seulement à Chypre selon la méthode historique particulière à ce pays, nommément : traditionnellement, il est fabriqué avec du lait de brebis et/ou de chèvre.  Dans le cas des mélanges, le lait de vache est également permis.  Les matières premières qui sont utilisées pour sa fabrication comprennent la rennine, des feuilles de menthe et du sel.  Voir le dossier pour de plus amples renseignements sur les caractéristiques de qualité, les caractéristiques chimiques et la maturation.

 

[5]               Suivant la publication de la Marque, plusieurs oppositions ont été produites.  Le 8 mars 2002, les Producteurs Laitiers et Agropur ont produit des déclarations contenant quatre motifs d’opposition que le Registraire a transmises à la demanderesse le 21 mai 2002.  Puis, le 4 avril 2002, le Conseil des fromages a produit une déclaration d’opposition contenant cinq motifs que le Registraire a transmise à la demanderesse le 30 avril 2002.  Comme cette dernière déclaration incorpore pour l’essentiel les motifs des deux autres défenderesses, il est utile de la reproduire ici :

[Traduction]

1.  En vertu de l’alinéa 38(2)a) de Loi […], la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 et, plus précisiement :

a)         La demande ne satisfait pas à l’alinéa 30a), parce qu’aucun titulaire d’une licence du Requérant n’a employé HALLOUMI comme marque de certification au Canada depuis la date indiquée dans la demande, soit le 19 octobre 1995, ou, si HALLOUMI a été employée comme marque de certification, cet emploi a cessé ;.

b)         La demande ne satisfait pas à l’alinéa 30f) de la Loi, parce qu’elle n’énonce pas les détails de la norme définie que l’emploi de la marque de certification HALLOUMI est destiné à indiquer ;

c)         La demande ne satisfait pas à l’alinéa 30f) de la Loi, parce que le requérant ne peut affirmer qu’il ne pratique pas la fabrication ou la vente des marchandises pour lesquelles la marque de certification est employée au Canada;

 

2. Suivant les alinéas 38(2)b) et 12(1)b) de la Loi, HALLOUMI n’est pas une marque de commerce enregistrable, parce qu’elle donne une description claire de la nature des marchandises liées à la marque.

 

3. Suivant les alinéas 38(2)b) et 12(1)c) de la Loi, HALLOUMI n’est pas une marque de commerce enregistrable, parce qu’elle est constituée du nom, dans une langue étrangère, des marchandises liées à la marque de commerce.

 

4. Suivant  les alinéas 38(2)b) et 12(1)e) et l’article 10 de la Loi, l’adoption de HALLOUMI comme marque de commerce est interdite, parce que HALLOUMI, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, est devenue reconnue au Canada comme désignant le genre ou la qualité d’un fromage.

 

5. Suivant l’article 2 et l’alinéa 38(2)d) de la Loi, HALLOUMI ne peut servir au Canada de marque de certification, à  savoir une marque employée pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises qui sont d’une norme définie en ce qui concerne la nature, la qualité, les conditions de travail, la catégorie de producteurs ou la région de production, parce que le mot HALLOUMI a été employé au Canada avant la date à laquelle le Requérant l’a employée pour la première fois, soit le 19 octobre 1995, et, par la suite, par des personnes non autorisées par le Requérant, pour décrire des fromages qui ne répondent pas aux normes énoncées dans la demande.

 

 

[6]               Le 28 mai 2002, la demanderesse produisait au soutien de sa demande d’enregistrement une contre-déclaration d’opposition dans laquelle elle niait chaque motif d’opposition mis de l’avant par les défenderesses.

 

[7]               Le 23 février 2003, les Producteurs laitiers et Agropur ont produit leur preuve d’opposition.  Le Conseil des fromages en a fait autant les 24 décembre 2002 et 28 janvier 2003.  Quant à la demanderesse, elle a produit sa preuve au soutien de sa demande d’enregistrement le 23 juin 2004.

 

[8]               Chacun des affiants de la demanderesse et des défenderesses ont été contre-interrogés et leur déposition a été produite auprès du Registraire des marques de commerce.  Chacune des parties a produit des arguments écrits et demandé la tenue d’une audition, laquelle a été fixée conjointement pour les trois oppositions le 2 avril 2008.

 

[9]               Deux semaines avant l’audition, soit le 18 mars 2008, les Producteurs Laitiers et le Conseil des fromages ont produit une requête visant à modifier leur dernier motif d’opposition.  La modification proposée visait à ajouter ce qui suit au dernier motif d’opposition :

More particularly, it was admitted by Yannakis Pittas in his June 21, 2004 affidavit filed as part of the Applicant’s evidence, that the Applicant does not itself license others to use the HALLOUMI certification mark in accordance with the defined standard but that such licenses of use are granted by third parties, namely the Minister of Health and/or the Department of Veterinary Services of the Minister of Agriculture and Natural Resources.

 

Dossier de la demanderesses (T-1205-08), onglet 114.  L’amendement proposé par les Producteurs laitiers était en tout point semblable : voir Dossier de la demanderesse (T-1203-08), onglet 30.

 

 

[10]           Cette requête a été renvoyée pour décision à l’audience qui s’est tenue le 2 avril devant M. Jean Carrière, membre du Comité des oppositions des marques de commerce et délégué du Registraire en vertu de l’article 63(3) de la Loi.  La demanderesse, les Producteurs Laitiers et le Conseil des fromages étaient présents lors de cette audience et y ont fait valoir leurs arguments; par contre, Agropur n’était pas représentée.

 

[11]           D’entrée de jeu, le Registraire a refusé que soit modifié le dernier motif d’opposition des défenderesses, en raison du caractère tardif injustifié de la requête à cet effet.  Il a d’autre part accueilli en partie les oppositions le 29 avril 2008, refusant par le fait même la demande d’enregistrement de la demanderesse.

 

II.         Les décisions contestées

[12]           Dans les trois décisions contestées, le Registraire a rejeté d’emblée les motifs d’opposition  énoncés dans les paragraphes 1b) et c), 2 et 3 de la déclaration d’opposition du Comité des fromages  (voir paragraphe 5 des présents motifs) ou leur équivalent dans les deux autres déclarations.  Ces motifs ont été écartés, parce que les défenderesses n’en ont pas débattu, ni par écrit ni oralement, ne se déchargeant donc pas du fardeau initial qui leur incombait d’établir les faits sur lesquels elles se fondaient au soutien de leur opposition.   Le Registraire en a profité pour préciser, sur la base de la preuve qui était devant lui, que le mot « halloumi » tirait son origine du mot grec « halmi » qui signifie « salé »; en conséquence, les alinéas 12(1)b) et c) ne pouvaient recevoir application en l’espèce.

 

[13]           Par ailleurs, les opposants avaient avancé trois autres arguments pour étayer la conclusion que la Marque n’avait pas été employée ainsi qu’il était allégué dans la demande et qu’elle n’avait pas été employée comme marque de certification (motif 1a) du Comité des fromages ou équivalent dans les deux autres déclarations).  Ils affirmaient d’abord qu’aucune preuve n’attestait l’emploi de la Marque par des titulaires d’une licence accordée par la demanderesse à compter de la date alléguée de premier emploi.  Deuxièmement, les opposants faisaient valoir qu’aucune preuve n’indique que le fromage vendu au Canada était fabriqué selon les normes définies dans la demande.  Enfin, on faisait valoir que la demanderesse n’était pas l’autorité qui délivre les licences aux producteurs des marchandises portant la Marque, et qu’elle ne peut donc se réclamer de l’emploi de la Marque par les titulaires de ces licences.

