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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100610

Dossier : IMM-5324-09

Référence : 2010 CF 631

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

OTTAWA (Ontario), le 10 juin 2010

En présence de Monsieur le juge Kelen

 

 

Entre :

NIURKA MERION-BORREGO

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié datée du 15 octobre 2009 rejetant l’appel que la demanderesse a interjeté de la mesure de renvoi prise contre elle parce qu’elle est maintenant visée par l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), L.C. 2001, ch. 27, à titre de « personne interdite de territoire » en raison de la présentation erronée sur un fait important qu’elle a volontairement faite à son arrivée au Canada comme résidente permanente.

 

LES FAITS

Le contexte

[2]               La demanderesse de 38 ans est citoyenne de Cuba. Elle a été admise au pays en qualité de résidente permanente parrainée dans la catégorie du regroupement familial le 16 novembre 2002 à l’aéroport de Dorval, à Montréal.

 

[3]               La demanderesse a trois enfants qui sont nés en 1989, en 1991 et en 1997. La demanderesse a rencontré un citoyen canadien à Cuba en 2000 et ils se sont mariés le 9 août 2001 à Cuba. Après le mariage, l’époux de la demanderesse a préparé pour elle une demande de résidence permanente dans la catégorie du regroupement familial, agissant pour elle à titre de parrain. La demanderesse n’a pas lu la demande avant de la signer parce qu’elle ne connaissait ni l’anglais, ni le français à l’époque.

 

[4]               Il n’était pas fait mention de l’existence des deux enfants aînés de la demanderesse parce que leur père, un Cubain, était contre l’idée de leur émigration vers le Canada. La demanderesse soutient qu’elle a déclaré ses deux enfants aînés à son arrivée le 16 novembre 2002. Le document relatif au droit d’établissement, rempli lors de son admission au point d’entrée (aéroport de Dorval à Montréal), se lisait comme suit :

[traduction]

SITUATION DE FAMILLE : 1

 

14.       MEMBRES DE LA FAMILLE QUI ACCOMPAGNENT LE DEMANDEUR :

 

 

 

 

 

AVEZ-VOUS D’AUTRES PERSONNES À CHARGE QUI NE SONT PAS ÉNUMÉRÉES ICI? OUI

 

 

[5]               La demanderesse a habité avec son parrain à Montréal du 16 novembre 2002 jusqu’en janvier 2003, auquel moment elle l’a quitté. La demanderesse a déménagé à Toronto, où elle habite depuis. Le 25 mars 2003, l’époux et parrain de la demanderesse a obtenu un jugement de la Cour supérieure du Québec (la Cour supérieure) déclarant l’annulation du mariage.

 

[6]               Après que la demanderesse eut quitté son mari et eut déménagé à Toronto en janvier 2003, elle a travaillé très fort, a appris l’anglais, a payé ses impôts, n’a pas eu recours à l’aide sociale ni au soutien du gouvernement et elle a régulièrement envoyé de l’argent à ses enfants et à sa famille à Cuba. Deux ans et dix mois après avoir quitté son mari, le 24 novembre 2005, la demanderesse a déposé une demande de parrainage de ses trois enfants à titre de résidents permanents. Le défendeur a alors remarqué la présentation erronée de la demanderesse au sujet de ses enfants et il a rejeté la demande. La demanderesse a ensuite fait l’objet d’une enquête. Le 18 avril 2008, un membre de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que la demanderesse avait fait une présentation erronée au sujet du nombre de ses enfants dans sa demande de résidence permanente et au point d’entrée et qu’elle était donc « interdite de territoire » au sens de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR. La demanderesse a interjeté appel à la SAI.

 

La décision faisant l’objet du présent contrôle

[7]                Le 11 mai 2009, la SAI a rejeté l’appel de la demanderesse.

 

[8]               La décision portait d’abord sur la question de savoir si la demanderesse était exemptée de l’application de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR conformément au paragraphe 117(10) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le RIPR), DORS/2002-227.

