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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

Date : 20100616

Dossier : T-2017-09

Référence : 2010 CF 655

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), 16 juin 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ZINN

 

 

ENTRE :

THÉRÈSE VILLENEUVE et BERNADETTE UNKA

POUR LEUR PROPRE COMPTE ET CELUI D’AUTRES MEMBRES

DE LA PREMIÈRE NATION 

DENINU K’UE

demanderesses

 

 

et

 

 

VIOLET BEAULIEU, ALICE DEBOER, DENNIS KING,

HANK MULDER, ROBERT SAYINE, RAYMOND SIMON,

LOUIS BALSILLIE, GREG BALSILLIE, CAROL COLLINS,

DAVE PIERROT, PATRICK SIMON, PREMIÈRE NATION DENINU KU’E et

LE MINISTRE D’AFFAIRES INDIENNES DU NORD CANADA

 

défendeurs

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demanderesses sollicitent le contrôle judiciaire de trois décisions qui, à leur avis, sont reliées entre elles :

a.       la décision du conseil de bande de la Première nation Deninu K’ue (ci-après, la PMDK) de tenir une élection pour le poste de chef et les postes de conseillers;

b.      la décision de la présidente d’élection de ne pas suivre la coutume et de permettre aux membres de la PMDK qui ne résident pas à Fort Resolution (T.N.‑O.) de voter par procuration;

c.       la décision du comité d’appel en matière d’élections de rejeter l’appel interjeté par Thérèse Villeneuve.

 

[2]               En guise de réparation, les demanderesses sollicitent une ordonnance 1) annulant la décision du Comité d’appel en matière d’élections de maintenir l’élection, 2) déclarant que l’élection n’était pas valide, 3) déclarant que la procédure suivie porte atteinte aux droits que la Charte garantit aux électeurs non-résidents, 4) déclarant nulles les décisions des personnes élues, 5) nommant un séquestre-administrateur, 6) interdisant au personnel de la PMDK de prendre des décisions importantes, 7) enjoignant à Affaires indiennes et du Nord Canada (ci-après AINC) de nommer un président d’élection impartial pour une nouvelle élection et 8) enjoignant au nouveau président d’élection de mettre en place les procédures électorales indiquées pour les non-résidents.

 

[3]               La demande est mal rédigée parce que les demanderesses contestent plus d’une décision et constituent AINC partie à l’instance alors qu’aucune décision faisant l’objet du présent contrôle n’a été prise par lui. De plus, la Cour ne voit pas clairement en quoi les deux demanderesses ont des intérêts communs. Mme Villeneuve a participé à l’élection qu’elle conteste maintenant et elle a peut-être même contribué à l’établissement de son calendrier. En outre, jusqu’à sa défaite électorale, à aucun moment ne s’est-elle opposée à ce que les membres non-résidents soient exclus du scrutin. Il semble à la Cour que sa motivation et son intérêt lui sont personnels et qu’ils ne visent pas l’intérêt supérieur de la PMDK. Mme Unka semble avoir un intérêt personnel légitime ainsi qu’un intérêt plus général qui vise les membres ne résidant pas à Fort Resolution. En réalité, les demanderesses contestent la validité de l’élection du chef et des conseillers tenue le 2 novembre 2009. Voilà la véritable question que la Cour doit trancher.

 

Le contexte

[4]               La PMDK constitue une « bande » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I‑5. Les bureaux de la bande sont situés dans le hameau éloigné de Fort Resolution (T.N.‑O.).

 

[5]               La PMDK compte environ 831 membres dont 386 vivent dans des régions autres que Fort Resolution (T.N.‑O.). Les élections de la PMDK sont régies par les Customary Election Regulations of the DKFN [le règlement électoral coutumier de la PMDK] (ci-après, le code).

 

[6]               Il faut bien reconnaître que la PMDK a connu depuis quelques temps des bouleversements importants ayant trait à sa gouvernance autonome. Elle est actuellement assujettie à une entente de cogestion, suivant les exigences d’AINC, en raison de ses difficultés de gestion de la dette et du déficit.

