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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100628

Dossier : T-986-09

Référence : 2010 CF 704

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 juin 2010

En présence de monsieur le juge O'Keefe

 

 

ENTRE :

DUANE WILLIAMS

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d’une décision du commissaire du Service correctionnel (le commissaire) datée du 11 mai 2009, qui a confirmé son transfèrement imposé depuis l’établissement à sécurité moyenne de Warkworth, en Ontario, vers l’établissement à sécurité maximale de Port-Cartier, au Québec.

 

[2]               Le demandeur voudrait que soient rendues une ordonnance annulant la décision du commissaire et une ordonnance annulant la décision sous-jacente du Service correctionnel du Canada (SCC) de le transférer.

 

Le contexte

 

[3]               Le demandeur a été condamné en 2004 à une peine d’emprisonnement de dix ans pour vol qualifié. Compte tenu de déclarations ultérieures de culpabilité prononcées en 2005 et 2006, 41 jours additionnels ont été ajoutés à sa peine d’emprisonnement de dix ans. Après la première déclaration de culpabilité prononcée contre lui, le demandeur avait coopéré avec la police de Toronto dans ses enquêtes portant sur d’autres individus, et coopéré avec la Couronne dans au moins une poursuite ultérieure. Le demandeur était ainsi exposé au risque de subir les violences physiques d’autres détenus. Même si, d’après les infractions qu’il avait commises et d’après sa position sur l’Échelle de réévaluation du niveau de sécurité (l'ERNS), le demandeur était un détenu à sécurité maximale, le SCC l’avait placé, pour sa propre protection, dans l’établissement à sécurité moyenne de Warkworth.

 

[4]               Au 19 janvier 2009, lorsque le SCC a pris la décision de le transférer à Port-Cartier, le demandeur était en isolement, sans possibilité d’être réintégré à brève échéance dans la population carcérale générale, et il avait été en isolement durant 12 des 17 mois précédents. Il avait été placé en isolement en octobre 2007 parce qu’on le soupçonnait d’avoir introduit des drogues dans l’établissement, en juin 2008 parce qu’il avait défié et agressé un agent du SCC, et finalement en septembre 2008 à la suite d’une prétendue empoignade avec un autre détenu. Le demandeur n’a pas déposé de grief à l’encontre de ces mises en isolement, mais il nie aujourd’hui les agissements qu’on lui impute et, par conséquent, il conteste lesdites mises en isolement.

 

[5]                En septembre et octobre 2008, le demandeur a été classé comme détenu à sécurité maximale sur l’ERNS. Son transfèrement à Port-Cartier a été recommandé. Il a contesté la recommandation en affirmant que ses trois isolements préventifs ne justifiaient pas un transfèrement et qu’il ne lui serait pas possible de s’intégrer dans l’établissement de Port-Cartier en raison de la barrière linguistique. Son opposition n’a pas été retenue, et le SCC a pris la décision de le transférer. L’appel du demandeur à l’encontre de cette décision a été étudié directement au troisième et dernier niveau de l’examen des griefs. Le 11 mai 2009, le sous-commissaire principal, au nom du commissaire, a rejeté ainsi le grief de troisième niveau :

                        [traduction]

Vous avez été à juste titre réévalué comme détenu à sécurité maximale, étant donné la nécessité pour vous d’être soumis à un niveau élevé de surveillance et de contrôle au sein du pénitencier. Vous deviez donc être transféré vers un établissement à sécurité maximale, et aucun des établissements de ce genre en Ontario n’était acceptable. C’est pourquoi l’on vous a transféré à l’établissement de Port-Cartier afin de vous donner la possibilité de réintégrer la population carcérale générale, dans un établissement d’isolement protecteur. Ce grief est donc rejeté. Nous vous encourageons à commencer de travailler avec votre équipe de gestion des cas en vue d’un transfèrement interrégional volontaire vers un établissement hors de la région de l’Ontario.

