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Date : 20100625

 Dossier : T-293-07

Référence : 2010 CF 679

 [TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Ottawa (Ontario), le 25 juin 2010

 

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

RICHARD WARMAN

 

plaignant,

 

et

 

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

  Commission

et

 

 TERRY TREMAINE

 

  intimé

 

MOTIFS MODIFIÉS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE – ROWBOTHAM

(Ordonnance rendue à l’audience à Saskatoon (Saskatchewan, le 17 juin 2010, dans sa version révisée)

 

[1]  En février 2007, le Tribunal canadien des droits de la personne a jugé M. Terry Tremaine coupable d’un acte discriminatoire consistant à transmettre ou faire transmettre, en utilisant un moyen décrit à l’article 13(2) de la Loi, notamment l’Internet, des documents qui ont été jugé être en violation de l’article 13(1) dans l’espèce ou dans toute autre affaire portant sur un contenu essentiellement semblable qui est susceptible d’exposer à la haine ou au mépris une personne ou des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base des motifs énoncés de distinction illicite. Le tribunal a délivré une ordonnance de cesser et de s’abstenir et il a imposé une amende de 4 000 $.

 

[2]  Plus tard au cours du même mois, l’ordonnance a été déposée devant la Cour et elle a été présentée au titre d’une ordonnance de la Cour fédérale aux fins d’application de la Loi. M. Tremaine a demandé le contrôle judiciaire de la décision du tribunal. La juge Snider a rejeté sa demande en septembre 2008. Ses motifs sont publiés dans 2008 CF 1032.

 

[3]  En mars 2009, la Commission a déposé une requête en vue d’obtenir une ordonnance de justification. La Commission a demandé au Tribunal de rendre une ordonnance, en vertu de l’article 467 des Règles de la Cour fédérale, qui exige que M. Tremaine comparaisse à l’heure et au lieu indiqués afin de répondre aux allégations d’outrage, qu’il soit disposé à entendre la preuve du présumé outrage au tribunal pour avoir communiqué au moyen de message sur Internet qui étaient susceptibles d’exposer des personnes à la haine ou au mépris sur la base de la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur ou la religion, et qu'il soit disposé à présenter une défense à ces accusations. Cette requête ne s’est pas poursuivie. Cependant, le 20 mai 2010, la Commission a signifié à M. Tremaine une requête en justification à jour présentable à Saskatoon le 17 juin 2010. M. Tremaine, qui, jusque-là, s’était représenté lui‑même, a déposé une requête par l’entremise de son avocat, Me Douglas H. Christie, qui est avec nous aujourd’hui (le 17 juin 2010) par téléconférence, afin de demander l’octroi de fonds publics pour sa défense et que la requête en vue d’obtenir une ordonnance de justification soit reportée dans l’intervalle. L’ordonnance est appuyée par un ouï-dire de la secrétaire juridique de Me Christie selon lequel il a été informé par M. Tremaine, et il croit que M. Tremaine n’avait pas les fonds suffisants pour se défendre.

 

[4]  Cette requête a été présentée en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, permettant à une partie de demander qu’une décision soit prise sur la base d’observations écrites. J’accède à cette demande. Étant donné que, à mon avis, la requête est sans fondement, je n’ai pas à entendre M. Warman, qui ne semble pas avoir été assigné par la Cour ou la Commission. Pour ces motifs, je rejette la requête.

 

[5]  La question dont la Cour est saisie dans une requête en justification n’est pas de savoir si M. Tremaine a commis un outrage, ce qui doit être prouvé hors de tout doute raisonnable, mais plutôt si la Commission a établi une preuve prima facie. Si c’est le cas, une date de l’audience est alors établie où un témoignage direct est présenté. M. Tremaine affirme qu’il fait face à un double péril puisque des accusations au pénal pèsent contre lui; que l’article 13 de la Loi, ainsi que ses dispositions quant à l’application de la Loi, sont inconstitutionnel comme l’a constaté la Commission elle-même dans la décision subséquente dans Lemire, 2009 Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) 26, qui, je crois, fait actuellement l’objet d’un contrôle judiciaire, et que, de toute façon, il n’a pas « transmis » au sens de la Loi.

 

[6]  Ces affirmations sont erronées, à première vue, ce qui ne l’empêchera pas de les soulever si une ordonnance de justification est délivrée. L’ordonnance du Tribunal est définitive. La décision de la juge Snider n’a pas été portée en appel. En outre, comme elle l’a noté, aucun avis n’a été donné en vertu de l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales d’une question constitutionnelle, et aucun avis n’a été donné dans les présentes procédures non plus. Sans un tel avis, la Cour doit présumer que la législation est valide.