 

[7]               Immédiatement avant les événements qui ont donné lieu à la présente demande, le chef et les conseillers étaient les personnes suivantes : 1) le chef Louis Balsillie, lequel, d’abord conseiller, a été nommé en janvier 2008 chef par intérim, dans l’attente d’une élection partielle et de manière rétroactive jusqu’au 27 juillet 2007, date de la destitution par le conseil du chef élu, William Norm; 2) Robert Sayline; 3) Raymond Simon; 4) Frank Lafferty; et 5) Dave Pierrot, lequel a été choisi par le conseil le 28 septembre 2009 pour remplacer Philip Beaulieu qui avait été destitué du conseil à l’Assemblée générale annuelle de septembre 2009 parce qu’il ne résidait plus à Fort Resolution. Bref, avant janvier 2008, un chef et cinq conseillers siégeaient au conseil; par la suite cinq conseillers y siégeaient, dont l’un a été nommé chef par intérim. 

 

[8]               À l’assemblée annuelle de la PMDK du 9 septembre 2009, deux importantes résolutions ont été adoptées par les membres. La première portait que l’élection à venir serait tenue conformément au code actuel, adopté en 1994. Une élection était prévue parce que, comme nous le verrons, le code prévoit la tenue d’une élection la première semaine d’octobre 2009. Certaines personnes avaient exprimé leur insatisfaction à l’égard du code et des propositions avaient été présentées en vue de le modifier, mais il n’a toutefois pas été donné suite à ces propositions. Il a été décidé qu’il était préférable de laisser au nouveau conseil et aux membres la responsabilité d’adopter les modifications après l’élection.

 

[9]               La seconde résolution digne d’intérêt prévoyait la tenue d’[traduction] « une nouvelle élection, dans 25 jours, visant à pourvoir le poste de chef et les six postes de conseillers qui composent le conseil, pour une période de deux ans ». L’assemblée a reconnu que cette résolution pouvait poser problème et qu’il pourrait être nécessaire de demander des conseils juridiques. La motion présentait des difficultés nombreuses, dont les suivantes :

1.      Le code prévoyait cinq, et non six postes de conseillers;

2.      Les mandats de deux des conseillers ne devaient se terminer que deux ans plus tard et, selon le code, leurs postes n’étaient pas à pourvoir;

3.      Selon le code, la durée du mandat était de quatre, et non de deux ans.

 

[10]           Le dossier ne permet pas d’établir clairement ce qui s’est produit par la suite. Le dossier est truffé d’incohérences rendant la suite des événements confuse et les avocats n’ont guère aidé la Cour à y voir clair. Selon le dossier, la date de l’élection aurait été fixée au 6 octobre 2009, mais rien n’indique comment la date a été arrêtée ni par qui. Le dossier fait état de la nomination d’un président d’élection et de la date du 26 avril 2009 comme date d’élection. Là encore, on ne sait pas qui a fixé cette date et en vertu de quel pouvoir elle l’aurait été.

 

[11]           La date du 26 octobre 2009 a été annulée en raison de la démission du président d’élection. Une nouvelle date, soit le 2 novembre 2009, a été fixée et Violet Beaulieu, la défenderesse, a été nommée présidente d’élection.

 

[12]           Vers la fin d’octobre 2009, l’avocat de la PMDK a fait savoir qu’il pouvait être inopportun de tenir l’élection le 2 novembre 2009 et que celle-ci ne devrait pas être tenue jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’affaire relative à la destitution du chef précédent. Des avis de l’annulation de l’élection ont été affichés. En apprenant la nouvelle de l’annulation, AINC a écrit une lettre au conseil de la PMDK le 23 octobre 2009, le prévenant qu’en raison de la destitution du conseiller Philip Beaulieu attribuable au fait qu’il ne résidait plus dans la collectivité, et du fait que, selon AINC, la nomination par intérim de Louis Balsillie prenait fin le 12 septembre 2009, les deux derniers conseillers ne permettaient pas de réunir le [traduction] « quorum pour prendre des décisions et exercer la fonction de gouvernance de la collectivité ». Selon AINC, il était [traduction] « nécessaire qu’une élection soit tenue le plus tôt possible afin de pourvoir les postes des conseillers afin qu’un quorum puisse être atteint et que la gouvernance soit restaurée ». AINC a demandé à la PMDK de lui dire comment elle remédierait à la situation et l’a prévenue que [traduction] « si aucun processus électoral n’est déclenché pour pourvoir les postes, le ministère devra envisager d’autres mesures de gouvernance, lesquelles pourraient comprendre la nomination d’un séquestre-administrateur ».

