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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

Date : 20100614

Dossier : GST-2486-10

Référence : 2010 CF 646

[traduction certifiée, non révisée]

Toronto (Ontario), le 14 juin 2010

En présence de monsieur le juge Blanchard

 

AFFAIRE INTÉRESSANT une cotisation ou des cotisations établies

par le ministre du Revenu en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu

 

ENTRE :

SATPAL KAUR

demanderesse

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La demanderesse, Satpal Kaur, par avis de requête, demande à la cour de délivrer un bref de mandamus enjoignant à la défenderesse, Sa Majesté la Reine du chef du Canada, de lever la priorité qui est prétendument incorrectement enregistrée sur certains biens en vertu du certificat émis


dans le dossier de la Cour fédérale n° GST-2486-10. La requête a été déposée à la séance générale du 17 mai 2010 à Vancouver.

 

[2]               À l’audience de la requête, la Cour a ordonné que des observations écrites additionnelles soient soumises afin de traiter la question de la compétence de la Cour relativement à la mesure sollicitée et, plus particulièrement, afin de savoir s’il convient en l’espèce de procéder par requête.

 

[3]               Comme prescrit, les parties ont présenté leurs observations écrites et leurs documents à l’appui le 25 mai 2010.

 

Le contexte

[4]               La demanderesse, Mme Kaur, doit à Sa Majesté la Reine du chef du Canada la somme de 455 169,64 $ (plus les intérêts) en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la LTA), L.R.C. 1985, ch. E‑15 (la dette fiscale). L’avis de cotisation a été envoyé le 24 décembre 2009. Le 6 avril 2010, un certificat a été enregistré en Cour fédérale relativement à la dette fiscale en vertu du paragraphe 316(2) de la LTA (dossier de la Cour fédérale n° GST-2486-10).

 

[5]               Le 27 avril 2010, en vertu du paragraphe 316(4) de la LTA, une priorité a été enregistrée sur sept biens appartenant à la demanderesse en Colombie-Britannique.

 

Le point de vue de la demanderesse

[6]               La demanderesse affirme qu’elle n’est pas la propriétaire bénéficiaire de quatre des sept biens (les biens en litige); elle les détient à titre de simple fiduciaire pour le compte d’autres entités. Les biens sont les suivants :

 

            1.         Ville de Vancouver, PID 026-091-569;

            2.         Ville de Vancouver, PID 026-091-534;

            3.         Ville de Coquitlam, PID 002-249-812;

            4.         Village d’Anmore, PID 027-687-279.

 

 

[7]               La demanderesse prétend que puisqu’elle n’est pas la propriétaire bénéficiaire des biens en litige, la défenderesse ne peut pas les saisir. De plus, elle soutient qu’en raison des procédures de saisie-exécution engagées par la défenderesse, les propriétaires bénéficiaires des biens en litige subissent un préjudice financier.

 

[8]               La demanderesse soutient que la Cour fédérale a compétence pour traiter sa demande parce que la présente requête concerne l’exécution du certificat délivré par la Cour fédérale. Elle affirme que, en vertu de l’article 423 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, toute question concernant l’exécution forcée d’une ordonnance relève de la Cour fédérale.

 

[9]               La demanderesse ajoute que, en vertu du paragraphe 17(5) et de l’article 44 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, ch. F-7, la Cour a compétence pour délivrer l’ordonnance de mandamus sollicitée en l’espèce. À titre subsidiaire, la demanderesse demande à la Cour de rendre soit 1) une ordonnance sursoyant à l’exécution du certificat visant les biens en litige soit, 2) une déclaration portant que la demanderesse ne détient aucun intérêt bénéficiaire à l’égard des biens en litige, soit les deux à la fois.