 

[14]           Malgré l’absence de preuve sur ces questions par les opposants, le Registraire a admis qu’un opposant à une demande d’enregistrement peut se fonder sur la preuve du requérant pour débattre des questions touchant la conformité, dans la mesure où l’information dont la partie opposante a besoin pour satisfaire à son fardeau de preuve initial se trouve la plupart du temps en possession de la partie requérante. 

 

[15]           Sur la base de la preuve soumise par la demanderesse, et en particulier des affidavits souscrits par M. Yannos Pittas, copropriétaire d’une industrie laitière située à Chypre, M. Eric Moscalhlaidis, propriétaire d’une entreprise américaine de distribution qui importe de Chypre du fromage portant la Marque pour le redistribuer au Canada, et de différents détaillants canadiens, le Registraire s’est dit satisfait de l’emploi de la Marque et des normes de fabrication appliquées au fromage Halloumi à Chypre.  En revanche, il a conclu que la demanderesse ne s’était pas acquittée de son fardeau initial de prouver qu’elle était bel et bien l’autorité qui délivre la licence autorisant l’emploi de la Marque en liaison avec les marchandises.  S’appuyant plus particulièrement sur l’affidavit de M. Pittas, le Registraire a plutôt conclu que c’est le Ministry of Health en collaboration avec le Department of Veterinary Services du Ministry of Agriculture, Natural Resources and the Environment qui délivrait la licence autorisant l’emploi de la Marque en liaison avec les marchandises.  Voici ce qu’il écrit à ce propos :

Il semble que divers ministères de la République de Chypre ont un rôle à jouer dans la supervision de la fabrication et de l’exportation du fromage arborant la Marque et se partagent différentes responsabilités à différents stades de la fabrication ou de l’exportation des Marchandises.  Il se peut qu’en dernier ressort, dans le cadre de la structure parlementaire de la République de Chypre, le Requérant ait délégué son pouvoir au Ministry of Health et au Ministry of Agriculture, Natural Resources and the Environement, mais nous ne disposons d’aucune preuve à l’appui de cette hypothèse.

 

 

[16]           Le Registraire a donc conclu que les opposants s’étaient acquitté de leur fardeau initial et que tout « emploi » de la Marque au Canada ne pouvait être réputé constituer un emploi par la demanderesse au sens du paragraphe 23(2) de la Loi, puisque la preuve établissait que les utilisateurs de la Marque ne tiennent pas leur droit d’employer la Marque de la demanderesse elle-même mais bien d’un autre organisme gouvernemental.  Le requérant n’étant pas la République de Chypre mais plutôt un ministère particulier, le motif d’opposition 1a) devait donc être retenu.

 

[17]           Le deuxième motif d’opposition retenu par le Registraire porte sur l’enregistrabilité de la Marque.  Les défenderesses soutenaient que la Marque n’était pas enregistrable parce qu’elle était devenue reconnue au Canada, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, comme désignant un type de fromage, contrevenant par le fait même à l’article 10 et à l’alinéa 12(1)(e) de la Loi (motif d’opposition (4) cité plus haut). 

 

[18]           Après avoir indiqué que la date de référence pertinente pour trancher ce motif d’opposition était celle de la décision du Registraire, ce dernier a pris acte du consensus à l’effet que la caractéristique particulière du fromage portant la Marque qui est fabriqué à Chypre est qu’il ne fond pas lorsqu’il est exposé à la chaleur durant la cuisson.  Or, le fromage fabriqué au Canada et portant une marque visuellement ou phonétiquement similaire comme HALLOUM, HALLOOM, HALOUMI ou HALOMI ne présente pas cette caractéristique.  

 

 

[19]           Ceci étant dit, le Registraire a rappelé que nul ne pouvait prétendre au monopole sur un terme ou un mot en s’autorisant du fait qu’il s’agit d’une marque de certification, si la marque a été largement employée au Canada par des tiers avant la date pertinente, de telle sorte qu’elle est devenue reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité, la valeur ou le lieu d’origine des marchandises.  Sur la base de ces principes, il a examiné la preuve soumise par les défenderesses à ce chapitre.

 

[20]           Le Registraire a conclu que la preuve déposée  par les Producteurs Laitiers et Agropur ne permettait pas d’établir que la Marque était devenue reconnue au Canada, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, comme désignant un type de fromage.  En revanche, il s’est dit d’avis que la preuve déposée par le Comité des fromages était, quant à elle, concluante à cet égard.

 

[21]           Le Comité des fromages a produit des emballages ou des photos d’emballages de fromage achetés dans différentes villes du Québec et à Ottawa portant des inscriptions telles que : LE BÉDOUIN, HALLOOM, CLIC HALLOOM, DORÉ-MI ou HALOUMI.  Ces emballages indiquaient que ces produits provenaient de différentes sources : Les Produits Phoenicia Inc. de Montréal (HALLOOM); La Fromagerie Polyethnique Inc. de St-Robert, Québec (LE BÉDOUIN HALOUMI), Clic Import Export (CLIC HALLOOM), Les Aliments Karine Inc. de Montréal (HALLOOM), Saputo Cheese Division Fromage (Canada) (DORÉ-MI), Fromagerie Marie Kadé de Boisbriand, Québec (HALLOOM). 

 

[22]           D’autre part, des représentants de Produits Phoenicia Inc. et de la Fromagerie Polyethnique ont souscrit des affidavits versés en preuve.  Ils y déclarent avoir vendu du fromage désigné comme HALLOOM, HALOUMI, ou le BÉDOUIN depuis 1995 et ont déposé des documents de leur entreprise, dont certains remontent jusqu’en août 2002, attestant les chiffres de vente de fromage désigné par l’un de ces noms.  D’autres affidavits et contre-interrogatoires attestaient que le nom HALLOUMI est utilisé au Canada pour désigner un type de fromage.

 

[23]           Devant cette preuve, le Registraire a conclu que le mot HALLOUMI ne pouvait être utilisé comme marque de commerce au Canada.  Quant à l’argument voulant que la preuve révèle plutôt l’utilisation des mots HALLOOM, HALOUMI ou HALLOUM plutôt que la Marque HALLOUMI pour identifier un type de fromage méditerranéen, le Registraire l’a rejeté en rappelant que l’article 10 de la Loi vise également l’adoption ou l’emploi d’une marque « …dont la ressemblance avec la marque en question est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre ».  Voici ce qu’il écrit à ce propos :

Il existe une étroite resemblance entre le mot HALLOUMI et les termes HALOUMI, HALLOUM et HALLOOM. Qui plus est, chacun apparaît sur des emballages de fromage et, comme il a été mentionné, il arrive que l’un soit substitué à l’autre. Dans les circonstances, je vois mal comment le Requérant pourrait obtenir l’emploi exxclusif de la marque au Canada alors qu’il ressort de la prevue qu’en raison d’une pratique commerciale authentique, la marque ou d’autres termes sembalbles sont devenus reconnus au Canada comme désignant une sorte de fromage. En conséquence, je maintiens le quatrième motif d’opposition.

