Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100630

Dossier : T-1088-08

Référence : 2010 CF 713

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 juin 2010

En présence de monsieur le juge Lemieux

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT LA COMMISSION CANADIENNE

DES DROITS DE LA PERSONNE

ET UNE DÉCISION RENDUE EN VERTU DU

PARAGRAPHE 41(1) ET DE L’ALINÉA 44(3)B) DE LA

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

 

 

 

ENTRE :

WILLIAM VOS

demandeur

et

LA COMPAGNIE DES CHEMINS

DE FER NATIONAUX DU CANADA

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction et contexte

[1]               Le sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R. 1985, ch. H-6 (la Loi) permet à la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP), sur réception d’un rapport d’enquête, de « rejet[er] la plainte, si elle est convaincue […] que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle-ci n’est pas justifié ». Le 2 juin 2008, la CCDP a rejeté la plainte du demandeur datée du 3 octobre 2005 pour les deux motifs suivants, lesquels sont pertinents à l’égard de la présente demande de contrôle judiciaire, qui conteste cette décision :

                        [traduction]

·                    Il ressort de la preuve que le plaignant n’avait pas droit à des prestations d’invalidité pendant qu’il ne travaillait pas activement, conformément aux dispositions de l’ensemble des prestations supplémentaires de chômage améliorées qu’il avait choisi;

·                    La preuve n’établit pas que la défenderesse applique des lignes de conduite qui sont discriminatoires à l’endroit des employés atteints d’une déficience qui touchent des prestations de sécurité d’emploi.

 

[2]                L’avocat de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) soutient que la plainte du demandeur se prête le mieux à une analyse menée en vertu de l’article 10 de la Loi et, en substance, c’est sur le fondement de cette disposition-là, plutôt que de l’article 7, que le rapport d’enquête a été établi (voir la transcription des plaidoiries aux pages 69 et 79). Je souscris à cette observation, et le texte de l’article 10 de la Loi est le suivant :

Lignes de conduite discriminatoires

 

10. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

 

a) de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;

 

b) de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

 

 

 

 

 

 

[Non souligné dans l’original.]

 

Discriminatory policy or practice

 

10. It is a discriminatory practice for an employer, employee organization or organization of employers

 

 

 

 

 

 

 

 

(a) to establish or pursue a policy or practice, or

 

(b) to enter into an agreement affecting recruitment, referral, hiring, promotion, training, apprenticeship, transfer or any other matter relating to employment or prospective employment, that deprives or tends to deprive an individual or class of individuals of any employment opportunities on a prohibited ground of discrimination.

 

[Emphasis added]

[3]               William Vos, qui se représente lui-même, a travaillé pour le CN de 1982-1983 à juin 2001, date à laquelle il a été mis à pied à titre d’inspecteur de matériel remorqué. En octobre 2004, il a été licencié du CN, conformément aux dispositions de l’Accord de sécurité d’emploi et de revenu conclu entre le CN et le Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada, section locale 100 (l’Accord de SE). L’option qu’il a choisie était l’ensemble des prestations supplémentaires de chômage améliorées (PSCA). En février 2005, M. Vos a été réembauché par le CN pour travailler auprès de la compagnie BC Rail, filiale dont le CN venait de faire récemment l’acquisition, d’abord à titre d’apprenti et ensuite, s’il répondait aux conditions requises, ce qui a été le cas, à titre de mécanicien de machinerie lourde à temps plein. C’est ce poste qu’il occupe à l’heure actuelle. Cependant, lorsque le CN l’a licencié en octobre 2004, il a perdu 23 années d’ancienneté, des droits à congé annuel améliorés et des prestations d’assurance-maladie complémentaires et il lui a fallu débuter un nouveau régime de retraite. La réparation qu’il dit vouloir obtenir dans son exposé des arguments est le rétablissement des droits en matière d’emploi qu’il a perdus en étant licencié (voir l’exposé des arguments modifié, déposé le 29 octobre 2009 à la suite d’une ordonnance demandée, paragraphe 10; voir aussi le dossier certifié du tribunal, page 22, 4e paragraphe).

 

[4]               Aux termes de l’Accord de SE, les conditions suivantes s’appliquaient :

                                       i.                              Les prestations faisant partie de l’ensemble de PSCA (principalement un pourcentage de son salaire) avaient une durée de trois ans;

                                     ii.                              M. Vos devait être disponible pour un rappel au travail. S’il était rappelé pour travailler temporairement au CN (ce qui a été le cas pour deux brèves périodes, en 2001 et en 2002) ou s’il obtenait un travail temporaire auprès d’un autre employeur (ce qui n’a pas été le cas), le paiement des PSCA serait suspendu pendant qu’il touchait un salaire, mais il reprendrait quand sa période de travail prendrait fin.

                                    iii.                              Si M. Voc n’était pas rappelé au travail ou s’il lui était impossible d’obtenir un travail auprès d’un autre employeur pendant une période continue de deux ans, et s’il avait touché des PSCA durant trois ans, le versement de ces dernières prendrait fin et le CN aurait le droit de le licencier. C’est ce qui est arrivé en octobre 2004.

                                   iv.                              Le fait de suspendre le versement des PSCA pendant que l’employé mis à pied travaillait avait pour effet pratique de repousser la date à laquelle il était possible de le licencier. Par exemple, un employé du CN touchant des PSCA qui était mis à pied le 1er juin 2001 et qui n’était pas rappelé ou se trouvait un autre travail pouvait être licencié le 1er juin 2004 parce que l’« horloge de la SE » tournait encore. Cependant, si cet employé trouvait du travail pendant un an, le CN ne pouvait pas le licencier avant le 1er juin 2005 parce que l’horloge de la GE aurait cessé de tourner durant cette période d’un an où il ne touchait pas de PSCA.

 

[5]               Durant le temps où il a touché des PSCA, M. Vos a été hospitalisé à deux reprises pour trouble bipolaire et dépression, soit du 24 novembre 2003 au mois de décembre 2003 et du 1er juillet 2004 au 4 août 2004. Il a soutenu qu’il avait été incapable de travailler entre le moment précédant sa première hospitalisation et le moment suivant l’obtention de son congé après sa seconde hospitalisation (soit une période d’environ 10 mois). Il n’a pas pu, dit-il, empêcher l’horloge de la GE de tourner.

 

[6]               Après avoir été licencié par le CN et réembauché par BC Rail, le 27 mai 2005 M. Vos a envoyé au CN une lettre concernant ses prestations de soins dentaires, lettre dans laquelle il a écrit que juste avant d’être licencié en octobre 2004, il venait tout juste de recevoir son congé de l’hôpital et qu’à cause des médicaments qu’il prenait il lui était impossible de prendre soin d’une grande part de ses affaires. Il a ajouté : [traduction] « [d]e plus, et malheureusement pour moi, à cause de ma déficience il m’a été impossible de prolonger la durée de mes prestations de SE en trouvant du travail à l’extérieur de la compagnie pendant les trois années où j’ai été mis à pied » (non souligné dans l’original). En outre, il a indiqué ce qui suit dans sa lettre :

[traduction]

Je crois que cet avantage additionnel que l’on offre aux employés, c’est-à-dire prolonger la durée de prestations de SE s’ils trouvent du travail à l’extérieur de la compagnie, est discriminatoire à l’endroit des personnes qui souffrent d’une déficience médicale. À cause de ma déficience mentale, il m’a été impossible de prolonger la durée de mes prestations de SE et, par la suite, on a cessé de me les verser en octobre 2004.