 

[9]               La SAI a déclaré au paragraphe 22 de la décision que le critère auquel la demanderesse devait satisfaire est celui de prouver que sa divulgation au point d’entrée permettait à l’agent des visas du point d’entrée de « décider délibérément » de ne pas contrôler les deux enfants aînés de la demanderesse qui n’avaient pas été déclarés sur sa demande de résidence permanente qui avait été examinée par les agents d’immigration canadiens à Cuba.

22        Lorsqu’il a pris cette décision, le tribunal a observé que, pour que l’exception soit applicable, l’agent doit décider que le contrôle n’était pas exigé. De l’avis du tribunal, pour que l’agent d’immigration puisse prendre une telle décision, il doit y avoir une preuve suffisante, fiable et digne de foi établissant que, selon la prépondérance des probabilités, l’agent des visas a délibérément décidé qu’un contrôle n’était pas exigé. Le tribunal estime qu’il est nécessaire que la décision soit prise délibérément. Cette conclusion découle du terme [traduction] « décidé » qui, selon le tribunal, signifie décider délibérément.

 

 

[10]            La SAI a conclu que la demanderesse n’était pas crédible et, par conséquent, a accordé peu de poids à son témoignage au sujet du déroulement des événements au point d’entrée le 16 novembre 2002. La SAI a tiré une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité en raison de la nature de la relation de la demanderesse avec son parrain qui, selon la SAI, était un mariage de convenance, pour les motifs suivants :

1.      il n’existait aucune preuve de cohabitation entre le 16 novembre 2002 et la séparation en janvier 2003;

2.      il n’était pas crédible que deux personnes qui se sont mariées à Cuba n’aient pas discuté de l’avenir des trois enfants de la demanderesse dans cette relation et de la question de savoir s’ils rejoindraient le couple au Canada;

3.      la demanderesse ne pouvait pas expliquer pourquoi le mariage a abouti en annulation plutôt qu’en divorce;

4.      le fait que le mariage a été annulé ajoute foi à la conclusion que le mariage n’était pas authentique.

 

[11]           La SAI a aussi conclu qu’il était fort improbable qu’un agent des visas accorde le droit d’établissement à la demanderesse sans inscrire au dossier qu’elle a deux enfants qui n’avaient pas été déclarés dans la demande précédente. La SAI a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve digne de foi pour conclure que l’agent des visas avait décidé délibérément de ne pas contrôler les enfants non déclarés de la demanderesse.

 

[12]           La SAI a conclu que la prise d’une mesure spéciale n’était pas justifiée compte tenu de l’intérêt supérieur des enfants et des motifs d’ordre humanitaire dans le présent dossier. La SAI a établi les facteurs suivants au paragraphe 29 pour décider si elle devait exercer son pouvoir discrétionnaire :

29        Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le tribunal s’inspire des facteurs énoncés dans Ribic et approuvés par la Cour suprême du Canada dans Chieu. Ces facteurs [...] sont les suivants :

 

a.       la gravité de la présentation erronée à l’origine de la mesure d’exclusion;

 

b.      la période passée au Canada;

 

c.       la famille qu’elle a au pays et les bouleversements que le renvoi de l’appelante occasionnerait pour cette famille;

 

d.      le soutien dont bénéficie l’appelante, non seulement au sein de sa famille, mais également de la collectivité;

 

e.       l’importance des difficultés que causerait à l’appelante le retour dans le pays de renvoi probable, en l’espèce Cuba.

 

 

[13]           La SAI a conclu que la présentation erronée en l’espèce était grave parce que la demanderesse savait qu’elle était erronée et parce que la présentation erronée était combinée à un mariage de convenance que la demanderesse avait utilisé pour être parrainée.

 

[14]           La SAI a conclu que la demanderesse n’était pas au Canada depuis longtemps, qu’elle n’avait pas de soutien de sa famille ou de sa collectivité et qu’elle n’était pas établie au Canada. Toute aptitude, instruction ou expérience que la demanderesse a gagnée au Canada pourrait être utilisée à Cuba à l’avantage de la demanderesse.