 

                                                            [Non souligné dans l'original.]

 

 

[6]               Le demandeur a déposé la présente demande de contrôle judiciaire de la décision du commissaire en faisant valoir que le SCC n’avait pas observé un principe de justice naturelle parce qu’il avait agi au mépris de certaines dispositions contenues dans les articles 24 à 28 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la Loi).

 

[7]               Par commodité, les dispositions légales applicables sont reproduites dans l’annexe des présents motifs.

 

Les points litigieux

 

[8]               Les points litigieux sont les suivants :

            1.         Quelle est le champ de ce contrôle judiciaire ?

            2.         Le commissaire a-t-il manqué à son obligation d’équité envers le demandeur parce qu’il ne s’est pas conformé aux dispositions du paragraphe 24(1) de la Loi?

            3.         Le commissaire a-t-il contrevenu au paragraphe 24(1) pour n’avoir pas fait la distinction entre faits et allégations dans le dossier du demandeur?

            4.         Le commissaire a-t-il manqué à son obligation d’équité envers le demandeur parce qu’il ne s’est pas conformé aux dispositions de l’article 28 de la Loi?

            5.         La décision du commissaire de confirmer le transfèrement était-elle raisonnable?

 

Les observations écrites du demandeur

 

[9]               Selon le demandeur, le fait d’utiliser des renseignements qui vont à l’encontre des dispositions de l’article 24 de la Loi ou qui ne sont pas vérifiés constitue un manquement au devoir d’équité. Les renseignements utilisés pour justifier le transfèrement du demandeur n’étaient pas conformes parce qu’ils ne faisaient pas état de ce qui suit :

-         la police et le SCC avaient recommandé le maintien du demandeur à l’établissement de Warkworth;

-         les failles de l’allégation selon laquelle le demandeur avait introduit des drogues dans l’établissement, notamment le fait qu’aucune drogue n’avait été trouvée et que d’autres personnes avaient accès à sa cellule;

-         son refus de se soumettre à un ordre direct s’était réglé sans cérémonie, avec des excuses;

-         le caractère incomplet de l’allégation selon laquelle le demandeur s’était battu;

-         l’absence de preuves concrètes attestant que le demandeur avait recouru à la force sur d’autres détenus.

 

[10]           Le SCC a également l’obligation légale de prendre tous les moyens raisonnables pour s’assurer qu’un détenu est incarcéré dans le milieu le moins restrictif possible. En application de l’article 28 de la Loi, le SCC doit prendre en compte la facilité d’accès à la collectivité à laquelle le détenu appartient, à sa famille et à un milieu culturel et linguistique compatible, ainsi que l’existence de programmes qui lui conviennent.

 

[11]           Selon le demandeur, il y a eu manquement à cette obligation. Il a été éloigné encore bien davantage de sa famille, et il ne reçoit maintenant que de rares visites. En outre, les seuls programmes offerts à Port-Cartier sont en français, langue que le demandeur ne parle pas.

 

Les observations écrites du défendeur

 

[12]           Selon le défendeur, alors que l’unique objet du présent contrôle est la décision du commissaire de confirmer le transfèrement du demandeur, le demandeur cherche à contester accessoirement la décision du SCC de hausser sa cote de sécurité. Puisque, d’après les Règles des Cours fédérales, une procédure de contrôle judiciaire se limite à une seule décision pour laquelle une réparation est demandée, la décision touchant la cote de sécurité du demandeur dépasse le champ de la présente procédure. Si le demandeur souhaitait contester la décision de hausser sa cote de sécurité, il aurait pu déposer un grief. Pareillement, s’il souhaitait contester les renseignements sur lesquels le SCC s’était fondé pour décider de le mettre en isolement, il aurait pu déposer une plainte.

 

[13]           Selon le défendeur, la norme de contrôle qui est applicable ici est la raisonnabilité. Sur le plan de la raisonnabilité, les décisions du SCC appellent un niveau élevé de retenue car c’est au SCC qu’il appartient de préserver la sécurité des pénitenciers et de la collectivité environnante.

