Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Cour fédérale

Federal Court

 

Date : 20100623

Dossier : IMM‑4934‑09

Référence : 2010 CF 686

[traduction FRANÇAISE certifiée, non révisée]

Toronto (Ontario), le 23 juin 2010

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

TAMAS BANYA

TAMASNE BANYA

ET KLAUDIA NATASA BANYA

 

demandeurs

 

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Dans la présente demande, les demandeurs sont une mère, un père et leur fille. Lorsqu’ils ont présenté leur demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR), ils ont fourni une abondante preuve selon laquelle, en tant que Roms de la Hongrie, il y avait plus qu’une simple possibilité qu’ils soient persécutés au sens de l’article 96, et qu’ils soient exposés à un risque au sens de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), en cas de renvoi en Hongrie. Vu que les demandeurs avaient antérieurement présenté une demande d’asile à la Section de la protection des réfugiés, mais que celle‑ci avait prononcé le désistement de la demande sans possibilité de réouverture, l’agent d’ERAR devait procéder à un examen complet des observations présentées au titre des articles 96 et 97.

 

[2]               Dans leurs observations envoyées à l’agent d’ERAR, les demandeurs ont fait le récit de leurs expériences passées de persécution en tant que Roms en Hongrie, et ils ont fourni une preuve documentaire abondante sur la situation actuelle dans ce pays dans le but d’établir qu’il y avait une probabilité qu’ils soient exposés à la persécution et à une menace à leur vie s’ils devaient retourner en Hongrie. Lorsqu’il a rendu sa décision défavorable, l’agent d’ERAR a tiré les conclusions essentielles suivantes :

[traduction]

Dans ses observations écrites, l’avocate prétend que les demandeurs sont exposés à un risque en Hongrie parce qu’ils sont Roms et que le gouvernement hongrois ne peut pas offrir de protection adéquate aux Roms. L’avocate fait observer que les Roms en Hongrie continuent d’être une minorité extrêmement marginalisée et ont récemment été l’objet d’attaques violentes et mortelles que l’État semble ne pas pouvoir ou ne pas vouloir prévenir. L’avocate affirme aussi que l’État hongrois a montré qu’il ne pouvait pas ou ne voulait pas prendre quelque mesure que ce soit pour aider à l’amélioration de la situation des Roms. L’avocate a produit plusieurs articles parus dans les médias pour étayer cette observation. J’ai examiné attentivement toute la preuve qui m’a été présentée. Je conclus que les observations de l’avocate ne fournissent pas une preuve objective suffisante d’un risque qui est personnel aux demandeurs. En outre, les observations de l’avocate ne me convainquent pas que s’ils devaient retourner en Hongrie, les demandeurs présenteraient de l’intérêt ou seraient pris pour cible par les autorités ou par tout autre groupe ou par toute autre personne parce qu’ils sont Roms.

 

[…]

 

J’ai aussi examiné les éléments de preuve présentés par l’avocate dans le contexte de l’article 97 de la LIPR. Mise à part leur déclaration selon laquelle ils sont Roms, les demandeurs n’ont pas fourni de preuve supplémentaire qu’ils sont Roms ou qu’ils seront perçus comme étant Roms par les autorités ou par tout autre groupe ou par toute autre personne, en cas de retour en Hongrie. Ainsi, je conclus que les demandeurs et leur avocate ont produit une preuve objective insuffisante et que les demandeurs ne seraient vraisemblablement pas exposés à un risque de torture, à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités en cas de retour en Hongrie parce qu’ils sont Roms.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(Décision, aux pages 5, 6 et 7.)

 

 

À mon avis, les erreurs révélées dans les paragraphes cités ci‑dessus sont fondamentales et sont susceptibles de contrôle. Premièrement, l’ensemble de la preuve dont l’agent d’ERAR disposait était que, en tant que Roms, sur la base de la situation actuelle du pays, les demandeurs avaient droit à une décision favorable quant à l’ERAR. L’élément essentiel de la demande des demandeurs est le fait que la caractéristique personnelle immuable sur laquelle leur demande est fondée est leur appartenance ethnique. Le dossier ne contient absolument aucune preuve permettant de douter de ce fait. Néanmoins, comme il est indiqué ci‑dessus, l’agent d’ERAR a estimé que le fondement même de leur demande de prise en compte du risque, à savoir leur appartenance ethnique, était douteux. Je suis d’avis que cette suspicion non confirmée et non justifiée, qui constitue en fait une conclusion défavorable et non étayée quant à la crédibilité, explique pourquoi la décision défavorable d’ERAR a pu être rendue sans une analyse contextuelle complète de la preuve des souffrances horribles auxquelles seraient probablement exposés les demandeurs s’ils étaient obligés de retourner en Hongrie. La preuve se trouve dans 24 articles du dossier du tribunal portant sur la situation en Hongrie, dont une source de premier plan est constituée par les rapports de 2008 du Département d’État des États‑Unis sur les pratiques en matière de droits de la personne (25 février 2009) intitulé « Country Reports on Human Rights Practices for 2008 » dont l’introduction est rédigée de la façon suivante :

[traduction]

Le gouvernement respectait en général les droits fondamentaux de ses citoyens; toutefois, les problèmes ont subsisté et ont empiré notamment dans les domaines suivants : témoignages selon lesquels la police appliquait une force excessive contre les suspects, en particulier les Roms; parti pris favorable au gouvernement dans les médias appartenant à l’État; violence extrémiste et propagande contre des groupes minoritaires ethniques et religieux; et corruption au sein du gouvernement et de la société. Parmi les autres atteintes aux droits de la personne, citons la violence contre les femmes et les enfants au sein de la société, le harcèlement sexuel des femmes et le trafic d’êtres humains. Les extrémistes s’en prennent de plus en plus aux Roms et aux autres personnes à la peau foncée. Une série d’attaques violentes contre les Roms ont entraîné quatre décès et de nombreuses blessures. La discrimination envers les Roms dans l’éducation, le logement, l’emploi et l’accès aux services sociaux s’est poursuivie. Les violences et les abus envers les homosexuels demeurent problématiques.

 

 

[3]               Par conséquent, je conclus que la décision soumise au contrôle est déraisonnable.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE : La décision soumise au contrôle judiciaire est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LLM., M.A.Trad.jur.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                 IMM-4934-09

 

INTITULÉ :                                              TAMAS BANYA, TAMASNE BANYA ET KLAUDIA NATASA BANYA

c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     Le 22 juin 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                              Le juge Campbell

 

DATE DES MOTIFS                              

ET DE L’ORDONNANCE :                   Le 22 juin 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wennie Lee

 

POUR LES DEMANDEURS

Kevin Doyle

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lee & Company

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.