 

[15]           La SAI a noté que deux des enfants de la demanderesse ne sont plus admissibles au parrainage, mais elle a néanmoins conclu qu’il serait préférable, compte tenu de l’intérêt supérieur des enfants, que leur mère se trouve près d’eux plutôt que de rester au Canada et de continuer à leur envoyer de l’argent. Par conséquent, il n’y avait pas suffisamment de motifs d’ordre humanitaire pour contrecarrer la présentation erronée de la demanderesse et l’interdiction de territoire qui en découle.

 

LES DISPOSITIONS LÉGALES

[16]           L’article 67 de la LIPR énumère les motifs ouvrant droit à appel à la SAI ainsi que les pouvoirs de la SAI :

 

 

 

[17]           L’alinéa 127a) de la LIPR précise que les présentations erronées constituent une infraction à la loi :

 

 

 

[18]           Le paragraphe 40(1) de la LIPR prévoit que les résidents permanents qui font des présentations erronées sont interdits de territoire au Canada :

 

 

 

[19]           Le paragraphe 117(10) du RIPR prévoit que l’exclusion de la catégorie du regroupement familial ne s’applique pas au demandeur qui n’a pas fait l’objet d’un contrôle parce qu’un agent a décidé que le contrôle n’était pas exigé :

 

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[20]           La demanderesse soulève les questions suivantes :

1.      Le tribunal a-t-il commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu que le paragraphe 117(10) du RIPR ne s’appliquait pas à la demanderesse?

 

2.      Le tribunal a-t-il privé la demanderesse du droit à une audience équitable lorsqu’il a examiné l’authenticité de son mariage en 2001 et qu’il a rendu une décision à ce sujet pendant la procédure d’appel de la demanderesse à l’encontre de la mesure de renvoi prise contre elle, sans avoir au préalable avisé la demanderesse de la tenue de cet examen?

 

3.      Le tribunal a-t-il indûment restreint son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a conclu qu’il n’existait pas suffisamment de motifs d’ordre humanitaire pour accueillir l’appel de la mesure de renvoi, conformément à l’alinéa 67(1)c) de la LIPR?

 

4.      La décision du tribunal est-elle déraisonnable?

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[21]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, 372 N.R. 1, la Cour suprême du Canada a conclu au paragraphe 62 que, à la première étape de l’analyse de la norme de contrôle, la cour de révision « vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier » (voir également Khosa c. Canada (MCI), 2009 CSC 12, paragraphe 53, motifs du juge Binnie).

 

[22]           Les questions soulevées par la demanderesse relativement au droit et à l’équité procédurale sont contrôlées selon la décision correcte : voir ma décision dans l’affaire Natt c. Canada (MCI), 2009 CF 238, 80 Imm. L.R. (3d) 80, paragraphe 14; Baker c. Canada (MCI), [1999] 2 R.C.S. 817; Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 R.C.F. 392; Conseil des Canadiens avec déficiences c. Via Rail Canada Inc., [2007] 1 R.C.S. 650; Khosa, précité, paragraphe 43. Le reste des questions soulevées porte sur des conclusions de fait ou des conclusions mixtes de droit et de fait de la part de la SAI qui sont contrôlées selon la décision raisonnable : Bodine c. Canada (MCI), 2008 CF 848, 331 R.T.F. 200, paragraphe 17, motifs du juge Russell; Singh c. Canada (MCI), 2010 CF 378, paragraphes 12 et 13, motifs du juge Harrington.

 

[23]           En effectuant le contrôle de la décision du tribunal selon la norme du caractère raisonnable, la Cour tiendra compte de « […] la justification de la décision […] [de] la transparence et […] [de] l’intelligibilité du processus décisionnel » et établira si la décision « fait partie des "issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit" » : Dunsmuir, au paragraphe 47, Khosa, précité, au paragraphe 59.

 

Question no 1 :            Le tribunal a-t-il commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu que le paragraphe 117(10) du RIPR ne s’appliquait pas à la demanderesse?