 

[14]           La décision avait été compliquée par le fait que l’établissement à sécurité maximale le plus proche se trouvait au Québec. Le commissaire savait que cela éloignerait davantage le demandeur de sa famille et entraînerait pour lui des difficultés sur le plan de la langue, mais il disposait d’un solide ensemble de motifs sur lequel fonder sa décision. La décision qui s’en était suivie était conforme à l’article 28 de la Loi et elle faisait état de tous les griefs du demandeur.

 

[15]           Finalement, le défendeur affirme qu’il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale. Le demandeur s’est vu remettre les motifs de la décision de le transférer et il a eu la possibilité de réfuter la décision avec l’aide d’un avocat.

 

Analyse et décision

 

[16]           Point n° 1

            Quelle est le champ de la présente procédure de contrôle judiciaire ?

            L’article 302 des Règles des Cours fédérales limite de façon générale la demande de contrôle judiciaire à une seule décision susceptible de réformation.

 

[17]           L’unique décision que le demandeur souhaitait faire annuler est la décision du commissaire de confirmer son transfèrement à Port-Cartier. Je suis donc d’avis, avec le défendeur, que la décision de hausser la cote de sécurité du demandeur, ainsi que les diverses décisions de placer le demandeur en isolement préventif, dépassent le champ du présent contrôle judiciaire.

 

[18]           Le défendeur affirme aussi que les renseignements sur lesquels s’est fondé le SCC pour prendre les décisions que je viens d’évoquer dépassent eux aussi le champ du présent contrôle judiciaire. Je ne suis pas du même avis.

 

[19]           La juridiction de contrôle doit s’en tenir au dossier que le juge ou l’office avait devant lui (voir l’arrêt Bekker c. Canada, 2004 CAF 186, [2004] A.C.F. n° 819 (QL), au paragraphe 11). L’équité envers les parties et envers le tribunal judiciaire ou administratif dont la décision est contestée dicte une telle restriction. Cependant, en l’espèce, le commissaire a bien passé en revue certains des renseignements sur lesquels s’était fondé le SCC pour prendre les décisions touchant la cote de sécurité et les mises en isolement préventif. Dans la mesure où ces renseignements ont été utilisés par le commissaire et faisaient partie du dossier du SCC, ils entrent dans le champ du présent contrôle judiciaire.

 

[20]           En résumé, je peux prendre en compte (et prendrai en compte) jusqu’à un certain point les éléments soumis au commissaire qui se rapportaient aux décisions de réévaluer la cote de sécurité du demandeur et de placer le demandeur en isolement préventif, mais la seule décision pour laquelle une réparation est demandée est la décision du commissaire de confirmer le transfèrement du demandeur.

 

[21]           Point n° 2

            Le commissaire a-t-il manqué à son obligation d’équité envers le demandeur parce qu’il ne s’est pas conformé aux dispositions du paragraphe  24(1) de la Loi?

            Dans la décision Tehrankari c. Canada (Service correctionnel), [2000] A.C.F. n° 495, 188 F.T.R. 206 (1re inst.) (QL), le juge Lemieux, pour qui le régime décrit dans l’article 24 faisait partie du « faisceau de droits » d’un détenu, décrivait ainsi ce régime :

39          La disposition particulière qui est en cause est l’article 24, qui oblige le Service à veiller dans la mesure du possible à ce que les renseignements qu’il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets, étant précisé que le délinquant qui croit que des renseignements sont erronés ou incomplets peut demander que le Service en effectue la correction et que, lorsque la demande est refusée, le Service doit faire mention des corrections qui ont été demandées mais non effectuées.

 

 

[22]           Dans ce précédent, le juge Lemieux concluait, au paragraphe 44, que la décision correcte s’appliquait comme norme à l’interprétation de l’article 24, et la décision raisonnable, à l’application des principes juridiques aux faits qui avaient conduit à la décision contestée.

