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Date : 20100617

Dossier : IMM‑5751‑09

Référence : 2010 CF 659

[TRACTUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 17 juin 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

 

 

ENTRE :

SHI QUING LIN

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), qui vise la décision du 4 novembre 2009 par laquelle un agent de Citoyenneté et Immigration Canada (l’agent) a refusé la demande de résidence permanente présentée par le demandeur au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada.

 

Contexte factuel

[2]               Shi Quing Lin (le demandeur), citoyen de la République populaire de Chine, est d’abord arrivé au Canada en 2000 en vertu d’un permis d’études. Ce permis a été prorogé jusqu’au 20 septembre 2004, et le demandeur a ensuite obtenu un permis de travail valide jusqu’au 31 décembre 2005. À un moment donné au cours de cette période, le demandeur et deux de ses amis ont acheté une entreprise d’articles de maison. Le demandeur n’a pu obtenir la prorogation de son permis de travail, mais il est demeuré au Canada en attendant la réponse à la demande de résidence permanente qu’il avait présentée à titre de travailleur qualifié, laquelle a été refusée le 19 octobre 2006.

 

[3]               À la fin de juin 2006, le demandeur a rencontré Evelyn Wong à l’occasion d’une fête. Lui et Mme Wong ont commencé à se fréquenter et il semble qu’ils aient emménagé ensemble en octobre 2006. Ils se sont mariés le 5 juin 2007. En novembre 2007, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada. Le demandeur et son épouse se sont présentés à une entrevue avec l’agent en septembre 2009, puis en octobre 2009. La demande a été rejetée et fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

[4]               Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour suprême du Canada a statué qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse pour arrêter la norme de contrôle et que si la norme de contrôle applicable à la question en cause est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme de contrôle. Compte tenu de ce qui précède et de la jurisprudence de la Cour, j’estime que la norme de contrôle applicable à la décision de l’agent est celle de la raisonnabilité (Dios c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1322, 337 F.T.R. 120, au paragraphe 28). Par conséquent, la Cour n’interviendra que si la décision de l’agent est déraisonnable parce qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au paragraphe 47).

 

[5]               Selon l’alinéa 124a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement), l’étranger fait partie de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada s’il est l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant et vit avec ce dernier au Canada. L’article 4 du Règlement précise que l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux d’une personne si le mariage n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi.

 

[6]               En l’espèce, l’agent a rejeté la demande de résidence permanente que le demandeur avait présentée au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada parce qu’il ne croyait pas que le demandeur cohabitait avec sa répondante, que le mariage était authentique et qu’il ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi. Le demandeur allègue deux motifs qui, selon lui, justifieraient l’intervention de la Cour.

 

[7]               En ce qui a trait au premier motif, le demandeur soutient que l’agent s’est essentiellement arrêté au moment du mariage et en a tiré une conclusion défavorable. À mon avis, il ne peut s’agir d’un motif de contrôle judiciaire. Comme la juge Snider l’a reconnu dans Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1131, [2009] A.C.F. no 1595, le moment du mariage peut être pertinent lorsqu’il s’agit d’évaluer l’authenticité d’un mariage (paragraphe 17). Ce facteur peut jouer en faveur du demandeur ou, comme dans le cas présent, inciter l’agent à tirer une conclusion défavorable.

 

[8]               En outre, l’examen de ce facteur ne va pas à l’encontre de la politique conjugale (IP 8 – Catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada). Aux termes de cette politique, parmi les exigences auxquelles il doit répondre pour bénéficier des dispenses, le demandeur doit prouver l’existence d’une relation authentique, et le moment du mariage peut assurément servir à évaluer l’authenticité d’une relation.

 

[9]               En ce qui a trait au deuxième motif selon lequel l’agent n’a pas apprécié l’ensemble de la preuve qui lui avait été présentée, je dois conclure, après avoir examiné les arguments des parties et passé en revue le dossier certifié du tribunal, qu’il convient d’accueillir la demande de contrôle judiciaire et qu’il ne s’agit pas simplement d’apprécier à nouveau la preuve.

 

[10]           Le demandeur et Mme Wong ont soumis des relevés bancaires, des factures et d’autres pièces de correspondance montrant qu’ils ont la même adresse, des copies de leurs permis de conduire portant la même adresse, des baux et un relevé de compte bancaire conjoint. Ces documents semblent indiquer que le demandeur et sa répondante cohabitent, mais l’agent n’a pas expliqué pourquoi il s’était fié davantage aux relevés T4 qu’aux autres éléments de preuve contredisant ces relevés pour tirer sa conclusion. Des photos du demandeur et de Mme Wong prises à différents moments et des déclarations sur leur relation ont également été soumises. Les notes rédigées pendant les entrevues révèlent que les époux ont fourni à peu près les mêmes réponses aux questions que l’agent leur a posées sur leur relation (dossier certifié du tribunal, pages 32 à 43). Je ne dis pas que ces éléments de preuve sont déterminants lorsqu’il s’agit d’évaluer l’authenticité du mariage, mais j’estime néanmoins qu’ils sont pertinents. Or, ils n’ont pas été notés par l’agent, ni soupesés par rapport aux autres éléments de preuve.

 

[11]           Je garde en tête qu’un tribunal administratif est présumé avoir pris en considération tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés. Cependant, en l’espèce, des éléments de preuve pertinents vont à l’encontre de la conclusion que l’agent a tirée sur une question fondamentale, et l’agent aurait dû expliquer pourquoi il ne les avait pas acceptés ou pourquoi il leur en avait préféré d’autres (Cepeda‑Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35, aux paragraphes 14 à 17; Pradhan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1500, 52 Imm. L.R. (3d) 231, au paragraphe 14).

 

[12]           Le demandeur a demandé les dépens, conformément à l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22. Cependant, je conclus à l’absence de raisons spéciales et n’adjugerai pas de dépens.

 

[13]           Les parties n’ont proposé aucune question à certifier et la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision. Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

« Michel Beaudry »

juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


ANNEXE

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

 

12. (1) La sélection des étrangers de la catégorie « regroupement familial » se fait en fonction de la relation qu’ils ont avec un citoyen canadien ou un résident permanent, à titre d’époux, de conjoint de fait, d’enfant ou de père ou mère ou à titre d’autre membre de la famille prévu par règlement.

12. (1) A foreign national may be selected as a member of the family class on the basis of their relationship as the spouse, common‑law partner, child, parent or other prescribed family member of a Canadian citizen or permanent resident.

 

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227.

 

4. Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait, le partenaire conjugal ou l’enfant adoptif d’une personne si le mariage, la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux ou l’adoption n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi.

 

124. Fait partie de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada l’étranger qui remplit les conditions suivantes  :

a) il est l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant et vit avec ce répondant au Canada;

 

b) il détient le statut de résident temporaire au Canada;

c) une demande de parrainage a été déposée à son égard.

4. For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common‑law partner, a conjugal partner or an adopted child of a person if the marriage, common‑law partnership, conjugal partnership or adoption is not genuine and was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act.

 

 

124. A foreign national is a member of the spouse or common‑law partner in Canada class if they

(a) are the spouse or common‑law partner of a sponsor and cohabit with that sponsor in Canada;

(b) have temporary resident status in Canada; and

(c) are the subject of a sponsorship application.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5751‑09

 

INTITULÉ :                                                   SHI QUING LIN c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 16 juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE BEAUDRY

 

DATE :                                                           Le 17 juin 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Shoshana T. Green

POUR LE DEMANDEUR

Hilete Stein

 

 

 

Jamie Todd

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Green and Spiegel LLP

POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

 

 

 

Myles J. Kirvan

POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

 

 

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