 

[24]           Enfin, le dernier motif d’opposition retenu par le Registraire porte sur l’absence de caractère distinctif de la Marque.  À l’égard de ce motif d’opposition, il suffisait aux défenderesses de démontrer qu’à la date pertinente, soit la date du dépôt de la déclaration d’opposition, une marque de commerce semblable, propre à créer la confusion, était devenue suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la marque faisant l’objet de la demande.  Le Registraire a rejeté ce motif dans le cadre des oppositions formées par les Producteurs Laitiers et Agropur, faute de preuve suffisante; il a cependant jugé la preuve déposée par le Comité des fromages plus substantielle et a fait droit à ce motif d’opposition dans ce dossier.

 

[25]           Le Registraire a indiqué que la plus grande partie de la preuve présentée par le Comité des fromages quant à l’emploi du terme « HALLOUM » ou « HALLOOM », discutée dans le cadre du motif d’opposition portant sur l’enregistrabilité, était postérieure à la date pertinente.  Toutefois, le Registraire a néanmoins accepté ce motif en raison de la preuve présentée par la demanderesse elle-même démontrant que la Marque avait été utilisée au Canada par des entités non licenciées par la demanderesse elle-même, tel que discuté lors de l’examen du premier motif d’opposition portant sur la conformité de la demande d’enregistrement avec les dispositions de l’article 30 de la Loi.

 

[26]           Le 4 août 2009, la demanderesse a produit devant cette Cour des avis de demande dans lesquels elle en appelle des décisions du Registraire dans les trois dossiers faisant l’objet du présent litige, eu égard aux motifs d’opposition retenus.  Comme le lui permet le paragraphe 56(5) de la Loi, la demanderesse a produit à titre de preuve additionnelle deux affidavits de M. Aristos Constantine, conseiller commercial de la République de Chypre à New York, souscrits les 19 novembre 2008 et le 15 janvier 2009.  Je reviendrai sur ces affidavits dans le cadre de mon analyse ci-après.

 

III.       Questions en litige

[27]           Le présent appel soulève les trois questions suivantes :

a)      Quelle est la norme de contrôle applicable aux décisions du Registraire?

b)      Le Registraire a-t-il erré en concluant que la demande d’enregistrement n’était pas conforme aux exigences de l’article 30 et de l’alinéa 38(2)(a) de la Loi?

c)      Le Registraire a-t-il erré dans ses conclusions relatives à l’enregistrabilité de la Marque en vertu des alinéas 38(2)(b) et 12(1)(e) et de l’article 10 de la Loi?

 

 

IV.       Analyse

A. Quelle est la Norme de Contrôle Applicable aux Décisions du Registraire?

[28]           Il n’y a pas de désaccord entre les parties sur la norme de contrôle applicable en appel d’une décision du registraire des marques de commerce.  En règle générale, les questions de fait et de droit relevant de l’expertise du registraire sont révisables suivant la norme de la décision raisonnable; en d’autres termes, cette Cour n’interviendra que si la décision du registraire est clairement erronée.  Il en ira toutefois différemment lorsqu’une preuve additionnelle est déposée devant la Cour, et que cette preuve est pertinente dans la mesure où elle comble une lacune ou remédie à des déficiences identifiées par le registraire.  Dans ce dernier cas, la Cour pourra en arriver à ses propres conclusions et appliquera donc la norme de la décision correcte.  Il n’en ira cependant ainsi que si la nouvelle preuve est substantielle et ajoute à ce qui a déjà été soumis; dans l’hypothèse où cette nouvelle preuve ne serait que répétitive et ne bonifierait pas la force probante de la preuve déjà soumise, la norme de la décision raisonnable continuera de s’appliquer.  L’extrait suivant de la décision rendue par le juge Rothstein au nom de la majorité dans l’arrêt John Brasseries Molson c. John Labatt Ltée  résume bien la situation :

Compte tenu de l’expertise du registraire, et en l’absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d’expertise, qu’elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu’elles résultent de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter.  Toutefois, lorsqu’une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l’exactitude de la décision du registraire.

 

[2000] 3 F.C. 145, (C.A.) au par. 51.  Voir aussi : Christian Dior S.A. c. Dion Neckwear Ltd. (2002 CAF 29, au par.8; Société Canadian Tire Ltée c. Accessoires d’Autos Nordiques Inc., 2007 CAF 367, aux par. 29-30; Shell Canada Ltée c. P.T. Sari Incofood Corp., 2008 CAF 279, aux par.27-29; Minolta-QMS, Inc. c.Tsai et al., 2006 CF 1249, aux par.25-27.

 

 

[29]           D’autre part, la jurisprudence semble reconnaître des situations où la norme de la décision correcte s’applique même en l’absence de nouvelles preuves.  Il en ira ainsi lorsque la question en litige est purement juridique et ne fait appel ni aux faits ni à l’expertise du Registraire.  À titre d’illustrations, on peut mentionner les arrêts Telus Corp. c. Orange Personal Communications Services Ltd., 2005 CF 590, au par.41 (confirmé à 2006 CAF 6) et Big Apple Ltd. c. BAB Holdings Inc., 2002 CFPI 72, aux par. 7-8, où l’identification du fardeau de preuve que doivent rencontrer les parties et la détermination de la date pertinente pour décider d’un motif d’opposition ont été révisées à l’aune de la décision correcte.

 

[30]           C’est donc en tenant compte de ces principes que j’examinerai les arguments soulevés par la demanderesse, ainsi que la nouvelle preuve déposée devant cette Cour.

 

B. Le Registraire a-t-il Erré en Concluant que la Demande d’enregistrement n’était pas Conforme aux Exigences de l’article 30 et de l’alinéa 38(2)(A) de la Loi?

 

[31]           Dans ses représentations écrites, la demanderesse a fait valoir que le Registraire avait erré en acceptant les arguments présentés oralement par les Producteurs Laitiers et le Comité des fromages pour conclure au bien-fondé du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)(a) et 30 de la Loi dans le cadre de l’opposition déposée par Agropur, alors que cette dernière avait choisi de ne pas être représentée à l’audience.  La demanderesse soutient que les arguments présentés par les deux autres parties n’étaient pas devant le Registraire dans le dossier d’opposition d’Agropur, et que le Registraire ne pouvait en tenir compte pour prendre sa décision.

 

[32]           Cet argument me paraît sans fondement, dans la mesure où la décision du Registraire ne s’appuyait pas sur la preuve soumise par l’une ou l’autre des opposantes mais bien plutôt sur un témoignage soumis par la partie demanderesse elle-même.  Tel que mentionné précédemment, le paragraphe pertinent de la demande d’enregistrement de la demanderesse est ainsi rédigé :

The applicant has granted a license to use the certification mark in association with all the specific wares listed hereafter that meet the defined standard set out below, and the certification mark has been used by the licensee in Canada accordingly in association with such wares.

 

 

[33]           Or, le libellé exact de ce motif d’opposition dans la déclaration d’Agropur se lit comme suit :

1. L’opposante fonde son opposition sur l’article 38(2) de la Loi, savoir que la demande d’enregistrement sous opposition ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi en ce que :

 

 a) La MARQUE n’a pas été employée comme il est dit dans la demande d’enregistrement; de même, elle n’a pas été employée comme marque de certification.

