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Date : 20100610

Dossier : T‑1354‑06

Référence : 2010 CF 627

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

JAG FLOCOMPONENTS N.A. et

JAG FLOCOMPONENTS (NORTH AMERICA) INC.

demanderesses

et

 

ARCHMETAL INDUSTRIES CORPORATION,

HENRY CHEN, JEROME CHEN et

FORTUNE MANUFACTURING CO., LTD.

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE PHELAN

 

I.          VUE D’ENSEMBLE

[1]               La Cour est saisie d’une action présentée par les demanderesses en vue d’obtenir la radiation de la marque de commerce canadienne FUSION ainsi qu’un jugement déclarant que l’alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce (la Loi) a été violé et que la marque de commerce des demanderesses a fait l’objet de dénigrement et de discrédit de titre de propriété. La demanderesse réclame également diverses mesures interlocutoires, à savoir une injonction, des dommages‑intérêts pour les pertes subies et à subir ainsi que des dommages‑intérêts punitifs et exemplaires. La question des dommages‑intérêts et celle de la responsabilité ont été scindées.

 

[2]               La marque de commerce en litige est la marque LMC 662598, qui a été enregistrée le 12 avril 2006. Le titulaire de l’enregistrement est Archmetal Industries Corp. La marque de commerce est la marque FUSION, et les marchandises visées sont des « clapets à bille pour usage industriel ». L’enregistrement revendique une utilisation au Canada remontant au moins à septembre 2002.

 

[3]               JAG Flocomponents N.A. Inc. est une société en nom collectif de l’Alberta et JAG Flocomponents (North America) Inc. est son associé majoritaire. JAG Flocomponents (North America) Inc. est le successeur de la société originale, JAG Flocomponents Inc. (JAG), qui a pris l’initiative des ententes commerciales et des autres questions importantes en litige dans le présent procès.

 

[4]               Archmetal Industries Corporation (Archmetal) est une entreprise de la Colombie‑Britannique qui est enregistrée dans une autre province, soit en Alberta. Archmetal appartient en propriété exclusive à Fortune Manufacturing Co., Ltd. (Fortune Manufacturing), une entreprise chinoise. Les deux entreprises sont directement ou indirectement possédées et contrôlées par le défendeur Jerome Chen. Archmetal était actionnaire à 30 pour 100 de l’entreprise initiale, JAG. Archmetal importait par ailleurs sur le marché nord‑américain des clapets pour Fortune Manufacturing. Archmetal était le titulaire de la marque de commerce FUSION qui nous intéresse ici.

 

[5]               Le défendeur Jerome Chen est un homme d’affaires qui œuvre dans le domaine de la fabrication en Chine et dans celui de la distribution au Canada.

 

[6]               Le défendeur Henry Chen est le fils de Jerome Chen. À divers moments qui sont importants dans la présente action, il était l’adjoint du président d’Archmetal et de Fortune Manufacturing, Jerome Chen.

 

[7]               Ainsi que les parties en ont convenu, les principales questions en litige dans la présente affaire sont les suivantes :

1.                  La Cour devrait‑elle rendre une ordonnance radiant du registre des marques de commerce l’enregistrement LMC 662598 où le nom de la défenderesse Archmetal Industries Corporation figure comme titulaire de l’enregistrement?

2.         Les défendeurs (l’un d’entre eux, certains d’entre eux ou les quatre) sont‑ils responsables d’une contrefaçon des marques de commerce et d’une violation de l’article 7 de la Loi sur les marques de commerce?

3.         JAG Flocomponents N.A. devrait‑elle être enregistrée comme propriétaire de la marque de commerce FUSION?

 

[8]               La présente action découle de la rupture des relations entre JAG et Archmetal, qui ont collaboré pendant un certain temps pour commercialiser et vendre des clapets fabriqués en Chine, certains par Fortune Manufacturing et d’autres par une entreprise tierce non liée à elles.

 

II.         LES TÉMOINS

A.        Témoin des demanderesses – John McCrae

[9]               M. McCrae était l’ancien président et PDG des demanderesses et l’un des actionnaires fondateurs de JAG. Dans son témoignage, il a parlé des antécédents des demanderesses et les relations d’affaires de celles‑ci, notamment avec Archmetal, Fortune Manufacturing et Jerome Chen. Il a retracé l’évolution de l’entreprise, son modèle de gestion et la façon dont elle commande des clapets fabriqués en Chine et importés par l’entremise d’Archmetal. Il a également raconté comment la marque de commerce FUSION avait été créée et utilisée et parlé des produits auxquels elle était associée. Son témoignage était déterminant pour le succès de la demande de radiation des demanderesses et sa propre demande d’enregistrement fondée sur un usage antérieur. Son témoignage couvrait aussi les faits jusqu’à la rupture de ses relations d’affaires avec Archmetal et Jerome Chen, de même que certains aspects de la phase postérieure à ces relations.

 

[10]           En règle générale, le témoignage de M. McCrae est appuyé par des documents et, à cet égard, on peut s’y fier. Ses souvenirs des faits généraux et l’exactitude de son récit sont de façon générale crédibles, mais il s’est contredit et est demeuré vague en ce qui concerne des dates précises et la date à laquelle certains des faits critiques étaient survenus. Dans son témoignage, M. McCrae s’est montré quelque peu insouciant en ce qui concerne les détails et même s’il était dans l’ensemble crédible, la Cour a abordé son témoignage avec une certaine prudence.

 

B.         Témoin des demanderesses – Gary Williams

[11]           M. Williams était l’autre cofondateur de JAG et, malgré le fait que son témoignage reprenait celui de M. McCrae à certains égards, son expérience et son expertise étaient davantage axées sur les aspects techniques de la fabrication de clapets et la qualité des clapets commandés par JAG. Malgré le fait que les parties étaient loin de s’entendre sur les moments où M. Williams se trouvait en Chine au début de ses relations avec Fortune Manufacturing et Archmetal (ce témoignage visait à miner sa crédibilité), je suis disposé à considérer le témoignage de M. Williams comme véridique en ce qui concerne le temps qu’il a passé en Chine et les faits qui se sont produits là‑bas. À l’instar de bon nombre des autres témoins qui ont témoigné sans notes contemporaines, il avait un peu de difficulté avec les détails. J’estime toutefois que son témoignage et la façon dont il a été présenté étaient crédibles et méritent de se voir accorder beaucoup de poids.

 

C.        Témoin des demanderesses – Warren Williams

[12]           Warren Williams, un des fils de Gary Williams, est devenu un employé de JAG longtemps après le début des relations entre Archmetal et Jerome Chen. Son témoignage portait de façon générale sur les faits survenus après la dissolution des relations d’affaires et sur certains aspects de l’usage des marques de commerce et sur la nature des produits associés à ces marques. Warren Williams était dans l’ensemble un témoin crédible, sous réserve de ses hésitations quant à certains faits précis. Je suis donc disposé à accorder du poids à son témoignage.

 

D.        Témoin des demanderesses – Darren Williams

[13]           Darren Williams est l’autre fils de Gary Williams et son témoignage est très semblable à celui de Warren Williams. Il mérite donc de se voir accorder le même poids, pour les mêmes raisons.

 

E.         Témoin des demanderesses ‑ Grace Cheng

[14]           Mme Cheng était une ancienne employée d’Archmetal. Elle a contribué à l’établissement des relations entre JAG et Archmetal. Elle a agi comme traductrice à de nombreuses reprises pour Jerome Chen et elle servait d’adjointe administrative générale et de principal point de contact entre Jerome Chen et Archmetal. Son témoignage comporte certains aspects troublants qui, même s’ils ne jouent pas un rôle crucial en ce qui concerne la décision finale de la Cour, méritent certaines observations.