 

S’il n’y avait pas eu de coupure durant mon temps de service, mes prestations de soins dentaires se seraient poursuivies sans interruption. Je veux que mon temps de service soit considéré comme ininterrompu entre octobre 2004 et février 2005 afin que le versement de mes prestations se poursuive. J’apprécierais que l’on m’aide à régler ces problèmes.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[7]               Le 3 octobre 2005, M. Vos a déposé sa plainte auprès de la CCDP. Dans sa plainte, il a écrit ce qui suit :

[traduction]

Le 4 octobre 2004, j’a été licencié parce que j’avais épuisé mes prestations de SE. Je crois que la politique de SE qu’applique le CN est discriminatoire, et je me suis plaint de ce licenciement avec peu de résultats. Je suis retourné au travail à titre de nouvel employé le 14 février 2005, ce qui m’a fait perdre 23 années de service, des droits à congé annuel ainsi que des prestations d’assurance-maladie complémentaires, et il a fallu que je commence un nouvel emploi. À cause de ma maladie, il m’a été impossible de trouver du travail à l’extérieur de la compagnie et de prolonger ainsi le versement de mes prestations de SE au-delà de trois ans, ce qui m’aurait permis de couvrir la période s’étendant entre mon licenciement, le 7 octobre 2004, et mon rappel au travail, le 14 février 2005, et de préserver l’ensemble de mes prestations, de mon ancienneté et de mes droits à congé annuel, de même qu’un crédit pour les vacances de six semaines que j’avais prises au cours de ma période de SE.

 

Je crois que la politique de SE du CN est discriminatoire à l’endroit des personnes atteintes d’une déficience ou d’une maladie susceptible de limiter ou de restreindre leur capacité à prolonger la durée de leur emploi. Je crois de plus que les personnes atteintes d’une déficience ou d’une maladie n’ont pas la même possibilité de prolonger la durée de leurs prestations que les employés qui sont physiquement aptes.

 

                        [Non souligné dans l’original.]

 

[8]               En février 2006, la CCDP a décidé de ne pas étudier la plainte du demandeur parce que celui-ci n’avait pas épuisé les procédures de grief ou d’examen dont il disposait. La CCDP a repris l’examen de la plainte en mai 2007 au moment de la nomination d’un enquêteur – une enquêteure, en l’occurrence – qui a interrogé au téléphone M. Vos les 10 et 11 décembre 2007 et qui a interrogé au téléphone Mme Patricia Payne, gestionnaire des ressources humaines au CN, le 21 décembre 2007, ainsi que le 14 janvier et le 11 février 2008. Le directeur des ressources humaines du CN, M. Douglas Fisher, a été interrogé le 14 janvier 2008. L’enquêteure a établi un rapport préliminaire et a invité les parties à lui faire part de leurs commentaires. Selon le dossier certifié du tribunal (DCT), M. Vos a transmis ses commentaires par écrit à l’enquêteure, mais pas le CN. Le 12 février 2008, l’enquêteure a remis à la CCDP son rapport, dans lequel elle a recommandé, conformément au sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi, que la plainte de M. Vos soit rejetée. Au début de son rapport, elle a indiqué que les dispositions législatives applicables étaient les articles 7 et 10 de la Loi.

 

II.         Le régime législatif applicable

[9]               Avant de passer au résumé du rapport de l’enquêteure, il est utile de garder à l’esprit les articles 7, 10 et 15 de la Loi, dont j’annexe le texte, dans les deux langues officielles, aux présents motifs.

 

[10]           L’alinéa 44(3)b) de la Loi, sur lequel la CCDP s’est fondée pour rejeter la plainte de M. Vos, est le suivant :

Rapport

 

44. 3) Sur réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

 

[…]

 

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

 

 

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle-ci n’est pas justifié,

 

 

(ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l’un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

 

[Non souligné dans l’original.]

Report

 

44. (3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

 

[…]

 

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

 

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

 

(ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).

 

[Emphasis added]

 

III.       Le rapport de l’enquêteure

[11]           Sous la rubrique [traduction] « Plainte », l’enquêteure a soulevé quatre questions. Il suffit de traiter deux d’entre elles, que je juge pertinentes :

[traduction]

A.                 Si la défenderesse a refusé de prendre des mesures destinées à répondre aux besoins du plaignant, qui était atteint d’une déficience (trouble bipolaire et dépression), ce qui a donné lieu à la cessation prématurée de son emploi, et si elle a ensuite omis de porter au crédit du plaignant sa période de service antérieure lorsqu’elle l’a réembauché six mois plus tard.

 

B.                 Si la défenderesse applique ou non des lignes de conduite qui sont discriminatoires à l’endroit des employés atteints d’une déficience qui touchent des prestations de sécurité d’emploi.

 

[12]           Sous la rubrique [traduction] « Processus d’enquête », l’enquêteure décrit quatre étapes qui ont été suivies dans l’enquête menée sur la plainte. Seules les étapes 2 et 3 sont pertinentes en l’espèce, et il s’agit des suivantes :

[traduction]

Étape 2 :

 

3.         L’enquête vérifiera si l’allégation du plaignant, à savoir que l’employeur a omis de prendre des mesures d’accommodement, est justifiée, et ce, en examinant les questions suivantes :

      a.   le plaignant avait-il besoin de mesures d’accommodement pour des motifs liés à un ou plusieurs motifs de distinction illicites?

      b.   le plaignant a-t-il fait part à la défenderesse de son besoin de mesures d’accommodement, ou la défenderesse, dans les circonstances, aurait-elle dû savoir que le plaignant avait besoin de telles mesures?;

      c.   le plaignant a-t-il collaboré avec la défenderesse dans la recherche de mesures d’accommodement?

      d.   la demande de mesures d’accommodement a-t-elle été refusée?

 

Étape 3 :

 

4.                  Suivant la conclusion tirée par l’enquêteure à l’étape 2, l’enquête pourra également porter sur les questions suivantes :

a.   la défenderesse se fonde-t-elle sur une politique, une règle, une pratique ou une norme pour refuser de prendre des mesures d’accommodement?

b.   une politique, une règle, une pratique ou une norme a-t-elle été adoptée pour un motif qui est logiquement lié à l’exécution du travail, et ce, en prenant en considération les questions suivantes :

i.                     quel est le but de la politique?

ii.                   à quel aspect du travail cette politique est-elle expressément liée?

c.       la politique, la règle, la pratique ou la norme repose-t-elle sur une conviction honnête et de bonne foi selon laquelle elle est nécessaire à l’atteinte de ce but professionnel légitime, et ce, en prenant en considération les questions suivantes :

i.                     comment la politique, la règle, la pratique ou la norme a-t-elle pris naissance?

ii.                   quelles autres options ont été prises en considération et rejetées? Pourquoi?

d.      la politique, la règle, la pratique ou la norme est-elle raisonnablement nécessaire pour atteindre le but professionnel légitime, et ce, en prenant en considération les questions suivantes :

i.          quels efforts a-t-on fait pour prendre des mesures          d’accommodement?

ii.          ressort-il de la preuve qu’il est impossible de répondre aux mesures d’accommodement dont le plaignant a besoin sans contrainte excessive, en tenant compte des facteurs du coût, ou du risque pour la santé et la sécurité?

