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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100622

Dossier : IMM-5509-09

Référence : 2010 CF 678

Montréal (Québec), le 22 juin 2010

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

BEATRIZ LANDIN BANDA

KIARA MARIEL ARENAS LANDIN

ARIEL ALEXANDRA ARENAS LANDIN

 

demandeurs

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La question principale dans cette demande de contrôle judiciaire est de déterminer si Mme Landin Banda et ses filles ont eu une possibilité équitable de présenter leurs arguments à l’appui de leur demande de statut de réfugié ou de la protection du Canada. La Section de la protection des réfugiés, de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, a rejeté leur demande au motif qu’elle n’était pas crédible. La demande était largement fondée sur les risques auxquels le mari de Mme Landin Bandin, M. Ariel Arenas Pareja, serait exposé. Il a témoigné pour elles lors du premier jour de l’audience, mais d’ici la fin de la journée, son témoignage n’était pas terminé et a été reporté à une date ultérieure. M. Arenas Pareja ne s’est pas présenté à cette date parce qu’entre temps, il devait être expulsé vers le Mexique. Il est entré dans la clandestinité. Étant donné qu’il a reçu une citation à comparaître, les demanderesses soutiennent que les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada ont non seulement enfreint la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, mais aussi les principes fondamentaux de justice naturelle en plaçant M. Arenas Pareja dans une position impossible où il ne serait pas en mesure de compléter son témoignage pour son épouse et ses filles.

                                                                                               

[2]               S’il n’avait pas demandé l’asile en 1990, le traitement de sa plus récente revendication, ainsi que de celle de son épouse et de leurs filles, aurait été très différent.

 

[3]               La première demande d’asile de M. Arenas Pareja, qui n’a aucun lien avec la demande actuelle des demanderesses, a échoué et il est donc retourné au Mexique en 1991. Il est revenu au Canada en 2007, suivi de sa femme et de leurs filles, pour revendiquer à nouveau l’asile. Cependant, sa revendication était inéligible pour être soumise à la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR), car l’article 101 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés rend inéligible une revendication par une personne qui a déjà été refusée. Il avait, cependant, le droit, dont il s’est prévalu, à un examen des risques avant renvoi. Cet examen s’est avéré négatif et des préparatifs ont été effectués en vue de son expulsion. Il ne s’est pas présenté à l’aéroport et est entré dans la clandestinité. Un mandat d’arrestation a été émis à son encontre.

 

[4]               M. Arenas Pareja prétend qu’en tant qu’ancien policier spécialisé dans la lutte anti-drogue, et plus récemment en tant que détective privé chargé d’aider la police avec diverses enquêtes, il est personnellement ciblé par des trafiquants de drogues et des policiers corrompus. La décision défavorable d’ÉRAR a été émise au début de 2008. Il a obtenu un sursis de son renvoi en attendant la décision dans sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. L’autorisation a été accordée, mais la demande de contrôle judiciaire a ensuite été rejetée sur le fond par le juge suppléant Lagacé en décembre 2008 (2008 CF 1333).

 

[5]               Le juge suppléant Lagacé n’a trouvé aucune raison d’annuler la décision de l’agente ÉRAR qui avait déterminé que M. Arenas Pareja n’avait pas établi qu’il était en danger et, plus précisément, qu’il était personnellement ciblé par des trafiquants de drogues ou des policiers corrompus. Elle avait également déterminé qu’il n’avait pas réfuté la présomption que la protection de l’État lui était disponible au Mexique.

 

[6]               Le mois suivant, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a émis, à la demande de Mme Landin Banda, une citation ordonnant à M. Arenas Pareja de comparaître à l’audience de la cause de cette dernière, dont la date n’avait pas encore été fixée. Comme celui-ci voulait, en réalité, témoigner pour son épouse, la demande de citation à comparaître avait pour objectif de le garder au Canada, du moins jusqu’à ce que son témoignage soit terminé.