 

Le point de vue de la défenderesse

[10]           La défenderesse prétend que la demanderesse ne peut pas, par voie de requête interlocutoire, obtenir la mesure sollicitée. Elle soutient que le mandamus est une mesure extraordinaire qui ne peut être obtenue que sur demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 18.1 le la Loi sur les Cours fédérales. De plus, la défenderesse invite la Cour à exercer son pouvoir discrétionnaire et à décliner compétence au profit de la cour provinciale compétente. Selon la défenderesse, il s’agit d’une affaire relevant de procédures d’exécution prévues dans une loi provinciale, notamment la Court Order Enforcement Act (la COEA), qui prévoit l’enregistrement d’un jugement en vertu de la Land Title Act, R.S.B.C. 1996, ch. 250, de la Colombie-Britannique.

 

[11]           Subsidiairement, si la Cour choisit d’exercer sa compétence en dépit de l’instrument procédural, la défenderesse sollicite un ajournement, une communication documentaire complète, un examen préalable et des témoignages de vive voix. La défenderesse prétend que la crédibilité de la demanderesse doit être vérifiée.

 

Le cadre législatif

[12]           Les paragraphes 316(1) à 316(4) de la LTA sont ainsi libellés :

316. (1) Any tax, net tax, penalty, interest or other amount payable or remittable by a person (in this section referred to as the “debtor”) under this Part, or any part of any such amount, that has not been paid or remitted as and when required under this Part may be certified by the Minister as an amount payable by the debtor.

 

(2) On production to the Federal Court, a certificate made under subsection (1) in respect of a debtor shall be registered in the Court and when so registered has the same effect, and all proceedings may be taken thereon, as if the certificate were a judgment obtained in the Court against the debtor for a debt in the amount certified plus interest and penalty thereon as provided under this Part to the day of payment and, for the purposes of any such proceedings, the certificate shall be deemed to be a judgment of the Court against the debtor for a debt due to Her Majesty and enforceable as such.

 

(3) All reasonable costs and charges incurred or paid in respect of the registration in the Court of a certificate made under subsection (1) or in respect of any proceedings taken to collect the amount certified are recoverable in like manner as if they had been included in the amount certified in the certificate when it was registered.

 

(4) A document issued by the Federal Court evidencing a certificate in respect of a debtor registered under subsection (2), a writ of that Court issued pursuant to the certificate or any notification of the document or writ (such document, writ or notification in this section referred to as a “memorial”) may be filed, registered or otherwise recorded for the purpose of creating a charge, lien or priority on, or a binding interest in, property in a province, or any interest in such property, held by the debtor in the same manner as a document evidencing

 

(a) a judgment of the superior court of the province against a person for a debt owing by the person, or

 

(b) an amount payable or required to be remitted by a person in the province in respect of a debt owing to Her Majesty in right of the province

 

may be filed, registered or otherwise recorded in accordance with or pursuant to the law of the province to create a charge, lien or priority on, or a binding interest in, the property or interest.

 

316. (1) Tout ou partie des taxes, taxes nettes, pénalités, intérêts ou autres montants à payer ou à verser par une personne — appelée « débiteur » au présent article — aux termes de la présente partie qui ne l’ont pas été selon les modalités de temps ou autres prévues par cette partie peuvent, par certificat du ministre, être déclarés payables par le débiteur.

 

(2) Sur production à la Cour fédérale, le certificat fait à l’égard d’un débiteur y est enregistré. Il a alors le même effet que s’il s’agissait d’un jugement rendu par cette cour contre le débiteur pour une dette du montant attesté dans le certificat, augmenté des intérêts et pénalités courus comme le prévoit la présente partie jusqu’au jour du paiement, et toutes les procédures peuvent être engagées à la faveur du certificat comme s’il s’agissait d’un tel jugement. Aux fins de ces procédures, le certificat est réputé être un jugement exécutoire de la Cour contre le débiteur pour une créance de Sa Majesté.

 

(3) Les frais et dépens raisonnables engagés ou payés pour l’enregistrement à la Cour fédérale d’un certificat ou de l’exécution des procédures de perception du montant qui y est attesté sont recouvrables de la même manière que s’ils avaient été inclus dans ce montant au moment de l’enregistrement du certificat.

