Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20100624

Dossier : T-165-09

Référence : 2010 CF 687

Ottawa (Ontario), le 24 juin 2010

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

VILLE DE TORONTO

demanderesse

et

 

ADMINISTRATION PORTUAIRE DE TORONTO

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Deux questions font l’objet du présent contrôle judiciaire. La première concerne le rapport rendu par le comité consultatif sur les conflits dans le secteur fédéral (le comité) relativement à la « valeur effective » de quatre propriétés de l’administration portuaire de Toronto (l’APT). La seconde a trait à la décision de l’APT de verser à la Ville de Toronto (la Ville) la somme de 5 561 607 $ à titre de paiements en remplacement d’impôts (les PERI) pour l’ensemble de ses propriétés, y compris celles qui sont en ici cause. En l’espèce, la principale décision en litige est celle du conseil d’administration de l’APT d’effectuer le paiement en se fondant essentiellement sur le rapport du comité.

 

[2]               Le rapport du comité, et par conséquent le présent contrôle judiciaire, avait trait à quatre propriétés en particulier : l’aéroport du centre‑ville de Toronto (le TCCA), le lot Polson Slipwater, la marina de l’avant-port située sur l’avenue Unwin (la marina) et les bâtiments du terminal portuaire de la rue Cherry (le terminal portuaire). Ces propriétés ont servi à constituer une cause type aux fins des PERI actuels et futurs versés par l’APT.

 

[3]               Les parties ont demandé au comité de se prononcer sur la « valeur effective » des quatre propriétés de manière à ce que les PERI que l’APT doit verser à la Ville soient calculés et payés conformément aux dispositions de la Loi sur les paiements versés en remplacement d’impôts, L.R.C. 1985, ch. M-13 (la Loi) et du Règlement sur les paiements versés par les sociétés d’État, DORS/81-1030 (le Règlement).

 

II.         LE CONTEXTE

A.        Aperçu

[4]               Après que le comité eut rendu son rapport, la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Montréal (Ville) c. Administration portuaire de Montréal, 2010 CSC 14, a analysé en profondeur le régime législatif régissant les PERI que les sociétés d’État doivent verser. Cette cause était articulée autour de la question du [traduction] « taux d’imposition applicable », mais les principes énoncés par la Cour suprême s’appliquent également quand il s’agit d’établir la valeur effective des propriétés.

 

[5]               La Ville affirme que le comité et l’APT ont mal interprété les dispositions légales pertinentes et ont omis de traiter les propriétés de l’APT comme des propriétés imposables aux fins de l’établissement de leur valeur effective.

 

B.         Le régime légal

[6]               Aux termes de la Loi, l’APT, en tant que société d’État, doit maintenant verser des paiements en application de la Loi, comme le Règlement le prévoit pour les sociétés d’État.

 

[7]               Le régime législatif prévoit que l’établissement des PERI se fonde sur le calcul de l’impôt qui serait dû par la société d’État (par ailleurs exemptée d’impôt) si celle-ci était imposable.

7. (1) Sous réserve du paragraphe (2), un paiement versé par une société en remplacement de l’impôt foncier pour une année d’imposition ne doit pas être inférieur au produit des deux facteurs suivants :

 

a) le taux effectif applicable à la société dans l’année d’imposition en cause à l’égard de la propriété de celle‑ci pour laquelle le paiement peut être versé;

 

b) la valeur effective de la propriété de la société pour cette année d’imposition.

 

[Non souligné dans l’original.]

7. (1) Subject to subsection (2), a payment made by a corporation in lieu of a real property tax for a taxation year shall be not less than the product of

 

 

 

(a) the corporation effective rate in the taxation year applicable to the corporation property in respect of which the payment may be made; and

 

 

(b) the corporation property value in the taxation year of that corporation property.

 

[Emphasis added]

 

[8]               Le Règlement définit le « taux effectif applicable à une société » de la manière suivante :

« taux effectif applicable à une société » Le taux de l’impôt foncier ou de l’impôt sur la façade ou sur la superficie qui, de l’avis de la société, serait applicable à sa propriété si celle-ci était une propriété imposable. (corporation effective rate

“corporation effective rate” means the rate of real property tax or of frontage or area tax that a corporation would consider applicable to its corporation property if that property were taxable property; (taux effectif applicable à une société

 

Il définit ainsi la « valeur effective de la propriété d’une société » :

« valeur effective de la propriété d’une société » La valeur qui, de l’avis de la société, serait déterminée par une autorité évaluatrice, abstraction faite de tous droits miniers et de tous éléments décoratifs ou non fonctionnels, comme base du calcul de l’impôt foncier applicable à sa propriété si celle-ci était une propriété imposable. (corporation property value)  

“corporation property value” means the value that a corporation would consider to be attributable by an assessment authority to its corporation property, without regard to any mineral rights or any ornamental, decorative or non-functional features thereof, as the basis for computing the amount of any real property tax that would be applicable to that property if it were taxable property. (valeur effective de la propriété d’une société)  

 

[9]               Le terme « autorité évaluatrice » renvoie à une « [a]utorité habilitée en vertu d’une loi fédérale ou provinciale à déterminer les dimensions fiscales ou la valeur fiscale d’un immeuble ou d’un bien réel ». Au sens de la Loi sur l’évaluation foncière de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. A-31, il s’agit de la société d’évaluation foncière des municipalités (la SEFM).