 

[15]           Il était évident lors du témoignage qu’elle a donné devant la Cour, tant dans son interrogatoire principal que dans son contre‑interrogatoire, qu’elle était extrêmement nerveuse et quelque peu apeurée. Ses souvenirs ou ses présumés trous de mémoire, quant aux faits et aux activités dont elle était chargée se sont avérés de peu d’utilité pour résoudre les questions en litige. Son présumé manque de connaissances ou de mémoire semblait incompatible avec le rôle qu’elle jouait au sein de l’entreprise et certains autres aspects de son témoignage.

 

[16]           Lors de l’interruption de son contre‑interrogatoire, Mme Cheng a été abordée par la femme de Jerome Chen. La Cour ignore la teneur exacte de cette conversation, qui s’est déroulée en mandarin, mais l’avocat des défendeurs a dû s’interposer entre les deux personnes. Mme Cheng est devenue encore plus agitée. Par suite de cette intervention irrégulière mais nécessaire avec ce témoin, l’avocat des défendeurs a, à juste titre, mis fin à son contre‑interrogatoire. La Cour a expressément interdit aux parties adverses de communiquer entre elles. Il a fallu escorter Mme Cheng à l’extérieur de l’immeuble sous la protection des gardiens de sécurité de la Cour.

 

[17]           L’explication qui a été avancée, à savoir que Mme Chen exprimait simplement ses regrets pour des gestes passés, est irréconciliable avec la réaction de Mme Cheng. La Cour craint qu’elle n’ait été victime d’intimidations avant de comparaître devant la Cour et lors de la suspension.

 

[18]           Mme Cheng était en mesure de confirmer ou de nier plusieurs des faits allégués par les parties mais elle n’a pas réussi à le faire pour l’une ou l’autre partie et la Cour ne peut accorder que peu ou pas de poids à son témoignage en ce qui concerne ces questions cruciales.

 

F.         Témoin des défendeurs – Jerome Chen

[19]           Jerome Chen était l’actionnaire dominant de toutes les entreprises liées à Fortune Manufacturing, y compris Archmetal. Il est la seule personne qui a témoigné pour les défendeurs, et ce, malgré le fait que son fils Henry Chen était présent la plupart des jours où il a témoigné, qu’il parlait couramment l’anglais et qu’il avait joué un rôle relativement à bon nombre des questions cruciales dans le présent procès.

 

[20]           M. Chen a témoigné par le truchement d’un interprète. Il comprenait l’anglais, mais il était moins à l’aise pour témoigner dans sa langue seconde, surtout sur des détails précis et lorsque des nuances et des termes techniques étaient en cause. Son témoignage couvre essentiellement tous les points qui ont été soulevés par les témoins des demanderesses, notamment la genèse des relations entre Archmetal et JAG, la création et l’utilisation de la marque de commerce et des produits associés, les activités commerciales de Fortune Manufacturing en Chine et les objectifs et le rôle d’Archmetal. Il a également témoigné au sujet des circonstances ayant conduit à la rupture des rapports avec JAG et des faits survenus après cette rupture, y compris les mesures prises par Archmetal au sujet de l’enregistrement de la marque de commerce FUSION.

 

[21]           La Cour a tenu compte du fait que M. Chen témoignait à l’étranger, dans le cadre d’une instance judiciaire, par le truchement d’un interprète, et dans un contexte culturel différent de celui auquel il est habitué. La Cour est également consciente du fait que la connaissance imparfaite d’une langue seconde complique parfois les choses surtout lorsqu’il s’agit de répondre à des questions, par rapport à la situation de la personne qui dépend entièrement de l’interprète. Compte tenu de l’ensemble de ces facteurs, le témoignage de M. Chen était peu convaincant, évasif, en plus dans bien des cas de démontrer un manque de collaboration. Dans le cas où son témoignage contredit carrément celui des demanderesses, la Cour retient en principe le témoignage des demanderesses. Alors que M. McCrae a fait preuve d’insouciance en ce qui concerne les faits, M. Chen s’est montré peu enclin à dire la vérité.

 

III.       CONTEXTE FACTUEL

[22]           Les marchandises en question dans le présent litige sont des clapets qui sont utilisés principalement dans l’industrie des champs pétrolifères. Il existe deux types de clapets : le premier est un clapet à commande multitours qui se présente habituellement sous la forme d’un clapet muni d’une roue de grande dimension qui sert à ouvrir et à fermer le clapet. Le second est le clapet à bille, souvent appelé clapet à commande quart de tour, qui est considéré comme étant plus efficace et qui représente entre 60 et 70 pour 100 des clapets dans le domaine des champs pétrolifères. Ces derniers clapets sont plus perfectionnés et ceux que l’on utilise dans le domaine des champs pétrolifères sont en principe de meilleure qualité en raison de la pression qu’ils doivent subir.

 

[23]           M. McCrae œuvrait dans le domaine de la commercialisation de clapets pour l’industrie des champs pétrolifères depuis plusieurs années. M. Williams exerçait ses activités dans le même domaine, mais s’occupait surtout de l’aspect technique de la fabrication et de la production des clapets. Ils se sont rencontrés au cours de la seconde moitié de 2001 et ont décidé de combiner l’expérience commerciale de M. McCrae avec les connaissances techniques de M. Williams pour créer une entreprise qui à terme vendrait non seulement les modèles actuels de clapets, mais en concevrait et en produirait de nouveaux.

 

[24]           JAG a été créée le 1er octobre 2001 (l’acronyme est formé du nom de John et de Gary) avec l’idée de fonctionner essentiellement selon le modèle d’une société en nom collectif, d’hypothéquer la maison des fondateurs pour obtenir des capitaux et de concentrer les activités sur les clapets à bille. Comme les clapets à bille sont de gros objets et comme ils coûtent cher, JAG avait besoin d’une autre sorte de clapet pour augmenter ses ventes et générer un flux de trésorerie dès le lancement de l’entreprise. Les clapets de moins bonne qualité sont souvent appelés « clapets jetables »; on ne les utilise pas dans les cas de haute pression réservés aux clapets à bille. Les clapets jetables en question sont fabriqués en série, mais devaient procurer à JAG les flux de revenus dont elle avait besoin pour soutenir l’entreprise à l’étape de démarrage.

 

[25]           M. McCrae connaissait l’existence de Jerome Chen de son entreprise, Fortune Manufacturing, et il savait que Fortune Manufacturing produisait une sorte de clapet jetable, du type dont JAG avait besoin pour lancer son entreprise. À la fin d’octobre ou au début de novembre 2001, Grace Cheng a communiqué avec M. McCrae pour lui faire savoir que Jerome Chen était intéressé à le rencontrer. Les détails précis de cette rencontre se sont perdus dans les brumes du temps. M. McCrae a insisté pour dire qu’on prévoyait que JAG se chargerait de la conception et du fonctionnement des clapets, tandis que M. Chen soutient qu’il percevait le projet d’entreprise comme un moyen pour lui de vendre les clapets de son entreprise dans des conditions où il exercerait un contrôle absolu sur la conception et la fabrication des clapets et où les clapets seraient vendus sous le nom de FUSION.

 

[26]           Indépendamment de la perception de chacun, les parties ont, le 28 novembre 2001, signé une lettre d’intention dans laquelle elles ont énoncé les éléments essentiels de leur association. Aucune convention entre actionnaires ou autre entente analogue visant à définir les droits et les obligations de chacune des parties n’a par la suite été conclue, hormis l’entente de consignation que nous examinerons en détail plus loin.

 

[27]           Voici les éléments essentiels de la lettre d’intention :

·                    Archmetal devait acquérir une participation de 30 pour 100 dans JAG.