 

[7]               Le premier jour de l’audience de Mme Landin Banda, le 10 mars 2009, M. Arenas Pareja a témoigné. Il a ensuite reçu l’ordre de se présenter à l’aéroport de Montréal le 14 mars pour être renvoyé. Il a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de le renvoyer alors qu’il était encore sujet d’une citation à comparaître et a demandé un sursis de son renvoi en attendant la décision sur cette demande. La requête en sursis a été rejetée (no. de greffe IMM-1342-09). Tel que déjà indiqué, il ne s’est pas présenté à l’aéroport et est entré dans la clandestinité.

 

[8]               Le deuxième jour de l’audience, le 27 mai 2009, Mme Landin Banda a témoigné. En plus des risques courus par son mari, elle a aussi témoigné qu’elle et une de ses filles avaient été enlevées en 2007, et qu’elle, Mme Landin Banda, avait été violée. Le tribunal a exprimé de sérieux doutes concernant cet aspect du témoignage, étant donné que cet incident n’avait pas été mentionné dans le Formulaire de renseignements personnels (FRP) qu’elle avait préalablement soumis à l’appui de sa revendication.

 

[9]               Il a eu une longue discussion entre son avocat et le membre du tribunal au sujet de la légalité de la décision du ministre de ne pas reporter l’expulsion de M. Arenas Pareja étant donné que son témoignage n’était pas terminé et qu’il faisait encore l’objet d’une citation à comparaître. Le tribunal a soigneusement évité de se prononcer et a simplement dit que la question était devant les tribunaux et que la justice suivrait son cours. L’avocat de Mme Landin Banda a annoncé que son mari était au Canada. Le tribunal a proposé d’entendre le reste de son témoignage par téléconférence, mais aucun accord n’a été trouvé. Cependant, il y a eu une entente permettant à M. Arenas Pareja de compléter son témoignage par affidavit, ce qu’il a fait.

 

[10]           Une des principales préoccupations du tribunal était que malgré la panoplie de documents soumis par M. Arenas Pareja, dont la plupart sont en espagnol et non traduits, celui-ci n’a présenté aucune corroboration de son affiliation avec la police depuis 1997 et n’a donc pas été en mesure de personnaliser le risque qu’il disait craindre s’il retournait au Mexique.

 

[11]           Dans son affidavit subséquent, il a indiqué que, compte tenu du climat de peur qui prévaut au Mexique, il lui était difficile d’obtenir une corroboration, bien qu’il ait auparavant dit qu’il y avait beaucoup d’éléments de preuve accessibles à Mexico.

 

LA DÉCISION SOUS CONTRÔLE

[12]           La revendication de Mme Landin Banda et de ses filles a été rejetée pour manque de crédibilité. Le tribunal n’a pas cru que les autorités mexicaines feraient affaire avec des détectives privés dans leur lutte contre les cartels de drogue. De toute façon, aucune corroboration n’a été fournie, et ce, malgré les nombreuses opportunités accordées à M. Arenas Pareja de le faire

 

[13]           De plus, puisque Mme Landin Banda n’avait pas mentionné son enlèvement et son viol dans son FRP, le tribunal a été aussi d’avis que celle-ci n’était pas crédible.


 

LA DISCUSSION

[14]           Les demandeurs ont soutenu que le Tribunal n’a pas correctement tenu compte des directives concernant les revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe. Même si Mme Landin Banda était réticente de discuter de son viol avec son mari, le tribunal n’a vu aucune raison pour justifier que l’enlèvement ne soit pas mentionné. Je suis du même avis.

 

[15]           M. Arenas Pareja a eu plus de deux ans pour fournir des preuves à l’appui de ses simples allégations qu’il était ciblé par des cartels de drogue et des policiers corrompus. La situation du pays indique certes qu’un honnête policier impliqué dans des enquêtes concernant les narcotiques pourrait être ciblé. Cependant, il n’y a rien dans le dossier pour justifier, de manière significative, que M. Arenas Pareja est personnellement en danger.

 

[16]           Bien que la réticence du Tribunal à croire que la police pourrait embaucher des enquêteurs privés pourrait, si elle était perçue comme une remarque isolée, être considérée comme de la spéculation pure et simple, elle est tempérée par l’incapacité de M. Arenas Pareja, malgré les demandes du tribunal, de fournir une corroboration à ses propos.