 

C.        Le processus

[10]           Les préoccupations relatives aux PERI remontent à 1999. Il semblerait qu’en mars 2002, la Ville ait demandé le versement de PERI. L’historique du différend n’est pas pertinent, sauf en ce qui concerne son issue le 13 avril 2006, date à laquelle la Ville a mis en place le comité.

 

[11]           En application de la Loi, à la demande d’une partie, le ministre peut constituer un comité consultatif chargé d’examiner des questions telles que la valeur effective d’une propriété faisant l’objet de PERI. Le comité a finalement tenu audience du 25 au 28 février 2008. Il devait se prononcer sur la valeur effective des propriétés de l’APT de 2004 à 2007. Les parties ont convenu de procéder à l’évaluation de quatre propriétés, la Ville conservant le droit de demander au comité de se pencher sur les valeurs employées par l’APT pour ses autres propriétés.

 

[12]           Les parties ont convenu que les années de base et jours de l’évaluation prévus par la Loi sur l’évaluation foncière de l’Ontario étaient le 30 juin 2003 pour les années d’imposition 2004 et 2005 et le 1er janvier 2005 pour les années d’imposition 2006 et 2007.

 

[13]           Le comité, institué dans chaque affaire, était constitué de deux personnes clés ayant l’expérience des évaluations ou des estimations et d’un avocat spécialiste du droit immobilier.

 

[14]           Chaque partie a appelé à comparaître un certain nombre de témoins; aux fins de l’espèce, les plus importants ont été Bryan Cordick pour la Ville et Victor Manoharan pour l’APT. M. Cordick a travaillé pour la SEFM pendant 30 ans et n’a pris sa retraite que quelques mois avant l’audience du comité. Il a déposé au sujet des valeurs qui seraient établies pour chaque propriété. M. Manoharan est gestionnaire régional pour Travaux publics et services gouvernementaux Canada, ministère fédéral. Il était chargé de la mise en œuvre du programme de PERI et de la prestation des services d’évaluation des propriétés en Ontario. Son témoignage, qui portait essentiellement sur  la valeur effective des propriétés en question, a directement remis en cause celui de M. Cordick.

 

[15]           Il n’y a pas de transcription des témoignages oraux et la preuve documentaire a été versée au dossier de la Cour. Sans avoir l’intention de résumer toute la preuve, la Cour se doit de souligner certains faits saillants.

 

[16]           M. Cordick a soumis quatre rapports, un pour chaque propriété, qu’il a dit avoir rédigés conformément aux règles uniformes de pratique professionnelle en matière d’évaluation au Canada. Pour évaluer les propriétés, il a adopté la « méthode des coûts », selon laquelle on évalue séparément les bâtiments et le terrain; c’est la somme de ces résultats qui permet ensuite d’obtenir la « valeur effective de la propriété ». Pour évaluer la valeur du terrain, M. Cordick s’est appuyé sur le [traduction] « tableau 15 » que la SEFM avait préparé pour les dates de l’évaluation en 2003 et en 2005. Il a ensuite examiné les évaluations à la lumière du prix de vente de quatre autres propriétés. Pour évaluer les bâtiments, M. Cordick s’est fondé sur le système informatisé de contrôle des coûts de la SEFM.

 

[17]           M. Cordick n’a utilisé ni la méthode de la comparaison directe ni celle du revenu, en partie parce que la SEFM a pour politique d’évaluer les institutions spécialisées de la fonction publique au moyen de la méthode des coûts.

 

[18]           M. Cordick a conclu que les propriétés étaient utilisées [traduction] « de manière optimale ». Par conséquent, il a conclu que les restrictions relatives à l’utilisation des terres du gouvernement fédéral ne s’appliquaient pas, évaluant les propriétés comme si elles étaient imposables, et non comme si elles appartenaient à l’ATP (auquel cas elles tomberaient sous le coup de certaines restrictions relatives aux terres du gouvernement fédéral).

 

[19]           M. Manoharan et Alan Paul (PDG par intérim de l’APT), qui était chargé du dossier à l’APT, ont témoigné au nom de l’APT tant en ce qui concerne le contexte du différend que l’évaluation des propriétés visées. Ils se sont opposé tout particulièrement au fait que la Ville passait outre la réglementation relative à l’utilisation des terres du gouvernement fédéral. L’APT a examiné les propriétés non pas du point de vue de leur valeur en cas de réaménagement, au cas où elles auraient appartenu à une entité imposable, mais du point de vue de leur historique de profitabilité. Les parties ne sont pas parvenues à s’entendre au sujet de la question de savoir s’il fallait considérer les propriétés comme étant imposables et libres de restrictions fédérales (ce qui en diminuait la valeur) ou s’il fallait les prendre telles qu’elles étaient et étudier les possibilités d’utilisation compte tenu des restrictions en place.