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[13]           Je présente ci-après les principales conclusions et réponses de l’enquêteure, relativement aux questions qui, selon elle, étaient pertinentes.

 

A. Étape 2

[14]           Sous la rubrique [traduction] « L’enquête », l’enquêteure a exposé ses conclusions et répondu comme suit à la question : [traduction] « le plaignant avait-il besoin de mesures d’accommodement pour un motif lié à une déficience? »

[traduction]

Conclusions :

 

22.       Le plaignant a déclaré qu’il avait besoin de mesures d’accommodement sous la forme de prestations d’invalidité parce que il lui avait été impossible de travailler pour cause de trouble bipolaire et de dépression pendant la période approximative de novembre 2003 à août 2004. Le plaignant n’a pas de documents médicaux pour étayer sa position, mais il déclare qu’il peut en obtenir s’il le faut.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[15]           À la question posée à l’étape 2 : [traduction] « le plaignant a-t-il fait part à la défenderesse de son besoin de mesures d’accommodement, ou la défenderesse, dans les circonstances, aurait-elle dû savoir que le plaignant avait besoin de telles mesures? », l’enquêteure est arrivée à la conclusion suivante :

[traduction]

38.       Le plaignant dit avoir informé Mme Payne de sa déficience et avoir demandé des prestations de maladie/d’invalidité lors d’une conversation téléphonique qui a eu lieu en novembre ou en décembre 2003. Il ajoute lui avoir dit qu’il n’avait pas droit à des prestations de maladie/d’invalidité parce qu’il touchait à l’époque des prestations de SE. Il n’a pas obtenu ou fourni de documents médicaux concernant les mesures d’accommodement dont il avait besoin pour la période de novembre 2003 à août 2004 parce que Mme Payne lui a dit qu’il n’avait pas droit à des prestations. Il déclare ne pas avoir informé la défenderesse qu’il avait besoin de prestations d’invalidité après la discussion qu’il a eue en 2003 avec Mme Payne de peur que la défendresse ne le rappelle pas au travail si une telle occasion se présentait.

 

39.       Mme Payne déclare que le plaignant ne l’a pas informée qu’il était malade ou avait besoin de prestations d’invalidité et que, contrairement à ce qu’il allègue, elle ne lui a pas dit qu’il n’avait pas droit à des prestations. Elle ajoute que si le plaignant l’avait informé qu’il se trouvait dans l’impossibilité de travailler à cause d’une invalidité, elle lui aurait dit de présenter une demande de prestations d’invalidité, comme elle l’aurait fait pour un employé qui travaillait.

 

40.       Aucune preuve documentaire ne montre que la défenderesse était au courant de la déficience du plaignant, des mesures d’accommodement dont il avait besoin ou de son incapacité à travailler pendant qu’il touchait des prestations de SE.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[16]           Les deux dernières questions posées à l’étape 2, ainsi que leurs réponses, sont les suivantes :

A.        Le plaignant a-t-il collaboré avec la défenderesse dans la recherche de mesures d’accommodement?

            Réponse : [traduction] Cette question n’est pas en litige. Ce qui est en litige, c’est le fait de savoir si le plaignant a informé ou non la défenderesse qu’il était nécessaire de prendre des mesures d’accommodement.

B.                 La demande de mesures d’accommodement a-t-elle été refusée?

Réponse : [traduction] Cette question n’est pas en litige. Ce qui est en litige, c’est le fait de savoir si le plaignant a informé ou non la défenderesse qu’il était nécessaire de prendre des mesures d’accommodement.

 

B. Étape 3

[17]           L’étape 3 de l’enquêteure est intitulée [traduction] « Politique » et la question que cette dernière a formulée est la suivante : [traduction] « la défenderesse s’est-elle fondée sur une politique, une règle, une pratique ou une norme pour refuser de prendre des mesures d’accommodement, ou la politique n’est-elle jamais devenue applicable à sa situation particulière? » L’enquêteure a formulé cette question en tenant pour acquis que la position de M. Vos à ce sujet était la suivante :

[traduction]

Le plaignant allègue que la politique de la défenderesse est discriminatoire à l’égard des employés qui tombent malades pendant la période où ils touchent des prestations de SE parce que rien n’est prévu pour que ces employés aient accès à des prestations d’invalidité et pour que le versement de leurs prestations de SE soit mis en suspens pendant qu’ils touchent de telles prestations.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[18]           L’enquêteure a ensuite décrit les entretiens qu’elle a eus avec deux représentants du CN (Mme Payne et M. Fisher) et elle est arrivée à la conclusion suivante :

 

[traduction]

Il ressort de la preuve que Mme Payne, le point de contact aux Ressources humaines pour le plaignant, croyait que ce dernier aurait eu droit à des prestations d’invalidité pendant la période où il touchait des prestations de SE s’il en avait fait la demande et s’il répondait aux exigences médicales fixées par l’assureur de la défenderesse. Mme Payne déclare que si le plaignant lui avait fait part de sa situation ou avait demandé des renseignements sur les prestations d’invalidité, elle lui aurait fourni les informations voulues.

 

Il ressort également de la preuve que Mme Payne avait tort. Le plaignant n’avait pas droit à des prestations d’invalidité pendant la période où il ne travaillait pas activement. Cependant, cette politique n’a pas été invoquée comme motif pour refuser de prendre des mesures d’accommodement. La défenderesse déclare qu’il n’a jamais refusé parce qu’il n’était pas au courant que le plaignant avait besoin de prestations d’invalidité

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[19]           Aux questions : [traduction] « Quelle est la position des parties au sujet d’une réparation appropriée à l’égard de la plainte, si tant est que les parties en adoptent une? De quels recours les parties disposent-elles? », l’enquêteure a répondu ceci :

[traduction]

Le plaignant demande qu’on lui accorde des prestations d’invalidité pour la période où il a été malade pendant qu’il touchait des prestations de SE, ce qui étendrait donc la période comprise entre le moment où il a été mis fin à son emploi, en octobre 2004, et celui où il a été embauché à titre de nouvel employé, en février 2005. Il demande que ses prestations de soins médicaux et dentaires, ses prestations de retraite, ses crédits de congé annuel et son ancienneté soient tous rétablis, de même que le crédit applicable aux six semaines de congé annuel qu’il a prises pendant la période où il touchait ses prestations de SE.

 

La défenderesse déclare qu’elle n’a pas été mis au courant de la maladie du plaignant pendant la période où ce dernier touchait des prestations de SE et où la maladie est survenue, avant que les prestations de SE de ce dernier prennent fin et qu’il soit mis fin à son emploi en octobre 2004, ou avant qu’il réembauche le plaignant en février 2005. Elle ajoute qu’elle n’a pas été informée de la maladie dont souffrait le plaignant pendant que celui-ci touchait des prestations de SE avant de recevoir de lui une lettre datée du 27 mai 2005.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[20]           Le rapport d’enquête a été modifié par le gestionnaire des enquêtes de la CCDP dans les circonstances suivantes.

