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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100624

Dossier : IMM-4781-09

Référence : 2010 CF 691

[traduction FRANÇAISE certifiÉe non révisÉe]

Ottawa (Ontario), le 24 juin 2010

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

SVIET LUBOV MENESES GONZALEZ

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), visant une décision rendue le 19 août 2009, dans laquelle la Section de la protection des réfugiés (le tribunal) a conclu que Sviet Lubov Meneses Gonzalez (la demanderesse) n'avait pas la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni de personne à protéger.

 

Contexte factuel

[2]               La demanderesse est citoyenne du Mexique et habite le quartier d’Azcapotzalco, dans le district fédéral de Mexico. À Azcapotzalco, elle a été menacée à plusieurs reprises par un politicien local, Ricardo Betancourt Linares (Betancourt). En décembre 2005, Betancourt a cherché à obtenir auprès de la demanderesse des renseignements au sujet des participants au programme d’équité sociale pour lequel elle travaillait. Il lui a offert un emploi et de l’argent, à la condition qu’il remporte les élections alors en cours, en échange des renseignements, en plus de la menacer et de lui annoncer qu’il l’obligerait à lui révéler les informations.     

 

[3]               Peu après, en février 2006, la demanderesse a changé d’emploi et a commencé à travailler à l’Institut fédéral électoral, en qualité de coordonnatrice des employés des bureaux de vote pour les élections à venir. Betancourt a communiqué de nouveau avec elle. Cette fois, il lui a demandé de trafiquer les bulletins de vote et de lui donner le nom des employés du bureau de vote, ce qu’elle a refusé de faire. Il a envoyé des gens la filer, et elle a été battue à une occasion. La demanderesse a signalé l’incident à la police le 21 juin 2006. En dépit du rapport de police, Betancourt a continué d’envoyer des gens filer la demanderesse et la menacer.   

 

[4]               De plus, quelques jours après avoir déposé le rapport, la demanderesse a été interpellée par la police, qui, pendant environ une heure, l’a promenée dans une voiture de police. Pendant ce temps, elle a été menacée et on lui a dit qu’elle n’aurait pas dû déposer le rapport, et qu’elle devrait simplement révéler à Betancourt les renseignements qu’il a demandés. 

 

[5]               Betancourt a perdu les élections et la demanderesse a changé d’emploi. Elle a commencé à travailler au Bureau d’enregistrement des biens publics, et elle a encore reçu des appels de gens qui cherchaient à obtenir des renseignements. Elle a continué de refuser et les menaces de mort se sont poursuivies. Ces dernières sont à l’origine de sa démission, en mars 2007. La demanderesse est arrivée au Canada le 31 mai 2007 et y a présenté une demande d'asile le 13 septembre 2007. Betancourt et ses complices n’ont pas cessé les appels à sa résidence d’Azcapotzalco, même après qu’elle soit partie et que sa mère ait changé son numéro de téléphone à cause des appels. 

 

[6]               Compte tenu de la preuve, le tribunal a conclu à l’existence d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) valable et était convaincu qu’il ne serait pas déraisonnable pour la demanderesse de chercher refuge à Guadalajara.

 

[7]               La demanderesse soulève des questions à l’égard de l’évaluation des éléments de preuve et de l’application du critère de la PRI. Il s’agit de questions mixtes de fait et de droit susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, ce qui présuppose que le tribunal a énoncé correctement le critère de la PRI, qui est une question de droit. Le tribunal n’a pas droit à la déférence s’il omet de le faire (Lugo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2010 CF 170, [2010] A.C.F. no 203, aux paragraphes 30 et 31). 

 

[8]               Lorsqu’elle applique la norme de la décision raisonnable, la Cour prend en considération la  « justification de la décision, […] la transparence et […] l’intelligibilité du processus décisionnel » et « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).

 

[9]               Je remarque que la demanderesse ne conteste pas, avec raison, la manière dont le tribunal a exposé le critère à deux volets de la PRI. Le critère à appliquer pour décider s'il existe une PRI comporte deux volets : (i) le demandeur ne risque pas sérieusement d'être persécuté ou d'être, selon la prépondérance des probabilités, victime de persécution ou exposé au risque d'être soumis à la torture ou à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans la région où il existerait une PRI, et (ii) la situation dans la région où il existe une PRI doit être telle que, compte tenu de toutes les circonstances, il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur de s'y réfugier (voir Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'immigration), [1994] 1 C.F. 589, (C.A.F.) (QL)). Le fardeau d’écarter un des volets du critère, ou les deux, incombe au demandeur d’asile (Thirunavukkarasu, au paragraphe 9).

 

[10]           En ce qui concerne les faits en l’espèce, je ne suis pas convaincu que le tribunal a réellement mal appliqué le critère, en dépit de son introduction inexacte. Les motifs du tribunal montrent que le critère à deux volets a été appliqué correctement et aucune autre mention n’est faite du fait que la demanderesse n’a pas tenté de trouver une PRI avant son entrée au Canada. Rien n’indique que le tribunal a tenu compte de l’omission de tenter de se prévaloir de la PRI pour refuser la demande d’asile, ou qu’il s’agissait d’un facteur dans l’évaluation de la PRI. Vu ce qui précède, la décision demeure tout à fait raisonnable et il ne convient pas de renvoyer l’affaire pour nouvel examen pour ce motif.

 

[11]           En ce qui concerne les conclusions quant à l’existence de la protection de l’État à Guadalajara, le tribunal fonde son analyse sur la situation particulière de la demanderesse. Il est par exemple convaincu qu’il n’existait aucune preuve que l’influence de Betancourt s’étend au-delà du district fédéral et qu’il y a de la corruption policière à Guadalajara aussi. Le tribunal se fonde également sur la preuve documentaire, qui montre que des organismes de l’État sur place luttent contre la corruption policière, et que leurs efforts ont eu des résultats positifs.

 

[12]           En outre, je ne suis pas d’accord avec l’argument de la demanderesse que le tribunal a négligé des éléments de preuve. Elle soutient que ses motifs, consignés dans la transcription de l’audience tenue devant le tribunal (voir le dossier certifié du tribunal, aux pages 188, 192, 193 et 195), dans lesquels elle expliquait pourquoi Guadalajara n’était pas, selon elle, une PRI valable, n’ont pas été pris en considération.

 

[13]           Dans les extraits de la transcription qu’elle a mentionnés, la demanderesse déclare que, selon elle, la police mexicaine est corrompue, que son expérience lui montre que l’influence de Betancourt a une portée large et que sa sécurité est en jeu peu importe où elle se trouve au Mexique. Le tribunal reconnaît qu’il s’agit de motifs pour lesquels la demanderesse ne pense pas pouvoir s’installer où il y a une PRI, sans en être convaincu, compte tenu de la preuve dont il est saisi. Il n’y a pas ici d’erreur susceptible de révision.

 

[14]           Les parties n’ont proposé aucune question à certifier et la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4781-09

 

INTITULÉ :                                       SVIET LUBOV GONZALEZ

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 17 juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 24 juin 2010

 

 

COMPARUTION :

 

Michael Brodzky

 

POUR LA DEMANDERESSE

Eleanor Elstub

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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