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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date : 20100611

Dossier : IMM-2436-10

Référence : 2010 CF 620

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 juin 2010

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

HARJINDER KAUR GOSAL

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Aperçu

[1]               La conduite de la demanderesse constitue un sérieux obstacle à son obtention de la réparation en equity qu’elle demande :

[4]        Le droit est bien fixé : un sursis à l'exécution d'un renvoi est un recours en equity qui ne sera accordé que si le demandeur qui se présente devant la Cour n'a rien à se reprocher. Voir Khalil c. Canada (Secrétaire d'État), [1999] 4 CF 661, au paragraphe 20; Basu c. Canada, [1992] 2 CF 38; Ksiezopolski c. M.C.I. & S.G.C., [2004] ACF no 1715.

 

[5]        En l'espèce, la conduite de la demanderesse est loin d'être irréprochable. Elle a fait preuve d'une négligence constante et persistante envers le droit de la famille, le droit criminel et le droit de l'immigration du Canada. Si sa demande était accueillie, la Cour encouragerait l'illégalité, servirait une cause nuisible et irait à l'encontre de l'intérêt public.

 

[6]        Par conséquent, compte tenu des circonstances en l'espèce, la Cour n'exercera pas sa compétence en equity envers la demanderesse.

 

(Brunton c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 33, 145 ACWS (3d) 685).

 

[2]               Il incombait à la demanderesse de déposer une demande claire et convaincante. On ne peut reprocher à l’agent chargé de l’examen des risques avant renvoi (ERAR) sa compréhension de la situation de la demanderesse dans les circonstances. Ainsi que la Cour l’a affirmé dans le jugement Yousef c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 864, 296 FTR 182 :

[31]      Le second argument du demandeur concerne l’obligation d’équité. Le demandeur voudrait imposer à l’agente d’ERAR l’obligation de [TRADUCTION] « préciser les points qui n’étaient pas clairs avant qu’elle rende sa décision ». Cet argument se fonde sur la manière dont l’agente d’ERAR a considéré la lettre du traducteur. Le demandeur déclare que cette preuve était suffisamment troublante pour inciter l’agente d’ERAR à obtenir des précisions sur ce qui s’était passé devant la Commission à propos de la pièce traduite.

 

[32]      L’agente d’ERAR a bien considéré cette preuve et a estimé qu’elle [TRADUCTION] « ne permet pas de dissiper les nombreux doutes de la SPR quant à la crédibilité du demandeur ». Le fait que l’agente ait bien voulu se pencher sur la lettre du traducteur était un acte de bienveillance envers le demandeur parce que manifestement il ne s’agissait pas là d’une preuve nouvelle. Le demandeur avait connaissance des difficultés de traduction qui étaient apparues avant et durant l’audience tenue par la Commission, mais il a décidé alors de ne rien faire. La lettre qui a par la suite été obtenue du traducteur ne dit absolument rien sur l’importance des points qui auraient été mal traduits. Autant que l’on puisse en juger, il s’agissait de points mineurs d’interprétation qui n’auraient eu absolument aucune incidence sur l’issue de l’audience de la Commission. Par ailleurs, si les difficultés de traduction auxquelles faisait vaguement allusion la lettre du traducteur étaient d’une réelle importance, alors on peut imaginer qu’elles auraient été clairement précisées dans un affidavit à l’appui. Le demandeur n’a donné aucune précision sur cet aspect, et l’agente d’ERAR était donc autorisée à en tirer la conclusion parfaitement raisonnable que les difficultés de traduction qui étaient évoquées étaient insignifiantes ou sans conséquence.

 

[33]      Je rejette aussi l’argument selon lequel l’agente d’ERAR avait l’obligation de rechercher des preuves supplémentaires en raison de cette vague allusion à des difficultés de traduction. C’est au demandeur qu’il incombait, tout au long de l’instance, de produire les preuves requises pour appuyer sa demande d’ERAR, et l’agente n’avait nulle obligation d’agir en ce sens. Cette question a été tranchée d’une manière concluante par le juge Blanchard dans la décision Selliah, précitée, où l’on peut lire les observations suivantes : […]. (Non souligné dans l’original.)