 

[13]           La question de savoir s’il y avait absence de quorum au conseil de la PMDK est contestée en l’espèce. Les demanderesses affirment que le conseil ne permettait pas de réunir un quorum. AINC semble également être de cet avis dans sa lettre, mais son mémoire est muet sur cette question. Les autres défendeurs soutiennent que la PMDK a été gouverné par le chef par intérim et par les quatre derniers conseillers jusqu’à l’élection de novembre 2009 qui fait l’objet du présent litige.

 

[14]           Un comité des membres a été formé lors d’une réunion afin de répondre à la lettre d’AINC du 23 octobre 2009. On ne sait pas de quelle manière a été convoquée cette réunion ou en vertu de quelle autorité elle l’aurait été. La demanderesse, Thérèse Villeneuve, était membre et présidente de ce comité des membres. Dans une lettre datée du 25 octobre 2009, le comité des membres a informé AINC des mesures qu’il entendait prendre pour régler les questions de gouvernance de la PMDK, l’une de ces mesures étant de tenir l’élection du 2 novembre 2009. Des avis publics de l’élection ont de nouveau été affichés. Violet Beaulieu est demeurée la présidente d’élection.

 

[15]           L’élection a eu lieu le 2 novembre 2009. Deux candidats ont brigué le poste de chef : Louis Balsillie, qui a obtenu 67 votes, et Thérèse Villeneuve, qui en a obtenu 66. Le 6 novembre 2009, Thérèse Villeneuve a demandé un nouveau dépouillement; sa demande a été rejetée par la présidente d’élection. Le même jour, Thérèse Villeneuve a interjeté appel de la décision devant le comité d’appel en matière d’élections de la PMDK.

 

[16]           Le 10 novembre 2009, le comité d’appel en matière d’élections a reçu des observations écrites de la part de Violet Beaulieu, la présidente d’élection, et de celle de Steve Cuthbert, le dirigeant principal des finances de la PMDK, dans lesquelles ceux-ci répondaient à la teneur des allégations soulevées dans l’appel. Il appert que ces observations n’ont pas été communiquées à Thérèse Villeneuve. Le 12 novembre 2009, le comité d’appel en matière d’élections a rejeté l’appel de Thérèse Villeneuve et lui a remis des motifs manuscrits consistant en une seule phrase.

 

Les questions en litige

À mon avis, les questions en litige sont les suivantes :

 

1.      Le ministre a-t-il rendu une décision qui est à juste titre susceptible de contrôle judicaire et, dans l’affirmative, le ministre a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle en ne nommant pas un séquestre-administrateur et/ou en n’exigeant pas la tenue d’une élection en vertu de l’article 74 de la Loi sur les Indiens?

2.      L’élection a-t-elle été tenue de façon irrégulière?

3.      Le comité d’appel en matière d’élections a-t-il manqué à l’équité procédurale en rejetant l’appel de la demanderesse Thérèse Villeneuve?

4.      Si la réponse à la deuxième et à la troisième questions est affirmative, quel est le recours approprié?

 

L’analyse

a)      Le rôle du ministre

[17]           Le problème s’est réglé à l’audience lorsque, après que j’eus informé les parties qu’il m’était difficile de voir comment, compte tenu du libellé de l’avis de demande, le ministre était valablement constitué partie à l’instance, les avocats des demanderesses ont fait savoir à la Cour qu’elles avaient convenu avec le ministre qu’elles se désistaient de leur demande à l’égard du ministre, la Cour demeurant saisie toutefois de la question des dépens.