 

[23]           Le demandeur n’a pas engagé la procédure dont parle l’article 24, et le commissaire n’a pas non plus explicitement, dans ses motifs, interprété, ni même évoqué, l’article 24. Le demandeur dit plutôt qu’il y a eu manquement à l’obligation d’équité lorsque le commissaire s’est fondé sur des renseignements qui ne répondaient pas aux exigences du paragraphe 24(1) :

24.(1) Le Service est tenu de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu’il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets.

24.(1) The Service shall take all reasonable steps to ensure that any information about an offender that it uses is as accurate, up to date and complete as possible.

 

 

 

[24]           Naturellement, le SCC ne peut jamais savoir avec une certitude absolue si les renseignements qu’il utilise sont parfaitement exacts. Le paragraphe 24(1) dit que le SCC est tenu de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements soient exacts. Le paragraphe 24(2) énonce la procédure par laquelle le détenu peut faire rectifier les renseignements qu’il croit erronés.

 

[25]           Il n’est pas établi que le demandeur a fait cette démarche et, à tous autres égards, la procédure le concernant a été régulière et il a été traité équitablement. Il ne saurait donc maintenant alléguer l’inobservation du paragraphe 24(1) pour dire qu’il y a eu manquement à l’équité envers lui.

 

[26]           Point n° 3

            Le commissaire a-t-il contrevenu au paragraphe 24(1) pour n’avoir pas fait la distinction entre faits et allégations dans le dossier du demandeur?

            Le fond d’une décision peut ne pas répondre à la norme de raisonnabilité s’il est manifeste que le décideur a fondé sa décision sur une allégation qu’il a interprétée à tort comme étant un fait. Compte tenu du paragraphe 24(1) de la Loi, lorsque le SCC interprète ainsi à tort une allégation comme s’il s’agissait d’un fait, sa décision sera toujours déraisonnable.

 

[27]           Dans le jugement Brown c. Canada (Procureur général), 2006 CF 463, 290 F.T.R. 143, la Cour a admis le recours d’un détenu qui avait contesté l’exactitude des renseignements figurant dans son dossier. Elle a ordonné le retrait de ce qui n’était qu’une allégation, par opposition à un fait avéré. En l’espèce, comme je l’ai dit, le demandeur n’a pas directement contesté les renseignements figurant dans son dossier. L’exactitude des renseignements figurant dans son dossier n’entre pas comme telle dans le champ du présent contrôle. Il s’agit ici plutôt de savoir si le commissaire a mal interprété les allégations dont le demandeur était l’objet et s’il les a admises comme des faits avérés au lieu de n’y voir que des allégations.

 

[28]           Comme l’écrivait la juge Mactavish dans la décision Brown, précitée, il y a de bonnes et valides raisons de consigner et verser au dossier les allégations dont un détenu est l’objet, même si elles se révèlent totalement fausses (paragraphes 29 et 30).

 

[29]           Le demandeur ne fait état d’aucune méprise du genre entachant la décision du commissaire. Après examen, chacune des allégations évoquées par le commissaire a été qualifiée, à juste titre, d’allégation non prouvée, ou bien n’a été qu’une mention de l’allégation versée au dossier et ayant conduit à l’isolement préventif.

 

[30]           Dans la section traitant de l’affirmation du demandeur selon laquelle Warkworth pouvait très bien s'occuper de lui, le commissaire écrivait ce qui suit :

                        [traduction]