 

De même, ainsi que la Cour l’a affirmé dans le jugement Zhou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 186, [2010] ACF no 213 (QL) :

[24]      L’agent d’ERAR n’a pas commis d’erreur en laissant de côté cette preuve et il ne saurait être blâmé de ne pas l’avoir découverte. C’est au demandeur qu’il appartenait de la produire (voir la décision Yousef c. Canada (MCI), 296 F.T.R. 182). L’agent d’ERAR n’a pas l’obligation de recueillir et de chercher des preuves additionnelles ou de faire d’autres investigations (Selliah c. Canada (MCI), 2004 CF 872). (Non souligné dans l’original.)

 

II.  Procédure judiciaire

[3]               La demanderesse demande à la Cour d’ordonner le sursis de la mesure de renvoi du Canada prise contre elle, qui doit être exécutée le 18 juin 2010.

 

[4]               La demande sous-jacente est une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision du 23 mars 2010 par laquelle l’agent chargé de l’examen des risques avant renvoi (ERAR) a statué que la demanderesse ne serait pas exposée au risque d’être persécutée ou d’être soumise à la torture ni à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités si elle devait retourner dans son pays d’origine.

 

III.  Contexte

[5]               La demanderesse, Mme Harjinder Kaur Gosal, est une citoyenne de l’Inde. Elle a acquis le droit d’établissement au Canada le 23 juin 2003, parrainée par son premier époux, M. Alouette III Harjit Singh Gosal.

 

[6]               Le 2 juillet 2003, le premier époux de Mme Kaur Gosal a envoyé une lettre aux autorités de l’immigration disant que Mme Kaur Gosal l’avait dupé en le mariant, qu’elle avait utilisé son visa permanent pour venir au Canada sans aucune intention de vivre avec lui, et qu’elle était arrivée au Canada sans l’informer de son arrivée.

 

[7]               Le 30 mars 2005, Mme Kaur Gosal et son premier époux se sont divorcés.

 

[8]               Le 21 mai 2005, Mme Kaur Gosal a marié M. Sukh Singh Kang, qui réside actuellement en Inde. Le 7 février 2006, elle a donné naissance à un enfant au Canada.

 

[9]               Le 1er mai 2007 et le 9 août 2007, Mme Kaur Gosal a été interrogée par un agent d’immigration. Lors de ces entrevues, elle a allégué que son premier époux était venu la chercher lorsqu’elle était arrivée à Toronto et qu’ils avaient vécu ensemble pendant une période de trois mois et demi, après quoi il l’avait quittée et était retourné à Vancouver.

 

[10]           Le 7 novembre 2007, une enquête a été menée devant la Section de l’immigration. À l’audience, Mme Kaur Gosal a accepté de faire des admissions et a admis qu’elle avait fait des fausses déclarations lorsqu’elle était entrée au Canada.

 

[11]           En conséquence, en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), la Section de l’immigration a pris une mesure d’exclusion contre Mme Kaur Gosal.

 

[12]           Madame Kaur Gosal a ensuite interjeté un appel devant la Section d’appel de l’immigration (la SAI) pour contester la validité de la mesure d’exclusion et demander la prise de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire.

 

[13]           Le 21 juillet 2008, la SAI a conclu que Mme Kaur Gosal avait fait une présentation erronée de sa relation avec son premier époux et avait simulé son mariage dans le seul but d’acquérir le statut de résidente permanente au Canada.

 

[14]           Le 15 décembre 2008, la Cour fédérale a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la SAI.

 

[15]           Le 19 janvier 2009, Mme Kaur Gosal a été informée qu’il se pourrait qu’elle doive quitter le Canada, mais qu’elle pourrait faire une demande d’ERAR avant son départ si elle le souhaitait.

 

[16]           Le 3 février 2009, Mme Kaur Gosal a déposé sa demande d’ERAR, dans laquelle elle alléguait alors qu’elle serait en danger en Inde parce que son premier époux chercherait à se venger et la ferait tuer après son arrivée.

 

[17]           Le 23 mars 2010, l’agent chargé de l’ERAR a rejeté la demande, car il a conclu que Mme Kaur Gosal n’avait pas produit suffisamment d’éléments de preuve probants pour établir le risque auquel elle alléguait être exposée en Inde.

 

[18]           Le 19 avril 2010, Mme Kaur Gosal a reçu la décision défavorable.

