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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100427

Dossier : IMM-4121-09

Référence : 2010 CF 451

Ottawa (Ontario), le 27 avril 2010

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

CHANDER MOHAN GULATI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

Motifs du jugement et jugement

 

[1]               Il s'agit d'une demande présentée en application de l'article 72 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), sollicitant le contrôle judiciaire de la décision rendue le 24 juin 2009 par une agente des visas du Haut Commissariat du Canada à New Delhi, en Inde. L’agente a rejeté la demande de résidence permanente présentée par le demandeur en tant que membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

[2]               L’agente a conclu que le demandeur n'avait pas répondu aux exigences du paragraphe 75(2) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement). Ces exigences comportent trois éléments :

 

a)      le demandeur doit avoir accumulé au moins une année continue d'expérience de travail à temps plein au cours des dix années qui ont précédé la date de présentation de la demande dans au moins une des professions énumérées dans certaines catégories de la matrice de la Classification nationale des professions (CNP);

b)      pendant cette période d'emploi, le demandeur doit avoir accompli l'ensemble des tâches figurant dans l'énoncé principal de la CNP applicable;

c)      pendant cette période d'emploi, le demandeur doit avoir exercé une partie appréciable des fonctions principales décrites dans la CNP applicable, notamment toutes les fonctions essentielles.

 

[3]               Le paragraphe 75(3) du Règlement prévoit que si ces exigences ne sont pas respectées, la demande de résidence permanente doit être refusée. Aucune autre évaluation n'est nécessaire.

 

[4]               Le demandeur a présenté une demande pour être considéré en tant que travailleur qualifié dans la profession du code 6212 de la CNP : superviseurs/superviseures des services alimentaires (CNP 6212). L’agente a conclu qu'il n'avait pas accompli l'ensemble des tâches figurant dans l'énoncé principal ou une partie appréciable des fonctions principales de la CNP 6212. En conséquence, elle a rejeté la demande de résidence permanente.

 

LE Contexte

 

[5]               Le demandeur est un citoyen de l'Inde âgé de 33 ans. Il est arrivé au Canada muni d'un visa d'étudiant en 2003. En 2005, ayant présenté une demande d'asile, il a présenté une demande d'un permis de travail, qu'il a obtenu et qui est toujours valide. La demande d'asile a été rejetée en novembre 2007.

 

[6]               En juin 2006, le demandeur a été engagé en qualité de superviseur des services alimentaires au Nirvana: the Flavours of India (le Nirvana), un restaurant haut de gamme à Mississauga (Ontario). Il continue d'occuper ce poste.

 

[7]               Le 27 octobre 2008, le Nirvana a reçu un avis sur un emploi réservé (l'AER) de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC). L'objet général d'un avis sur un emploi réservé est d'établir qu'une personne a un emploi réservé au Canada, selon la définition de l'article 82 du Règlement. Cela est fait en confirmant l'offre d'emploi que la personne a reçue.

 

[8]               L’AER en l'espèce confirmait que le Nirvana avait fait une offre d'emploi permanent ou d'emploi pour une durée indéterminée au demandeur en qualité de superviseur des services alimentaires. Selon le demandeur, cette offre consistait à le réembaucher au même poste qu'il occupait depuis juin 2006. L'annexe de l’AER confirme que l'offre visait un poste appartenant à la CNP 6212.

 

[9]               Le 19 décembre 2008, le demandeur a présenté la demande de résidence permanente qui est maintenant en cause. Les documents suivants accompagnaient la présentation de la demande :

a)      une lettre du directeur du Nirvana décrivant les fonctions de l'emploi du demandeur au Nirvana (la lettre concernant l'expérience professionnelle);

b)      une copie du curriculum vitæ du demandeur;

c)      l’AER;

d)      une copie de l'offre d'emploi officielle du Nirvana (l’offre d’emploi) a été présentée plus tard, en réponse à la demande de l’agente.

 

LA Décision faisant l'objet du contrôle

 

[10]           Dans les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (les notes du STIDI), l’agente a énuméré les fonctions de l'emploi du demandeur au Nirvana décrites dans la lettre concernant l'expérience professionnelle. L’agente a cependant conclu qu'au Nirvana, le demandeur n'accomplissait que deux des huit fonctions essentielles de la CNP 6212. De plus, l’agente a conclu que la lettre concernant l’expérience professionnelle ne mentionnait pas le nombre de personnes que supervisait le demandeur.