Il y a plusieurs autres parties du A4D : des observations concernant la cote de sécurité qui, selon le plaignant, sont soit inexactes soit prises hors contexte, par exemple celle selon laquelle un chien renifleur de drogue s’était arrêté à la cellule du plaignant, la découverte d’un sachet de drogue près d’un visiteur du plaignant, des rumeurs selon lesquelles le plaignant aurait tenté de s’emparer des articles de cantine d’autres détenus, enfin une analyse d’urine positive au THC en mai 2008. Aucune de ces observations ne montre en soi que la cote d’adaptation du plaignant au milieu carcéral devrait être relevée, mais, considérées ensemble, elles indiquent que le plaignant a souvent des difficultés, ou d’importantes difficultés, qui rendent très problématique son adaptation au milieu carcéral, ce qui nécessite de substantielles et constantes interventions de la direction, et le plaignant bénéficierait d’un milieu très structuré dans lequel les interactions avec les autres, individuelles ou en groupe, font l’objet d’une surveillance directe et constante, comme le prévoit la directive du commissaire n° 710-6, annexe A (se référer à la section sur la politique, ci-dessus). Le plaignant remplit donc les conditions d’un niveau élevé de surveillance et de contrôle au sein du pénitencier, et il correspond parfaitement à la description d’un détenu à sécurité maximale, ce qui s’accorde avec son niveau de 29 sur l’ERNS.

 

 

[31]           Il est clair que le commissaire n’a pas fondé son opinion sur la véracité des allégations dont le demandeur était l’objet, et qu’il n’en a pas tiré de conclusions indues. Quoi qu’il en soit, comme je l’écrivais plus haut, la décision du commissaire de hausser la cote de sécurité du demandeur avait déjà été prise, et c’est une décision que le demandeur n’a pas contestée. Divers recours s’offraient au demandeur pour contester ou faire radier tel ou tel renseignement figurant dans son dossier. Il ne s’en est pas prévalu. Il n’a pas contesté non plus les allégations qui ont conduit à ses mises en isolement.

 

[32]           L’affirmation du demandeur selon laquelle il se trouvait contraint de prouver une négation parmi les allégations mentionnées n’a aucun fondement. Je suis d’avis de ne pas faire droit, sur ce moyen, à la demande de contrôle judiciaire.

 

[33]           Point n° 4

 

            Le commissaire a-t-il manqué à son obligation d’équité envers le demandeur parce qu’il ne s’est pas conformé aux dispositions de  l’article 28 de la Loi?

            L’article 28 de la Loi doit guider les décisions de fond qui entourent le placement des détenus. Il ne concerne pas directement la procédure à suivre dans ces décisions. S’il se trouve que le SCC n’a pas observé les conditions énoncées dans l’article 28 de la Loi, alors la Cour tiendra compte de cette omission dans l’appréciation du caractère raisonnable ou non d’une décision de placement ou de transfèrement.

 

[34]           L’auteur d’une demande de contrôle judiciaire ne saurait échapper au principe d’un examen approfondi en prétendant que la mauvaise interprétation ou l’inobservation d’une disposition légale de fond constitue un manquement à l’équité procédurale.

 

[35]           Le demandeur a bénéficié globalement d’une procédure équitable et ne soulève aucune question légitime sur ce plan.

 

[36]           Point n° 5

            La décision du commissaire de confirmer le transfèrement était-elle raisonnable?

            Les parties s’accordent pour dire que les décisions ultimes du SCC ou du commissaire concernant les transfèrements de détenus appellent une retenue élevée et doivent donc être revues selon la norme de raisonnabilité.

 

[37]           Le transfèrement a eu pour résultat que le demandeur a été éloigné davantage de sa famille et placé dans un environnement où il allait connaître des difficultés linguistiques, mais c’était une décision raisonnable qui entre aisément dans la gamme des issues possibles acceptables évoquées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, [2008] A.C.S. n° 9 (QL).

 

[38]           Les facteurs énoncés dans l’article 28 de la Loi ont été énumérés et examinés par le commissaire. Ce fut une décision difficile. Aucun autre établissement à sécurité maximale de l’Ontario ne pouvait être retenu, en raison d’impératifs de sécurité; c’est là un fait que le demandeur a compris et accepté. Le demandeur était un détenu à sécurité maximale et avait été classé comme détenu nécessitant un environnement à sécurité maximale. Si l’on ajoute à cela sa constante mise en isolement à Warkworth, alors son incarcération dans un établissement à sécurité maximale en dehors de l’Ontario, où il serait en mesure de réintégrer la population carcérale générale, constituerait le milieu le moins restrictif possible exigé par l’article 28 de la Loi. Port-Cartier était l’établissement le plus proche correspondant à cette description.