 

 

[34]           Il est évident que les représentations faites à l’audition par les procureurs des Producteurs Laitiers et du Comité des fromages ont sans doute étayé le motif d’opposition fondé sur l’article 30 et l’alinéa 38(2)(a), en attirant l’attention du Registraire sur les passages de l’affidavit de M. Pittas à l’effet que la demanderesse n’est pas l’autorité qui délivre les licences pour l’usage de la Marque.  Il n’en demeure pas moins que le Registraire avait en main toute la preuve lui permettant de tirer cette conclusion.  Cette preuve existait dans les trois dossiers, puisqu’encore une fois elle émanait de la partie demanderesse elle-même.  Dans ces circonstances, il lui était loisible (et je dirais même qu’il se devait) de conclure comme il l’a fait sur ce point dans les trois dossiers. 

 

[35]           D’autre part, la demanderesse a fait valoir que le Registraire avait erré en considérant les représentations orales des Producteurs laitiers et du Comité des fromages ayant exactement la même portée que l’amendement qu’ils avaient en vain tenté d’apporter à leur motif d’opposition fondé sur l’article 2 et l’alinéa 38(2)(d) de la Loi.  La demanderesse souligne que le Registraire a non seulement accepté d’entendre ces représentations mais les a aussi retenues dans ses décisions finales, dans la mesure où il a maintenu les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 39(2)(a), 30(b) et 38(2)(d) et l’article 2 de la Loi.  Ce faisant, le Registraire aurait porté préjudice à la demanderesse, en permettant indirectement ce qu’il avait refusé en rejetant la requête pour amender les motifs d’opposition.

 

[36]           Si l’on fait abstraction de l’amendement rejeté par le Registraire et des représentations orales au même effet, poursuit la demanderesse, les motifs d’opposition invoqués par les défenderesses n’étaient pas indiqués suffisamment clairement pour permettre à la demanderesse d’y répondre, comme le requiert l’alinéa 38(3)(a) de la Loi.  Selon la demanderesse, les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 38(2)(a), 30(b) et 38(2)(d) ainsi que sur l’article 2 de la Loi ne traitent aucunement, même de façon oblique, de la substance de l’amendement rejetée par le Registraire.  En ne faisant pas allusion au paragraphe 23(2) de la Loi ou à l’absence de caractère distinctif de la Marque découlant du fait que les licences avaient été octroyées par un ministère autre que la partie demanderesse, cette dernière aurait été prise par surprise et n’a pu mettre en preuve devant le Registraire l’affidavit de M. Constantine qu’elle a déposé devant cette Cour.

 

[37]           Même en admettant que la norme de contrôle applicable soit celle de la décision correcte parce qu’il s’agit là de questions de droit qui ne relèvent pas de l’expertise particulière du Registraire, comme le soutient la demanderesse, je ne peux faire droit à ses arguments, essentiellement pour les motifs exposés plus haut en relation avec le premier moyen soulevé par la demanderesse.

 

[38]           Je tiens tout de suite à préciser que l’argument soulevé par les défenderesses à l’effet que l’amendement recherché ne faisait que préciser le motif d’opposition fondé sur les paragraphes 38(2)(d) et 2(d) de la Loi me paraît peu convaincant.  Y faire droit ferait en sorte que la forme l’emporterait sur le fond.  Il va de soi que le Registraire en serait également venu à la conclusion que cette modification était tardive si les défenderesses avaient tenté de l’introduire dans le cadre de leur opposition fondée sur le paragraphes 38(2)(a) et l’article 30 de la Loi.

 

[39]           Ceci étant dit, les Producteurs Laitiers et le Comité des fromages étaient en droit de faire valoir que l’autorité responsable de délivrer les licences autorisant l’emploi de la Marque en liaison avec des fromages fabriqués suivant la norme établie n’était pas la demanderesse mais bien un autre ministère du gouvernement chypriote, et ce même en l’absence de modification formelle des motifs d’opposition.  En décidant si la demanderesse avait satisfait à son fardeau de démontrer que sa demande d’enregistrement est conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi, le Registraire se devait de tenir compte du libellé précis qu’avaient utilisé les opposantes dans leur déclaration d’opposition.

 

[40]           Or, le premier motif d’opposition fondé sur le paragraphe 38(2) et l’article 30 spécifiait que la Marque n’avait pas été employée « comme marque de certification ».  Les dispositions relatives à la marque de certification se trouvent aux articles 23 à 25 de la Loi.  Tel que prévu au paragraphe 23(1) de la Loi, une marque de certification ne peut être adoptée et déposée que par une personne qui ne se livre pas, entre autres, à la fabrication ou  la vente de marchandises telles que celles pour lesquelles cette marque est employée.  Le paragraphe 23(2) dispose d’autre part que seul le propriétaire d’une marque de certification peut autoriser d’autres personnes à employer la marque en liaison avec des marchandises se conformant à la norme définie; dans un tel cas, l’emploi de la marque sera réputé en être l’emploi par le propriétaire. 

 

[41]           À la lecture de ces deux paragraphes de l’article 23, il apparaît donc clairement que l’identité de l’autorité habilitée à autoriser l’emploi de la Marque en liaison avec des fromages fabriqués suivant la norme établie était au cœur même des conditions requises pour déterminer si la Marque avait été employée au Canada comme marque de certification.  La demanderesse devait en effet établir qu’elle-même ou des personnes autorisées par elle avaient employé la Marque au Canada en liaison avec des fromages fabriqués selon la norme.  Dans la mesure où la demanderesse ne pouvait établir qu’elle avait l’autorité d’autoriser certains producteurs à utiliser la Marque, elle ne pouvait se prévaloir de la présomption mentionnée au paragraphe 23(2). 

 

[42]           Par conséquent, la demanderesse ne peut donc prétendre avoir été prise par surprise par les arguments des défenderesses.  La question de savoir si elle avait l’autorité légale de délivrer des permis d’utilisation de la Marque était inhérente à sa demande d’enregistrement et au concept de marque de certification.  Il n’était donc pas nécessaire de mentionner spécifiquement dans les motifs d’opposition que la demanderesse n’était pas habilitée à octroyer des permis d’utilisation de la Marque.  En soutenant que la demande d’enregistrement de la demanderesse ne satisfait pas à l’article 30 de la Loi parce que la Marque n’a pas été employée comme il est dit dans la demande d’enregistrement et qu’elle n’a pas employée comme marque de certification, les défenderesses m’apparaissent s’être conformées au paragraphe 38(3)(a) de la Loi et avoir donné suffisamment de détails à la demanderesse pour répondre à ce motif d’opposition.  Cela m’apparaît d’autant plus vrai que cette faille dans la demande d’enregistrement de la demanderesse pouvait être constatée par le Registraire à la lecture même de la preuve soumise par cette dernière, et plus précisément de l’affidavit souscrit par M. Pittas; dans ce contexte, il était loisible aux défenderesses d’attirer l’attention du Registraire sur cette question lors de l’audition.  Ce faisant, elles ne soulevaient pas un moyen nouveau mais ne faisaient que préciser l’un des motifs qu’elles avaient fait valoir.

 

[43]           Ceci étant, la demanderesse a produit devant cette Cour deux affidavits non-contredits de M. Aristos Constantine, conseiller commercial de la République de Chypre à New York.  Ces affidavits avaient clairement pour objet d’expliquer le fonctionnement interne du gouvernement chypriote eu égard à la responsabilité de superviser l’usage de la Marque, et visaient donc à combler les lacunes identifiées par le Registraire à ce chapitre. (voir extraits de la décision au paragraphe 15).