 

[21]           La recommandation initiale que l’enquêteure a formulée à la CCDP à propos du sous-alinéa 44(3)b)(i) était la suivante :

[traduction]

Il est recommandé, conformément au sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, que la Commission rejette la plainte pour les motifs suivants :

 

·        la preuve n’établit pas que la défenderesse était au courant des mesures d’accommodement dont le plaignant avait besoin ou que le plaignant a fourni à la défenderesse une preuve médicale concernant une demande de mesures d’accommodement;

 

·        la preuve montre que le plaignant n’avait pas droit à des prestations d’invalidité parce qu’il ne travaillait pas activement, conformément aux dispositions de l’ensemble des prestations supplémentaires de chômage améliorées qu’il a choisies.

 

[22]           Le rapport d’enquête est daté du 12 février 2008. Ce rapport a été modifié par le gestionnaire des enquêtes de la CCDP, qui a informé M. Vos, par une lettre datée du 15 avril 2008, qu’il avait constaté que le rapport d’enquête recommandé au paragraphe 64 [traduction] « ne traite pas de l’allégation d’une politique ou d’une pratique discriminatoire » et [traduction] « par conséquent, j’ai modifié le rapport d’enquête pour ajouter le point suivant au paragraphe 64 : la preuve n’établit que la défenderesse applique des lignes de conduite discriminatoires à l’égard d’employés atteints d’une déficience qui touchent des prestations de sécurité d’emploi ». [Non souligné dans l’original.]

 

[23]           Le dernier paragraphe de la lettre que le gestionnaire a envoyée à M. Vos est libellé comme suit :

[traduction] Le formulaire de plainte, le rapport d’enquête et les observations que nous recevons des parties seront soumis à la Commission lors de l’une de ses prochaines réunions. Après avoir examiné ces documents, la Commission se prononcera sur la décision à rendre. Elle peut accepter ou rejeter la recommandation formulée dans le rapport. Vous serez informé de la décision dès qu’elle aura été rendue.

 

[24]           Je souligne que les pièces contenues dans le DCT que la CCDP avait en main quand elle a rendu sa décision ne contenaient pas la lettre du 15 avril 2008.

 

IV.       La position des parties

A. Le demandeur

[25]           Le principal point en litige est que l’Accord de SE n’est pas valide car il est systématiquement discriminatoire à l’endroit des employés atteints d’une déficience; l’enquêteure et la CCD ont commis une erreur en omettant d’examiner cette allégation. Il ajoute que l’Accord de SE contient des dispositions précises pour protéger les droits et les avantages des employés physiquement aptes, mais aucune pour protéger les droits et les avantages des employés qui sont atteints d’une déficience pendant la période où ils touchent des prestations de SE.

 

[26]           Il en est ainsi, soutient M. Vos, parce que l’Accord de SE mentionne expressément que les employés qui touchent des prestations peuvent empêcher leur horloge de SE de continuer à tourner  [traduction] « en trouvant du travail et en prolongeant ainsi la période durant laquelle ils touchent des prestations ». Il ajoute que cette disposition de l’Accord de SE offre aux employés physiquement aptes qui touchent des prestations de SE un moyen de protéger leurs droits et leurs avantages en matière d’emploi pendant la période où ils touchent ces prestations, ce qui n’est pas le cas si un employé se trouvant dans la même situation est atteint d’une déficience et n’est plus capable de travailler. Il allègue qu’il est impossible à l’employé déficient d’empêcher son horloge de SE de continuer à tourner et de conserver les mêmes prestations en matière d’emploi que celles des employés physiquement aptes car les employés atteints d’une déficience qui touchent des prestations de SE sont incapables de travailler durant ce temps. En bref, un employé atteint d’une déficience perdra ses avantages en matière d’emploi au moment de la cessation de son emploi (ancienneté, etc.), ce qui ne sera peut-être pas le cas des employés physiquement aptes qui, par définition, sont capables de travailler. En résumé, M. Vos soutient que l’enquêteure a mal interprété son dossier et que la CCDP a commis une erreur en souscrivant aux opinions et aux recommandations de cette dernière.

 

[27]           M. Vos conteste également l’intégralité et la neutralité du rapport d’enquête.

 

B. Le CN

[28]           Dans sa plaidoirie, l’avocat du CN a invoqué les arguments suivants à l’appui de la recommandation de l’enquêteure selon laquelle il convenait de rejeter la plainte de M. Vos. En outre, la décision qu’a prise la CCDP d’accepter la recommandation était raisonnable :

(1)        Avant que son emploi prenne fin pendant la période où il touchait des prestations de SE, M. Vos n’a jamais informé qui que ce soit au CN qu’il avait été hospitalisé, qu’il ne pouvait pas travailler pendant un certain temps et qu’il avait besoin que l’on prenne des mesures d’accommodement pour empêcher que l’horloge du SE continue à tourner. C’est par la lettre de M. Vos datée du 27 mai 2005 que le CN a pris connaissance de la situation.

(2)        Si M. Vos avait informé le CN de sa déficience et des mesures d’accommodement dont il avait besoin, le CN aurait tenté de répondre à ses besoins même si l’Accord de SE ne contient aucune procédure pour empêcher l’horloge de SE de continuer à tourner. Aucune procédure écrite n’était nécessaire pour prendre des mesures spéciales car la Loi a un statut quasi constitutionnel, ce qui obligeait le CN à tenter de prendre des mesures d’accommodement à l’égard de sa déficience afin de tenir compte de sa situation particulière. Cependant, comme M. Vos n’a jamais demandé de telles mesures, il n’y a aucune façon de savoir si le CN aurait été en mesure d’en prendre, ce qui dépendait d’un certain nombre de facteurs tels que la nature de sa déficience et son incapacité à travailler.

(3)        Selon l’avocat du CN, M. Vos demande à la Cour d’évaluer d’Accord de SE dans le vide, c’est-à-dire sans mettre ce dernier à l’épreuve. D’autant plus qu’il n’y a rien dans cet accord au sujet de la déficience et qu’il n’y est pas dit qu’une personne atteinte d’une déficience ne peut pas empêcher l’horloge de la SE de continuer à tourner. En somme, M. Vos présume que le CN aurait refusé de prendre à son égard des mesures d’accommodement. Le CN n’a pas eu la chance de le faire, malgré la preuve de Mme Payne selon laquelle elle croyait que M. Vos avait le droit de présenter au CN une demande de mesures d’accommodement.

(4)        Il soutient que le fondement factuel des allégations de M. Vos a fait l’objet d’un examen très minutieux, mais que les circonstances de sa plainte (pas de demande de mesures d’accommodement de la part de M. Vos) n’ont pas permis à l’enquêteure d’analyser la politique du CN. Pour dire les choses simplement, sans une série de faits, il était impossible d’examiner la politique du CN (notes sténographiques, pages 52 et 53).

(5)        Il soutient que la politique de SE du CN ne peut pas être analysée dans l’abstrait. Il faut des faits pour l’évaluer; cette politique aurait dû être mise à l’épreuve, mais elle ne l’a pas été.