 

[7]  En outre, et quoi qu’il en soit, on doit respecter une ordonnance inconstitutionnelle, tant qu’elle n’a pas été officiellement radiée ou modifiée par la Cour. Dans Paul Magder Furs Limited c. Ontario (Attorney General) (1991), 6 O.R. (3d) 188, le juge Brooke de la Cour d’appel de l’Ontario a indiqué qu’il était élémentaire que, aussi longtemps qu’une loi ou une ordonnance de la Cour continue d’avoir effet, elle doit être respectée. Dans Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892, alors que la majorité n’a pas jugé utile d’examiner la question, la juge McLachlin J. a dit ce qui suit à la page 974 :

À mon avis, tant qu’elle n’aura pas été annulée, l’ordonnance qui a été rendue en l’espèce par le Tribunal en 1979 et inscrite dans le livre des jugements et ordonnances de la Cour fédérale, demeure valide indépendamment de la violation de la Charte. Il doit en être ainsi. S’il est permis de désobéir aux ordonnances judiciaires parce qu’on croit que leur fondement est inconstitutionnel, on va vers l’anarchie. Le recours des citoyens est non pas de désobéir aux ordonnances illégales, mais à demander en justice leur annulation.

 

[8]  Cette requête particulière en vue d’obtenir une ordonnance de justification est limitée à une ordonnance de cessation ou d’abstention. La décision dans Lemire concerne d’autres aspects comme l’imposition d’une amende et l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, dans la mesure où elle est liée aux ordonnances de cessation ou d’abstention, a été maintenue par la décision dans Taylor, à laquelle j’ai fait référence.

 

[9]  De plus, il a été jugé que les ordonnances dans Rowbotham, ce qu’il est convenu de les appeler, ne s’appliquent pas dans les affaires d’outrage civil. Je fais référence à la décision de la Cour suprême de l’Ontario dans Burgoyne Holdings Inc. c. Magda (2005), 74 O.R. (3d) 417. De plus, on doit tenir compte des Règles de la Cour fédérale. Bien que les requêtes puissent être étayées par des affidavits qui reposent sur la connaissance et la croyance, l’article 81(2) des Règles indique ce qui suit :

Lorsqu’un affidavit contient des déclarations fondées sur ce que croit le déclarant, le fait de ne pas offrir le témoignage de personnes ayant une connaissance personnelle des faits substantiels peut donner lieu à des conclusions défavorables.

 

[10]  M. Tremaine a une connaissance personnelle de sa situation financière et il est présent dans la salle d’audience. Un contre-interrogatoire du déposant, un prête-nom, serait inutile. Il y a lieu de tirer une conclusion défavorable.

 

[11]  On a porté à mon attention, aujourd’hui, que M. Tremaine avait déposé un affidavit des actifs auprès du greffe, à Regina, le 9 juin 2010. Manifestement, l’affidavit n’a pas été accepté pour être déposé, parce qu’il n’était pas accompagné d’une preuve indiquant qu’il a été assigné à comparaître devant M. Warman et la Commission, à l’appui d’une requête qui n’est pas encore signifiée et produite. Il est malheureux de constater qu’au cours de l’audience, ni M. Tremaine ni son avocat n’ont porté à mon attention l’existence de cet affidavit, qui ne faisait pas partie de son dossier de requête, tel qu’il a été produit par son avocat. Dans ces circonstances, une conclusion défavorable en vertu de l’article 81(2) des Règles n’était pas justifiée.

 

[12Néanmoins, le résultat doit demeurer le même, puisqu’une ordonnance ne s’applique pas dans les affaires d’outrage civil.


ORDONNANCE

  POUR LES MOTIFS EXPOSÉS VU LA REQUÊTE ÉCRITE PRÉSENTÉE AU NOM DE L’INTIMÉ conformément à la règle 369, une ordonnance semblable à une ordonnance Rowbotham, c.-à-d., que sa défense à l’encontre de la requête de la Commission canadienne des droits de la personne pour une ordonnance de justification en vertu de l’article 467, qu’il soit appelé à répondre aux allégations d’outrage au tribunal par les pouvoirs publics et que la requête en justification soit ajournée dans l’intervalle et pour d’autres mesures de réparation.

  LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

[1]  La requête est rejetée.

[2]  Le tout sans frais.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :     T-293-07

 

INTITULÉ   Warman c. CHRC c. Tremaine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :   Saskatoon, Saskatchewan

 

DATE DE L’AUDIENCE :   Le 17 juin 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE – ROWBOTHAM :  Le juge Harrington

 

MOTIFS PRONONCÉS À L’AUDIENCE : Le 17 juin 2010

 

 

DANS LEUR VERSION RÉVISÉE :  Le 22 juin 2010

 

DANS LEUR VERSION MODIFIÉE :  Le 25 juin 2010

 

COMPARUTIONS

 

Personne n’a comparu

 

POUR LE PLAIGNANT

Me Daniel Poulin

POUR LA COMMISSION

 

Me Douglas H. Christie

 

POUR L’INTIMÉ

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sans objet

 

POUR LE PLAIGNANT

Me Daniel Poulin

Division des services du contentieux

Commission canadienne des droits de la personne

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA COMMISSION

 

Me Douglas H. Christie

Avocat et procureur

Victoria (C.B.)

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

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