 

[17]           Donc, les conclusions de crédibilité émises par le Tribunal ne sont pas déraisonnables.

 

[18]           Il est important de se rappeler que la demande ÉRAR de M. Arenas Pareja n’a pas été rejetée pour manque de crédibilité, mais plutôt pour manque de preuve et en raison de la disponibilité de la protection étatique. Toutefois, même si ce dernier avait été trouvé non-crédible, cela ne signifie pas qu’il n’aurait pas été cru lors de l’audience de son épouse. Chaque cause est un cas d’espèce (Huziak v. Andrychuk (1977), 1 C.R. (3d) 132 (Sask. B.R.)).

 

[19]           La prochaine question est de déterminer si Mme Landin Banda a été privée d’une audience équitable. Si c'est le cas, la décision doit être annulée, car cette Cour ne doit pas spéculer sur ce qui aurait pu arriver si M. Arenas Pareja avait pu terminer son témoignage en la présence du tribunal (Cardinal c. Établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643).

 

[20]           Une décision sur le fond dans une demande de contrôle judiciaire est définitive, sans droit d’appel, sauf si la Cour certifie une question grave de portée générale.

 

[21]           Mme Landin Banda suggère les trois questions suivantes:

[Ma traduction.]

a.       Est-ce que l’Agence des services frontaliers du Canada doit obligatoirement respecter les citations à comparaître émises par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié en vertu du droit à une audience équitable et de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés ?

b.      Est-ce que l’article 50 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés oblige le respect pour cette citation ?

c.       Est-ce que les principes de justice naturelle exigent que l’agent de renvoi respecte une telle citation sans égard à la formulation exacte de l’article 50 de la Loi ?

 

[22]           L’article 50 de la LIPR se lit comme suit :

50. Il y a sursis de la mesure de renvoi dans les cas suivants :

 

a) une décision judiciaire a pour effet direct d’en empêcher l’exécution, le ministre ayant toutefois le droit de présenter ses observations à l’instance;

50. A removal order is stayed

 

 

 

(a) if a decision that was made in a judicial proceeding — at which the Minister shall be given the opportunity to make submissions

— would be directly contravened by the enforcement of the removal order;

 

[23]           Il est important de se rappeler que nous traitons présentement de la demande de contrôle judiciaire de la demande d’asile de Mme. Landin Banda, et non de celle de son mari. La question est de savoir si elle a été privée d’une audience équitable, et non si M. Arenas Pareja aurait dû être expulsé alors qu’il faisait l’objet d’une citation à comparaître. Il a demandé un report, le juge suppléant Teitelbaum a refusé de lui accorder un sursis, et sa demande d’autorisation a été rejetée par le juge Martineau. Il n’y a aucun droit d’appel de ces décisions. Essentiellement, Mme Landin Banda essaie d’attaquer indirectement ces décisions. C'est quelque chose que cette Cour ne tolérera pas (Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63, [2003] 3 R.C.S. 77).

 

[24]           Le Tribunal a une grande latitude, plus grande encore que cette Cour, dans la manière dont il reçoit la preuve. De plus, même cette Cour procède régulièrement par vidéoconférence, et nos règles permettent la preuve par affidavit. L’affidavit de M. Arenas Pareja, soumis suite à la première audience, a été reçu et considéré.

 

[25]           Vu ces circonstances, et le fait que le tribunal ait eu l’opportunité de rencontrer M. Arenas Pareja en personne, qu’il a pris la loi entre ses propres mains en ne se présentant pas pour son expulsion vers le Mexique, et que dans son subséquent affidavit, il a admis son incapacité de corroborer ses allégations, l’audience de Mme Landin Banda était équitable.

 

[26]           Par conséquent, il serait à la fois inutile et inapproprié de commenter sur les questions suggérées ou de les certifier.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5509-09

 

INTITULÉ :                                       Landin Banda et al c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 18 mai 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      le 22 juin 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Stewart Istvanffy

 

POUR LES DEMANDEURS

Michèle Joubert

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Études légale Stewart Istvanffy

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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