 

(4) Un document délivré par la Cour fédérale et faisant preuve du contenu d’un certificat enregistré à l’égard d’un débiteur en application du paragraphe (2), un bref de cette cour délivré au titre du certificat ou toute notification du document ou du bref (ce document ou bref ou cette notification étant appelé « extrait » au présent article) peut être produit, enregistré ou autrement inscrit en vue de grever d’une sûreté, d’une priorité ou d’une autre charge un bien du débiteur situé dans une province, ou un droit sur un tel bien, de la même manière que peut l’être, au titre ou en application de la loi provinciale, un document faisant preuve :

 

a) soit du contenu d’un jugement rendu par la cour supérieure de la province contre une personne pour une dette de celle-ci;

 

b) soit d’un montant payable ou à remettre par une personne dans la province au titre d’une créance de Sa Majesté du chef de la province.

 

[…]

 

Analyse

[13]           Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la Cour a compétence pour trancher les questions soulevées dans le cadre de la présente requête.

 

[14]           La présente requête concerne une mesure à l’encontre de l’exécution d’un certificat enregistré qui, selon la loi, est réputé être un jugement de la Cour (paragraphe 316(2) de la LTA).

 

[15]           La question principale dans le cadre de la présente requête consiste à savoir si la défenderesse peut saisir les biens en litige en dépis des droits de la demanderesse à l’égard de ceux‑ci. Afin de trancher cette question, la Cour devra tenir compte des divers intérêts liés aux biens en litige, y compris l’incidence des conventions de fiducie contestées.

 

[16]           À mon avis, les questions à trancher sont accessoires à la question du pouvoir de la Cour de voir à l’exécution de ses jugements (Le Bois de Construction du Nord (1971) Ltée c. The Queen, [1986] 2 CTC 227 (C.A.F.), à la page 233; Canada (Ministre du Revenu national) c. Gadbois, 2002 CAF 228, aux paragraphes 14 et 27).

 

[17]           La mesure sollicitée par la demanderesse dans son avis de requête est de la nature d’une ordonnance de mandamus, mais il s’agit en réalité d’une demande d’ordonnance portant libération de la priorité sur les biens en litige. La demanderesse ne devrait pas se voir refuser une mesure appropriée alors que l’essence de la mesure sollicitée est claire.

 

[18]           À mon avis, dans les circonstances appropriées, la Cour peut accorder une telle mesure de manière interlocutoire. Cette question peut être réglée adéquatement par voie de requête; et il n’est pas nécessaire de procéder par demande.

 

[19]           En outre, la question de savoir si la défenderesse peut saisir les biens en litige, en dépis des droits de la demanderesses à l’égard de ceux-ci, peut être débattue adéquatement à partir de la preuve documentaire au dossier, des preuves par affidavit et des contre-interrogatoires des affiants (Gadbois, au paragraphe 29). La défenderesse a le droit en vertu de la règle 83 des Règles des Cours fédérales, de contre-interroger la demanderesse sur son affidavit. À cette fin, la demande d’ajournement de la défenderesse sera accordée. Après le contre-interrogatoire de la demanderesse, la défenderesse pourra demander à la Cour d’autoriser la communication de renseignements supplémentaires si elle en a besoin.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.      Les parties procéderont au contre-interrogatoire des affidavits de la demanderesse dans les plus brefs délais et, dans tous les cas, au plus tard deux semaines après la date des présents motifs et de la présente ordonnance.

 

2.      Après le contre-interrogatoire, il sera loisible à l’une ou l’autre partie de demander que l’affaire soit inscrite pour audition.

 

 

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        GST-2486-10

 

INTITULÉ :                                       SATPAL KAUR c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 17 MAI 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE BLANCHARD

 

DATE DES MOTIFS ET

DE L’ORDONNANCE :                   LE 14 JUIN 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Satpal Kaur

(pour son propre compte)

POUR LA DEMANDERESSE

Neva Beckie

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Satpal Kaur

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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