 

[11]           L’agente a également noté que, selon l'énoncé principal de la CNP 6212, les emplois décrits se retrouvent surtout dans les hôpitaux et les établissements de restauration rapide. Le Nirvana est un restaurant haut de gamme.

 

[12]           Pour ces motifs, l’agente n’était pas convaincue que le demandeur avait accompli l'ensemble des tâches figurant dans l'énoncé principal ou exercé une partie appréciable des fonctions principales décrites dans la CNP 6212, comme l'exigeait le paragraphe 75(2) du Règlement. L’agente a donc rejeté la demande de résidence permanente en vertu du paragraphe 75(3).

 

[13]           Dans son affidavit, l’agente a admis qu'elle n'avait pas tenu compte de l’AER ni de l’offre d’emploi pour prendre sa décision.

 

LA Questions en litige

 

[14]           Les questions en litige dans la présente demande sont les suivantes :

a)      L’agente a-t-elle commis une erreur en omettant de prendre en compte l’AER, l'offre d'emploi et le curriculum vitæ?

b)      L’agente a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur ne répondait pas aux exigences du paragraphe 75(2) du Règlement?

c)      L’agente a-t-elle manqué aux principes d'équité procédurale?

 

[15]           En outre, le demandeur a soulevé une question préliminaire concernant l'admissibilité de certaines parties de l'affidavit de l’agente.

 

ANALYSE

 

La norme de contrôle

 

[16]           Dans l'arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour suprême du Canada a statué qu'il n'est pas nécessaire d'effectuer une analyse relative à la norme de contrôle dans tous les cas. Lorsque la norme de contrôle applicable à la question en cause est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme de contrôle.

 

[17]           La jurisprudence établit qu'à l'occasion du contrôle de la décision d'un agent concernant une demande de résidence permanente, les questions de droit doivent être examinées selon la décision correcte, alors que les questions concernant le pouvoir discrétionnaire et les questions mixtes de fait et de droit doivent être examinées selon la raisonnabilité (Kastrati c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1141, [2008] A.C.F. no 1424 (QL); To c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] A.C.F. no 696 (C.A.F.) (QL)).

 

[18]           Il est tentant de considérer que la question a) est une question qui concerne la pertinence juridique de l’AER et de l’offre d’emploi. Toutefois, à mon avis, le véritable différend entre les parties est la question de savoir si l’agente a commis une erreur en concluant que le demandeur ne possède pas d'expérience dans l'exécution de la CNP 6212. Ce différend est une question de fait ou une question mixte de fait et de droit. Si la Cour conclut que l’AER et l'offre d'emploi constituaient des éléments de preuve pertinents que l’agente a écartés, cela peut rendre ses conclusions déraisonnables, mais cela ne transforme pas une question de fait en une question de droit.

 

[19]           De même, la question b) est une question mixte de fait et de droit ou une question de pouvoir discrétionnaire qui doit être examinée selon la raisonnabilité (Kniazeva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 268, [2006] A.C.F. no 336 (QL); Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 867, 169 A.C.W.S. (3d) 180. La Cour devrait également faire preuve de retenue à l'égard de l'interprétation de la CNP 6212 par l'agente (Madan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1198 (1re inst.) (QL)).

 

[20]           Enfin, la jurisprudence établit que les questions d'équité procédurale, telle la question c), doivent être examinées selon la décision correcte (Syndicat canadien de la fonction publique c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539; Level (Tutrice à l'instance) c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 227, [2008] A.C.F. no 297 (C.F.) (QL)).

 

La question préliminaire

 

[21]           Je suis convaincu que l'affidavit de l’agente est admissible. Conformément aux décisions de la Cour dans bin Abdullah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1185, 155 A.C.W.S. (3d) 417, au paragraphe 15, Obeng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 754, 169 A.C.W.S. (3d) 869, aux paragraphes 27 à 30, et Wai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 780, 348 F.T.R. 85, l'affidavit n'ajoute pas de nouveaux arguments aux motifs de l’agente. Selon les termes utilisés dans bin Abdullah, il « précise simplement les brefs motifs d’évaluation fournis dans les notes du STIDI », ou selon les termes utilisés dans Obeng, il « dit pourquoi elle a formulé les remarques dans les notes du STIDI ». Il est acceptable d'utiliser un affidavit à ces fins.

