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Date : 20100616

Dossier : IMM-5687-09

Référence : 2010 CF 652

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 16 juin 2010

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

NIKE OKAFOR

SYDNEY JUNIOR OKAFOR (demandeur mineur)

demandeurs

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire déposée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’encontre d’une décision d'un agent d'examen des risques avant renvoi (l'agent), dans laquelle la demande de résidence permanente présentée depuis le Canada par Nike Okafor et Sydney Junior Okafor pour des motifs humanitaires (CH) a été rejetée.

 

[2]               Au début de l'audience, les parties ont convenu que le nom du demandeur mineur devrait s'écrire « Sydney » plutôt que « Sidney ».

 

[3]               La demande d'asile de la demanderesse a été rejetée le 2 juin 2005 en raison de doutes sur sa crédibilité. Au début de l’année 2006, elle a présenté une demande de résidence permanente fondée sur des motifs CH. Le 9 juillet 2009, un avis défavorable a été rendu concernant les allégations de risque contenues dans la demande CH. La demande CH a été rejetée le 26 août 2009, et elle fait maintenant l'objet du présent contrôle judiciaire.

 

[4]               L'examen des décisions rendues à l'égard de demandes CH doit être fait selon la norme de la décision raisonnable (Kisana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CAF 189, (2009), 392 N.R. 163, au paragraphe 18). La Cour examine la justification, la transparence et l'intelligibilité de la décision ainsi que son appartenance aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47). En ce qui concerne l’équité procédurale, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte (Soares c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 190, 308 F.T.R. 280).

 

[5]               La demanderesse soutient que l'agent n'a pas été réceptif, attentif et sensible à l'intérêt supérieur des enfants dans la présente affaire. Elle prétend qu'il a simplement dressé une liste des faits et qu'il a tiré une conclusion hâtive, plutôt que de prendre en considération les bénéfices de ne pas la renvoyer du Canada, et sur les difficultés qu’éprouveraient Praise (le deuxième fils de la demanderesse, né au Canada) s’il devait l’accompagner en cas de renvoi ou de départ volontaire. La demanderesse prétend de plus que l'agent a commis une erreur en ne tenant pas compte des problèmes de culture et d'adaptation auxquels devront faire face les enfants au Nigeria.   

 

[6]               Dans Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 475, [2003] 2 C.F. 555, la Cour d'appel fédérale a conclu que l'agent qui évalue l’intérêt supérieur d’un l'enfant devrait habituellement évaluer le degré de difficulté qui pourrait résulter du renvoi de ses parents du Canada, et ensuite de pondérer cette difficulté avec d'autres facteurs qui pourraient atténuer les conséquences du renvoi. De plus, on y concluait qu'un agent est présumé savoir que la vie au Canada peut offrir aux enfants un éventail de possibilités qui ne leur sont pas accessibles dans d'autres pays et qu'en règle générale, un enfant qui vit au Canada avec ses parents se trouve dans une meilleure situation qu'un enfant vivant au Canada sans eux (paragraphe 4 à 6).

 

[7]               Le demandeur soutient que l'agent n'a pas conduit l'analyse prescrite dans Hawthorne. Je ne suis pas de cet avis; l'agent a examiné de façon adéquate l'intérêt supérieur des enfants dans la présente affaire, et la décision est raisonnable à cet égard.

 

[8]               Les motifs de l'agent démontrent que celui-ci a évalué les facteurs nécessaires – par exemple, il reconnaît que la demanderesse s'occupe seule des enfants et que leur père est décédé. Il souligne aussi qu'il serait dans l'intérêt supérieur des enfants de rester avec leur mère, peu importe où, et que la demanderesse a indiqué qu'elle agirait dans l'intérêt supérieur de ses enfants, et qu'elle est dédiée à leur bien-être. Cependant, l'agent a conclu qu’on a produit bien peu de pièces démontrant que l'enfant ne bénéficierait pas des soins ou du soutien nécessaires pour répondre à leurs besoins primaires. L'agent a aussi traité de la relation entre ces facteurs et les autres. Il est vrai qu'un agent doit être réceptif, attentif et sensible à l'intérêt supérieur de l'enfant, mais il ne doit pas considérer ce facteur comme le seul qui soit déterminant.