(6)        La plainte de discrimination de M. Vos est indéfendable parce que celui-ci présume que tous les employés atteints d’une déficience ont le droit d’arrêter l’horloge du SE pour cette seule raison, que n’importe quelle déficience empêche une personne de travailler, même sans confirmation médicale, et qu’un employé physiquement apte peut automatiquement trouver un emploi s’il le souhaite (notes sténographiques, pages 80 et 81).

(7)        En ce qui concerne l’intégralité de l’enquête et sa neutralité, l’avocat du CN soutient que le fait que l’on n’a pas interrogé certains témoins ne dénote pas que l’enquêteure a fait abstraction de preuves cruciales, et que l’allégation de partialité dont M. Vos fait état n’est pas étayée par la preuve.

 

[29]           Il convient de mentionner à ce stade que la position du CN, dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, était étayée par l’affidavit de Mme Payne daté du 16 décembre 2008, affidavit au sujet duquel celle-ci a été contre-interrogée en répondant à des questions écrites de la part de M. Vos.

 

[30]           Dans son affidavit du 16 décembre 2008, elle écrit ce qui suit au paragraphe 9 :

[traduction] L’essence de sa plainte, telle que je la conçois, est qu’il n’a pas eu le droit de toucher des prestations d’indemnité hebdomadaires du CN pour une déficience de courte ou de longue durée pendant un certain nombre de mois, au cours de l’année 2004, à l’époque où il touchait des PSCA; il prétend maintenant qu’à cause d’une déficience mentale il lui a été impossible de travailler pendant un certain nombre de mois en 2004.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[31]           Au paragraphe 12 de son affidavit, elle confirme qu’entre le moment où M. Vos a été mis à pied et celui où il a été licencié, elle a eu de nombreuses discussions avec lui et avec son représentant syndical, M. John Burns, à propos de plusieurs questions relatives à des prestations, mais aucune au sujet de sa [traduction] « présumée incapacité à travailler », ajoutant ce qui suit : [traduction] « jamais a-t-il été même mentionné que M. Vos était censément tombé malade et avait été hospitalisé » et : « aucune demande de mesures d’accommodement n’a même été faite durant sa période de SE et aucune demande de renseignements n’a été présentée au sujet de son admissibilité à des paiements d’invalidité de courte durée ».

 

[32]           Elle a de plus déclaré que M. Vos n’a jamais, à l’époque pertinente, soumis au CN une preuve de sa maladie, de son hospitalisation ou de sa déficience. Elle reconnaît que c’est le 27 mai 2005 qu’elle a été informée pour la première et la seule fois de sa présumée invalidité.

 

[33]           Elle traite de l’affidavit que M. Vos a présenté à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire et elle indique qu’elle n’est pas d’accord avec lui. Elle reconnaît avoir reçu la lettre de M. B.R. McDonagh, représentant national, Division ferroviaire, TCA-Canada, qui, dit-elle, devrait être datée du 2 janvier 2006. Dans cette lettre, M. McDonagh dit être au courant que M. Vos avait été malade et hospitalisé à deux reprises au moins au cours de la période de SE, [traduction] « mais qu’il n’a pas reçu de réponse à son allégation selon laquelle la politique de SE du CN est discriminatoire en ce sens qu’elle ne permet pas de prolonger le versement des prestations quand une personne tombe malade ».

 

[34]           Les réponses qu’elle a données aux questions 13, 14 et 23 sont les suivantes :

[traduction]

Question 13 : Où se trouvent, dans l’Accord de SE, les procédures qui permettent à un employé atteint d’une déficience de demander les mesures d’accommodement qui, selon vous, sont disponibles?

Réponse à la question 13 : Mon affidavit ne sous-entend rien de la sorte.

 

Question 14 : Quelles mesures d’accommodement concrètes, prévues par l’Accord de SE, la défenderesse pourrait-elle prendre pour que l’horloge de la SE d’un employé atteint d’une déficience cesse de tourner, puisque la défenderesse a reconnu que cet employé n’est pas admissible à une indemnité hebdomadaire ou à des prestations d’invalidité?

Réponse à la question 14 : Vous n’aviez pas droit à des prestations d’invalidité pendant la période où vous n’étiez pas activement au travail à cause des options de prestations que vous aviez choisies au moment de votre mise à pied en 2001, plutôt qu’à cause de l’Accord de SE.

 

Question 23 : Finalement, après avoir lu votre affidavit, j’ai constaté que vous ne traitiez d'aucunes des préoccupations dont j’ai fait état au sujet de la politique de SE. Mme Payne, où se trouve la preuve documentaire selon laquelle la politique de SE n’est pas structurellement discriminatoire à l’endroit des employés qui sont atteints d’une déficience pendant qu’ils touchent des prestations de SE?

Réponse à la question 23 : À la lumière de votre inadmissibilité à des prestations d’invalidité au moment où vous avez été mis à pied, la défenderesse demeure d’avis que la structure de la politique de SE elle-même n’était pas discriminatoire.

 

V.        Quelques principes applicables

[35]           À ce stade, il est utile d’énoncer un certain nombre de principes applicables qui ont été établis dans la jurisprudence à propos des enquêtes que mène la CCDP à la suite d’une plainte de discrimination, du rôle qu’elle joue dans le cadre de cette tâche, en particulier lorsqu’elle exerce ses pouvoirs en vertu du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi, ainsi que du critère à appliquer ou des mesures à prendre lors de la détermination d’un manquement à l’article 10 de la Loi.

 

[36]           Premièrement, il est bien reconnu que lorsque la CCDP adopte les recommandations d’un enquêteur et ne fournit pas de motifs, sinon des motifs succincts (comme c’est le cas en l’espèce), le rapport d’enquête est considéré comme les motifs de la Commission pour la prise d’une décision en vertu de l’article 44. Il s’ensuit que si le rapport que la CCDP a adopté est vicié, sa décision elle‑même l’est tout autant (voir Sketchley c. Canada (procureur général), 2005 CAF 404, [2005] A.C.F. no 2056, aux paragraphes 37 et 38 [« Sketchley »]).

 

[37]           Deuxièmement, le critère que la CCDP doit appliquer quand elle exerce le pouvoir que lui confère le sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi, c’est-à-dire « rejete[r] une plainte, si elle est convaincue : […] que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle-ci n’est pas justifié » est lui aussi établi, et les arrêts-clés à cet égard sont Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. Canada (Commission des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879 et Bell c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne; Cooper c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854 (le juge La Forest) [Cooper].

 

[38]           Ce critère a été établi par la Cour suprême du Canada, en reconnaissance du fait que la fonction qu’exerce la Commission en vertu de la Loi n’est pas à titre d’organisme décisionnel (ce rôle revient au Tribunal), mais à titre d’organisme appliquant la Loi et, en particulier, d’organisme à qui la Loi confie le mandat de recevoir, de gérer et de traiter les plaintes concernant des actes discriminatoires (Cooper, précité, à la page 889).