 

[22]           De même, contrairement aux observations du demandeur lors de l'audience de la présente affaire, rien dans Obeng ne donne à penser qu'un agent ne peut présenter un affidavit que pour répondre à une allégation de fait du demandeur. La limite est que l’agent ne peut ajouter à ses motifs et ce n'est pas ce que l'agente a fait ici.

 

L'omission de tenir compte de l’AER, de l'offre d'emplois et du curriculum vitæ

 

[23]           L’agente admet dans son affidavit qu'elle n'a pas tenu compte de l’AER ni de l'offre d'emploi. La question de savoir si elle a tenu compte ou non du curriculum vitae n'est pas claire. Aurait-elle dû prendre ces éléments de preuve en compte?

 

[24]           Malheureusement, la jurisprudence offre peu d'indications sur la question. Les décisions Randhawa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1294, 152 A.C.W.S. (3d) 702, et Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 594 (1re inst.) (QL) établissent que lorsqu'un agent évalue la question de savoir si le demandeur possède les compétences nécessaires pour exécuter un certain emploi ou une certaine CNP, l’agent doit s'appuyer sur des éléments de preuve objectifs. Les décisions ne précisent pas cependant le genre d'éléments de preuve qui doivent être pris en compte. La décision Bellido c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 452, 138 A.C.W.S. (3d) 728, mentionnée par le défendeur, conclut qu'un avis sur un emploi réservé n'est pas un facteur déterminant des compétences d'un demandeur, mais le demandeur ne soutient pas qu'il doit l’être. Il prétend uniquement qu'il aurait dû être pris en compte, parmi d'autres éléments de preuve.

 

[25]           Bien qu'il existe peu de jurisprudence portant directement sur cette question, il est bien établi en droit qu'un décideur ne peut tirer une conclusion factuelle sans tenir compte de la preuve pertinente (Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35). Ainsi, la question à trancher est de savoir si l’AER, l'offre d'emploi et le curriculum vitæ étaient pertinents pour la décision.

 

[26]           La décision a été rendue en application du paragraphe 75(2) du Règlement, qui exige que le demandeur montre qu'il possède de l'expérience dans l'accomplissement de l'ensemble des tâches figurant dans l'énoncé principal ou dans l'exercice d'une partie appréciable des fonctions principales décrites dans la CNP 6212, dans les dix ans précédant la présentation de sa demande de résidence permanente. En d'autres mots, le demandeur doit montrer qu'il a déjà une certaine expérience professionnelle.

 

[27]           Une offre d'emploi, ainsi qu’un avis sur un emploi réservé qui la confirme, concernent un emploi futur. Habituellement, ces éléments de preuve ne seraient pas pertinents concernant l'expérience professionnelle acquise par le demandeur. L'affaire en cause est toutefois inhabituelle parce que l’AER confirme une offre d'emploi pour le même emploi que le demandeur occupe depuis trois ans. L’AER a classifié cet emploi dans la CNP 6212. À mon avis, l'exercice de la CNP 6212 par le demandeur dans le passé constitue un élément de preuve pertinent. De même, les tâches énumérées dans l’offre d’emploi sont pertinentes pour l'évaluation de l'expérience professionnelle du demandeur parce que l’offre d'emploi renvoie au même emploi que le demandeur a exercé dans le passé.

 

[28]           Lors des plaidoiries, le défendeur a soutenu que le demandeur n'avait jamais informé l’agente que l’offre d’emploi et l’AER renvoyaient à un emploi qu'il exerçait déjà. En conséquence, l'agente n'avait aucune raison de croire que ces éléments de preuve étaient pertinents pour l'expérience professionnelle acquise par le  demandeur. Le défendeur mentionne des différences quant au salaire et aux fonctions entre l'emploi antérieur, décrit dans la lettre concernant l’expérience professionnelle, et l'emploi futur, décrit dans l’offre d’emploi.