 

[24]           La demanderesse soutient que :

1.                  son témoignage devant la SAI lorsqu’elle a expliqué qu’elle avait déclaré les noms de ses trois enfants au point d’entrée est raisonnable et correspond à son document relatif au droit d’établissement;

2.                  la SAI a supposé de façon déraisonnable que l’agent des visas ne déciderait pas délibérément de ne pas effectuer le contrôle des deux enfants qui n’avaient pas été déclarés auparavant et de permettre à la demanderesse d’entrer au Canada;

3.                  le paragraphe 117(10) du RIPR s’applique à la demanderesse pour l’exempter de l’interdiction de territoire en raison d’une présentation erronée, aux termes du paragraphe 40(1) de la LIPR.

 

[25]           La question de savoir si la demanderesse est interdite de territoire parce qu’elle a fait une présentation erronée sur un fait important doit être tranchée en fonction du paragraphe 40(1) de la LIPR. La signification d’interdiction de territoire et le critère pour déterminer s’il y a interdiction de territoire au sens de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR ont été précisés par le juge O’Reilly dans la décision Baro c. Canada (MCI), 2007 CF 1299, au paragraphe 15 :

15        Aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, une personne est interdite de territoire au Canada si elle fait une réticence sur un fait important quant à un objet pertinent, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi. De façon générale, un demandeur de la résidence permanente est soumis à une « obligation de franchise » qui l’oblige à révéler les faits importants. Ce devoir s’étend aux variations possibles de la situation personnelle du demandeur, y compris un changement d’état matrimonial : Mohammed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] 3 C.F. 299 (C.F. 1re inst.) (QL). Même une omission innocente de fournir des renseignements importants peut mener à une conclusion d’interdiction de territoire; par exemple, la demanderesse qui omet d’inclure la totalité de ses enfants dans sa demande peut être interdite de territoire : Bickin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1495 (C.F. 1re inst.) (QL). Il y a toutefois une exception si les demandeurs peuvent montrer qu’ils croyaient honnêtement et raisonnablement ne pas dissimuler des renseignements importants : Medel c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 2 C.F. 345, [1990] A.C.F. no 318 (C.A.F.) (QL).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[26]           La demanderesse se fonde sur le fait qu’elle avait intentionnellement omis de déclarer ses deux enfants aînés parce que leur père s’y opposait et que son parrain lui avait suggéré, à tort, que ce n’était pas nécessaire qu’elle les déclare. La SAI a conclu, après le témoignage de la demanderesse, qu’elle avait omis de présenter des renseignements importants, ce qui a entraîné une erreur dans l’application de la LIPR. Le fait que la demanderesse soutienne qu’elle a déclaré ses autres enfants au point d’entrée, après que son visa lui eut été délivré, n’est pas crédible.

 

[27]           Le tribunal a expliqué son point de vue préliminaire au sujet de la crédibilité de la demanderesse à la page 57, lignes 37 à 42, de la transcription de l’audience :

[traduction]

MEMBRE DU TRIBUNAL :   […] La preuve montre pourtant que lorsque la demanderesse est arrivée au Canada, elle a -- on lui a posé la question « avez-vous d’autres personnes à charge » et elle a répondu « oui ». Dans son témoignage, elle a dit qu’on lui a posé des questions supplémentaires et qu’elle a mentionné qu’elle avait deux autres enfants, et je crois que c’est un témoignage crédible parce qu’il est clair que quelqu’un – un agent d’immigration posera des questions supplémentaires lorsqu’on lui dit qu’il y a d’autres personnes à charge.

 

 

[28]           À mon avis, compte tenu de la preuve, la SAI pouvait raisonnablement conclure que la demanderesse n’était pas crédible. Par conséquent, la Cour ne peut pas intervenir pour cette question.

 

Question no 2 :            Le tribunal a-t-il privé la demanderesse du droit à une audience équitable lorsqu’il a examiné l’authenticité de son mariage en 2001 et qu’il a rendu une décision à ce sujet pendant la procédure d’appel de la demanderesse à l’encontre de la mesure de renvoi prise contre elle, sans avoir au préalable avisé la demanderesse de la tenue de cet examen?