 

            b)  L’élection a-t-elle été tenue de façon irrégulière?

[18]           Cette question se divise en deux sous-questions : 1) l’élection a-t-elle été tenue conformément au code ou à la coutume de la PMDK, en supposant que la coutume l’emporte sur le code, et dans l’affirmative, 2) la façon dont l’élection a été tenue a-t-elle illégalement privé les membres qui résident hors de Fort Resolution de leur droit de vote contrairement à la coutume de la PMDK ou à la Charte?

 

[19]           La composition du conseil et la durée des mandats de ses membres sont prévues à l’article 3 du Code, lequel dispose :
                        [traduction]

3.      COMPOSITION DU CONSEIL ET DURÉE DES MANDATS DES MEMBRES

 

3.1    Composition

 

La Première nation sera gouvernée par un conseil composé d’un (1) chef et de cinq (5) conseillers.

 

3.2    Durée des mandats

 

a)        Le chef occupe son poste pour un mandat de quatre (4) ans qui commence le jour suivant son élection et se termine le jour suivant l’élection pour le poste de chef quatre (4) ans plus tard.

 

b)       Les trois conseillers ayant reçu le plus grand nombre de voix à l’élection de 1994 occupent leur poste pour un mandat de quatre (4) ans qui commence le jour suivant l’élection pour les postes de conseiller et se termine le jour de l’élection pour les postes de conseiller quatre (4) ans plus tard.

 

c)        Les conseillers ayant obtenu les quatrième et cinquième places quant au plus grand nombre de voix à l’élection de 1994 occupent leur poste pour un mandat de deux (2) ans qui commence le jour suivant l’élection pour le poste de conseiller et se termine le jour suivant l’élection pour les postes de conseiller deux (2) ans plus tard.

 

d)       Par la suite, chaque conseiller occupe son poste pour un mandat de quatre (4) ans qui commence le jour suivant l’élection où ils sont élus et se termine le jour suivant l’élection pour les poste de conseillers quatre (4) ans plus tard.

 

3.3

 

Une personne nommée à un poste, au conseil ou par le conseil conformément à l’article 15 pour remplir une vacance consécutive au décès, à la démission ou à la destitution d’un conseiller occupe ce poste jusqu’à l’expiration du mandat de ce conseiller.

 

3.4  Entrée en fonction

 

Chaque candidat élu entre en fonction le jour suivant l’élection, l’élection partielle ou le scrutin de ballotage tenu relativement à cette fonction.

 

[20]           La tenue des élections est expressément prévue dans le code :

4.  JOURS D’ÉLECTION

 

4.1    L’élection pour les postes de chef et de conseiller

 

L’élection pour les postes de chef et de conseiller est tenue durant la première semaine entière d’octobre à une date précise que le conseil détermine par résolution.

 

 

[21]           Comme l’indiquent clairement les dispositions du code, la PMDK doit tenir une élection à une date fixe, soit à tous les quatre ans, durant la première semaine d’octobre. 2009 était une année d’élection. Il revient au conseil de déterminer le jour précis de la semaine auquel l’élection sera tenue.

 

[22]           En l’espèce, l’élection n’a pas été tenue la première semaine d’octobre et elle n’a pas été tenue à une date déterminée par le conseil. Elle a été tenue à une date déterminée par un comité présidé par Mme Villeneuve. Rien dans la preuve ne démontre que le conseil a adopté une résolution concernant la date de l’élection ou qu’il a fait sienne la position du comité des membres dirigé par Mme Villeneuve concernant cette date.