 

[19]           Elle a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision prise par l’agent chargé de l’ERAR le 3 mai 2010. Cette procédure sous-tend la présente requête en sursis de l’exécution de la mesure de renvoi.

 

IV.  Question en litige

[20]           A-t-il été satisfait au critère conjonctif comportant trois volets énoncé dans l’arrêt Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 NR 302, 11 ACWS (3d) 440 (C.A.F.)?

 

V.  Analyse

[21]           La Cour souscrit à la thèse du défendeur.

 

[22]           La Cour pourrait rejeter la présente requête au seul motif que Mme Kaur Gosal ne se présente pas à la Cour avec une conduite irréprochable.

 

[23]           À l’audience devant la Section de l’immigration, Mme Kaur Gosal a admis avoir contracté un mariage de convenance afin d’obtenir le statut de résidente permanente au Canada.

 

[24]           Lors d’une entrevue avec un agent d’immigration, elle a affirmé que son premier époux l’avait accueillie à son arrivée à l’aéroport Pearson à Toronto et qu’ils avaient vécu ensemble pendant quelques mois avait qu’il la quitte inexplicablement. Elle a également affirmé au même agent qu’elle ne savait pas qui était Mme Surjit Kaur Niijjar.

 

[25]           Or, ces deux allégations sont fausses, car, d’une part, Mme Kaur Gosal n’a jamais vécu avec son premier époux, et d’autre part, il appert que Mme Surjit Kaur Niijjar est en fait la tante de Mme Kaur Gosal, avec qui elle vivait au moment de l’entrevue.

 

[26]           En raison de ces fausses déclarations, la Section de l’immigration a pris une mesure d’exclusion contre Mme Kaur Gosal.

 

[27]           En outre, lorsque Mme Kaur Gosal a contesté la décision de la Section de l’immigration devant la SAI, elle a présenté un récit qui s’est révélé fabriqué. La SAI a formulé une conclusion claire et sans équivoque :

Ayant entendu le témoignage de l’appelante au sujet des allégations de fausse déclaration, le tribunal ne peut conclure à sa crédibilité.

[…]

Le tribunal conclut que ces omissions et l’invraisemblance de ses explications minent la véracité de sa seconde version et que la seconde version a été fabriquée pour justifier sa fausse déclaration.

 

[28]           Au soutien de son appel devant la SAI, Mme Kaur Gosal a dit qu’elle avait atterri à Toronto parce qu’elle ne voulait pas vivre avec son premier époux. Elle a affirmé qu’elle avait appris tout juste avant la noce que son premier époux était handicapé. Puisque le mariage était arrangé par les parents de Mme Kaur Gosal, celle-ci aurait estimé qu’elle devait aller au Canada pour vivre avec son premier époux, mais elle aurait décidé, à Toronto, qu’elle ne voulait pas vivre avec lui.

 

[29]           La Cour fédérale a refusé à Mme Kaur Gosal l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire de la décision de la SAI.

 

[30]           Madame Kaur Gosal allègue de nouveau des parties de son récit que la SAI a estimées fabriquées.

 

[31]           Dans son affidavit, Mme Kaur Gosal a précisé qu’elle avait pris un vol pour Toronto parce qu’elle n’avait pas trouvé de billets pour Vancouver, où réside son premier époux.

 

[32]           La SAI n’avait pas jugé cette allégation crédible.

 

[33]           Madame Kaur Gosal répète également que lorsqu’elle a quitté l’Inde, elle avait l’intention de rejoindre son premier époux, mais qu’elle avait changé d’idée seulement après quelques jours passés avec sa tante à Toronto.

 

[34]           Là encore, la SAI n’a pas jugé ces allégations crédibles. En outre, Mme Kaur Gosal a admis qu’elle avait contracté un mariage de convenance en Inde avec l’intention d’acquérir le statut de résidente permanente au Canada.

 

[35]           Après ces conclusions, Mme Kaur Gosal tente encore d’ajuster son témoignage et ses déclarations pour obtenir un statut légal au Canada.

 

[36]           Même si Mme Kaur Gosal n’a été l’objet d’aucune accusation criminelle, elle ne peut profiter de ses propres fausses déclarations et de son stratagème illégal pour obtenir un statut au Canada.

 

[37]           En conséquence, sa requête aurait pu être rejetée pour ce seul motif.