 

[44]           Les affidavits de M. Constantine me paraissent clairement constituer une preuve additionnelle qui aurait pu avoir un impact sur les conclusions du Registraire, et à ce titre, la Cour est justifiée d’en arriver à ses propres conclusions en ce qui concerne l’exactitude de la décision du Registraire.  La norme de contrôle sur cette question est donc celle de la décision correcte.

 

[45]           La preuve révèle sans ambiguïtés que les lois de la République chypriote désignent le Ministère du Commerce et de l’Industrie (le « Ministère ») comme le ministère responsable de superviser l’utilisation de la marque de certification Halloumi en relation avec le fromage.  D’autre part, le Ministère a délégué au Ministère de la Santé ainsi qu’aux fonctionnaires du département des services vétérinaires  la responsabilité de superviser le respect des normes de fabrication du fromage Halloumi.  Ces entités ne sont pas juridiquement distinctes du Ministère mais font toutes parties du gouvernement de la République de Chypre.  Les paragraphes suivants de l’affidavit de M. Constantine me paraissent des plus pertinents pour répondre aux interrogations soulevées par le Registraire dans sa décision :

7. The purpose of the present Affidavit is therefore to confirm that it is indeed the Ministry of Commerce and Industry of the Republic of Cyprus (hereinafter referred to as « The Ministry ») that is the authority that has been designated within the Government of Cyprus to be responsible for the supervision of the use of the certification mark HALLOUMI in association with cheese.

 

9. Pursuant to the Cyprus Standards and Control of Quality Laws of 1975 to 1996 (section 9), the Minister heading the Ministry was the only authority within the Government of Cyprus responsible for the designation, issuance and publication of the compulsory Standards for HALLOUMI cheese and for the appointment of officers authorized to control and/or inspect the proper implementation of said compulsory Standards. (…)  As we will see hereafter, the Department of Veterinary Services of the Ministry of Agriculture, Natural Resources and the Environment (hereinafter “The Veterinary Services”) and the Public Health Services of Department of Medical and Public Health Services of the Ministry of Health (hereinafter “the Public Health Services”) were afterwards appointed by the Minister heading the Ministry, under the Cyprus Standards and Control of Quality Laws of 1975 to 1996 to monitor, only, the implementation and compliance of the compulsory Standards for HALLOUMI cheese.

 

22. As it can be seen from the above, both the Veterinary Services and the Public Health Services control and certify the compliance with legal requirements that apply to all food products or animal food products and not specifically to HALLOUMI cheese.  One has to understand that a producer of HALLOUMI cheese could have received the relevant authorizations and licenses from the Public Health Services and/or the Veterinary Services, but would still not be entitled to use any longer the certification mark HALLOUMI because while his production facilities respect sanitary requirements and he is allowed to export his specific products, the cheese that it produces, can no longer qualify as HALLOUMI cheese because one or the other of the production criteria referred to in the Standards, is not respected.

 

23. As regards the compulsory Standards for the production of HALLOUMI cheese, the primary legal competence both for the issuing of the Standards and supervising the controls for compliance therewith belongs to the Minister heading the Ministry.  The Veterinary Services and the Public Health Services have competences in that respect only as a result of appointments made by the said Minister, to act on his behalf.

 

 

[46]           Ces allégués, qui s’appuient sur la législation et la réglementation pertinente jointes à l’affidavit de M. Constantine, me paraissent répondre entièrement aux interrogations exprimées par le Registraire dans ses motifs.  Encore une fois, les défenderesses n’ont pas jugé bon de contre-interroger M. Constantine, et son témoignage doit donc être tenu pour avéré.  Par conséquent, je suis d’avis que la preuve additionnelle justifie d’accueillir l’appel de la demanderesse dans les trois dossiers quant au motif d’opposition fondé sur l’article 30 de la Loi.  De plus, elle suffit pour renverser la conclusion du Registraire dans le dossier du Comité des fromages quant à la distinctivité de la Marque (articles 38(2)(d) et 2 de la Loi) puisque cette conclusion a été construite sur la même absence de preuve quant à l’autorité supervisant l’usage de la Marque.

 

C. Le Registraire a-t-il erré dans ses Conclusions Relatives à l’Enregistrabilité de la Marque en Vertu des Alinéas 38(2)(b) et 12(1)(e) et de l’Article 10 de la Loi?

 

[47]           La partie demanderesse a d’abord fait valoir que le Registraire avait erré en considérant que la date pertinente aux fins de déterminer si la Marque pouvait être enregistrée aux termes des alinéas 38(2)(b) et 12(1)(e) était celle de la décision du Registraire.  Tout en reconnaissant que cette date avait été plaidée par la demanderesse elle-même dans ses représentations écrites devant le Registraire, son procureur a souligné qu’une décision de cette Cour rendue le lendemain de l’audition devant le Registraire avait remis le choix de cette date en question.  Il a également argué que la décision de la Cour d’appel qui faisait autorité en la matière jusqu’à cette décision portait sur les oppositions où l’on invoquait l’alinéa 12(1)(e) en conjonction avec l’article 9(1)(n)(iii), et non en conjonction avec l’article 10 comme en l’espèce.

 

[48]           Ces arguments ne me paraissent pas pouvoir être retenus, et ce pour plusieurs raisons.  Je note tout d’abord que la demanderesse ne mentionne aucunement ce motif dans son avis d’appel de la décision rendue par le Registraire.  Pourtant, la Règle 301 stipule clairement, à son paragraphe (e), que le demandeur doit fournir un énoncé complet et concis des motifs invoqués au soutien de sa demande, avec mention de toute disposition législative ou règle applicable.  Même une lecture attentive de l’avis de demande ne permet pas de déduire ce motif de manière implicite, comme le soutient la demanderesse.  En pareille situation, la jurisprudence de la Cour est claire : un demandeur sera forclos d’avancer un argument qu’il n’a pas invoqué dans son avis de demande (voir, à titre d’exemple, Astrazeneca AB c. Apotex Inc., 2006 CF 7, [2006] F.C.J. No. 46 aux paras. 17-18).  Cet argument de la demanderesse doit donc être rejeté pour ce seul motif.

 

[49]           En tout état de cause, l’argument de la demanderesse ne saurait prévaloir même si la Cour acceptait de le considérer.  La décision de la Cour d’appel qui fait autorité sur cette question fixe la date pertinente comme étant celle de la décision du Registraire, et ne fait pas de distinction selon que le motif d’opposition est fondé sur l’alinéa 9(1)(n)(iii) ou sur l’article 10 : voir Association olympique canadienne c. Olympus Optical Co. (1991), 38 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.), pp. 3-4.  D’autre part, les propos du juge Harrington dans l’arrêt Scotch Whiskey c. Glenora Distillers International Ltd., 2008 CF 425, [2008] A.C.F. no 872 sur lesquels s’appuie le procureur de la demanderesse pour prétendre que la décision de la Cour d’appel ne fait plus autorité, m’apparaissent beaucoup trop sibyllins pour être interprétés de la sorte.  Tout au plus affirmait-il qu’il ne lui était pas nécessaire de débattre de cette question pour trancher l’affaire dont il était saisi :

Les éléments additionnels sont tels qu’il n’est pas nécessaire de méditer sur la date pertinente pour décider si la marque de commerce en cause donne une description claire ou une description fausse et trompeuse, ou au moment exact où une marque est devenue reconnue en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique.