 

[20]           La position de l’APT a amené son expert à avoir recours à la méthode du revenu. Toutefois, M. Manoharan a fait appel aussi bien à la méthode du revenu qu’à celle des coûts pour évaluer le terminal portuaire. Il s’est aussi servi du tableau constitué par la SEFM pour Hamilton, procédant à l’estimation du terminal portuaire sans tenir compte des différences de valeur entre les deux villes.

 

[21]           M. Manoharan s’est servi de l’approche du revenu pour la marina et le lot Polson Slipwater. Toutefois, en ce qui a trait au TCCA, l’APT s’est appuyée sur le témoignage de M. Paul pour établir une évaluation par passager.

 

D.        Le rapport du comité

[22]           Le comité n’a accepté aucune des évaluations établies par les deux parties, remettant en question le travail des deux évaluateurs ainsi que les moyens par lesquels ils sont parvenus à leurs conclusions respectives.

 

[23]           Il est significatif que le comité ait mis en doute la crédibilité de M. Cordick en raison de son affiliation à la SEFM et du fait qu’il a adopté les positions de celle-ci dès le début de son rapport.

 

[24]           Pour remettre en question le témoignage et la crédibilité de M. Cordick, le comité a renvoyé à d’importants passages du rapport de l’ombudsman de l’Ontario daté du 28 mars 2006, très critique à l’égard de la SEFM. Ce rapport évoquait notamment le [traduction] « sentiment de supériorité de la SEFM à l’égard de ses techniques d’évaluation de masse », son dédain pour le marché immobilier sur lequel son système d’évaluation se fonde et son manque de respect à l’égard des décisions rendues par son propre organe d’appel.

 

[25]           Le comité a alors conclu que M. Cordick n’avait pas eu un comportement digne d’un évaluateur agréé par l’Institut canadien des évaluateurs, qu’il avait manqué à son devoir de remettre en question la méthodologie de son client et qu’il ne s’était pas acquitté de ses obligations envers le comité. De ce point de vue, le comité a alors évalué le témoignage de M. Cordick et celui d’autres témoins [traduction] « sur le fond ». Le paragraphe 15 du rapport du comité, reproduit ci-dessous, concerne tout particulièrement M. Cordick.

[traduction]

Le témoin de la Ville n’a pas eu un comportement digne d’un évaluateur agréé par l’Institut canadien des évaluateurs. Il n’a fait preuve ni d’indépendance d’esprit, ni d’autonomie pour choisir la méthode à appliquer. À la page 34 de son rapport relatif à la marina, il a présenté les trois approches traditionnelles d’évaluation des biens immobiliers, à savoir les méthodes du coût, de la comparaison directe et du revenu. À la page 36, il a affirmé que la SEFM avait évalué le site au moyen de ses tableaux relatifs aux terrains à usage industriel, qui selon lui « reposent sur la méthode de la comparaison directe », et à la page 37, il a déclaré que « le tableau 15 a servi à évaluer la marina ». Il a manqué à son devoir de remettre en question la méthodologie de son client. Il a probablement tenu pour acquis qu’il n’y avait pas d’autre marina en Ontario ou dans la région. Toutefois, il y a au moins deux autres marinas dans la région, comme il le montre dans son rapport relatif au lot Polson Slipwater, dans lequel il est question, aux pages 17 et 18 de l’onglet, de deux plans d’eau situés en face de la marina de Humber Bay Park Est, dans la Ville de Toronto. De plus, M. Manoharan présente, à partir de la page 118 de son rapport, une série de photographies de la marina de Scarborough Bluffer’s Park.

 

[…]

 

[26]           Même s’il a remis en question la crédibilité de M. Cordick, le comité a néanmoins tenu compte de certaines de ses conclusions pour formuler sa recommandation. Il n’a toutefois fourni aucune explication au sujet de cette contradiction, consistant à rejeter les évaluations de M. Cordick tout en acceptant certaines de ses conclusions, en tout ou en partie.

 

E.         Le TCCA

[27]           Ayant rejeté les évaluations des deux experts, le comité a renvoyé au règlement relatif à la Loi sur l’évaluation de l’Ontario, lequel permet de calculer les PERI pour certains aéroports particuliers, comme l’aéroport international Pearson, sur la base d’un montant par passager. L’APT a demandé à être ajoutée à la liste des aéroports visés par ce règlement, mais cet ajout n’avait pas été fait à la date où le comité a rendu son rapport.

 

[28]           Le comité a rejeté l’évaluation effectuée par la Ville au motif qu’elle était fondée sur le tableau 15 de la SEFM, qu’il avait déjà rejeté. Le comité a adopté la méthode prévue par le règlement relatif à la Loi sur l’évaluation de l’Ontario et a fixé les PERI à 80 ¢ par passager pour l’année de base 2004. Le comité n’a jamais évalué la propriété en tant que telle.

 

F.         La marina de l’avant-port

[29]           Le comité a reconnu que la Ville avait adopté la méthode de la comparaison directe en se fondant sur le tableau 15 et qu’elle avait examiné les valeurs obtenues à la lumière de cinq ventes effectuées ultérieurement. La Ville a évalué le terrain, mais pas les améliorations qui lui avaient été apportées. Pour sa part, l’APT s’est servi de la méthode du revenu, concluant que certaines informations essentielles n’étaient pas disponibles.