·                    En contrepartie de cette participation de 30 pour 100, Archmetal accordait notamment pour une valeur de 300 000 $ de son stock de clapets industriels de marque « Fortune ».

·                    JAG devait offrir un soutien technique et de commercialisation à Fortune Manufacturing pour améliorer la ligne actuelle de produits de clapets et pour créer de nouvelles gammes de produits ciblant l’industrie des champs pétrolifères.

·                    Dans les cas où Fortune Manufacturing n’avait pas la capacité de fabriquer les clapets industriels requis par JAG, Fortune Manufacturing devait travailler en collaboration avec JAG [traduction] « pour se procurer ces produits auprès d’autres fabricants et pour créer une ligne de produits arborant la marque Fortune que JAG pouvait commercialiser jusqu’à ce que Fortune décide de les fabriquer à l’interne ».

·                    Fortune Manufacturing devait accorder à JAG l’exclusivité en ce qui concerne la commercialisation au Canada de tous les clapets industriels actuels et à venir de Fortune et Archmetal devait envoyer ses clients à JAG, après quoi Archmetal devait concentrer ses activités commerciales sur des produits non liés aux champs pétrolifères.

·                    Les clapets fournis par Fortune Manufacturing à JAG devaient être commercialisés sous le nom de Fortune.

·                    Fortune Manufacturing devait consigner ses clapets chez JAG à certaines conditions qui ont été par la suite énoncées dans l’entente de consignation.

·                    Les parties devaient convenir de l’établissement du prix de transfert en fonction du produit.

La lettre d’intention a été signée par le représentant de chacune des parties.

 

[28]           L’établissement du prix de transfert et des marges de profit a créé un problème presque depuis le début et la question n’a jamais été réglée de façon définitive.

 

[29]           Presque immédiatement après la signature de la lettre d’intention, M. McCrae a informé M. Chen que l’acceptation des produits arborant le nom « Fortune » posait problème en raison de la perception des consommateurs que les produits fabriqués en Chine étaient de moindre qualité. M. McCrae a proposé que l’on utilise le nom de JAG pour les nouveaux clapets à haute pression, et que le logo de Fortune soit ajouté à côté du mot JAG. C’est alors qu’ont commencé les discussions sur la nécessité d’adopter un nom distinct à associer aux produits à vendre. Même avant que tous les détails ne soient arrêtés, M. McCrae a, au su de M. Chen, informé divers clients de leurs projets et de la nature des rapports entre JAG et Fortune Manufacturing. M. McCrae a également avisé ses clients de son projet de passer à des clapets à bille haut de gamme. À la fin d’avril 2002, l’avocat de Fortune Manufacturing s’affairait à rédiger une entente de consignation portant sur la distribution de clapets Fortune.

 

[30]           Bien qu’elle soit datée du 1er janvier 2002, l’entente de consignation a été parachevée un peu plus tard. L’entente de consignation est un élément crucial dans le présent litige et, pour les motifs qui seront exposés plus loin, elle constitue une réponse complète à la question de savoir qui avait droit à l’enregistrement de la marque de commerce FUSION.

 

[31]           L’entente de consignation renferme plusieurs stipulations qui revêtent une importance cruciale dans le présent litige.

L’alinéa 2b) prévoyait que tous produits expédiés par Archmetal à JAG demeuraient la propriété d’Archmetal tant que JAG ne les aurait pas vendus à un tiers. En voici le texte :

[traduction]  Sauf disposition contraire, l’entreprise demeure en tout temps propriétaire de tous les produits jusqu’à ce que le mandataire les ait vendus. Le mandataire reçoit et conserve les produits comme un fiduciaire prudent et prend les mesures nécessaires pour identifier et assurer les produits de l’entreprise et pour ne pas les confondre avec ses propres marchandises.

 

L’alinéa 2c) stipulait que les produits devaient être vendus au prix du marché convenu et qu’Archmetal devait être facturée chaque mois pour les produits vendus au cours de ce mois.

L’article 12 est une clause qui était encore citée dans une lettre du 28 février 2002 :

[traduction]  Les nouveaux produits, dessins, brevets, inventions, calculs et toute autre création intellectuelle découlant directement ou indirectement de la présente entente sont réputés appartenir en parts égales aux parties à la présente.

 

[32]           Au même moment où JAG, Archmetal et Fortune Manufacturing arrêtaient la version définitive de leur entente, Gary Williams se trouvait en Chine où il cherchait à trouver un fabricant qui produirait des clapets à bille de type de ceux que Fortune Manufacturing n’était pas en mesure de fabriquer et qui devaient être vendus par JAG au Canada.

 

[33]           Gary Williams a expliqué dans son témoignage qu’il avait montré à diverses entreprises le clapet fabriqué par un concurrent, Nutron, et qu’il avait finalement choisi comme fabricant une entreprise du nom de Suzhou Neway Machinery Co., Ltd. (Neway), qui était capable de produire le genre de clapets nécessaire pour passer à un créneau supérieur du marché des clapets.

 

[34]           En plus de Gary Williams, qui se trouvait en Chine, JAG a fait appel à Charlie Martin, qui travaille présentement pour Fortune Manufacturing, pour fournir son aide pour tout ce qui concernait la communication, la mise au point et la qualité des clapets Fortune. M. Martin se trouvait à l’usine de fabrication de Fortune en Chine et le coût de son salaire a été assumé en parts égales par Fortune Manufacturing et JAG jusqu’à ce que l’achèvement de la phase d’élaboration du produit, après quoi M. Martin est devenu un des employés de Fortune Manufacturing.

 

IV.       GENÈSE DE « FUSION »

[35]           M. McCrae soutient que le 29 janvier 2002 ou vers cette date, il a proposé le nom de FUSION parce que le nom Fortune ne serait pas facilement accepté sur le marché canadien. La preuve confirme qu’Archmetal et Fortune Manufacturing, et en particulier Jerome Chen, étaient bien au courant de l’origine et du développement du nom Fusion qui devait être utilisé pour certains des clapets visés par l’entente conclue entre Fortune, Archmetal et JAG.

 

[36]           Non seulement M. McCrae a proposé le nom de Fusion, mais c’est lui qui en a conçu la présentation sur les produits et en particulier a exigé l’utilisation de la police « Bauhaus 93 ».

 

[37]           En date du 27 février 2002, JAG avait conclu une entente de représentation sur le marché avec Neway pour leurs clapets à bille produits au Canada. La correspondance mentionne la visite effectuée par Gary Williams et confirme l’entente suivant laquelle les clapets à bille de Neway arboreraient le logo de Neway pour répondre aux besoins du système CRN (le CRN est un système de numérotation utilisé à des fins réglementaires pour confirmer certaines qualités des clapets et pour vérifier leur aptitude à résister à certaines pressions) mais [traduction] devaient aussi « arborer votre nom, en l’occurrence Fusion ». Les rapports entre JAG et Neway ont par la suite été modifiés pour devenir un accord de représentation exclusive.

 

[38]           Rien ne permet de penser qu’Archmetal ou Fortune Manufacturing aient exercé quelque contrôle ou donné quelque directive que ce soit en ce qui concerne la nature et la qualité des produits Neway qui ont finalement été vendus au Canada sous le nom de Fusion. M. Chen et d’autres dirigeants d’Archmetal/Fortune Manufacturing étaient au courant de l’entente de Neway et de l’expédition de clapets de Neway arborant la marque Fusion et ils n’ont entrepris aucune démarche pour protester contre cette entente ou pour l’empêcher.