 

 

[50]           Ce commentaire m’apparaît bien insuffisant pour soutenir que la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Olympus Optical, ci-dessus, ne doit plus être suivie, d’autant plus que cette Cour est liée par une décision de la Cour d’appel tant que cette dernière ne l’a pas elle-même réévaluée.

 

[51]           Sur le fond, la demanderesse a soutenu que le Comité des fromages ne s’était pas acquitté de son fardeau initial de preuve devant le Registraire.  Son procureur a fait valoir qu’il ne s’était appuyé que sur quelques emballages des fromages qu’auraient obtenus quatre témoins dans cinq magasins de détail au Québec et à Ottawa après avoir demandé des fromages « halloumi », ainsi que sur les chiffres de vente d’une fromagerie qui vend presque tout son fromage à un fournisseur qui lui-même en revend 40% à un seul commerce.  La demanderesse soutient également que la preuve n’établit pas si les inscriptions que l’on retrouve sur les emballages (LE BÉDOUIN, HALLOOM, CLIC HALLOOM, DORÉ-MI, HALOUMI) étaient utilisées comme marque de commerce ou en tant que type de fromage.  Enfin, la demanderesse a prétendu que le Registraire avait erré en considérant comme des admissions valides les témoignages, en contre-interrogatoire, de deux de ses témoins selon lesquels le terme « Halloum » ou « Halloumi » décrivent un type de fromage; ceci témoignerait d’une mauvaise interprétation de l’article 10 de la Loi et du concept de marque de certification tel que défini à l’article 2 de la Loi. 

 

[52]           Il convient tout d’abord de mentionner que la demanderesse n’a produit aucune preuve additionnelle relativement à ce motif d’opposition; par conséquent, et en conformité avec les remarques formulées précédemment au paragraphe 28 des présents motifs, la norme de contrôle applicable doit être celle de la décision raisonnable.

 

[53]           D’autre part, il est bien établi que l’opposante n’a qu’un fardeau de preuve initial : tout au plus doit-elle introduire une preuve suffisante permettant de conclure, prima facie, que le motif d’opposition s’appuie sur une base factuelle.  Lorsque l’opposante s’est déchargée de ce fardeau initial, il revient alors à la personne qui demande l’enregistrement d’une marque de convaincre le Registraire que les motifs d’opposition ne devraient pas être un obstacle à sa demande : voir, à titre d’illustration, Institut National des Appellations D’Origine  c. Vincor (Quebec) Inc. (2003), 32 C.P.R. (4th) 279 (C.O.M.C.).

 

[54]           Afin de rencontrer ce fardeau de preuve initial dans le cadre de son opposition fondée sur les paragraphes 38(2)(b) et 12(1)(e) et sur l’article 10 de la Loi, le Comité des fromages devait donc démontrer que la Marque (ou toute autre marque « dont la ressemblance avec la marque est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre », pour reprendre les termes de l’article 10) a largement été employée au Canada par des tiers avant la date pertinente pour désigner une sorte de fromage, et que la Marque signifie ou constitue une description acceptée dans l’industrie : voir Sealy Canada Ltd./Ltée. c. Simmons I.P. Inc. (2005), 47 C.P.R. (4th) 296, aux par. 35-37 (C.O.M.C.). 

 

[55]           J’estime que le Registraire a correctement identifié le fardeau de preuve de la défenderesse et, après avoir soigneusement examiné la preuve, je suis également d’avis que les faits portés à sa connaissance lui permettaient de conclure que la Marque, à la date où il a rendu sa décision, était devenue reconnue au Canada comme désignant une sorte de fromage.  Dans ses motifs, il rappelle en effet que la défenderesse doit, pour satisfaire à son fardeau de preuve, présenter une « preuve suffisante » pour démontrer que la Marque est devenue reconnue au Canada, et souligne par ailleurs que « nul ne pourrait prétendre au monopole sur un terme ou un mot en s’autorisant du fait qu’il s’agit d’une marque de certification, si la marque a été largement employée au Canada » par des tiers avant la date pertinente.  Cette façon d’aborder la preuve me paraît conforme en tous points à l’état du droit en la matière.

 

[56]           Le Comité des fromages a établi qu’il était possible de se procurer des fromages provenant de différentes sources et dont les emballages arboraient les noms HALLOOM, HALLOUM ou HALOUMI dans différentes villes du Québec et à Ottawa en 2002 et en 2003.  Le Comité des fromages a également mis en preuve le fait que plusieurs producteurs canadiens ont vendu au Canada des quantités substantielles de fromage désigné comme HALLOOM depuis 1995.   Enfin, plusieurs intervenants dans l’industrie ont témoigné à l’effet que le terme « halloumi » désigne une sorte de fromage et qu’il est employé génériquement.

 

[57]           À mon avis, la conclusion du Registraire est raisonnable compte tenu de la preuve qui était devant lui.  Le Comité des fromages s’est en effet déchargé de son fardeau initial consistant à établir que le terme « halloumi », ou des termes dont la ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre, a été largement utilisé au Canada par des tiers pour désigner une sorte de fromage.  Sur la base de cette preuve, le Registraire pouvait conclure que le terme « halloumi » ne pouvait être réservé à l’usage exclusif d’une seule personne ou entité.  Sa décision, pour reprendre les termes de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 (au paragraphe 47), relevait des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[58]           La demanderesse a tenté devant cette Cour de remettre en question l’appréciation du Registraire en s’attaquant à l’étendue géographique où la Marque est reconnue, et en minimisant l’ampleur des chiffres de vente.  Or, tel que mentionné précédemment, le critère applicable n’est pas quantitatif mais bien qualitatif.  Ce que les opposantes devaient établir, c’est que le terme « halloumi » faisait l’objet d’une large reconnaissance dans l’industrie en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique.  Encore une fois, la preuve dont le Registraire disposait l’autorisait à maintenir ce motif d’opposition.

 

[59]           D’autre part, les Producteurs Laitiers ont également fait valoir que le Registraire avait erré en rejetant ce même motif d’opposition dans leur dossier.  Je suis d’accord avec la défenderesse qu’elle pouvait s’autoriser de l’appel logé à l’encontre de la décision par la demanderesse pour faire valoir tous les arguments de faits ou de droit à l’encontre des motifs du Registraire.  En effet, elle ne pouvait se pourvoir elle-même en appel de la décision, dans la mesure où un appel ne peut porter que sur la décision contestée et non sur les motifs qui la sous-tendent : voir Rogerville c. Canada (Comité d'appel de la commission de la fonction publique), 2001 CAF 142, [2001] A.C.F. no 692;   GKO Engineering c. Canada, 2001 CAF 73, [2001] A.C.F. no 369; Canada (Procureur Général) c. Pépin, 2006 CF 950, [2006] A.C.F. no 1209.

 

[60]           Ceci étant dit, j’estime que le Registraire pouvait raisonnablement conclure que la preuve soumise dans ce dossier n’était pas suffisante pour établir que la Marque est devenue reconnue au Canada en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique comme désignant un type de fromage.  Le Registraire a soigneusement examiné la preuve soumise par les Producteurs Laitiers, et il a expliqué pourquoi elle lui paraissait déficiente pour soutenir leurs prétentions à l’effet que la Marque enfreignait l’article 10 de la Loi.  Je note d’ailleurs que les procureurs de cette défenderesse n’ont pas vigoureusement fait valoir ce moyen lors de l’audition devant cette Cour.  Bref, rien ne justifierait que la Cour intervienne à ce chapitre.

