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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date :  20100622

Dossier :  IMM-6670-09

Référence :  2010 CF 683

Ottawa (Ontario), le 22 juin 2010

En présence de monsieur le juge Mainville 

 

ENTRE :

ALBERTO PADILLA OCHOA

SARA GONZALEZ TENORIO

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction

[1]               La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire en application des articles 72 et suivants de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), soumise par Alberto Padilla Ochoa (le demandeur) et par Sara Gonzalez Tenorio (la demanderesse) à l'égard d'une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, Section de la protection des réfugiés (le tribunal), portant les numéros MA8-00845 et MA8-00846 et rendue le 20 novembre 2009. Le présent jugement est rendu par le juge soussigné à titre de juge d’office de la Cour fédérale tel que le prévoit le paragraphe 5.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7.

[2]               La demande de contrôle judiciaire sera rejetée pour les motifs énoncés ci-dessous.

 

Le contexte

[3]               Les demandeurs sont citoyens du Mexique, maintenant âgés respectivement de 39 et de 42 ans. Ils ont quitté le Mexique et sont arrivés au Canada le 12 décembre 2007; ils ont présenté une demande d’asile le même jour. La demande d’asile du demandeur est largement tributaire de celle de la demanderesse.

 

[4]               La demanderesse était au service d'une école secondaire accueillant des jeunes au comportement difficile. Elle a surpris un élève vendant de la drogue à des camarades de classe, et elle l’a dénoncé à la direction de l’école; il en fut expulsé. À la suite de cette expulsion, cet élève s’est retrouvé dans une prison pour mineurs.

 

[5]               La demanderesse affirme que le père de l’élève en question l’a menacée. Par la suite elle aurait été agressée et violée le 22 juin 2007, des vitres de sa demeure auraient été brisées le 13 juillet 2007, et elle aurait été de nouveau violée le 7 novembre 2007. Les demandeurs décident alors de quitter le Mexique pour le Canada.

 

La décision du tribunal

[6]               Le tribunal conclut que le témoignage de la demanderesse n’est ni clair, ni direct et comporte de nombreuses omissions et contradictions. Toutefois, le tribunal retient un rapport médical du médecin traitant de la demanderesse qui établit un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique qui est compatible avec les agressions alléguées. Le médecin traitant conclut dans son rapport qu’il sera difficile à la demanderesse de défendre sa cause devant le tribunal en raison de ses troubles de mémoire et de concentration et de sa réticence à évoquer les faits vécus.

 

[7]               En conséquence, le tribunal accorde le bénéfice du doute à la demanderesse et retient son récit, qu'il estime crédible et digne de foi.

 

[8]               La crainte subjective de persécution étant établie, le tribunal se penche alors sur la question de la crainte objective; il conclut que les demandeurs n’ont pas démontré qu'ils ne disposaient pas de la protection de l’État au Mexique.

 

[9]               En effet, les demandeurs n’ont pas porté plainte à la suite des évènements de juin et de juillet 2007. Ils expliquent cette omission par le fait qu’ils n’avaient pas confiance en la police; selon eux, elle est corrompue. Ils croient aussi que les personnes qui les poursuivent ont les moyens de corrompre les policiers de toutes les régions du Mexique dans lesquelles ils se seraient réfugiés à la suite de ces évènements.

 

[10]           Les demandeurs ont néanmoins porté plainte à la police concernant les incidents du mois de novembre 2007, mais ils ne l’ont pas informée du nom de leur persécuteur, qui leur était pourtant connu. Ce refus de collaboration avec la police est perçu par le tribunal comme une sollicitation inadéquate de la protection des autorités mexicaines.

 

[11]           Le tribunal conclut donc que les demandeurs n’ont pas repoussé la présomption selon laquelle l’État mexicain était en mesure d’assurer leur protection.

 

La thèse du demandeur

[12]           Les demandeurs soutiennent que la décision du tribunal est déraisonnable puisque la protection de l’État est illusoire au Mexique et qu’en conséquence, c’est à bon droit qu’ils ne l’ont pas sollicitée.

 

La thèse du ministre

[13]           Le ministre soulève une question préliminaire concernant l’inobservance des délais en ce qui concerne la présentation de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Vu la décision sur le fond du dossier, il ne sera pas nécessaire de se prononcer sur cette question.

 

[14]           Sur la question de fond, le ministre soutient qu’il incombait aux demandeurs, par une preuve claire et convaincante, de repousser la présomption selon laquelle de l’État assure la protection de ses citoyens. Or, en l’occurrence, les demandeurs n’ont pas porté plainte à la police à la suite des incidents de juin et juillet 2007, et n’ont pas donné le nom de leur agresseur à la police lors des incidents de novembre 2007. Dans ces circonstances, le tribunal pouvait raisonnablement conclure que les demandeurs n’avaient pas déployé des efforts raisonnables en vue d’obtenir la protection des autorités mexicaines.

 

 

La norme de contrôle

[15]           Dans l'arrêt Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CAF 171, 282 D.L.R. (4th) 413, [2007] A.C.F. no 584 (QL), au paragraphe 38, la Cour d'appel fédérale a confirmé que les questions relatives au caractère adéquat de la protection assurée par  l'État sont des « questions mixtes de fait et de droit habituellement susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable ».

 

[16]           La norme de contrôle applicable aux décisions de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, Section de la protection des réfugiés, traitant la disponibilité de la protection de l’État est donc celle de la décision raisonnable.

 

Analyse

[17]           Lorsque le demandeur d'asile soutient qu'il ne peut disposer de la protection de l'État, la règle fondamentale est qu'il porte le fardeau de la preuve. Il ne lui suffit pas d’affirmer l’absence de protection ou la corruption des services de sécurité pour s'acquitter de ce fardeau. Autrement dit, en l'espèce, il incombait aux demandeurs d’établir par des faits précis qu'ils ne pouvaient disposer de la protection de l’État.

 

[18]           Cette preuve peut se faire par divers moyens. Par exemple, le demandeur peut témoigner d’évènements qu’il a vécus afin de démontrer que l’État a refusé d'assurer sa protection, ou qu'elle était inexistante; ou encore il peut établir que des tiers dans des situations semblables à la sienne n’ont pu bénéficier de la protection de l’État ; ou encore il peut établir à partir de la documentation disponible au cartable national ou ailleurs qu'aucune protection n’est assurée aux personnes qui se trouvent dans une situation similaire à la sienne.

 

[19]           Or dans ce dossier, aucune preuve de cette nature n’a été produite.

 

[20]           Je note par exemple que, selon les transcriptions du procès-verbal de l’audience devant le tribunal, les demandeurs n’ont pas fait mention des éléments du cartable national de documentation concernant le Mexique à l'appui de leur thèse. Ils se sont contentés de vagues allégations et d’impressions personnelles qui n’étaient étayées par aucun élément objectif de preuve.

 

[21]           Dans ces circonstances, je ne puis conclure que la décision du tribunal est déraisonnable.

 

[22]           En conclusion, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[23]           Les parties n'ont soulevé aucune question à certifier aux fins de l'alinéa 74d) de la Loi et aucune question ne sera certifiée.

 

 

 

 

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Robert M. Mainville »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6670-09

 

INTITULÉ :                                       ALBERTO PADILLA OCHOA ET AL c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 15 juin, 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT               LE JUGE MAINVILLE

ET JUGEMENT :     

 

DATE DES MOTIFS DU

JUGEMENT ET JUGEMENT :      le 22 juin, 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Anthony Karkar

 

POUR LES DEMANDEURS

Suzon Létourneau

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Anthony Karkar

AVOCAT

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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