 

[39]           Le juge Gérard La Forest a formulé le critère de la manière suivante, à la page 891 de l’arrêt Cooper :

La Commission n’est pas un organisme décisionnel; cette fonction est remplie par les tribunaux constitués en vertu de la Loi.  Lorsqu’elle détermine si une plainte devrait être déférée à un tribunal, la Commission procède à un examen préalable assez semblable à celui qu’un juge effectue à une enquête préliminaire.  Il ne lui appartient pas de juger si la plainte est fondée.  Son rôle consiste plutôt à déterminer si, aux termes des dispositions de la Loi et eu égard à l’ensemble des faits, il est justifié de tenir une enquête.  L’aspect principal de ce rôle est alors de vérifier s’il existe une preuve suffisante.  Le juge Sopinka a souligné ce point dans Syndicat des employés de production du Québec et de L’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879, à la p. 899 :

 

L’autre possibilité est le rejet de la plainte.  À mon avis, telle est l’intention sous-jacente à l’al. 36(3)b) pour les cas où la preuve ne suffit pas pour justifier la constitution d’un tribunal en application de l’art. 39.  Le but n’est pas d’en faire une décision aux fins de laquelle la preuve est soupesée de la même manière que dans des procédures judiciaires; la Commission doit plutôt déterminer si la preuve fournit une justification raisonnable pour passer à l’étape suivante.

 

[40]           Troisièmement, il est également reconnu dans cette jurisprudence qu’il existe deux étapes fondamentalement distinctes pour déterminer si une plainte de discrimination a été établie devant le tribunal administratif (voir Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. British Columbia Government and Service Employees' Union (B.C.G.S.E.U.) (Grief de Meiorin), [1999] 3 R.C.S. 3 [« Meiorin »]).

 

[41]           Dans la première étape d’une plainte fondée sur l’article 10, le plaignant a le fardeau d’établir qu’il y a eu « discrimination à première vue », et il s’en acquitte si l’affaire « porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, sont complètes et suffisantes pour justifier un verdict en faveur [du plaignant], en l’absence de réplique de l’employeur intimé » (voir Sketchley, précité, au paragraphe 86). Si le plaignant s’acquitte de son fardeau, la seconde étape est enclenchée et, dans celle-ci, il appartient à l’employeur de démontrer que la discrimination est une exigence professionnelle justifiée (EPJ).

 

[42]           Dans l’arrêt Sketchley, précité, le juge Allen Martin Linden a expliqué, au paragraphe 87, le processus en trois étapes que doit établir un employé pour établir l’existence d’une EPJ :

[87]           Une EPJ n’a pas pour effet « d’éliminer » la discrimination, mais elle constitue un moyen de défense que peut invoquer l’employeur, lorsqu'il existe une preuve prima facie de discrimination, pour être relevé de sa responsabilité. (Voir le juge Robertson dans Canada (Commission des droits de la personne) c. Banque Toronto‑Dominion, [1998] 4 C.F. 205 (C.A.F.), au paragraphe 130.) Une EPJ est établie au moyen d’une preuve démontrant, selon la prépondérance des probabilités, l’existence des éléments décrits dans le critère Meiorin : premièrement, le but est rationnellement lié à l'exécution du travail en cause; deuxièmement, la norme particulière a été adoptée parce que l’employeur croyait sincèrement qu'elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail; troisièmement, la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail en ce que l’accommodement n’est pas possible sans que l'employeur subisse une contrainte excessive (Meiorin, précité, au paragraphe 54).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[43]           Quatrièmement, la discrimination n’est pas définie dans la Loi. Il est inévitable que l’on se pose la question de savoir ce qu’elle signifie. Dans l’arrêt Law Society British Columbia c. Andrews, [1989] 1 R.C.S. 143, à la page 173, la Cour a fait sienne la définition de la discrimination que le juge Walter Tarnopolsky avait exposée dans son ouvrage :

Que signifie le terme discrimination?  C'est le plus souvent dans l'examen des lois sur les droits de la personne que cette question s'est posée et le concept général de discrimination en vertu de ces lois a été assez bien circonscrit.  Vu les arrêts rendus par cette Cour, identifier une définition acceptable présente peu de difficulté.  Dans l'arrêt Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpsons‑Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, à la p. 551, voici comment est décrit le terme "discrimination" (dans cette affaire, il s'agissait de discrimination par suite d'un effet préjudiciable): "Ce genre de discrimination se produit lorsqu'un employeur adopte [...] une règle ou une norme [...] qui a un effet discriminatoire pour un motif prohibé sur un seul employé ou un groupe d'employés en ce qu'elle leur impose, en raison d'une caractéristique spéciale de cet employé ou de ce groupe d'employés, des obligations, des peines ou des conditions restrictives non imposées aux autres employés".  Dans cette affaire, la Cour a également conclu que l'intention n'était pas requise comme élément de la discrimination puisque c'est essentiellement l'effet de la disposition ou de la mesure discriminatoire sur la personne touchée qui est déterminant dans l'examen de toute plainte.  À la page 547, cette proposition a été formulée de la façon suivante :

 

Le Code vise la suppression de la discrimination.  C'est là l'évidence.  Toutefois, sa façon principale de procéder consiste non pas à punir l'auteur de la discrimination, mais plutôt à offrir une voie de recours aux victimes de la discrimination.  C'est le résultat ou l'effet de la mesure dont on se plaint qui importe.  Si elle crée effectivement de la discrimination, si elle a pour effet d'imposer à une personne ou à un groupe de personnes des obligations, des peines ou des conditions restrictives non imposées aux autres membres de la société, elle est discriminatoire.

 

[…]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[44]           Cinquièmement, il est également établi en droit que les règles de l’équité procédurale s’appliquent à la décision que prend la CCDP de rejeter une plainte. À cet égard, l’arrêt-clé est Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne) (1re inst.), [1994] 2 C.F. 574 (1re inst.) [Slattery], une décision du juge Marc Nadon, alors juge au sein de la Section de première instance. Les principes énoncés dans la décision Slattery ont été adoptés par la Cour d’appel fédérale dans un certain nombre d’arrêts, dont Sketchley et Société Radio-Canada c. Paul, 2001 CAF 93, [2001] A.C.F. no 542. La teneur de l’équité procédurale dans la conduite d’une enquête qu’adopte la CCDP est mesurée par deux facteurs : 1) la neutralité et 2) l’intégralité. Dans le contexte de l’espèce, la neutralité signifie l’absence de partialité ou la présence d’un esprit ouvert chez l’enquêteure. L’intégralité découle du rôle essentiel que jouent les enquêteurs quand ils formulent des recommandations à la CCDP, et elle a trait à la conduite de l’enquête. Un exemple d’absence d’intégralité est le fait de ne pas examiner des éléments de preuve fondamentaux. Dans l’arrêt Sketchley, le juge Linden l’a exprimé ainsi au paragraphe 38 :