 

V.        PÉRIODE ÉCOULÉE ENTRE LA FORMATION ET LA CESSATION

[39]           Les rapports entre JAG et Fortune Manufacturing ont été tendus dès le départ. Il n’appartient pas à notre Cour de passer en revue tous les problèmes qu’ont connus leurs rapports ni de se prononcer sur la nature et l’étendue de la responsabilité de l’un ou de l’autre. Ces questions ont été réglées dans le cadre d’une action intentée devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta à l’issue de laquelle seules les questions de propriété intellectuelle ont été laissées en suspens. Toutefois, entre l’amorce de l’entente entre les parties et sa résiliation, plusieurs faits importants qui concernent les questions relatives à la marque de commerce en litige devant la Cour sont survenus.

 

[40]           Vers le mois de novembre 2002, dans le cadre des démarches entreprises par JAG pour commercialiser les clapets Fusion, dont certains étaient produits par Fortune Manufacturing et d’autres par Neway, JAG a publié un catalogue de clapets à bille Fusion. Dans ce catalogue, on trouvait le nom Fusion, le nom de JAG et son logo, ainsi que le nom et le logo de Fortune affichés bien en vue sur le dos du catalogue et à l’intérieur, sur diverses pages.

 

[41]           Le catalogue était divisé selon les produits vendus en 2002, à savoir les clapets à bille Fusion, Fusion 2000 WOG, Fusion Class 1500, Fusion Class 2500, les flotteurs et brides de raccordement Fusion, les tourillons Fusion et les ressorts de rappel JAG. Il est acquis aux débats que les deux derniers types de clapets Fusion étaient fabriqués par Neway, et il est incontestable que les défendeurs étaient au courant de l’utilisation du nom Fusion sur ces produits, qu’ils ne fabriquaient pas et sur lesquels ils n’exerçaient aucun contrôle de la qualité du produit, ou qu’ils y ont à tout le moins acquiescé.

 

[42]           Pour préparer une importante foire commerciale devant se tenir à Calgary en juin 2002, JAG a commandé quelques gros clapets à Neway en vue de les montrer comme échantillons. JAG affirme que ces clapets ont par la suite été vendus à Medfield, une cliente de JAG, ce qui constitue le premier emploi que JAG a fait du nom Fusion au Canada en août 2002.

 

[43]           Les rapports entre JAG et Neway se sont de toute évidence améliorés et, à la fin de juin 2002, JAG est devenue le représentant exclusif de Neway au Canada pour les clapets à bille de Neway. Les défendeurs affirment qu’ils n’étaient pas au courant de la nature de cette relation de représentation.

 

[44]           Les témoignages entendus au sujet de la foire commerciale de Calgary démontrent que JAG et Fortune Manufacturing y tenaient un kiosque où ils exposaient des marchandises associées au nom Fusion. M. Chen était présent pendant une partie de la foire et s’était fait prendre en photo avec, en toile de fond, les clapets dont on faisait la promotion sous le nom de Fusion. À l’époque, deux de ces caplets étaient fabriqués par Neway et non par Fortune Manufacturing. La situation a commencé à dégénérer entre les parties au cours de la dernière moitié de 2002. Indépendamment du bien‑fondé des reproches, leurs rapports se dégradaient de toute évidence.

 

[45]           Outre les problèmes perçus au sujet de la qualité, du respect des délais et de l’absence de financement, Warren et Darren Williams se sont joints à JAG en septembre 2002. M. Chen n’était pas prêt à diluer la participation de 30 pour 100 d’Archmetal pour permettre aux fils de M. Williams de devenir des actionnaires d’Archmetal.

 

[46]           Lors d’une rencontre tenue en janvier 2003 entre les mandants des parties, y compris Henry Chen, qui servait d’interprète pour son père, les parties ont parlé de quelques‑uns des problèmes qui avaient surgi. Plus personne ne se souvient des détails précis de cette rencontre, mais un des éléments saillants était la question de la propriété du nom « Fusion ». Personne ne s’est spontanément prétendu propriétaire de ce nom et M. McCrae s’est engagé auprès de M. Chen à préciser sa position sur la question de la propriété à une date ultérieure. On peut sans exagérer dire que les parties « tournaient autour du pot ».

 

[47]           En février 2003, M. McCrae et M. Williams ont créé une nouvelle entité, JAG Flocomponents (North America) Inc., et sans en aviser Archmetal, ils ont transféré les activités de JAG à JAG North America.

 

[48]           Un autre fait est également compatible avec l’idée que chacun tentait de protéger ce qu’il considérait être ses intérêts et ses droits. Fortune Manufacturing a en effet donné pour instructions à Grace Chen, le 14 mars 2003, d’enregistrer [traduction] « sans délai », au nom d’Archmetal, la marque de commerce FUSION tant au Canada qu’aux États‑Unis. Des instructions en ce sens ont été données aux avocats spécialisés en propriété intellectuelle d’Archmetal le 17 mars 2003. Aucun des mandants de JAG ou de son successeur n’était au courant des démarches entreprises par Archmetal en vue de faire enregistrer la marque de commerce.

 

[49]           Pour ne pas être pris de court dans la course visant à revendiquer le nom « Fusion », JAG NA a déposé en juin 2002 auprès du gouvernement de l’Alberta une demande d’enregistrement du nom commercial FUSION. Selon toute vraisemblance, M. McCrae n’était pas conscient de l’importance distinction qui existe, sur le plan juridique, entre un nom commercial et une marque de commerce.

 

[50]           Enfin, le 2 juillet 2003, à la suite d’une série de courriels concernant les problèmes qui existaient entre les parties, M. McCrae a, en utilisant l’en‑tête de l’entreprise JAG initiale, avisé Archmetal qu’en raison du défaut de cette dernière de se conformer à l’entente du 1er janvier 2002, JAG considérait l’entente comme terminée. La lettre précisait en outre que le nom « Fusion » qui figurait sur les clapets serait meulé et sommait Archmetal de cesser d’employer le nom « Fusion » sur tout le territoire de l’Amérique du Nord. JAG affirmait que le nom revendiqué était celui qui se rapportait à la propriété intellectuelle et que toute entente prévoyait implicitement [sic] l’utilisation de ce nom sur tout produit a été retiré.

 

VI.       FAITS SURVENUS APRÈS LA FIN DE L’ENTENTE

A.        Marque de commerce des défendeurs et mesures subséquentes

[51]           Même avant la dissolution de l’entente intervenue entre JAG et Archmetal/Fortune Manufacturing, Archmetal a déposé, le 27 mars 2003, une demande de marque de commerce portant sur la marque FUSION. Archmetal revendiquait l’emploi de cette marque au Canada depuis au moins septembre 2002.

 

[52]           Rien ne permet de penser que le Bureau des marques de commerce a été informé du fait que cette marque de commerce ou tout intérêt de JAG à l’égard du nom et de la marque FUSION était potentiellement possédé en copropriété.

 

[53]           Le premier emploi invoqué en l’espèce pour appuyer la revendication devant le Bureau des marques de commerce était une commande portant sur diverses pièces, dont certaines portaient le nom Fusion. Cette commande remonte au 12 septembre 2002. Suivant la preuve, il est plus probable que le contraire que JAG a reçu ces pièces avant la fin de septembre 2002. À la suite du dépôt de la demande de marque de commerce des défendeurs, JAG a également déposé sa propre demande de marque de commerce pour la marque FUSION le 24 avril 2003.

 

[54]           Les défendeurs se sont opposés à la demande de marque de commerce de JAG et ont soumis des éléments de preuve et des observations au Bureau des marques de commerce.