 

[30]           Ayant conclu que les évaluations effectuées par les deux parties posaient problème, le comité a établi sa propre méthode du revenu afin d’évaluer la propriété.

 

G.        Le lot Polson Slipwater

[31]           Une fois encore, le comité a rejeté les évaluations des deux parties. M. Cordick est le seul expert qui a donné une valeur concrète, mais le comité l’a rejetée, concluant que M. Cordick avait mal formulé son opinion.

 

[32]           Par conséquent, le comité a conclu qu’il lui faudrait [traduction] « formuler une recommandation relativement arbitraire ». En se fondant plus ou moins sur les informations contenues dans le rapport de M. Cordick, le comité a effectué sa propre évaluation, en se concentrant sur la relation entre la valeur des terrains et celle des plans d’eau.

 

H.        Le terminal portuaire

[33]           Une fois encore, le comité a rejeté les évaluations des deux parties, remettant en cause la méthodologie, l’indépendance et la fiabilité de leurs experts. Le comité a écarté l’analyse menée par M. Cordick selon la méthode de comparaison au motif que ce dernier avait procédé à trop d’ajustements et il a condamné le fait que M. Manoharan se soit appuyé sur les valeurs de la ville de Hamilton sans les rajuster en fonction des différences pertinentes entre les deux villes.

 

[34]           Après avoir rejeté les conclusions des deux experts, le comité a conclu qu’il devait [traduction] « accorder une importance égale aux valeurs relatives au terrain et aux aménagements calculés » par les deux parties. Le comité a alors appliqué une réduction de 30 % à la valeur obtenue parce qu’il a compris du témoignage de M. Paul que le terminal opérait entre 20 % et 30 % en dessous de sa capacité, alors que celui-ci a en fait déclaré que le terminal fonctionnait à 30 % de sa capacité.

 

I.          La décision du conseil d’administration de l’APT

[35]           Le conseil d’administration de l’APT a alors accepté le rapport du comité, y apportant certains ajustements et corrections (y compris en ce qui a trait à l’erreur relative aux 30 % de la capacité mentionnée ci‑dessus, et ce, pour justifier une réduction de 70 %) et il a versé des PERI inférieurs de 269 962 $ à la somme recommandée par le comité. L’APT a ainsi versé 5 561 607 $. La Ville a accepté ce montant, sans toutefois renoncer à son droit de le contester.

 

[36]           Le rapport du comité a constitué le fondement de la décision de l’APT de verser les PERI. Quand elle a rendu sa décision, l’APT avait à sa disposition d’autres documents et renseignements, mais pour l’essentiel, elle a accepté les conclusions énoncées dans le rapport du comité relativement à la « valeur effective de la propriété ». Par conséquent, on a soutenu que les motifs du comité, à l’exception des parties manifestement modifiées, étaient les motifs sur lesquels le conseil d’administration de l’APT s’était fondé pour définir les PERI versés.

 

III.       LES QUESTIONS EN LITIGE

[37]           Les questions soulevées par les parties, et décrites de façons variées, peuvent être résumées de la manière suivante :

a)                  Quel est l’objet du contrôle judiciaire?

b)                  Quelle est la norme de contrôle applicable?

c)                  Les évaluations sont-elles entachées d’erreurs de droit ou de compétence?

d)                  Les évaluations sont-elles raisonnables?

 

IV.              ANALYSE

A.        L’objet du contrôle judiciaire

[38]           Dans la décision Halifax (Municipalité) c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2009 CF 670, la Cour s’est penchée sur la question de savoir si le rapport ou la recommandation d’un comité pouvait faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Cette question a reçu une réponse négative, mais la décision du ministre d’adopter et de mettre en œuvre la recommandation d’un comité justifie l’examen des motifs dudit comité, vu qu’ils sont également ceux du décideur.

 

[39]           Il en va de même en l’espèce, où l’adoption et la mise en œuvre par une société d’État de la recommandation d’un comité et des motifs dont elle découle donne matière à contrôle judiciaire de la décision prise par la société d’État.

 

[40]           Il y a une légère différence entre la loi, qui encadre la décision d’un ministre, et les règlements, qui encadrent la décision d’une société d’État, et dans les deux cas, cette différence a essentiellement trait à la déférence dont il faut faire preuve à l’égard des décideurs, et non au droit ou aux raisons de contester cette décision.

Le paragraphe 2(1) de la Loi est ainsi rédigé :

 « valeur effective » Valeur que, selon le ministre, une autorité évaluatrice déterminerait, compte non tenu des droits miniers et des éléments décoratifs ou non fonctionnels, comme base du calcul de l’impôt foncier qui serait applicable à une propriété fédérale si celle-ci était une propriété imposable.

 

 

 

[Non souligné dans l’original.]

 “property value” means the value that, in the opinion of the Minister, would be attributable by an assessment authority to federal property, without regard to any mineral rights or any ornamental, decorative or non-functional features thereof, as the basis for computing the amount of any real property tax that would be applicable to that property if it were taxable property;

 

[Emphasis added.]