 

Le critère de l’arrêt Toth

[38]           Pour obtenir le sursis d’un renvoi, le demandeur doit démontrer qu’il satisfait à chacun des volets du critère tripartite établi par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Toth, précité :

A.  préjudice irréparable;

B.  question sérieuse;

C.  prépondérance des inconvénients.

 

[39]           Les exigences du critère tripartite sont conjonctives. Par conséquent, un demandeur doit satisfaire à chacun des trois critères avant que la Cour puisse accorder un sursis de renvoi.

 

[40]           Mme Kaur Gosal n’a ni démontré l’existence d’une question sérieuse à juger dans la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire qu’elle a déposée, ni qu’elle subirait un préjudice irréparable si elle était renvoyée en Inde, ni que la prépondérance des inconvénients penchait en sa faveur plutôt qu’en faveur du ministre.

 

A.  Préjudice irréparable

[41]           Le préjudice irréparable est un critère exigeant auquel il est satisfait seulement lorsque le demandeur démontre que sa sécurité serait menacée à son retour dans son pays d’origine :

[26]      La Cour a jugé que le critère du préjudice irréparable est un critère sévère qui oblige à démontrer l’existence d’une menace sérieuse à la vie ou à la sécurité du demandeur. Le risque non corroboré que les demandeurs ont invoqué ne répond pas à ce critère (Frankowski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 98 A.C.W.S. (3d) 641, [2000] A.C.F. no 935 (QL), au paragraphe 7).

 

(Diallo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 84, [2009] ACF no 126 (QL); Kerrutt c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 53 FTR 93; 32 ACWS (3d) 621; Calderon c Canada (Citoyenneté et Immigration) (1995), 92 FTR 107, 54 ACWS (3d) 316.)

 

[42]           Le préjudice irréparable doit être établi selon la prépondérance des probabilités. De plus, les éléments de preuve étayant les allégations de préjudice irréparable potentiel doivent être convaincants :

[43]  Le préjudice irréparable met en jeu un critère élevé. La Cour doit être convaincue que le fait de ne pas accorder le sursis causera un tel préjudice (Selliah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CAF 261, 132 ACWS (3d) 261, aux paragraphes 12 à 21; Stampp c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 127 FTR 107, 69 ACWS (3d) 901, aux paragraphes 15 et 16; Atakora c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1993), 68 FTR 122, 42 ACWS (3d) 486, aux paragraphes 11 et 12 (1re inst.); Legrand c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1994), 27 Imm. L.R. (2d) 259, 52 ACWS (3d) 1301, au paragraphe 5 (C.F. 1re inst.); Akyol c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 931, 124 ACWS (3d) 1119, au paragraphe 7). (Non souligné dans l’original.)

 

(Sittampalam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 562; Mazakian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1248, 76 Imm.L.R. (3d) 151, au paragraphe 33; Ghavidel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 397, 156 ACWS (3d) 1146, au paragraphe 21)

 

[43]           Mme Kaur Gosal affirme dans ses observations qu’elle serait exposée à deux risques distincts si elle retournait en Inde.

 

[44]           Premièrement, elle dit que son premier époux voudrait se venger et la faire tuer à partir de chez lui à Burnaby.

 

[45]           Deuxièmement, elle dénonce l’existence d’une dispute familiale mettant en cause l’oncle de son deuxième époux, qui aurait tué le père de ce dernier et aurait menacé de tuer Mme Kaur Gosal, son époux et son enfant.

 

[46]           Au soutien de ces graves allégations, Mme Kaur Gosal a produit :

a.       un affidavit non daté de son deuxième époux;

b.      un affidavit non daté du premier fonctionnaire municipal (sarpanch) de sa ville d’origine;

c.       un affidavit de sa propre mère;

d.      un jugement rendu en 2004 concernant le meurtre du père de son deuxième époux;

e.       quelques coupures de journaux concernant les meurtres d’honneur en Inde.

 

[47]           Ces éléments de preuve sont loin d’être suffisants pour démontrer selon la prépondérance des probabilités que Mme Kaur Gosal sera tuée si elle retourne en Inde.

 

[48]           Premièrement, deux des trois affidavits ont été souscrits par des membres de sa famille.

 

[49]           Ensuite, le deuxième époux de Mme Kaur Gosal est directement concerné par le renvoi de son épouse, puisque celle-ci a admis avoir tenté de le parrainer au Canada. Si elle retourne en Inde, elle ne pourra inévitablement plus le parrainer.