 

[55]           À l’affidavit crucial souscrit par Henry Chen en opposition à la demande de marque de commerce de JAG, les défendeurs ont joint l’entente de consignation, en omettant toutefois une disposition importante, l’article 12. Les défendeurs ont également joint en annexe l’essentiel du catalogue utilisé par JAG pour commercialiser les divers clapets. Dans le catalogue déposé en preuve, on ne trouve pas les parties qui montrent nettement JAG et son logo associés à la vente de clapets. Les défendeurs ont également annexé une photographie de Jerome Chen prise à la foire commerciale de Calgary et bien qu’on trouve dans la liste des clapets deux des clapets fabriqués par Neway, il n’y a aucune indication quant à une participation de Neway. De plus, cette photographie est sélective, en ce sens qu’une photographie grand‑angulaire aurait révélé la présence de JAG et ses liens avec Fusion.

 

[56]           Il n’y a jamais eu de reconnaissance d’une participation de JAG en ce qui a trait à la marque FUSION ou aux marchandises, et on n’a jamais divulgué l’existence de droits de copropriété sur cette marque ou l’existence de toute autre propriété intellectuelle.

 

[57]           Les éléments de preuve qui ont été invoqués devant notre Cour à l’appui de ce premier emploi se trouvent à l’annexe 5 et ils ont déjà été mentionnés. À l’affidavit déposé en opposition à la marque de commerce de JAG est annexée une facture du 30 septembre 2002, qui vise un bon nombre mais pas la totalité des articles mentionnés dans le bordereau d’expédition du 12 septembre 2002.

 

[58]           On trouve le passage suivant dans les conditions de la facture sur laquelle Archmetal se fonde à l’appui de son premier emploi : [traduction] « les marchandises impayées demeurent la propriété de Fortune », ce qui concorde avec le libellé de l’alinéa 2b) de l’entente de consignation.

 

B.         Premier usage des demanderesses

[59]           Dans la demande de marque de commerce qu’elle a présentée le 24 avril 2003 relativement à la marque FUSION, JAG Flocomponents N.A. Inc., revendique la date du 22 février 2002 comme date de premier emploi au Canada. Suivant les éléments de preuve qui ont été soumis à la Cour au sujet du premier emploi, dans la mesure où on peut les discerner, le premier emploi remonte au mois d’août 2002, lorsque JAG aurait vendu un des échantillons reçus par Medfield de Neway. Pour les motifs qui suivent, les éléments de preuve présentés au sujet du premier emploi ne sont pas convaincants.

 

[60]           Il convient par ailleurs de signaler que, dans la demande de marque de commerce des demanderesses et dans tous les autres documents déposés auprès du Bureau des marques de commerce, il n’est pas fait mention des dispositions de l’entente de consignation relatives à la copropriété. La demande de marque de commerce des demanderesses a été refusée et, dans sa décision, le Bureau des marques de commerce fait allusion à la demande alors en instance présentée par Archmetal.

 

C.        Éléments de preuve relatifs à l’article 7

[61]           Les demanderesses invoquent quatre éléments pour appuyer leur prétention :

(1)        une communication d’Henry Chen à un client clé de JAG, C.E. Franklin Ltd., faisant état de la saisie de l’inventaire de JAG en Chine. Le courriel mentionne le fait que Fortune Manufacturing est la titulaire de l’enregistrement de la marque FUSION en Chine, ce qui lui permettait de faire saisir l’inventaire;

(2)        un appel téléphonique entre Henry Chen et Dale Rawson, de C.E. Franklin Ltd. informant ce dernier de la fermeture de l’usine de JAG en Chine. On laissait entendre que cette fermeture s’expliquait par des problèmes de marque de commerce;

(3)        une lettre dans laquelle Henry Chen informait ses clients que l’entente conclue avec JAG avait été résiliée en raison de l’inconduite de JAG et des démarches entreprises pour faire acheter des clapets par des clients et notamment la gamme de produits Fusion;

(4)        les déclarations trompeuses et les pièces déposées auprès du Bureau des marques de commerce au sujet de la propriété et du premier emploi, ce qui, selon JAG, constitue une sorte de publication ou de diffusion de ces renseignements.

 

[62]           Parmi les faits survenus après la dissolution de l’entente, mentionnons le fait que Fortune Manufacturing a manifestement obtenu en Chine une marque de commerce pour l’emploi de FUSION.

 

[63]           Les renseignements communiqués au sujet des faits survenus en Chine proviennent de Jerome Chen.

 

[64]           Se fondant sur l’affidavit souscrit par Henry Chen pour s’opposer à la demande de marque de commerce de JAG et sur les fausses déclarations faites au sujet de la propriété et de l’usage des marchandises, les demanderesses soutiennent que l’affidavit de Henry Chen est faux et trompeur.

 

VII.      ANALYSE JURIDIQUE

[65]           Il y a plusieurs motifs pour lesquels la présente marque de commerce pourrait être radiée, notamment l’absence de droit à la marque de commerce, la revendication inexacte faite au sujet du premier emploi, les éléments importants que l’on a omis de présenter au Bureau des marques de commerce, la perte de caractère distinctif et les déclarations fausses ou trompeuses faites à un concurrent.

 

A.        Propriété

[66]           Le paragraphe 57(1) de la Loi confère à la Cour des pouvoirs larges et explicites lui permettant de radier  une marque de commerce au motif qu’elle ne représente pas (n’exprime ou ne définit pas) exactement les droits existants du propriétaire inscrit de la marque.

57. (1) La Cour fédérale a une compétence initiale exclusive, sur demande du registraire ou de toute personne intéressée, pour ordonner qu’une inscription dans le registre soit biffée ou modifiée, parce que, à la date de cette demande, l’inscription figurant au registre n’exprime ou ne définit pas exactement les droits existants de la personne paraissant être le propriétaire inscrit de la marque.

 

 (2) Personne n’a le droit d’intenter, en vertu du présent article, des procédures mettant en question une décision rendue par le registraire, de laquelle cette personne avait reçu un avis formel et dont elle avait le droit d’interjeter appel.

 

57. (1) The Federal Court has exclusive original jurisdiction, on the application of the Registrar or of any person interested, to order that any entry in the register be struck out or amended on the ground that at the date of the application the entry as it appears on the register does not accurately express or define the existing rights of the person appearing to be the registered owner of the mark.

 

 

(2) No person is entitled to institute under this section any proceeding calling into question any decision given by the Registrar of which that person had express notice and from which he had a right to appeal.

 

 

[67]           La protection qu’accorde la Loi est, comme la Cour l’a reconnu tant dans Citrus Growers Assn. Ltd. c. William D. Branson Ltd., (1990), 36 C.P.R. (3d) 434 (C.F. 1re inst.) que dans Unitel Communications Inc. c. Bell Canada, (1995), 61 C.P.R. (3d) 12, la protection du public par l’utilisation efficace du régime des marques de commerce.

 

[68]           Aux termes de l’article 18 de la Loi, l’enregistrement d’une marque de commerce est invalide si l’auteur de la demande n’est pas la (nous soulignons) personne ayant droit de l’obtenir.

18. (1) L’enregistrement d’une marque de commerce est invalide dans les cas suivants :

 

a) la marque de commerce n’était pas enregistrable à la date de l’enregistrement;

 

b) la marque de commerce n’est pas distinctive à l’époque où sont entamées les procédures contestant la validité de l’enregistrement;

 

c) la marque de commerce a été abandonnée.

 

Sous réserve de l’article 17, l’enregistrement est invalide si l’auteur de la demande n’était pas la personne ayant droit de l’obtenir.

 

(2) Nul enregistrement d’une marque de commerce qui était employée au Canada par l’inscrivant ou son prédécesseur en titre, au point d’être devenue distinctive à la date d’enregistrement, ne peut être considéré comme invalide pour la seule raison que la preuve de ce caractère distinctif n’a pas été soumise à l’autorité ou au tribunal compétent avant l’octroi de cet enregistrement.