 

L’article 2 du Règlement est ainsi rédigé :

« valeur effective de la propriété d’une société » La valeur qui, de l’avis de la société, serait déterminée par une autorité évaluatrice, abstraction faite de tous droits miniers et de tous éléments décoratifs ou non-fonctionnels, comme base du calcul de l’impôt foncier applicable à sa propriété si celle-ci était une propriété imposable. (corporation property value)  

 

 

 

[Non souligné dans l’original.]

“corporation property value” means the value that a corporation would consider to be attributable by an assessment authority to its corporation property, without regard to any mineral rights or any ornamental, decorative or non-functional features thereof, as the basis for computing the amount of any real property tax that would be applicable to that property if it were taxable property. (valeur effective de la propriété d’une société)  

 

[Emphasis added.]

 

[41]           En l’espèce, étant donné que l’APT s’est en grande partie fondée sur le rapport du comité pour déterminer le montant des PERI qu’elle devait verser et la « valeur effective de la propriété », ledit rapport devient partie intégrante des motifs de la décision rendue par l’APT. Le rapport est intégré à l’analyse de la raisonnabilité de cette décision.

 

B.         La norme de contrôle applicable

[42]           Dans l’arrêt Montréal (Ville), précité, la Cour suprême a analysé la norme de contrôle applicable à une société d’État en définissant le « taux effectif ». La Cour a conclu que pour établir si la définition du taux applicable relevait de la discrétion d’état, il fallait appliquer la norme de la raisonnabilité.

Le paragraphe 2(1) de la Loi est ainsi rédigé :

« taux effectif » Le taux de l’impôt foncier ou de l’impôt sur la façade ou sur la superficie qui, selon le ministre, serait applicable à une propriété fédérale si celle‑ci était une propriété imposable.

“effective rate” means the rate of real property tax or of frontage or area tax that, in the opinion of the Minister, would be applicable to any federal property if that property were taxable property;

 

 

[43]           La question de la discrétion est similaire en l’espèce en ce qui a trait au pouvoir discrétionnaire de la société d’État d’établir la « valeur effective de la propriété », si ce n’est que ce pouvoir n’est pas seulement conditionné par ce que la société d’État considère être le taux d’imposition applicable, mais par ce qu’elle croit que l’autorité évaluatrice décidera.

Le paragraphe 2(1) de la Loi est ainsi rédigé :

« autorité évaluatrice » Autorité habilitée en vertu d’une loi fédérale ou provinciale à déterminer les dimensions fiscales ou la valeur fiscale d’un immeuble ou d’un bien réel.

“assessment authority” means an authority that has power by or under an Act of Parliament or the legislature of a province to establish the assessed dimension or assessed value of real property or immovables;

 

 

[44]           Malgré cette différence, le fondement du pouvoir discrétionnaire, comme il a été affirmé dans l’arrêt Montréal (Ville), précité, est le même pour les deux dispositions : la préservation de l’immunité de la Couronne en matière d’imposition, la nécessité de faire preuve de souplesse à l’échelle du pays, l’aspect pratique si des différends survenaient, les difficultés relatives à l’établissement d’un taux (ou de la valeur effective d’une propriété) et la protection des intérêts fédéraux.

 

[45]           Par conséquent, comme il a été affirmé dans la décision Halifax, précitée, et réaffirmé dans l’arrêt Montréal (Ville), précité, la norme de contrôle applicable est la raisonnabilité. Toutefois, pour ce qui est des questions de droit et d’équité procédurale, c’est la décision correcte qui s’applique.

 

C.        Les questions de droit et d’équité

[46]           Le comité n’a pas commis d’erreur de droit en rejetant l’évaluation de la SEFM, comme il a été précisé dans le rapport d’expert de M. Cordick. La position de la Ville, voulant que le comité doive accepter l’évaluation de la SEFM, minerait le pouvoir discrétionnaire dont la Cour suprême du Canada a confirmé l’existence.

 

[47]           En outre, le comité n’a pas commis d’erreur de droit en tenant compte de l’existence de mesures restrictives sur l’utilisation des terres du gouvernement fédéral, étant donné que ces restrictions visaient les propriétés en cause. Même si la société d’État doit être traitée comme si elle était imposable, cela ne signifie pas pour autant que les réalités afférentes aux mesures restrictives sur les terrains, comme le zonage, ne sont pas aussi pertinentes que s’il était question de sociétés ne relevant pas de la Couronne.

 

[48]           Dans l’arrêt Montréal (Ville), la Cour suprême a insisté sur le fait que la société devait accepter le système tel qu’il était. Dans la décision Halifax, on ne pouvait faire abstraction du fait que la citadelle tenait seulement lieu de fort et que la propriété était désignée « parc régional » par le règlement de la municipalité. Il s’agissait de considérations pertinentes aux fins de l’évaluation.

 

[49]           Dans la décision Halifax comme en l’espèce, les propriétés ont été utilisées de manière « optimale » considérant le système en place. En l’espèce, le comité ne pouvait ignorer les restrictions relatives à l’utilisation des terrains et conclure que la valeur des propriétés pourrait être supérieure si on les utilisait différemment, pas davantage que dans la décision Halifax, le comité n’aurait pu conclure que la valeur de la citadelle aurait été supérieure si, par exemple, on la transformait en un ensemble de condominiums de luxe.