 

[61]           En conclusion, j’accueillerais donc les appels de la demanderesse dans les dossiers des Producteurs Laitiers (T-1203-08) et d’Agropur (T-1204-08), compte tenu de la preuve additionnelle qu’elle a soumise eu égard à la conformité de la demande d’enregistrement aux articles 38(2)(a) et 30(b) de la Loi.  J’accueillerais également l’appel de la demanderesse sur cette même base dans le dossier du Comité des fromages (T-1205-08).  En revanche, l’appel de la demanderesse est rejeté dans ce dernier dossier en ce qui concerne l’enregistrabilité de la Marque.  Étant donné qu’un seul motif d’opposition suffit à faire rejeter la demande d’enregistrement de la demanderesse, cette demande d’enregistrement ne pourra être rétablie.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que les appels soient accueillis dans les dossiers T-1203-08 et T-1204-08, et que l’appel soit rejeté dans le dossier T-1205-08.  La demanderesse a droit aux dépens dans le dossier T-1203-08, tandis que la défenderesse International Cheese Council of Canada a droit aux dépens dans le dossier T-1205-08.  La défenderesse Agropur Coopérative Agro-Alimentaire s’étant désistée, il n’y aura pas de frais dans le dossier T-1204-08.

 

« Yves de Montigny »

Juge

 


ANNEXE : DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES DE LA LOI SUR LES MARQUES DE COMMERCE

 

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

[...]

 

« distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d’autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

 

 

[…]

 

 « marque de certification » Marque employée pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises ou services qui sont d’une norme définie par rapport à ceux qui ne le sont pas, en ce qui concerne :

 

a) soit la nature ou qualité des marchandises ou services;

 

b) soit les conditions de travail dans lesquelles les marchandises ont été produites ou les services exécutés;

 

c) soit la catégorie de personnes qui a produit les marchandises ou exécuté les services;

 

 

d) soit la région à l’intérieur de laquelle les marchandises ont été produites ou les services exécutés.

 

 

10. Si une marque, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, devient reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine ou la date de production de marchandises ou services, nul ne peut l’adopter comme marque de commerce en liaison avec ces marchandises ou services ou autres de la même catégorie générale, ou l’employer d’une manière susceptible d’induire en erreur, et nul ne peut ainsi adopter ou employer une marque dont la ressemblance avec la marque en question est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre.

 

12. (1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

 

[…]

 

e) elle est une marque dont l’article 9 ou 10 interdit l’adoption;

 

23. (1) Une marque de certification ne peut être adoptée et déposée que par une personne qui ne se livre pas à la fabrication, la vente, la location à bail ou le louage de marchandises ou à l’exécution de services, tels que ceux pour lesquels la marque de certification est employée.

 

 (2) Le propriétaire d’une marque de certification peut autoriser d’autres personnes à employer la marque en liaison avec des marchandises ou services qui se conforment à la norme définie, et l’emploi de la marque en conséquence est réputé en être l’emploi par le propriétaire.

 

 (3) Le propriétaire d’une marque de certification déposée peut empêcher qu’elle soit employée par des personnes non autorisées ou en liaison avec des marchandises ou services à l’égard desquels cette marque est déposée, mais auxquels l’autorisation ne s’étend pas.

 

 (4) Lorsque le propriétaire d’une marque de certification déposée est un organisme non constitué en personne morale, une action ou procédure en vue d’empêcher l’emploi non autorisé de cette marque peut être intentée par tout membre de cet organisme en son propre nom et pour le compte de tous les autres membres.

 

30. Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

 

a) un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des marchandises ou services spécifiques en liaison avec lesquels la marque a été employée ou sera employée;

 

b) dans le cas d’une marque de commerce qui a été employée au Canada, la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, ont ainsi employé la marque de commerce en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande;

 

c) dans le cas d’une marque de commerce qui n’a pas été employée au Canada mais qui est révélée au Canada, le nom d’un pays de l’Union dans lequel elle a été employée par le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, et la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs l’ont fait connaître au Canada en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande, ainsi que la manière dont ils l’ont révélée;

 

d) dans le cas d’une marque de commerce qui est, dans un autre pays de l’Union, ou pour un autre pays de l’Union, l’objet, de la part du requérant ou de son prédécesseur en titre désigné, d’un enregistrement ou d’une demande d’enregistrement sur quoi le requérant fonde son droit à l’enregistrement, les détails de cette demande ou de cet enregistrement et, si la marque n’a été ni employée ni révélée au Canada, le nom d’un pays où le requérant ou son prédécesseur en titre désigné, le cas échéant, l’a employée en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande;

 

e) dans le cas d’une marque de commerce projetée, une déclaration portant que le requérant a l’intention de l’employer, au Canada, lui-même ou par l’entremise d’un licencié, ou lui-même et par l’entremise d’un licencié;

 

f) dans le cas d’une marque de certification, les détails de la norme définie que l’emploi de la marque est destiné à indiquer et une déclaration portant que le requérant ne pratique pas la fabrication, la vente, la location à bail ou le louage de marchandises ou ne se livre pas à l’exécution de services, tels que ceux pour lesquels la marque de certification est employée;

 

g) l’adresse du principal bureau ou siège d’affaires du requérant, au Canada, le cas échéant, et si le requérant n’a ni bureau ni siège d’affaires au Canada, l’adresse de son principal bureau ou siège d’affaires à l’étranger et les nom et adresse, au Canada, d’une personne ou firme à qui tout avis concernant la demande ou l’enregistrement peut être envoyé et à qui toute procédure à l’égard de la demande ou de l’enregistrement peut être signifiée avec le même effet que si elle avait été signifiée au requérant ou à l’inscrivant lui-même;

 

 

h) sauf si la demande ne vise que l’enregistrement d’un mot ou de mots non décrits en une forme spéciale, un dessin de la marque de commerce, ainsi que le nombre, qui peut être prescrit, de représentations exactes de cette marque;

 

i) une déclaration portant que le requérant est convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises ou services décrits dans la demande.

 

 

38. (1) Toute personne peut, dans le délai de deux mois à compter de l’annonce de la demande, et sur paiement du droit prescrit, produire au bureau du registraire une déclaration d’opposition.

 

 

 (2) Cette opposition peut être fondée sur l’un des motifs suivants :

 

a) la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30;

 

 

b) la marque de commerce n’est pas enregistrable;

 

c) le requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement;

 

d) la marque de commerce n’est pas distinctive.

 

56. (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l’avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l’expiration des deux mois.

 

 (2) L’appel est interjeté au moyen d’un avis d’appel produit au bureau du registraire et à la Cour fédérale.

 

 

 (3) L’appelant envoie, dans le délai établi ou accordé par le paragraphe (1), par courrier recommandé, une copie de l’avis au propriétaire inscrit de toute marque de commerce que le registraire a mentionnée dans la décision sur laquelle porte la plainte et à toute autre personne qui avait droit à un avis de cette décision.