 

18. (1) The registration of a trade‑mark is invalid if

 

 

(a) the trade‑mark was not registrable at the date of registration,

 

(b) the trade‑mark is not distinctive at the time proceedings bringing the validity of the registration into question are commenced, or

 

(c) the trade‑mark has been abandoned,

 

and subject to section 17, it is invalid if the applicant for registration was not the person entitled to secure the registration.

 

(2) No registration of a trade‑mark that had been so used in Canada by the registrant or his predecessor in title as to have become distinctive at the date of registration shall be held invalid merely on the ground that evidence of the distinctiveness was not submitted to the competent authority or tribunal before the grant of the registration.

 

 

[69]           Dans le cas qui nous occupe, l’article 17 ne rend pas l’action des demanderesses irrecevable parce que : a) la question en litige porte sur la propriété; b) la personne qui réclame la radiation est « une personne autre que l’auteur de la demande d’enregistrement » qui revendique un usage antérieur et qui affirme qu’il y a confusion au sens du paragraphe 17(1).

 

[70]           La Cour est convaincue que l’idée d’employer la marque FUSION était entièrement celle de M. McCrae, pour le compte de JAG. À l’époque, la question de la valorisation de la marque évoluait constamment. De plus, Jerome Chen avait acquiescé à ce que la marque FUSION soit utilisée en liaison avec des produits fabriqués et vendus en vertu de l’entente conclue entre JAG et Archmetal.

 

[71]           Bien que la lettre d’intention signée par les parties prévoie l’utilisation de produits arborant la marque « Fortune », ce concept a été modifié en raison des problèmes de perception du marché associés aux produits Fortune et à d’autres produits provenant de la Chine. Sans faire d’admission au sujet de la question de la qualité, Archmetal et Jerome Chen ont, de par leurs agissements, reconnu la nécessité de trouver un nouveau nom commercial.

 

[72]           Comme elles travaillaient à arrêter la version définitive d’ententes visant à fixer de façon plus formelle leur cadre juridique, les parties ont conclu une entente de consignation, qu’elles considéraient comme une des ententes devant régir leurs rapports. L’article 12 de cette entente de consignation revêt une importance cruciale parce qu’il traite expressément des nouvelles créations intellectuelles.

[traduction]

12.       Les nouveaux produits, dessins, brevets, inventions, calculs et toute autre création intellectuelle découlant directement ou indirectement de la présente entente sont réputés appartenir en parts égales aux parties à la présente.

 

[Non souligné dans l’original]

 

[73]           La nouvelle marque de commerce et son usage tombent carrément sous le coup de l’article 12. Le concept de valorisation de la marque dont il est question dans la lettre d’intention a évolué et l’article 12 est devenu la clause essentielle en ce qui concerne la propriété intellectuelle.

 

[74]           Jerome Chen, Fortune Manufacturing et Archmetal ne peuvent maintenant se plaindre d’être en quelque sorte propriétaires des droits sur Fusion. Jerome Chen a, pour le compte de ces entités, consenti à la proposition de JAG d’utiliser la marque Fusion sans réserve en ce qui concerne les présumés droits de propriété.

 

[75]           JAG se trouve dans la même position. Elle ne peut prétendre maintenant qu’elle est titulaire de droits exclusifs sur la marque de commerce FUSION. Les demanderesses et les défendeurs n’ont agi comme s’ils étaient propriétaires des droits sur cette marque qu’après leur rupture. La conduite qu’ils ont eue avant leur différend correspond plus fidèlement à leur compréhension de leurs droits respectifs que la position qu’ils ont adoptée après leur conflit.

 

[76]           L’importance de l’article 12 et ses répercussions sur les droits de propriété sont confirmées par les tentatives qu’ont faites les défendeurs pour cacher cette clause aux examinateurs du Bureau des marques de commerce lorsqu’ils ont déposé l’entente de consignation tout en passant sous silence l’existence de cette clause.

 

[77]           Si l’on considère que, dans leurs premiers échanges, les parties se sont comportées comme s’il s’agissait d’une coentreprise, l’article 12 reflète fidèlement l’intention des parties d’être copropriétaires de toute nouvelle marque de commerce à utiliser.

 

[78]           Vu l’animosité qui existait entre les parties, il n’est pas étonnant que, jusqu’à l’ouverture du procès, et seulement à la dernière minute, l’article 12 soit effectivement devenu un élément crucial. L’article 12 est une arme à deux tranchants qui peut s’avérer fatale pour les prétentions des deux parties. Chacune des parties souhaitait se soustraire à la véritable conséquence de l’entente, à savoir qu’aucune ne pouvait revendiquer la propriété exclusive de la marque FUSION.

 

[79]           Le fait que l’article 12 n’a pas été plaidé n’est pas fatal en l’espèce. Les défendeurs n’ont pas été pris au dépourvu et aucune des deux parties n’a été lésée du fait de l’importance accrue qu’a acquise cet article au cours du procès. De plus, la Cour a l’obligation de gérer le régime des marques de commerce de manière à s’assurer que seules les marques régulièrement enregistrables se retrouvent dans le registre.

 

[80]           La Cour conclut que la marque FUSION appartenait conjointement à JAG et à Archmetal. Ainsi, aucune des deux n’avait le droit exclusif à l’enregistrement de la marque en son nom. La marque devrait être radiée pour ce seul motif, parce qu’aucune des parties ne reconnaît cette copropriété et que rien ne permet de penser qu’elles sont disposées à partager la propriété de la marque. Envisagée sous cet angle, la marque FUSION est « tarée » et ne peut plus être considérée comme une marque viable.

 

B.         Premier usage

(1)        Archmetal/Fortune Manufacturing

[81]           L’enregistrement de la marque de commerce est fondé sur un premier emploi au Canada remontant à septembre 2002. La prétention repose sur une livraison effectuée par Fortune Manufacturing à JAG.

 

[82]           Il est de jurisprudence relativement constante qu’une personne peut vendre ses biens en passant par un distributeur, un détaillant ou un grossiste tout en conservant l’avantage de leur « usage » au Canada. L’extrait suivant est souvent cité à l’appui de cette proposition :

 

Je pense que ces mots doivent nécessairement signifier que l’article 4 envisage la pratique normale du commerce comme commençant avec le fabricant, se terminant avec le consommateur, en ayant comme intermédiaire un grossiste et (ou) un détaillant. Lorsque la requérante a vendu au détaillant et que le détaillant a vendu au public, le public en est venu à associer la marque de la requérante avec la ceinture « HARNESS HOUSE »; l’article 4 considère que l’emploi entre le détaillant et le public bénéficie au fabricant et constitue un emploi au Canada. En d’autres mots, si une partie quelconque de la chaîne se trouve au Canada, cela constitue un « usage » ou un « emploi » au sens de l’article 4. Si cette interprétation est exacte, la vente par les détaillants à Toronto et Montréal au public des marchandises « HARNESS HOUSE » portant la marque de commerce de la requérante constitue alors un « usage » ou « emploi » au Canada, peu importe que la propriété ou la possession en soient passées au détaillant aux États‑Unis ou non.

 

Manhattan Industries Inc. c. Princeton Manufacturing Ltd., (1972), 4 C.P.R. (2d) 6, au paragraphe 40.

 

 

[83]           En sa qualité d’importateur ou de mandataire, JAG n’a pas acquis le droit d’enregistrer la marque en son nom personnel (voir Citrus Growers Association, précité).

 

[84]           Le fait qu’Archmetal n’a joué aucun rôle dans cette livraison ne porte pas nécessairement un coup fatal à l’enregistrabilité de la marque. Archmetal était manifestement le mandataire de Fortune Manufacturing dans le cas qui nous occupe.