 

[50]           Le comité a dérapé dans son analyse du rapport de l’ombudsman et a mal fondé sa conclusion selon laquelle M. Cordick n’était pas crédible. À cet égard, il a agi de façon injuste et déraisonnable et a omis d’apprécier la preuve de la SEFM relative à l’évaluation.

 

[51]           Le comité s’est fondé sur le rapport de l’ombudsman pour exprimer son dédain pour les méthodes d’évaluation de la SEFM, comme il est mentionné au paragraphe 24. Aucune des deux parties n’a cité ce document, pas plus qu’il n’a été présenté à la Ville ou à ses témoins. Or, ce rapport est au nombre des motifs pour lesquels le comité affirme avoir rejeté les méthodes d’évaluation en masse de la SEFM et mis en cause la conduite de M. Cordick.

 

[52]           La Ville avait au moins le droit d’être prévenue du fait que la partie adverse comptait se servir de ce document et le droit de pouvoir répondre. En outre, ce rapport ne constitue que l’opinion de l’ombudsman, et en tant que preuve sous forme d’opinion, il n’a pas été vérifié. Le rapport a trait à des questions qui ne cadrent pas vraiment, voire pas du tout, avec le mandat du comité, et sa pertinence est hautement discutable.

 

[53]           Le comité avait le droit de rejeter la méthode de la SEFM sur la base de raisons valables relatives à l’évaluation, mais le fait de critiquer l’attitude de la SEFM et de prétendre que le public a perdu confiance en cette institution sont des opinions étrangères à la question de la valeur des propriétés dans le port de Toronto et au mandat du comité.

 

[54]           Le comité a commis une autre erreur en ne tenant pas compte du témoignage de M. Cordick. La Cour a appris que le témoignage de M. Cordick visait également à définir la méthode que la SEFM avait employée, ou emploierait, pour évaluer les propriétés en cause. Les commentaires du comité sont la preuve de son incapacité à apprécier la nature de ce témoignage.

 

[55]           En outre, le comité n’a pas su apprécier l’importance de la preuve, ce qui a été clarifié dans l’arrêt Montréal (Ville). Cet arrêt confirme l’importance des éléments de preuve relatifs à l’impôt provincial ou municipal dans l’établissement du taux d’imposition ou de la valeur de la propriété.

[20]    […] Pour déterminer ceux-ci, la LPRI doit articuler les rapports entre le système de fixation des paiements de remplacement et les régimes fiscaux des provinces et des municipalités, lesquels sont susceptibles de varier d’un endroit à l’autre au Canada.

 

[…]

 

[22]    La LPRI utilise comme facteur de référence l’impôt foncier établi par une « autorité taxatrice », terme défini ainsi à l’art. 2 : « a) Municipalité ou province, organisme municipal ou provincial, ou autre autorité qui, sous le régime d’une loi provinciale, lève et perçoit un impôt foncier ... ».

 

[56]           Il n’était pas malvenu d’aborder la question des méthodes d’évaluation de la SEFM; les critiques du comité à cet égard ainsi qu’en ce qui a trait à la moralité du témoin étaient inutiles.

 

[57]           Comme il a été souligné dans la décision Halifax, ce type d’élément de preuve relatif à l’impôt provincial se rapproche du processus d’évaluation, mais ni le comité ni le décideur final ne sont liés par lui. Toutefois, le comité ne semble pas avoir apprécié l’importance de cet élément de preuve dans le cadre du régime législatif. Le fait qu’il ait rejeté cet élément de preuve est une erreur qui remet en question les fondements de sa décision.

 

D.        La raisonnabilité

[58]           La Cour suprême a souligné que le concept de raisonnabilité exprimait davantage que la transparence et l’intelligibilité, qu’il s’entendait d’une exigence de qualité de ces motifs et des résultats du processus décisionnel (Montréal (Ville), au paragraphe 38).

 

[59]           La Cour doit faire preuve de déférence à l’égard des décisions du comité relatives aux questions susceptibles de faire l’objet de désaccords raisonnables. Toutefois, en l’espèce, certaines parties du rapport du comité ne répondent pas aux exigences qualitatives de la raisonnabilité. En évaluant la raisonnabilité de la recommandation du comité, et à cette seule fin, la Cour tient pour acquis que les incapacités juridiques dont il a été question n’ont pas lieu d’être et que le comité a à juste titre rejeté la preuve de la Ville.

 

(1)        Le lot Polson Slipwater

[60]           Les parties ont reconnu que le comité n’avait pas renvoyé au bon témoignage de M. Manoharan. Ce dernier a évalué les propriétés selon la méthode du revenu alors que le comité s’est servi de la même méthode que M. Cordick. Le comité a utilisé la méthode employée par M. Cordick alors qu’il avait par ailleurs rejeté le témoignage de ce dernier dans son ensemble, sans même expliquer pourquoi il acceptait cette méthode en l’espèce.