 

[9]               En ce qui concerne le défi de l'adaptation culturelle que devront relever les enfants au Nigeria, je mentionnerais d’abord que l'agent a conclu que les deux enfants ont un âge leur permettant de s'adapter aux changements, tant et aussi longtemps que leur mère est présente pour leur prodiguer soins et conseils. De plus, les observations CH de la demanderesse n’apportent pas particulièrement de détails sur cette question; elles ne font qu'affirmer que les enfants ne connaissent rien du Nigeria. 

 

[10]           La demanderesse soutient aussi que l'agent a manqué à son devoir d'équité envers elle, parce qu'il n'a pas tenu compte de la réplique à l’avis sur le risque. Elle admet que cette réplique a été déposée après la date limite prévue, mais prétend qu'elle a répondu bien avant de recevoir la décision relativement à sa demande (au paragraphe 5 de son affidavit, elle affirme qu'elle a reçu la décision définitive le 19 octobre 2009) et qu'il aurait dû tenir compte de sa réponse à l'avis sur le risque.

 

[11]           Le défendeur réplique que la demanderesse avait admis que sa réponse était datée du 9 septembre 2009, soit deux semaines après que la demande CH ait été tranchée. Dans son mémoire additionnel, le défendeur prétend que le principe du functus officio empêche l'examen de nouveaux éléments de preuve lorsque le tribunal a rendu une décision définitive, et qu'il importe peu que la demanderesse ait répondu à l'avis de risque avant de recevoir la décision définitive concernant la demande CH.  

 

[12]           Lors de l'audience, le défendeur a laissé entendre qu'il n'est pas nécessaire d'appliquer le principe du functus officio pour rejeter la présente demande, parce que la preuve jointe à la réponse des demandeurs était soit désuète, soit non pertinente.

 

[13]           Je relève que la position mise de l'avant par les défendeurs relativement au principe du functus officio va à l'encontre de la récente décision de la juge Mactavish dans Kurukkal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CF 695, 347 F.T.R. 60, où il a été conclu que ce principe ne s'applique pas aux décisions CH. Le défendeur prétend que la bonne approche est celle décrite dans l'arrêt de la Cour suprême du Canada Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848.

 

[14]           Dans la décision Kurukkal, une question a été certifiée relativement au principe du functus officio, mais elle n'a pas encore été examinée par la Cour d'appel fédérale.

 

[15]           J'ai examiné les documents additionnels joints à la lettre du 9 septembre 2009 de l’avocat des demandeurs (dossier des demandeurs, pages 134 à 164) et je dois dire que plusieurs articles ne sont pas à jour, et ceux qui sont ultérieurs à l'avis de risque du 9 juillet 2009 sont pratiquement les mêmes que ceux analysés et examinés par l'agent (dossier des demandeurs, documents soumis, page 17).

 

[16]           Par conséquent, je conclus qu'il n'y a pas eu manquement à l'équité procédurale, même si l'agent aurait pu examiner la réplique des demandeurs.

 

[17]           Même si la Cour est sensible à la cause de la demanderesse, il ne lui appartient pas de substituer son évaluation de la demande CH à celle de l'agent.

 

[18]           Les parties n'ont proposé aucune question à certifier et la présente affaire n'en soulève aucune.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                         IMM-5687-09

 

INTITULÉ :                                       NIKE OKAFOR et

SYDNEY JUNIOR OKAFOR (demandeur mineur) c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 15 juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 16 juin 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Richard Odeleye                                                                       POUR LES DEMANDEURS

 

Stephen Jarvis                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                               

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Babablola, Odeleye                                                                  POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

                                                                                               

Myles J. Kirvan                                                                        POUR LE DÉFENDEUR       

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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