 

[85]           Ce qui porte toutefois un coup fatal à l’enregistrement est le fait que la vente de septembre 2002 ne respectait pas les conditions de l’article 4 de la Loi parce qu’il ne s’agissait pas d’un transfert effectué « dans la pratique normale du commerce ».

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

 

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

4. (1) A trade‑mark is deemed to be used in association with wares if, at the time of the transfer of the property in or possession of the wares, in the normal course of trade, it is marked on the wares themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the wares that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

 

 

 

 

(2) A trade‑mark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.

 

(3) A trade‑mark that is marked in Canada on wares or on the packages in which they are contained is, when the wares are exported from Canada, deemed to be used in Canada in association with those wares.

 

 

[86]           Les défendeurs invoquent l’arrêt Lin Trading Co. c. CBM Kabushiki Kaisha (C.A.F.) (1989), 21 C.P.R. (3d) 417, à l’appui de leur argument que la vente d’un bien à un distributeur constitue un « emploi au Canada ». En principe, ils ont raison. Mais, dans l’affaire Lin Trading, la Cour a examiné les rapports entre les parties et tenu compte de leur intention que la vente au distributeur canadien vise à faire la promotion de la marque au Canada.

 

[87]           La caractéristique essentielle des décisions comme l’arrêt Lin Trading dans lesquelles le tribunal a confirmé la validité de l’usage effectué par le truchement d’un distributeur, est qu’au cœur de l’opération se trouvent une vente ou un transfert. Sous ce rapport essentiel, ces affaires diffèrent de la présente espèce.

 

[88]           Aux termes de l’entente de consignation, Archmetal s’engageait à fournir des produits à JAG [traduction] « dans le cadre d’une vente en consignation ». Hormis le fait que JAG était tenue de ne payer le produit qu’une fois celui‑ci vendu, les parties n’ont jamais voulu considérer la livraison d’un produit comme une vente ou un transfert à JAG. L’alinéa 2b) ne comporte aucune ambigüité à ce sujet.

 

[89]           L’alinéa 2b) de l’entente de consignation témoigne de l’intention d’Archmetal et de M. Chen de conserver la propriété et la possession légale des clapets livrés à JAG :

[traduction]  Sauf disposition contraire, l’entreprise demeure en tout temps propriétaire de tous les produits jusqu’à ce que le mandataire les ait vendus. Le mandataire reçoit et conserve les produits comme un fiduciaire prudent et prend les mesures nécessaires pour identifier et assurer les produits de l’entreprise et pour ne pas les confondre avec ses propres marchandises.

[Non souligné dans l’original]

 

[90]           Compte tenu des hauts et des bas qu’ont connus leurs rapports dès 2002, il était évident que Jerome Chen n’avait pas l’intention de se servir de ses entreprises pour transférer des produits à JAG tant que JAG ne les aurait pas vendus à un tiers.

 

[91]           Toute possession que JAG pouvait avoir des produits était assortie du même genre de restrictions, ce qui vaut aussi pour tout transfert. JAG détenait les produits en tant que fiduciaire et non à titre personnel.

 

[92]           Les parties n’avaient pas envisagé que la livraison des produits à JAG pouvait être considérée de près ou de loin comme un « emploi au Canada » au sens de la Loi. Il y aurait un « emploi au Canada » à l’étape suivante de la vente des produits par JAG. Les avantages conférés par la marque de commerce lors de cette vente profiteraient alors au titulaire de l’enregistrement.

 

[93]           L’emploi invoqué pour justifier l’enregistrabilité n’était donc pas un « emploi au Canada » au sens de l’article 4 de la Loi. Nous ne disposons d’aucun élément de preuve fiable démontrant que d’autres ventes ont été effectuées en septembre 2002, de sorte que la date de premier emploi ne peut être confirmée.

 

[94]           De plus, ainsi que la Cour l’a déclaré dans la décision Unitel Communications, précitée, une déclaration erronée portant sur des faits importants relatifs à l’usage est susceptible de rendre nul l’enregistrement d’une marque de commerce, que cette présentation soit frauduleuse ou qu’elle vise à induire en erreur. En l’espèce, même si elle a été faite de bonne foi, la déclaration erronée portait sur des faits importants. Il n’y avait pas de premier emploi en septembre 2002, de sorte que l’enregistrement devrait être radié pour cette raison également.

 

(2)        JAG

[95]           JAG demandait que la marque FUSION soit enregistrée en son nom. La demande de JAG comporte au moins deux problèmes, sans parler du fait que la Cour n’est pas compétente pour ordonner la substitution d’un propriétaire enregistré.

 

[96]           Le premier problème est semblable à celui qu’ont les défendeurs : JAG n’est propriétaire de la marque de commerce que pour moitié aux termes de l’article 12 de l’entente de consignation.

 

[97]           Le second problème est que JAG n’est pas en mesure de faire la preuve que son premier emploi remonte au mois d’août 2002 en invoquant une présumée vente à Medfield.

 

[98]           La preuve documentaire ne permet pas de retracer la vente. Le meilleur élément de preuve que M. McCrae peut invoquer est une facture, mais il n’a pas déposé en preuve de bon de commande ou d’une autre pièce confirmant la vente.

 

[99]           Les déclarations que M. McCrae a faites lors de l’enquête préalable et au procès se contredisent sur ce point. Ses souvenirs sont vagues et aucune preuve de Medfield n’a été présentée pour corroborer la vente.

 

[100]       Les preuves circonstancielles ne sont d’aucune utilité. Les demanderesses soutiennent que les clapets expédiés en août 2002 arboraient la marque FUSION, mais ces faits précèdent de trois mois la date où l’on s’est entendu sur la marque.

 

[101]       Il est plus probable que la facture visait un échantillon, mais même cette explication relève de la spéculation.

 

[102]       Les demanderesses ne peuvent donc pas démontrer le bien‑fondé de leur cause en se fondant sur une date de premier emploi antérieure, et ce, même si cette date était pertinente.

 

C.        Caractère distinctif

[103]       Les éléments de preuve portant sur la question de savoir si la marque était et est toujours distinctive sont confus et incohérents.

 

[104]       Une caractéristique notable de la preuve est qu’on a totalement confondu le logo de Fortune Manufacturing avec celui de la marque, et qu’on a confondu les produits, y compris ceux fabriqués par Neway. Enfin, ni Fortune Manufacturing ni Archmetal n’exerçait quelque contrôle que ce soit sur les produits de Neway vendus sous la marque FUSION, ou sur leur qualité ou leur fabrication.

 

[105]       Tout bien considéré, la Cour aurait conclu qu’au moment de la présente demande de radiation, la marque FUSION n’avait pas acquis ou avait perdu tout caractère distinctif.

 

D.        Déclarations erronées/Bureau des brevets

[106]       Il est bien établi en droit qu’on peut faire une déclaration erronée par commission ou par omission. Pour justifier la radiation, la commission ou l’omission doit être importante.

17     Elles se fondent sur les affaires Unitel Communications Inc. c. Bell Canada et Marchands Ro‑Na Inc. c. Tefal S.A, et plus particulièrement sur l’extrait suivant de Harold G. Fox qui est cité et approuvé dans ces affaires :

[traduction] La Loi ne renferme aucune disposition en vertu de laquelle les déclarations erronées contenues dans une demande d’enregistrement [. . .] deviennent des motifs d’invalidation de l’enregistrement, à moins que les déclarations erronées aient pour effet de rendre la marque de commerce non enregistrable au sens de l’article 12 de la Loi ou à moins qu’il n’y ait eu des fausses déclarations frauduleuses. [Non souligné dans l’original.]