Cette approche n’est pas, comme le prétend l’appelant, incompatible avec le principe bien établi selon lequel les lacunes dont serait entaché le rapport de l’enquêteur ne vicieront pas la décision de la Commission, pourvu que lesdites lacunes ne soient pas à ce point fondamental que les observations complémentaires présentées par les parties ne suffisent pas à y remédier (Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne) (1994), 73 F.T.R. 161, [1994] 2 C.F. 574 (1re inst.), confirmée par (1996), 205 N.R. 383 (C.A.) [Slattery]). En vertu de cette approche, une cour de révision doit, en fin de compte, se pencher sur l’examen de la Commission et faire preuve de beaucoup de déférence à l’égard de l’appréciation des faits; ce n’est que si la Commission a commis une erreur de droit, a apprécié les faits d’une manière manifestement déraisonnable ou a contrevenu aux principes d’équité procédurale qu’il sera justifié d’intervenir lors d’un contrôle (Bell Canada, précitée, au paragraphe 38; Connolly c. Postes Canada, 2002 CFPI 185 (1re inst.), au paragraphe 28, confirmée par (2003), 238 F.T.R. 208, 2003 CAF 47 (C.A.) [Connolly]). Presque par définition, ces erreurs appartiennent à la catégorie des erreurs d’enquête qui sont à ce point fondamental que les observations complémentaires des parties ne peuvent y remédier. La norme qui s’applique dans le cadre du contrôle de la rigueur d’une enquête est donc équivalente à celle qui s’applique au contrôle d’une décision de la Commission prise en vertu du paragraphe 44(3). Par conséquent, il n’y a donc pas nécessairement incohérence si, dans des circonstances appropriées comme celles dont il s’agit en l’espèce, le rapport de l’enquêteur est présumé constituer les motifs de la Commission.

 

VI.       La norme de contrôle applicable

[45]           Il est bien connu que la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, a reformulé l’analyse visant à établir la norme de contrôle applicable en faisant disparaître la norme insaisissable de la décision manifestement déraisonnable, réduisant ainsi de trois à deux le nombre des normes de contrôle, soit la décision correcte et la décision raisonnable (ou la raisonnabilité).

 

[46]           Quelle est la norme de contrôle qui s’applique à la décision que rend la CCDP de rejeter une plainte de discrimination au motif qu’il n’est pas justifié, compte tenu des circonstances, de procéder à un examen additionnel (par le Tribunal)? L’arrêt Dunsmuir, précité, enseigne qu’un tribunal de contrôle, au moment d’examiner une demande de contrôle judiciaire, n’a pas besoin de procéder à une analyse complète de la norme de contrôle à appliquer si la jurisprudence antérieure à l’affaire a tranché de manière satisfaisante le point litigieux dont il y est question.

 

[47]           Dans l’arrêt Sketchley, le juge Linden a fait remarquer que même si le juge chargé d’entendre la demande souscrivait à l’opinion des parties selon laquelle la norme de contrôle appropriée était la décision raisonnable, il a en fait appliqué la norme de la décision correcte pour trancher les deux questions de droit déterminantes qui lui étaient soumises : 1) si la CCDP avait commis une erreur en concluant que la plaignante n’avait pas établi l’existence d’une discrimination à première vue à l’égard de la politique du Conseil du Trésor sur les congés sans solde pour des raisons médicales et 2) si la décision de Développement des ressources humaines Canada avait violé les principes d’équité procédurale en tranchant la question de savoir s’il avait omis de tenir compte de sa déficience.

 

[48]           Le juge Linden a conclu, dans les circonstances particulières de l’affaire dont il était saisi, que le juge avait eu raison d’appliquer la norme de la décision correcte à ces deux questions. Il a considéré que le fait de savoir si la CCDP avait commis une erreur en décidant que la plaignante n’avait pas établi l’existence d’une discrimination à première vue était une question de droit. Selon la jurisprudence, il fallait aussi que les questions d’équité procédurale soient tranchées selon la norme de la décision correcte. Cependant, au paragraphe 44 de ses motifs, le juge Linden a fait remarquer qu’en général la jurisprudence avait appliqué la norme de la décision raisonnable à un contrôle du bien-fondé d’une décision de la CCDP de rejeter une plainte en raison de l’opinion bien admise selon laquelle, dans de tels cas, la CCDP jouit d’un degré fort élevé de déférence, sauf s’il y a eu un manquement à l’équité procédurale ou si la décision ne peut pas être maintenue au vu des éléments de preuve soumis. Voir l’arrêt Hutchinson c. Canada (Ministre de l’Environnement), 2003 CAF 133, [2003] A.C.F. no 439, aux paragraphes 64 à 67 [Hutchinson cité à la C.F.], où le juge Denis Pelletier a appliqué la norme de la décision raisonnable aux questions déterminantes qui lui étaient soumises, après avoir conclu que l’enquête avait été convenablement menée selon les principes de l’intégralité et de la partialité énoncés dans l’arrêt Slattery (voir les paragraphes 45 à 61)

 

[49]           Dans l’arrêt Sketchley, le juge Linden a précisé que le degré de déférence dont il faut faire preuve lorsque la CCDP rejette une plainte est différent de celui dont il faut faire preuve lorsqu’elle décide de renvoyer une plainte au Tribunal pour enquête et décision. Voici ce qu’il a écrit aux paragraphes 79 et 80:

[79]           Dans ce contexte, il est également important de faire une distinction entre la décision de la Commission, lors de l’examen, de rejeter une plainte en conformité avec l’alinéa 44(3)b), et la décision d’accueillir une plainte et de la renvoyer à un Tribunal en conformité avec l’alinéa 44(3)a). Dans ce dernier type de décision, la Commission n’est pas un organisme décisionnel qui se prononce sur la question de savoir si une plainte est fondée (Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854, au paragraphe 54). Dans ces circonstances, les « présomptions juridiques adoptées par la Commission pour décider de demander la constitution d'un tribunal n'équivalent pas à des décisions sur l'état du droit applicable ou ses effets sur les intéressés » (Zündel c. Canada (Procureur général) (2000), 267 N.R 92, au paragraphe 4).  

 

[80]           Toutefois, lorsque la Commission décide de rejeter une plainte, sa conclusion est « à proprement parler, une décision qui touche aux droits subjectifs » (Latif c. Commission canadienne des droits de la personne, [1980] 1 C.F. 687, au paragraphe 24 (C.A.F.) [Latif]). Toutes les présomptions juridiques formulées par la Commission quand elle décide de rejeter une plainte seront définitives pour ce qui concerne leurs répercussions sur les parties. Par conséquent, dans la mesure où la Commission décide de rejeter une plainte en s’appuyant sur une conclusion qu’elle a tirée au sujet d’une question fondamentale de droit, le degré de déférence qui sera exercé dans le contrôle de la décision sera moins élevé.

 

[50]           En l’espèce, pour des motifs que j’explique dans la conclusion, la norme de la décision correcte s’applique aux questions de droit et d’équité procédurale, et la norme de la décision raisonnable aux autres questions.

 

VII.      Conclusions

A. La question préliminaire

[51]           Lors des débats, M. Vos a fait référence à des documents qui ne figuraient pas dans le DCT et qui n’avaient pas été soumis à l’enquêteure ou à la CCDP. J’ai pris l’affaire en délibéré. Ces documents ne peuvent pas être admis (voir Hutchison, précité, au paragraphe 44).

 

B. Analyse et conclusions

[52]           À mon avis, il existe un certain nombre de motifs pour lesquels il convient de faire droit au présent contrôle judiciaire.