 

[29]           La demanderesse soutient que la SAI a examiné la bonne foi de son mariage et a rendu une décision à ce sujet sans l’aviser qu’elle allait tenir cet examen. De plus, il n’y avait aucun fondement dans la preuve qui permettait à la SAI de conclure que le mariage de la demanderesse le 9 août 2001 était un mariage de convenance. La conclusion défavorable de la SAI quant à la crédibilité de la demanderesse est donc déraisonnable.

 

[30]           Il est bien établi en droit que les règles de la justice naturelle s’appliquent aux procédures en matière d’interdiction de territoire devant la SAI : Chieu c. Canada (MCI), 2002 CSC 3, [2002] 1 R.C.S. 84, paragraphe 70, motifs du juge Iacobucci. Le droit de la demanderesse de connaître les arguments invoqués contre elle et d’avoir l’occasion d’y répondre est une règle de base de la justice naturelle.

 

[31]           En l’espèce, la demanderesse a été renvoyée à une audience sur l’interdiction de territoire en raison de la présentation erronée qu’elle a faite au sujet du nombre d’enfants à sa charge. La demanderesse n’a pas été avisée du fait qu’on examinerait l’authenticité de son mariage. Un agent d’immigration a brièvement mis en doute l’authenticité du mariage dans son rapport présenté aux termes de l’article 44, le 15 juin 2006, mais le renvoi portait sur la présentation erronée au sujet des enfants de la demanderesse.

 

[32]           L’appel de la demanderesse présenté à la SAI était fondé sur l’article 67 de la LIPR pour les deux allégations suivantes :

1.             la décision est erronée quant à savoir si elle a déclaré ses deux autres enfants au point d’entrée (Dorval);

2.             des motifs d’ordre humanitaire justifient « la prise de mesures spéciales » pour la demanderesse au sujet de la mesure d’interdiction de territoire prise contre elle en raison de présentations erronées.

La demanderesse avait le fardeau de la preuve et devait persuader la SAI selon la prépondérance des probabilités. Elle aurait dû prévoir que la très courte durée de son mariage après son arrivée au Canada le 16 novembre 2002 serait une question pertinente. Elle était parrainée par son mari canadien, mais elle l’a quitté deux mois après son arrivée au Canada à titre d’épouse parrainée. De plus, la nullité du mariage au Québec est régie par les articles 380 à 390 du Code civil. L’article 380 prévoit :

380. Le mariage qui n’est pas célébré suivant les prescriptions du présent titre et suivant les conditions nécessaires à sa formation peut être frappé de nullité à la demande de toute personne intéressée, sauf au tribunal à juger suivant les circonstances.

 

Généralement, il est possible d’obtenir l’annulation du mariage jusqu’à trois ans après la célébration en présentant une demande à la Cour en raison de la « mauvaise foi » de la part d’une ou des deux parties. La mauvaise foi est un concept large qui peut comprendre de nombreux facteurs. L’existence de la mauvaise foi de la part d’une des parties porte atteinte au consentement de l’autre partie et ouvre ainsi droit à l’annulation.

 

[33]           Par conséquent, la Cour conclut que l’authenticité du mariage de la demanderesse était une question évidente lorsque la demanderesse a soulevé des motifs d’ordre humanitaire pour interjeter appel et la SAI n’a pas manqué à la justice naturelle en ne lui donnant pas de préavis à ce sujet.

 

Question no 3 :            Le tribunal a-t-il indûment restreint son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a conclu qu’il n’existait pas suffisamment de motifs d’ordre humanitaire pour accueillir l’appel de la mesure de renvoi, conformément à l’alinéa 67(1)c) de la LIPR?

 

 

[34]           La demanderesse soutient que l’examen que la SAI a fait des motifs d’ordre humanitaire était embrouillé par la conclusion défavorable qu’elle avait tiré quant à la crédibilité après l’examen de l’authenticité du mariage.