 

[61]           Aucune des deux parties n’a allégué de réduction pour pollution ou un élément lié à la pollution. Le comité a effectué ses propres calculs. La défenderesse affirme que l’argument de la pollution découle du contre-interrogatoire de M. Manoharan et que par conséquent, la décision du comité était fondée.

 

[62]           Même si le raisonnement du comité soulève certains problèmes, cela ne suffit pas en soi à établir que la conclusion du comité à cet égard était si déraisonnable qu’il est justifié d’annuler la décision de l’APT sur la base de cette seule conclusion.

 

(2)        La marina

[63]           En ce qui a trait à la marina, le comité a clairement expliqué les raisons pour lesquelles il n’adopterait pas les résultats de l’évaluation effectuée par la SEFM. Le comité, constitué d’experts du domaine, a été en mesure d’expliquer pourquoi il avait accepté la méthode du revenu.

[traduction]

45.       Tout en gardant cela à l’esprit, notre décision se fonde sur le principe de base de l’évaluation dans l’analyse relative à l’utilisation optimale des propriétés. À la page 32 de son rapport, M. Cordick indique que « l’utilisation du site comme marina est possible sur le plan légal, probablement envisageable sur le plan commercial et réalisable sur le plan financier ». En outre, il a étudié les transactions caractéristiques du marché et les attentes relatives au fait que si la propriété était offerte sur le marché libre, elle serait échangée sur la base de sa rentabilité potentielle. Nous sommes donc d’avis que la marina, exploitée en vue de produire un revenu, devrait être évaluée selon la méthode du revenu, et en l’absence d’autres éléments de preuve, nous devons nous fier à la preuve fournie par l’autorité portuaire.

 

[64]           Par conséquent, la conclusion du comité est raisonnable et il est tout aussi raisonnable que l’APT l’ait acceptée.

 

(3)        Le terminal portuaire

[65]           Même si la demanderesse a fait valoir que l’APT n’a pas abordé le sujet de la dépréciation à titre de critère d’évaluation, M. Manoharan avait bien soulevé la question.

 

[66]           Comme il a été souligné plus tôt, le comité a commis une erreur en appliquant une réduction fondée sur une capacité inférieure de 30 %. Le conseil d’administration de l’APT a corrigé cette erreur. La question en litige porte sur la décision de l’APT, considérant que celle-ci a révisé la recommandation du comité, rejetant ainsi ses conclusions; c’est donc la décision du conseil d’administration de l’APT, et non celle du comité, qui doit faire l’objet d’une analyse selon la raisonnabilité.

 

[67]           Dans l’évaluation de la propriété effectuée par le comité, c’est la décision consistant à faire la moyenne des valeurs calculées par les deux parties qui est la plus douteuse. Le comité a rejeté le témoignage de M. Cordick dans son ensemble. En l’espèce, le comité a expressément rejeté les évaluations des deux parties en les qualifiant de déraisonnables. Malgré ce rejet, le comité a fondé sa recommandation sur la moyenne des deux évaluations.

 

[68]           Considérant l’absence de raisons expliquant pourquoi le comité a effectué la moyenne de deux évaluations qu’il avait par ailleurs rejetées, je conclus que le comité a formulé une recommandation déraisonnable. Il se peut que la décision du comité ait été motivée, mais le dossier ne fait état d’aucun élément sur la base duquel la Cour pourrait tirer une conclusion. La recommandation du comité ne peut être maintenue.

 

(4)        Le TCCA

[69]           L’évaluation de l’aéroport est unique en ce sens qu’il ne s’agit pas d’une évaluation, mais d’un montant de PERI recommandé de 80 ¢ par passager. Le comité a recommandé ce montant, qui a été adopté et appliqué par le conseil d’administration.

 

[70]           Le comité n’a jamais eu dans son mandat l’établissement des montants de PERI. Il devait formuler une recommandation relativement à l’évaluation des propriétés. D’après le régime législatif, il faut établir la valeur d’une propriété, lui appliquer ensuite un taux d’imposition et parvenir à un montant de PERI possible. La Loi et le Règlement le précisent clairement. L’article 3 de la Loi autorise le ministre à verser des PERI sous réserve de la disposition suivante :

4. (1) Sous réserve des paragraphes (2), (3) et 5(1) et (2), le paiement visé à l’alinéa 3(1)a) ne peut dépasser le produit des deux facteurs suivants :

a) le taux effectif applicable à la propriété fédérale en cause pour l’année d’imposition;

b) la valeur effective de celle‑ci pour l’année d’imposition.

 

4. (1) Subject to subsections (2) and (3) and 5(1) and (2), a payment referred to in paragraph 3(1)(a) shall not exceed the product of

(a) the effective rate in the taxation year applicable to the federal property in respect of which the payment may be made, and

(b) the property value in the taxation year of that federal property.

 

L’article 7 du Règlement prévoit la même réserve relativement à une société d’État :

7. (1) Sous réserve du paragraphe (2), un paiement versé par une société en remplacement de l’impôt foncier pour une année d’imposition ne doit pas être inférieur au produit des deux facteurs suivants :

a) le taux effectif applicable à la société dans l’année d’imposition en cause à l’égard de la propriété de celle‑ci pour laquelle le paiement peut être versé;

b) la valeur effective de la propriété de la société pour cette année d’imposition.