 

[29]           À mon avis, malgré ces différences, les deux descriptions d'emploi sont en grande partie semblables. Elles mentionnent le même employeur, le même titre de poste et presque toutes les mêmes tâches. Si l'agente avait examiné la question, je suis convaincu qu'elle aurait reconnu que les descriptions renvoyaient au même poste ou à un poste très semblable. Ainsi, elle aurait été en mesure de reconnaître que l’AER et l'offre d'emploi constituaient des éléments de preuve pertinents. L’agente a simplement omis de reconnaître cela, parce qu'elle n'a pas du tout tenu compte de l’AER ou de l'offre d'emploi, ce qui était déraisonnable.

 

[30]           Le défendeur fait également valoir que l'agente a eu raison de ne pas tenir compte du curriculum vitæ ni de l’AER, parce qu'ils ne répondent pas aux exigences du Haut Commissariat en matière de preuve. Des lettres signées par l'employeur du demandeur sont exigées. Le demandeur a été informé de ces exigences avant de présenter sa demande.

 

[31]           Dans Malik c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1283, [2009] A.C.F. no 1643 (QL), le juge Mainville a examiné la mesure dans laquelle des lignes directrices administratives non contraignantes peuvent dicter le genre d'éléments de preuve qu'un décideur peut prendre en compte. Le juge Mainville a conclu que la ligne directrice en cause dans Malik était convenable parce qu'elle avisait simplement le demandeur qu'un certain type de preuve ne serait pas réputé « preuve satisfaisante » d’un fait. La preuve pouvait quand même être prise en compte; elle pouvait quand même être une « preuve satisfaisante » dans une affaire inhabituelle; la ligne directrice était raisonnable et inoffensive.

 

[32]           Rien dans la décision du juge Mainville n'excuse un agent de l'obligation de tenir compte de chaque élément de preuve. Comme l'a écrit le juge Mainville, même un élément de preuve qui ne serait pas une « preuve satisfaisante » dans une affaire ordinaire pourrait être une preuve satisfaisante dans une affaire inhabituelle. En conséquence, l'agent doit tenir compte de chaque élément de preuve décider s'il est satisfaisant dans une instance donnée.

 

[33]           En l'espèce, je suis disposé à supposer que l'agente a en effet tenu compte du curriculum vitae et qu'elle a simplement conclu, de manière appropriée, qu'il ne s'agissait pas d'une « preuve satisfaisante ». Par ailleurs, l'agente a reconnu ne pas avoir tenu compte de l’AER. Puisqu'elle a omis de tenir compte d'un élément de preuve pertinent, sa conclusion selon laquelle le demandeur ne répondait pas exigences prévues dans le paragraphe 75(2) était déraisonnable et doit être annulée.

 

La décision de l'agente relativement aux exigences du paragraphe 75(2)

 

[34]           L’agente a conclu que le demandeur n'avait ni accompli les fonctions décrites dans l'énoncé principal ni exercé une partie substantielle des fonctions principales décrites dans la CNP 6212, dans le cadre de son emploi au Nirvana.

 

[35]           La principale observation du demandeur concernant l'énoncé principal est que l'agente a commis une erreur en l’interprétant de manière à exclure les restaurants haut de gamme. Il en est ainsi parce que l'énoncé principal mentionne expressément les « autres établissements de services alimentaires ». Le défendeur soutient que l'énoncé principal contient une liste d'établissements, y compris les hôpitaux et les cafétérias. De l'avis du défendeur, il était raisonnable que l'agente interprète l'expression « autres établissements de services alimentaires » comme incluant uniquement des établissements analogues à ceux de la liste.

 

[36]           Je reconnais que l'agente a droit à la déférence lorsqu'elle interprète la CNP 6212 et, compte tenu uniquement du libellé de la CNP, j'aurais accepté l'argument du défendeur. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, il est nécessaire de prendre d'autres facteurs en compte. Premièrement, même si l’AER n'avait pas été pertinent concernant l'expérience professionnelle acquise par le demandeur, il était assurément pertinent pour l'interprétation de la CNP 6212. RHDCC, un organisme qui possède une expérience considérable à l'égard des classifications professionnelles, a décidé que l'offre reçue par le demandeur pour un emploi de restaurant appartenait à la CNP 6212.  

 

[37]           De plus, la Cour a examiné la CNP 6212 dans la décision Nathoo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 818, 159 A.C.W.S. (3d) 427. Bien que le contexte factuel et juridique de la décision Nathoo ait été différent de celui de la présente affaire, elle est pertinente en ce que le juge O'Reilly a accepté qu'un emploi de gestion d’un restaurant pouvait appartenir à la CNP 6212. Compte tenu de cette décision, ainsi que de la décision de RHDCC, l'interprétation de l’énoncé principal faite par l’agente était déraisonnable.