 

 

 (4) Le tribunal peut ordonner qu’un avis public de l’audition de l’appel et des matières en litige dans cet appel soit donné de la manière qu’il juge opportune.

 

 

(5) Lors de l’appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

 

 

59. (1) Lorsqu’un appel est porté sous le régime de l’article 56 par la production d’un avis d’appel, ou qu’une demande est faite selon l’article 57 par la production d’un avis de requête, l’avis indique tous les détails des motifs sur lesquels la demande de redressement est fondée.

 

 (2) Toute personne à qui a été signifiée une copie de cet avis, et qui entend contester l’appel ou la demande, selon le cas, produit et signifie, dans le délai prescrit ou tel nouveau délai accordé par le tribunal, une réplique indiquant tous les détails des motifs sur lesquels elle se fonde.

2. In this Act,

 

 

 

“distinctive”, in relation to a trade-mark, means a trade-mark that actually distinguishes the wares or services in association with which it is used by its owner from the wares or services of others or is adapted so to distinguish them;

 

 

 

 

“certification mark” means a mark that is used for the purpose of distinguishing or so as to distinguish wares or services that are of a defined standard with respect to

 

 

 

(a) the character or quality of the wares or services,

 

(b) the working conditions under which the wares have been produced or the services performed,

 

(c) the class of persons by whom the wares have been produced or the services performed, or

 

(d) the area within which the wares have been produced or the services performed,

from wares or services that are not of that defined standard;

 

10. Where any mark has by ordinary and bona fide commercial usage become recognized in Canada as designating the kind, quality, quantity, destination, value, place of origin or date of production of any wares or services, no person shall adopt it as a trade-mark in association with such wares or services or others of the same general class or use it in a way likely to mislead, nor shall any person so adopt or so use any mark so nearly resembling that mark as to be likely to be mistaken therefor.

 

 

 

 

 

12. (1) Subject to section 13, a trade-mark is registrable if it is not

 

 

 

(e) a mark of which the adoption is prohibited by section 9 or 10;

 

23. (1) A certification mark may be adopted and registered only by a person who is not engaged in the manufacture, sale, leasing or hiring of wares or the performance of services such as those in association with which the certification mark is used.

 

 

(2) The owner of a certification mark may license others to use the mark in association with wares or services that meet the defined standard, and the use of the mark accordingly shall be deemed to be use thereof by the owner.

 

 

 

(3) The owner of a registered certification mark may prevent its use by unlicensed persons or in association with any wares or services in respect of which the mark is registered but to which the licence does not extend.

 

 

 

 

(4) Where the owner of a registered certification mark is an unincorporated body, any action or proceeding to prevent unauthorized use of the mark may be brought by any member of that body on behalf of himself and all other members thereof.

 

 

 

30. An applicant for the registration of a trade-mark shall file with the Registrar an application containing

 

 

(a) a statement in ordinary commercial terms of the specific wares or services in association with which the mark has been or is proposed to be used;

 

(b) in the case of a trade-mark that has been used in Canada, the date from which the applicant or his named predecessors in title, if any, have so used the trade-mark in association with each of the general classes of wares or services described in the application;

 

 

 

(c) in the case of a trade-mark that has not been used in Canada but is made known in Canada, the name of a country of the Union in which it has been used by the applicant or his named predecessors in title, if any, and the date from and the manner in which the applicant or named predecessors in title have made it known in Canada in association with each of the general classes of wares or services described in the application;

 

 

(d) in the case of a trade-mark that is the subject in or for another country of the Union of a registration or an application for registration by the applicant or the applicant’s named predecessor in title on which the applicant bases the applicant’s right to registration, particulars of the application or registration and, if the trade-mark has neither been used in Canada nor made known in Canada, the name of a country in which the trade-mark has been used by the applicant or the applicant’s named predecessor in title, if any, in association with each of the general classes of wares or services described in the application;

 

(e) in the case of a proposed trade-mark, a statement that the applicant, by itself or through a licensee, or by itself and through a licensee, intends to use the trade-mark in Canada;

 

 

 

(f) in the case of a certification mark, particulars of the defined standard that the use of the mark is intended to indicate and a statement that the applicant is not engaged in the manufacture, sale, leasing or hiring of wares or the performance of services such as those in association with which the certification mark is used;

 

 

 

(g) the address of the applicant’s principal office or place of business in Canada, if any, and if the applicant has no office or place of business in Canada, the address of his principal office or place of business abroad and the name and address in Canada of a person or firm to whom any notice in respect of the application or registration may be sent, and on whom service of any proceedings in respect of the application or registration may be given or served with the same effect as if they had been given to or served on the applicant or registrant himself;

 

(h) unless the application is for the registration only of a word or words not depicted in a special form, a drawing of the trade-mark and such number of accurate representations of the trade-mark as may be prescribed; and

 

(i) a statement that the applicant is satisfied that he is entitled to use the trade-mark in Canada in association with the wares or services described in the application.

 

 

 

38. (1) Within two months after the advertisement of an application for the registration of a trade-mark, any person may, on payment of the prescribed fee, file a statement of opposition with the Registrar.

 

(2) A statement of opposition may be based on any of the following grounds:

 

(a) that the application does not conform to the requirements of section 30;

 

(b) that the trade-mark is not registrable;

 

(c) that the applicant is not the person entitled to registration of the trade-mark; or

 

(d) that the trade-mark is not distinctive.

 

56. (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.

 

 

(2) An appeal under subsection (1) shall be made by way of notice of appeal filed with the Registrar and in the Federal Court.

 

(3) The appellant shall, within the time limited or allowed by subsection (1), send a copy of the notice by registered mail to the registered owner of any trade-mark that has been referred to by the Registrar in the decision complained of and to every other person who was entitled to notice of the decision.

 

 

(4) The Federal Court may direct that public notice of the hearing of an appeal under subsection (1) and of the matters at issue therein be given in such manner as it deems proper.

 

(5) On an appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar.

 

59. (1) Where an appeal is taken under section 56 by the filing of a notice of appeal, or an application is made under section 57 by the filing of an originating notice of motion, the notice shall set out full particulars of the grounds on which relief is sought.

 

 

(2) Any person on whom a copy of the notice described in subsection (1) has been served and who intends to contest the appeal or application, as the case may be, shall file and serve within the prescribed time or such further time as the court may allow a reply setting out full particulars of the grounds on which he relies.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1203-08, T-1204-05 and T-1205-08

 

INTITULÉ :                                       The Ministry of Commerce and Industry of the Republic of Cyprus c. Les Producteurs Laitiers du Canada et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               April 19, 2010

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :              LE JUGE de MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                      30 juin 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

François Guay

 

POUR LE DEMANDEUR

François Grenier

Catherine Daigle

 

POUR LES DÉFENDEURS,

LES PRODUCTEURS LAITIERS DU CANADA et INTERNATIONAL CHEESE COUNCIL OF CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

François Guay

SMART & BIGGAR

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

François Grenier et Catherine Daigle

LÉGER ROBIC RICHARD, LLP

Montréal (Québec)

 

POUR LES DÉFENDEURS,

LES PRODUCTEURS LAITIERS DU CANADA et INTERNATIONAL CHEESE COUNCIL OF CANADA

Greg Moore

GOUDREAU GAGE DUBUC, LLP

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR,

AGROPUR COOPERATIVE AGRO-ALIMENTAIRE

                                                                             

 

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