 

[53]           D’abord et avant tout, le rapport de l’enquêteure sur la plainte de discrimination employeur‑employé pour le motif de distinction illicite fondé sur la déficience était fondamentalement vicié. L’enquêteure n’a pas examiné ni décidé si M. Vos s’était acquitté du fardeau d’établir l’existence d’une discrimination à première vue à l’égard de la clause de SE. Cette clause exige qu’un employé mis à pied ait travaillé afin qu’il soit possible d’empêcher l’horloge de la SE d’atteindre la date limite de trois ans qui permet au CN de licencier un employé qui, comme M. Vos, était incapable de travailler pour cause de déficience, ce qui n’est pas le cas d’un travailleur physiquement apte qui est mis à pied et qui est capable de travailler.

 

La réponse à cette question était essentielle avant que le CN ait à s’acquitter du fardeau d’établir que sa règle de travail était une exigence professionnelle justifiée qui, selon la jurisprudence, comporte trois éléments. Le troisième étant l’employeur qui, pour établir que la règle d’emploi est raisonnablement nécessaire, doit démontrer qu’il est impossible de répondre aux besoins des employés ayant les mêmes caractéristiques que celles du demandeur sans imposer de contraintes excessives à l’employeur (voir Meiorin, précité, aux paragraphes 55 et 56). Aucun des éléments de cette analyse requise n’a été engagé parce que l’enquêteure a conclu que le CN ne s’était pas fondé sur la règle d’emploi [traduction] « comme motif pour refuser de prendre des mesures d’accommodement » car le CN n’était pas au courant des mesures dont M. Vos avait besoin. Même s’il était exact, cet énoncé, selon moi, n’était pas suffisant pour procéder à une analyse appropriée des EPJ.

 

[54]           Deuxièmement, l’enquêteure n’indique jamais quand le CN a eu connaissance du besoin de M. Vos en matière de mesures d’accommodement. Il ressort du dossier que le CN était au courant de ce fait au moins depuis le 27 mai 2005, quand M. Vos a envoyé sa lettre au CN. Le CN était certainement au courant de ce fait quand M. Vos a déposé sa plainte auprès du Tribunal le 3 octobre 2005. Cette connaissance des droits en matière d’emploi qu’il a perdus au moment de la cessation d’emploi et du besoin de prendre des mesures d’accommodement en rétablissant les avantages en matière d’emploi qu’il avait perdus au moment de la cessation étaient également énoncés dans sa plainte et ont été réitérés de nouveau par M. McDonagh, le représentant national du secteur ferroviaire de TCA-Canada, dans sa lettre datée du 2 janvier 2006 à Mme Payne, du CN. Dans ce contexte, le fait que le CN ignorait, avant la cessation d’emploi, que M. Vos avait été malade et hospitalisé n’a aucune pertinence pour la défense du CN, d’autant plus que l’avocat de ce dernier n’a pas démontré à la Cour de quelle façon le CN aurait pu répondre aux besoins du plaignant en arrêtant l’horloge de la SE. Ce point est amplifié par la CCDP elle-même, qui ne s’est pas fondée sur un troisième motif que l’enquêteure avait invoqué auprès de la CCDP pour rejeter la plainte, à savoir que [traduction] « la preuve n’établit pas que la défenderesse était au courant des mesures d’accommodement dont le plaignant avait besoin ou que ce dernier avait fourni à la défenderesse une preuve médicale concernant une demande de mesures d’accommodement ». En d’autres termes, il semble que la CCDP elle-même n’a pas reconnu que la connaissance de sa déficience et de son besoin de mesures d’accommodement étaient des facteurs pertinents. Diverses décisions judiciaires et arbitrales confirment l’opinion de la Cour. (Par exemple, voir une décision récente de la juge Anne L. MacTavish, de la présente Cour : Canada (Procureur général) c. Walden, 2010 CF 490, dans laquelle la Cour confirme que le fait de savoir qu’une pratique est discriminatoire n’est pas pertinent à l’égard d’une décision de responsabilité fondée sur l’article 10 de la Loi, mais qu’elle concerne l’octroi d’une réparation. Il convient de souligner que cette décision fait actuellement l’objet d’un appel devant la Cour d’appel fédérale; voir aussi, au sujet de la pertinence de la connaissance d’une déficience, la décision Ottawa Civic Hospital and O.N.A. (Hodgins), Re, 48 L.A.C. (4th) 388 (OLRB)).

 

[55]           Troisièmement, le fait que la CCDP se soit fondée sur le fait que M. Vos n’avait pas droit à des prestations d’invalidité lorsqu’il ne travaillait pas activement (ce qui était conforme à l’ensemble des PSCA qu’il avait choisi) pour rejeter sa plainte pose également problème. Ni l’enquêteure ni la CCDP n’expliquent pourquoi ce facteur justifie le rejet de sa plainte, d’autant plus que l’enquêteure, au paragraphe 51 de son rapport, conclut que le CN ne s’est pas fondé sur ce facteur. Je conclus, dans les circonstances, que le fait de se fonder sur ce motif constitue une erreur justifiant l’infirmation, car ce fait est sans fondement et ne pouvait certes pas être invoqué en tant qu’EPJ.

 

[56]           En tout état de cause, l’enquêteure a mal compris la mesure d’accommodement que M. Vos voulait obtenir. Ce n’était pas des prestations d’invalidité qu’il voulait obtenir en soi, mais un moyen d’empêcher l’horloge de la SE de continuer de tourner.

 

[57]           Quatrièmement, le second motif qu’invoque la CCDP pour rejeter la plainte de M. Vos est sa conclusion selon laquelle la preuve n’établit pas que le CN applique des lignes de conduite discriminatoires à l’endroit des employés atteints d’une déficience qui touchent des prestations de sécurité d’emploi. Cela est sans fondement, pour la simple raison que l’enquêteure n’a jamais tiré cette conclusion-là. Celle-ci a conclu que la politique n’est jamais devenue pertinente à l’égard de l’affaire sur laquelle elle enquêtait. Comme il a été indiqué, ce motif a été ajouté aux recommandations de l’enquêteure par le gestionnaire des enquêtes. Nulle part dans le rapport n’analyse-t-on si M. Vos a établi l’existence d’une discrimination à première vue à l’égard de la règle d’emploi dans la politique de SE et de l’incapacité dans laquelle se trouve une personne atteinte d’une déficience d’empêcher l’horloge de la SE de continuer à tourner.

 

[58]           Dans les circonstances, je ne propose pas de faire des commentaires sur la question de l’équité procédurale.

 

[59]           En résumé, l’affaire qui m’a été soumise comporte de nombreuses similitudes avec l’arrêt Sketchley et je suis également conforté dans mes conclusions par la décision qu’a rendue la Cour d’appel de l’Alberta dans l’affaire United Food and Commercial Workers, Local 401 c. Alberta Human Rights and Citizenship Commission, 2003 ABCA 246, [2003] A.J. no 1030.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie, la décision de la CCDP infirmée et la question de la plainte du demandeur renvoyée à la CCDP en vue d’une nouvelle décision. Le demandeur a droit aux débours taxables qu’il a engagés lors du déroulement de la présente instance.

 

 

                                                            « François Lemieux »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1088-08

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            WILLIAM VOS c. LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 11 FÉVRIER 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             LE 30 JUIN 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

William Vos

 

DEMANDEUR

Simon-Pierre Paquette

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William Vos

DEMANDEUR

 

Johanne Cavé, avocate

Montréal (Québec)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.