 

[23]           On pourrait faire valoir que l’ensemble des membres peut, lors d’une assemblée tenue de façon régulière, déroger aux dispositions expresses du code, bien qu’aucune disposition du code ne prévoie une telle dérogation. Cependant, même si j’étais convaincu que les membres le peuvent, la preuve dont je dispose n’établit pas que c’est bien ce qui s’est produit en l’espèce. Il semble que la motion adoptée par les membres le 9 septembre 2009 pour la tenue d’une élection n’ait jamais été mise à exécution, puisque l’élection n’a pas eu lieu 25 jours plus tard, qu’il ne s’agissait pas d’une élection pour un conseil entièrement nouveau et que le mandat n’était pas pour une durée de deux ans. Les parties devant la Cour ne peuvent se contenter de répondre que les membres de la PMDK, n’étant pas des avocats, ne connaissent pas les subtilités du code alors que le code est censé refléter leur pratique traditionnelle. Je me serais attendu à ce que la plus grande partie des membres, sinon les personnes au pouvoir, comprennent leurs procédures électorales traditionnelles. À mon avis, l’élection tenue le 2 novembre 2009 était irrégulière et illégale parce que la date n ,a pas été établie par le conseil conformément au code. Par conséquent, les résultats de l’élection ne sont pas valides et les actes ou décisions émanant des personnes censées avoir été élues sont nuls.

 

[24]           S’il est vrai que je suis d’accord avec les demanderesses pour dire que l’élection a été tenue irrégulièrement, ce n’est pas pour les motifs qu’elles invoquent. Le conseil n’a pas établi la date de l’élection, contrairement aux observations de Thérèse Villeneuve, et, à cet égard, il n’était pas pertinent de savoir si le conseil suffisait à constituer un quorum. De plus, je n’ai pas à décider s’il était inopportun de ne pas permettre aux personnes se trouvant à l’extérieur de Fort Resolution de voter par procuration. Je tiens toutefois à souligner que rien dans le code ne le permet et, en réalité, le code semble exiger que les électeurs votent en personne au bureau de vote établi par le conseil.

 

            c)  Le comité d’appel en matière d’élections a-t-il manqué à l’équité procédurale?

[25]           Puisque j’ai conclu que les résultats de l’élection ne sont pas valides, je n’ai pas à me prononcer sur cette question. Je tiens à souligner, à l’intention de ceux qui à l’avenir siégeront à de tels comités, qu’il serait préférable de communiquer à l’appelant tout renseignement présenté au comité afin de donner à l’appelant la possibilité d’y répondre.

 

            d) Le recours approprié

[26]           Dans les observations écrites, on indique qu’une [traduction] « solution pratique » était nécessaire, car la PMDK devait régler de graves problèmes et qu’elle avait besoin d’un organe dirigeant. On y soulève la crainte qu’une décision annulant l’élection prive la PMDK de son conseil et rende impossible la tenue d’une élection en l’absence d’un quorum. Cette crainte a, dans une grande mesure, conduit les demanderesses à constituer AINC partie à l’instance et à demander à la Cour de rendre une ordonnance enjoignant au ministre d’ordonner la tenue d’une élection.

 

[27]           J’ai annulé les résultats de l’élection, mais je ne crois pas que ma conclusion prive la PMDK de continuité dans sa gouvernance.

 

[28]           Selon l’article 3 du code, qui prévoit la durée du mandat pour les postes de chef et de conseiller, ce mandat [traduction] « commence le jour suivant l’élection […] et se termine le jour suivant l’élection […] quatre (4) ans plus tard ». D’aucuns, dont AINC, considèrent que cette disposition indique que le mandat des élus est de quatre ans exactement. C’est sur la base de ce raisonnement qu’ils estiment que l’organe dirigeant ne pouvait réunir un quorum. À mon avis, cette interprétation est fautive. Le code doit recevoir une interprétation téléologique. Les membres qui l’ont approuvé ne l’auraient pas fait si leur décision devait rompre la continuité de la gouvernance. J’estime plutôt que les rédacteurs voulaient que le mandat de chaque élu commence le jour suivant son élection et se termine le jour suivant l’élection de son remplaçant. Normalement, on se serait attendu à ce que la présente élection soit tenue à la fin de la période de quatre ans parce que le code prévoit la tenue d’une élection durant la première semaine d’octobre. Cependant, dans le cas où l’élection est tenue à une date ultérieure, les titulaires demeurent, à mon avis, en fonction jusqu’à l’élection de leurs successeurs. L’élément essentiel et déterminant de cette disposition n’est pas la référence à la durée de quatre ans du mandat ; il s’agit plutôt de l’expiration du mandat au moment où le successeur est élu.