 

[35]           La SAI s’est lourdement fondée sur sa conclusion de crédibilité pour examiner le premier motif d’ordre humanitaire : « la gravité de la présentation erronée à l’origine de la mesure d’exclusion ». La SAI a examiné en détails l’authenticité du mariage de la demanderesse sous ce motif aux paragraphes 33 à 42.

33        En outre, le tribunal estime, à la lumière de la preuve dont il dispose et selon la prépondérance des probabilités, que son mariage à son ex-époux, qui visait à faire admettre l’appelante au Canada, n’était pas un mariage authentique.

 

34        De l’avis du tribunal, la preuve entourant son mariage initial avec Pierre Joseph Lalonde n’est tout simplement pas crédible. L’appelante a déclaré avoir rencontré son ancien mari à Cuba et avoir eu une relation avec lui pendant quatre ans avant qu’il ne la parraine.

 

35        Il ressort de la preuve qu’ils se sont mariés le 9 août 2001. D’après l’appelante, ils ont cohabité jusqu’au courant de janvier 2003, moment où elle a quitté son mari et a déménagé à Toronto.

 

36        Le tribunal fait remarquer qu’il n’y a aucune preuve de cohabitation. Aux dires de l’appelante à l’audience, leur séparation est attribuable à une querelle à propos des enfants. Elle a affirmé que son ancien mari lui a dit qu’il n’avait aucune obligation envers ces enfants et qu’il ne voulait rien savoir d’eux.

 

37        De l’avis du tribunal, ce témoignage n’est pas crédible. Il estime qu’il n’est pas crédible que deux personnes qui se marient à Cuba ne discutent pas à fond de l’avenir des trois enfants en l’espèce et du rôle qu’ils joueraient dans cette nouvelle relation matrimoniale.

 

38        De plus, le tribunal remarque qu’il y a, à la page 7 du dossier, un document de la Cour supérieure du Québec daté du 25 mars 2003 qui indique que le mariage en question a été annulé et qu’il n’y a pas eu de divorce.

 

39        L’appelante n’a pas pu expliquer au tribunal pourquoi son ancien mari a demandé l’annulation du mariage et non un divorce ordinaire.

 

40        Le tribunal fait remarquer que le fardeau de la preuve incombe à l’appelante. Elle aurait dû être en mesure de produire des documents ou de donner une explication raisonnable pour justifier la décision de demander l’annulation du mariage plutôt que le divorce. L’annulation confirme certainement la thèse selon laquelle ce mariage n’était pas authentique.

 

41        Par conséquent, le tribunal a devant lui une appelante qui est venue au Canada par des moyens frauduleux, à savoir son mariage initial, sa présentation erronée dans sa demande et son omission de divulguer entièrement l’existence de ses trois enfants dans son document relatif au droit d’établissement.

 

42        De l’avis du tribunal, l’appelante n’est pas un témoin crédible et elle a obtenu son statut de résident permanent au Canada uniquement parce qu’elle a fait des présentations erronées.

 

[36]           La Cour est d’avis que l’évaluation que la SAI a faite du manque de crédibilité et de la mauvaise foi de la demanderesse était pertinente quant aux motifs d’ordre humanitaire soulevés en appel et que la décision de la SAI était raisonnable.

 

 Question no 4 :           La décision du tribunal est-elle déraisonnable?

 

[37]           Compte tenu des conclusions de la Cour sur les questions précédentes, il n’est pas nécessaire d’examiner cette question.

 

QUESTION CERTIFIÉE

[38]           Les deux parties ont informé la Cour que la présente affaire ne soulève pas de question grave de portée générale qu’il conviendrait de certifier en vue d’un appel. La Cour est d’accord.

 

CONCLUSION

[39]           Pour ces motifs, la Cour rejettera la demande.


JUGEMENT

 

 

LA COUR STATUE que :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                        IMM-5324-09

 

INTITULÉ :                                       NIURKA MERION-BORREGO c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 1er JUIN 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 10 juin 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Adetayo Akinyemi

 

POUR LA DEMANDERESSE

Marina Stefanovic

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Adetayo Akinyemi

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles Kirvan, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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