 

[50]           La valeur probante de l’affidavit du deuxième époux, qui n’est pas signé, est très faible.

 

[51]           Le troisième affidavit est rédigé par un sarpanch qui n’a clairement aucune connaissance personnelle des faits qu’il atteste. II atteste seulement que l’oncle de l’époux (Amrajit Singh) [TRADUCTION] « a été entendu disant » qu’il le tuerait ainsi que sa famille; par conséquent, une faible valeur probante est attribuée à cet affidavit.

 

[52]           Même si le sarpanch en question écrit que le deuxième époux de Mme Kaur Gosal risque de subir un préjudice [TRADUCTION] « à tout moment », et bien que Mme Kaur Gosal elle-même écrive dans son affidavit que son époux vit dans la clandestinité, celui-ci trouve tout de même le moyen de pratiquer le kabaddi, et son oncle assiste à tous ses matchs.

 

[53]           Il ne ressort pas des documents produits au soutien de la requête de Mme Kaur Gosal que l’oncle de son époux aurait déjà attaqué ce dernier.

 

[54]           Pour ce qui concerne le jugement produit au soutien de la requête, il a été rendu en 2004 (le père de son époux aurait été tué en 2002), avant que Mme Kaur Gosal ait marié son deuxième époux. Madame Kaur Gosal n’a fait aucune mention des supposées menaces dans son appel à la SAI, où elle avait néanmoins analysé les nombreux facteurs d’ordre humanitaire qui, selon elle, justifieraient la prise de mesures spéciales à l’encontre de la mesure d’exclusion prise contre elle.

 

[55]           Dans les documents qu’elle a produits au soutien de sa requête, Mme Kaur Gosal n’indique nulle part quand l’oncle en question a été mis en liberté ni quand ou dans quelles circonstances il aurait fait les menaces alléguées.

 

[56]           Madame Kaur Gosal n’a jamais fait part à la SAI de sa crainte d’un meurtre d’honneur qui pourrait être commandé par son premier époux si elle retournait en Inde.

 

[57]           Le risque que Mme Kaur Gosal soit tuée en Inde est un facteur d’ordre humanitaire qui aurait pu être porté à l’attention de la SAI. Le fait pour Mme Kaur Gosal d’être restée muette à l’audience sur les questions dont la SAI était saisie est troublant.

 

[58]           Enfin, les éléments de preuve documentaire produits par Mme Kaur Gosal indiquant que les meurtres d’honneur sont courants en Inde ne sont pas suffisants à eux seuls pour prouver que Mme Kaur Gosal serait personnellement exposée à un tel risque puisque les éléments de preuve relatifs au profil des victimes ne pointent pas dans cette direction.

 

[59]           Certes, ces meurtres d’honneur sont des crimes, mais Mme Kaur Gosal devait quand même démontrer que son premier époux était prêt à chercher à se venger en la tuant en Inde.

 

[60]           En outre, après avoir divorcé son premier époux, Mme Kaur Gosal est retournée en Inde pour marier son deuxième époux. Il est hautement suspect qu’une personne qui allègue craindre les meurtres d’honneur retourne dans son pays pour s’y remarier.

 

B.  Question sérieuse

[61]           Madame Kaur Gosal ne soulève aucune question sérieuse relativement à la décision de l’agent chargé de l’ERAR dont elle demande le contrôle judiciaire.

 

[62]           Il appert, à l’évidence, de la décision sous-jacente que Mme Kaur Gosal a présenté des observations prêtant à confusion au soutien de sa demande d’ERAR.

 

[63]           Une lecture attentive des observations de Mme Kaur Gosal démontre qu’elle craint son premier époux, qui ferait tout en son pouvoir pour la faire tuer en Inde. Il est impossible de savoir si le décès du père de son deuxième époux avait quoi que ce soit à voir avec son premier mariage.

 

[64]           Madame Kaur Gosal produit maintenant un affidavit beaucoup plus clair dans lequel elle explique plus en détail les deux situations qui la mettaient à risque en Inde. L’affidavit aurait aidé l’agent chargé de l’ERAR à comprendre le dossier de Mme Kaur Gosal, mais il ne disposait pas de cet affidavit.