7. (1) Subject to subsection (2), a payment made by a corporation in lieu of a real property tax for a taxation year shall be not less than the product of

(a) the corporation effective rate in the taxation year applicable to the corporation property in respect of which the payment may be made; and

(b) the corporation property value in the taxation year of that corporation property.

 

 

[71]           Le comité est aussi passé outre ses propres règles de fonctionnement en ce qui concerne l’évaluation de la propriété.

2.5 Seule une contestation par l'autorité taxatrice de la valeur effective, de la dimension effective, du taux effectif incluant toutes méthodes d'application de déductions de taxes, telles que les dispositions en matière de plafonnement et de prélèvement, de dégrèvements et de rabais applicables à toute propriété fédérale ou d'une propriété de société ou de l'augmentation ou non d'un paiement déterminé au paragraphe 3(1.1) de la Loi est admissible devant le Comité consultatif. Les questions touchant notamment l'admissibilité d'une propriété, les améliorations et la structure ainsi que les décisions découlant de l'interprétation de la Loi et de son Règlement ne relèvent pas du mandat du Comité consultatif. Ces questions doivent être soumises directement à l'organisme fédéral.

2.5 Only a disagreement by a Taxing Authority as to the property value, the property dimensions, the effective rate including the method of application of any tax mitigation measures such as capping and claw back provisions, rebates and discounts applicable to any federal or corporation property, or a claim that a payment should be supplemented under subsection 3 (1.1) of the Act is admissible as an application to the Advisory Panel. Issues dealing with the eligibility of a property, improvement or structure or decisions arising from the interpretation of the Act and its Regulations are outside the mandate of the Advisory Panel and should be addressed directly to the federal organization.

 

[72]           En effet, ni le comité ni l’ATP n’ont procédé à l’évaluation de l’aéroport. L’APT a essayé de profiter des avantages du régime de PERI en application de la Loi sur l’évaluation (voir les paragraphes 27 et 28 des présents motifs), mais sa demande d’admission à ce régime n’avait pas été approuvée.

 

[73]           L’erreur de droit commise par le comité et le conseil d’administration est compliquée par l’absence d’explications relatives au bien-fondé du calcul d’un montant par passager.

 

[74]           Par conséquent, l’évaluation, dans la mesure où on peut la qualifier comme telle, ne peut être maintenue, tant sur le plan de l’examen de la compétence que sur celui de la raisonnabilité.

 

[75]           Pour résumer, et compte tenu des erreurs de droit susmentionnées, on peut conclure que certaines des évaluations effectuées par le comité sont raisonnables, mais pas toutes. La décision du conseil d’administration de l’APT de verser 5 561 607 $ ne repose pas entièrement sur des conclusions raisonnables.

 

V.        CONCLUSION

[76]           Ayant conclu que certaines parties de la décision de l’APT étaient déraisonnables, la Cour devrait également examiner la décision dans son ensemble. Un tribunal ne doit pas conclure que la recommandation d’un comité est déraisonnable et la renverser à la légère. Si la décision dans son ensemble est raisonnable, mais que ce n’est pas nécessairement le cas de chacune de ses parties, ou si des parties peuvent être isolées et conservées, un tribunal se doit d’envisager la possibilité de maintenir la décision ou d’envisager la possibilité de maintenir les parties de la décision qui n’ont pas été infirmées.

 

[77]           Toutefois, en l’espèce, les problèmes sont importants et nombreux. Ils ont trait aux domaines de la compétence, du droit et de l’équité procédurale. Il s’agit notamment d’un manquement à l’obligation d’apprécier l’importance de la preuve et de conclusions déraisonnables relatives à certaines propriétés. En outre, si le comité avait accordé à la preuve de la Ville l’importance qui convenait, ses conclusions relatives aux propriétés en cause auraient très bien pu être différentes.

 

[78]           À la lumière de l’ensemble de la décision, la Cour conclut qu’il serait préférable de reprendre le processus dès le début. Une décision correcte en matière de PERI peut servir de fondation à l’établissement de futurs montants et offre stabilité et certitude aux deux parties.

 

[79]           Par conséquent, la décision de l’APT de verser 5 561 607 $ est infirmée, le rapport du comité est annulé et à la demande des deux parties, un comité différent entreprendra un nouveau processus d’établissement des PERI. Les dépens sont adjugés à la Ville.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la décision de l’Autorité portuaire de Toronto de verser 5 561 607 $ est infirmée, le rapport du comité consultatif est annulé, et à la demande des deux parties, un comité différent entreprendra un nouveau processus d’établissement des paiements versés en remplacement d’impôts. Les dépens sont adjugés à la Ville de Toronto.

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Alya Kaddour-Lord, traductrice

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-165-09

 

INTITULÉ :                                       VILLE DE TORONTO

                                                            c.

                                                            ADMINISTRATION PORTUAIRE DE TORONTO

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Les 22 et 23 mars 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 24 juin 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Diana Dimmer

Angus MacKay

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Philip L. Sanford

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

VILLE DE TORONTO

Bureau du procureur

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

McCARTHY TETRAULT LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.