 

[38]           La question suivante est de savoir s'il était raisonnable de conclure que le demandeur n'avait pas exercé une partie appréciable des fonctions principales décrites dans la CNP 6212. Je trouve difficile de répondre à cette question en raison des motifs rudimentaires fournis.

 

[39]           Les notes du STIDI disent que le demandeur a exécuté uniquement deux des huit fonctions principales, mais ne précisent pas les deux fonctions qu’il exécutait, ni les raisons pour lesquelles l'agente a conclu qu'il n’avait pas exécuté les six autres. L’affidavit de l’agente dit que la lettre concernant l’expérience professionnelle ne contenait que des énoncés généraux. Mais c'est là une explication insuffisante. La lettre concernant l’expérience professionnelle était apparemment suffisamment détaillée pour prouver que le demandeur avait exécuté deux des fonctions; pourquoi pas les autres?

 

[40]           Le défendeur soutient que certains commentaires entre parenthèses dans l'inscription des notes du STIDI du 12 mars 2002 précisent les deux fonctions que l'agente considérait qu'il avait exécutées. Il me semble toutefois que ces commentaires, y compris ceux entre parenthèses, ont été copiés intégralement à partir de la demande de résidence permanente du demandeur. Ils ne contiennent pas les propres conclusions de l'agente.

 

[41]           Il est impossible d'évaluer la conclusion de l'agente selon laquelle le demandeur n'avait pas exécuté une partie appréciable des fonctions principales décrites dans la CNP 6212, sans savoir quelles fonctions l'agente croyait qu'il n'avait pas exercées, et pourquoi.

 

[42]           Selon l'arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, la transparence et l'intelligibilité d'une décision sont des éléments importants quant à sa raisonnabilité. Je conclus que leur absence dans la présente décision rend celle-ci déraisonnable.

 

L'équité procédurale

 

[43]           Le demandeur soutient qu’il aurait dû être avisé des réserves de l'agente concernant son expérience professionnelle et avoir l'occasion d'y répondre. À mon avis, la décision de la Cour dans Hassani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, 152 A.C.W.S. (3d) 898, régit la présente affaire et dit qu’un agent n’est pas tenu de faire part au demandeur que, selon lui, il manque d’expérience professionnelle et que, par conséquent, il n’appartient pas à une certaine CNP, parce que ces réserves découlent directement du Règlement. L’agente n’a donc pas manqué à son obligation d’équité procédurale.

 

[44]           Dans sa plaidoirie, le demandeur a soutenu que la présente affaire se distingue de la décision Hassani parce qu'il y a eu une communication continue entre l’agente et le demandeur. En toute déférence, je ne peux conclure que l’agente devait faire part de ses réserves uniquement parce qu'elle communiquait également avec le demandeur à propos d'autres questions et avait soulevé d'autres réserves.

 

CONCLUSION

 

[45]           Je conclus que la décision a été prise dans le respect de l'équité procédurale. Je conclus toutefois également que la décision était déraisonnable en ce qu'elle a été prise sans tenir compte des éléments de preuve pertinents, s'appuyait sur une interprétation déraisonnable de l'énoncé principal de la CNP 6212 et ne répondait pas aux normes de transparence et d'intelligibilité. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La décision sera annulée et l'affaire sera renvoyée pour nouvel examen par un autre agent des visas. Les parties n'ont proposé aucune question aux fins de certification et, à mon avis, aucune ne découle des faits de la présente affaire.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

  1. la demande est accueillie et l'affaire est renvoyée au Haut Commissariat du Canada, en Inde, pour nouvel examen par un autre agent des visas;
  2. aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 

 

 

 


 

cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4121-09

 

Intitulé :                                       CHANDER MOHAN GULATI

 

                                                            c.

 

                                                            Le ministre de la citoyenneté

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 1er avril 2010

 

Motifs du jugement

et jugement :                              le juge MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 27 avril 2010

 

 

 

Comparutions :

 

Lorne Waldman

 

Pour le demandeur

Bradley Bechard

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lorne Waldman

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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