 

[29]           En conséquence, je conclus que l’organe dirigeant est et était composé des personnes nommées au paragraphe 7 ci-dessus. Vu ma conclusion portant que l’élection tenue en novembre 2009 n’est pas valide, le conseil devrait tenir une élection pour le poste de chef et pour les conseillers qui ont déjà terminé un mandat de quatre ans. Le conseil a le pouvoir de le faire en vertu de l’article 8 de l’annexe B du code, lequel prévoit que [traduction] « les pouvoirs du chef et du conseil comprennent […] les autres mesures et décisions jugées éventuellement nécessaires pour le bon gouvernement de la Première nation Deninu Kue [sic] ». Ce faisant, le présent conseil pourrait décider de l’opportunité de permettre aux membres qui ne résident pas à Fort Resolution de voter par procuration.

 

[30]           Enfin, et conformément aux pouvoirs que lui confère l’article 8 de l’annexe du code, le conseil pourrait également décider de l’opportunité d’adopter une résolution approuvant et ratifiant l’une ou l’autre des décisions prises par le « conseil » qui croyait avoir été élu le 2 novembre 2009. Dès que le nouveau conseil sera régulièrement élu, il pourra examiner ces décisions, mais en les ratifiant, la gouvernance de la PMDK aura été en règle.

 

Dépens

[31]           Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, j’ai décidé que toutes les parties, y compris AINC, devaient assumer leurs propres dépens. La principale demanderesse, Thérèse Villeneuve, a soulevé plusieurs objections devant la Cour qu’elle n’avait pas soulevées dans les instances auxquelles elle a participé. En fait, l’élection que j’ai annulée a été tenue précisément sous la direction du groupe qu’elle présidait. La question des électeurs non-résidents, soulevée par la deuxième demanderesse, Bernadette Unka, n’a pas été soulevée auprès du conseil ou du comité d’appel en matière d’élections avant la présente instance et la Cour juge inutile de se pencher sur cette question. De plus, les demandeurs ont constitué à tort AINC partie à l’instance. Quant à AINC, il a entretenu une partie de la confusion. Il a commis évoqué à tort le spectre de l’absence de quorum au conseil. C’est pourquoi normalement des dépens auraient été adjugés aux appelantes et à AINC, mais compte tenu des présentes circonstances, j’estime que ni les uns ni les autres ont droit à leurs dépens.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande est accueillie en partie;
  2. L’élection pour les postes de chef et de conseiller de la Première nation Deninu K’ue tenue le 2 novembre 2009 n’est pasvalide parce qu’elle n’a pas été tenue conformément aux Customary Election Regulations of the Deninu K’ue First Nation.
  3. Le conseil de la Première nation Deninu K’ue est actuellement composé des personnes suivantes : Louis Balsillie, Robert Sayline, Raymond Simon, Frank Lafferty et Dave Pierrot;
  4. Chaque partie assume ses propres dépens.

 

   « Russel W. Zinn »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-2017-09

 

INTITULÉ :                                       THÉRÈSE VILLENEUVE ET AL c. VIOLET BEAULIEU ET AL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 10 juin 2010

 

MOTIFS DU  JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 16 juin 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jeffrey R.W. Rath

Magnolia Unka

 

POUR LES DEMANDERESSES

Douglas G. McNiven

 

POUR LES DÉFENDEURS

 VIOLET BEAULIEU ET AUTRES

 

Donna Keats

Tracy Carroll

POUR LE DÉFENDEUR

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES DU NORD CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Rath & Company

Priddis (Alberta)

 

POUR LES DEMANDERESSES

McNiven Law Office

Territoires du Nord-Ouest

 

POUR LES DÉFENDEURS

 VIOLET BEAULIEU ET AUTRES

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES DU NORD CANADA

 

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