 

[39]           Le demandeur a aussi fait observer qu’on lui avait laissé croire qu’il serait placé dans un milieu à sécurité moyenne à Warkworth, en dépit du niveau qu’il occupait sur l’ERNS et qui montrait qu’il était un détenu à sécurité maximale. Cependant, ce qu’on a pu lui dire à ce sujet était antérieur aux divers incidents à l’origine de son transfèrement à l’établissement de Port-Cartier. Les promesses qu’on a pu lui faire ne lui sont donc ici d’aucun secours.

 

[40]           Le demandeur a encore la possibilité de solliciter un transfèrement vers un autre établissement à sécurité maximale en dehors de l’Ontario.

 

[41]           La décision du commissaire confirmant le transfèrement était raisonnable : elle entrait dans la gamme des issues possibles acceptables. Je suis d’avis de ne pas faire droit sur ce moyen à la demande de contrôle judiciaire.

 

[42]           La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

 

[43]           Il ne sera pas adjugé de dépens.

 


 

JUGEMENT

 

[44]           LA COUR ORDONNE :

            1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

            2.         Il ne sera pas adjugé de dépens.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


ANNEXE

 

Dispositions légales applicables

 

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20

 

24.(1) Le Service est tenu de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu’il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets.

 

(2) Le délinquant qui croit que les renseignements auxquels il a eu accès en vertu du paragraphe 23(2) sont erronés ou incomplets peut demander que le Service en effectue la correction; lorsque la demande est refusée, le Service doit faire mention des corrections qui ont été demandées mais non effectuées.

 

 

 

 

 

 

 

 

. . .

 

28. Le Service doit s’assurer, dans la mesure du possible, que le pénitencier dans lequel est incarcéré le détenu constitue le milieu le moins restrictif possible, compte tenu des éléments suivants :

 

 

a) le degré de garde et de surveillance nécessaire à la sécurité du public, à celle du pénitencier, des personnes qui s’y trouvent et du détenu;

 

 

 

 

 

 

 

 

b) la facilité d’accès à la collectivité à laquelle il appartient, à sa famille et à un milieu culturel et linguistique compatible;

 

 

 

 

 

 

c) l’existence de programmes et services qui lui conviennent et sa volonté d’y participer.

24.(1) The Service shall take all reasonable steps to ensure that any information about an offender that it uses is as accurate, up to date and complete as possible.

 

 

(2) Where an offender who has been given access to information by the Service pursuant to subsection 23(2) believes that there is an error or omission therein,

 

(a) the offender may request the Service to correct that information; and

 

(b) where the request is refused, the Service shall attach to the information a notation indicating that the offender has requested a correction and setting out the correction requested.

 

. . .

 

28. Where a person is, or is to be, confined in a penitentiary, the Service shall take all reasonable steps to ensure that the penitentiary in which the person is confined is one that provides the least restrictive environment for that person, taking into account

(a) the degree and kind of custody and control necessary for

 

(i) the safety of the public,

 

(ii) the safety of that person and other persons in the penitentiary, and

 

(iii) the security of the penitentiary;

 

(b) accessibility to

 

(i) the person’s home community and family,

 

(ii) a compatible cultural environment, and

 

(iii) a compatible linguistic environment; and

 

(c) the availability of appropriate programs and services and the person’s willingness to participate in those programs.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-986-09

 

INTITULÉ :                                       DUANE WILLIAMS

 

                                                            c.

 

                                                            PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 28 juin 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John L. Hill

 

POUR LE DEMANDEUR

Adam Rambert

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

 

John L. Hill

Cobourg (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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