 

[65]           La conclusion que l’agent chargé de l’ERAR a tirée sur le fondement des éléments de preuve dont il disposait et sur le fondement de sa compréhension de ces éléments de preuve était tout à fait raisonnable.

 

[66]           En revanche, même si l’agent chargé de l’ERAR n’a pas compris que le meurtre de 2002 n’était pas relié au premier époux de Mme Kaur Gosal, la plupart de ses conclusions vaudraient même en tenant compte de ces renseignements. Les affidavits seraient tout de même intéressés et d’une faible valeur probante. Madame Kaur Gosal n’aurait tout de même pas parlé à la SAI des risques auxquels elle allègue maintenant être exposée.

 

[67]           De plus, les éléments de preuve documentaire n’ont pas été présentés à l’agent chargé de l’ERAR.

 

[68]           Il ressort clairement des documents que les éléments de preuve étaient insuffisants pour démontrer que Mme Kaur Gosal serait exposée à un risque en Inde. Comme je l’ai précisé ci-dessus, trois affidavits intéressés ne peuvent établir selon la prépondérance des probabilités qu’une personne est menacée de mort, surtout lorsque les auteurs de ces affidavits ont un intérêt direct dans le dénouement de l’affaire ou n’ont même pas une connaissance personnelle des faits qu’ils attestent.

 

[69]           Nul besoin de rencontrer Mme Kaur Gosal en entrevue, puisque le principal problème que posait sa demande était le fait que les éléments de preuve étaient insuffisants pour démontrer le risque qu’elle allègue. Par conséquent, sa crédibilité n’était pas directement en jeu.

 

[70]           Même si l’agent chargé de l’ERAR en était arrivé à la conclusion que Mme Kaur Gosal craignait véritablement d’être tuée par son premier époux ou par l’oncle de son deuxième époux, les éléments de preuve qui ont été produits au soutien de ces craintes étaient insuffisants et ne prouvaient pas que ces craintes étaient bien fondées (Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, 41 ACWS (3d) 393).

 

[71]           Pour tous ces motifs, la demande sous-jacente ne soulève pas une question sérieuse.

 

C.  Prépondérance des inconvénients

[72]           Enfin, la prépondérance des inconvénients favorise le ministre.

 

[73]           Selon l’article 48 de la LIPR, le ministre a l’obligation d’exécuter une mesure de renvoi exécutoire « dès que les circonstances le permettent » : 

Mesure de renvoi

 

48.      (1) La mesure de renvoi est exécutoire depuis sa prise d’effet dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’un sursis.

 

Conséquence

 

(2) L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent.

 

Enforceable removal order

 

48.      (1) A removal order is enforceable if it has come into force and is not stayed.

 

 

Effect

 

(2) If a removal order is enforceable, the foreign national against whom it was made must leave Canada immediately and it must be enforced as soon as is reasonably practicable.

 

[74]           Aussi, il est bien établi en droit que l’intérêt public doit également être pris en compte; la Cour décide si la prépondérance des inconvénients favorise un demandeur ou le ministre.

 

[75]           En l’espèce, compte tenu de tous les arguments qui précèdent, il est dans l’intérêt public que Mme Kaur Gosal soit renvoyée le plus tôt possible (RJR- MacDonald Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311; Blum c Canada (Citoyenneté et Immigration), (1994), 90 FTR 54, 52 ACWS (3d) 1099). Madame Kaur Gosal a admis avoir contracté un mariage de pure forme pour pouvoir entrer au Canada. Elle a présenté la situation de manière erronée et sa conduite ne doit pas être récompensée.

 

[76]           De plus, il n’a pas été satisfait aux critères de la question sérieuse ou du préjudice irréparable, et la prépondérance des inconvénients favorise le ministre (Rwiyamirira c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1171, 157 ACWS (3d) 597, au paragraphe 27).

 

VI.  Conclusion

[77]           Pour tous les motifs qui précèdent, la demande visant à surseoir à l’exécution du renvoi de la demanderesse est rejetée.


 

JUGEMENT

LA COUR REJETTE la demande visant à surseoir à l’exécution du renvoi de la demanderesse.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2436-10

                                                           

 

INTITULÉ :                                      HARGINDER KAUR GOSAL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 7 juin 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 11 juin 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Harry Blank

 

POUR LA DEMANDERESSE

Alain Langlois

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

HARRY BLANK

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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