18        L’invalidité de l’enregistrement peut résulter de deux types de fausses déclarations : 1) les fausses déclarations frauduleuses intentionnelles et 2) celles qui, bien que non intentionnelles, sont importantes car, sans elles, les limites imposées par l’article 12 à l’enregistrement auraient été insurmontables.

General Motors of Canada c. Décarie Motors Inc., [2001] 1 C.F. 665.

 

[107]       La caractéristique plutôt unique de cette affaire est le fait que les deux parties s’étaient livrées au même genre de fausses déclarations au sujet de la date de premier emploi.

 

[108]       Les deux parties n’ont par ailleurs pas tenu compte des dispositions de l’article 12 de l’entente de consignation relatives à la copropriété. La conduite des défendeurs à cet égard, s’agissant de ces rapports avec le Bureau des marques de commerce, est celle qui est la plus flagrante.

 

[109]       Dans l’affidavit qu’il a déposé auprès du Bureau des marques de commerce, Henry Chen traite de la disposition de l’entente de consignation relative à la conservation de la propriété des produits des défendeurs. Il a également joint à son affidavit des extraits de l’entente de consignation. L’article essentiel de cette entente, l’article 12, ne se retrouve cependant pas dans le document joint à son affidavit.

 

[110]       Pour conclure à une omission importante, il n’est pas nécessaire pour la Cour de conclure à une intention de tromper. Il est incontestable que cette disposition est essentielle pour ce qui est de la demande de marque de commerce. Elle invitait pratiquement le Bureau à s’enquérir davantage au sujet des droits de propriété.

 

[111]       Force nous est de conclure que les défendeurs savaient que la divulgation de l’article 12 soulèverait des questions au sujet de la propriété. Ce n’est pas par inadvertance qu’ils ont omis de communiquer cet élément de preuve.

 

[112]       La marque de commerce devrait être radiée pour cause d’omission importante.

 

E.         Article 7 – Concurrence déloyale

[113]       Les demanderesses soutiennent que les défendeurs leur ont causé un préjudice en faisant des déclarations fausses ou trompeuses tendant à discréditer leur entreprise, leurs marchandises ou leurs services. Elles plaident chacune des dispositions de l’article 7, mais seul l’alinéa a) s’applique vraiment au cas qui nous occupe.

7. Nul ne peut :

 

a) faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discréditer l’entreprise, les marchandises ou les services d’un concurrent;

7. No person shall

 

(a) make a false or misleading statement tending to discredit the business, wares or services of a competitor;

 

 

[114]       Voici les éléments essentiels de l’alinéa 7a) : 1) l’existence d’une déclaration fausse ou trompeuse; 2) le fait que cette déclaration tend à discréditer l’entreprise, les marchandises ou les services d’un concurrent; 3) le préjudice en découlant.

 

[115]       La Cour a déjà examiné la constitutionnalité de l’article 7 (ITT Hartford Life Insurance Co. of Canada c. American International Assurance Life Co., [1997] A.C.F. no 948, au paragraphe 16). Sa validité repose sur son rapport avec les créations intellectuelles sur lesquelles le gouvernement fédéral a compétence comme les brevets, les marques de commerce, le droit d’auteur et autres créations intellectuelles semblables.

 

[116]       La seule réponse des défendeurs à la question fondée sur l’article 7 est que, comme JAG n’était pas propriétaire de la marque de commerce FUSION ou, ce qui est plus important encore, si aucune des parties n’est propriétaire de la marque, il ne peut y avoir de discrédit, de diffamation ou [traduction] « quoi que ce soit qui relève de la Loi sur les marques de commerce ».

 

[117]       J’estime, en toute déférence, qu’il n’est pas nécessaire d’être propriétaire d’une marque pour avoir le droit de réclamer une réparation en vertu de l’article 7. La question qui se pose est celle de savoir si la partie contrevenante se sert de droits de propriété intellectuelle de compétence fédérale pour nuire à un concurrent.

 

[118]       Bien que la première communication mentionne la marque de commerce chinoise de Fortune Manufacturing, elle prétend utiliser ces droits, qui ne sont pas reconnus au Canada, pour nuire à un concurrent au Canada. À cet égard, il existe un lien suffisant avec le droit fédéral pour justifier une prétention fondée sur l’article 7. Il est essentiel, pour l’intégrité du régime canadien, que les marques qui ne sont pas reconnues ne soient pas utilisées de cette manière. De plus, il y a un lien implicite évident avec une marque de commerce canadienne qui est invalide, ce qui constitue un autre lien avec l’article 7.

 

[119]       Les déclarations qui ont été faites ne sont ni fausses ni trompeuses en ce sens que Fortune Manufacturing possédait la marque de commerce chinoise et c’est sur le fondement de cette marque de commerce que l’inventaire de JAG a été saisi.

 

[120]       L’appel téléphonique à C.E. Franklin Ltd. était faux et trompeur en ce sens que l’usine de JAG n’était pas fermée. Vu le contexte du conflit entre les parties et les répercussions qu’il était censé avoir sur C.E. Franklin Ltd., il est probable que cet appel a été effectué en tenant compte des droits conférés au Canada et en Chine par la marque de commerce ou qu’il visait à être compris ainsi.

 

[121]       Aucun représentant de C.E. Franklin Ltd. n’a été invité à prendre la parole à ce sujet et les éléments de preuve portant sur le lien et les incidences de cet appel téléphonique pourront être traités à l’étape de l’adjudication des dommages‑intérêts dans le cas qui nous occupe. La disjonction ne permet pas toujours de mener à terme l’étape relative à la responsabilité dans une affaire.

 

[122]       La lettre envoyée aux clients mentionne expressément la marque FUSION et, si on la situe dans le contexte des rapports et du conflit entre les parties, elle renvoie, ne serait‑ce qu’implicitement, à une marque de commerce canadienne invalide.

 

[123]       En citant la procédure du Bureau des marques de commerce, les demanderesses ne tombent pas sous le coup de l’article 7. Nous avons déjà traité de la réparation qui peut être accordée en cas de déclarations erronées. Les déclarations ou omissions reprochées se situent dans le contexte d’un différend administratif. Le privilège limité accordé aux actes de procédure s’appliquerait donc dans ces circonstances. Les actes de procédure ne répondent pas à la définition du mot « déclaration » que l’on trouve à l’article 7.

 

[124]       Comme un des éléments essentiels de toute prétention fondée sur l’article 7 est l’existence d’un préjudice, et comme il reste des questions à résoudre à l’étape de la détermination des dommages‑intérêts, la Cour ne fera pas de déclaration finale au sujet de la responsabilité au titre de l’article 7.

 


VIII.     DISPOSITIF

[125]       La Cour n’a pas compétence pour remplacer un titulaire de l’enregistrement par un autre, comme le réclament les demanderesses. Même si elle avait cette compétence, la Cour refuserait de le faire. Le droit à la marque de commerce FUSION est conjoint et aucune des parties n’a réclamé d’ordonnance de copropriété. De plus, la Cour se demande si la marque possède maintenant quelque caractère distinctif ou valeur.

 

[126]       La Cour ordonnera la radiation de l’enregistrement LMC 662598.

 

[127]       Les dépens sont adjugés aux demanderesses. La question du barème des dépens pourra être abordée à l’étape de la détermination des dommages‑intérêts dans la présente affaire.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Ottawa (Ontario)

Le 10 juin 2010

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1354‑06

 

INTITULÉ :                                                   JAG FLOCOMPONENTS N.A. et JAG FLOCOMPONENTS (NORTH AMERICA) INC.

 

                                                                        et

 

                                                                        ARCHMETAL INDUSTRIES CORPORATION,

                                                                        HENRY CHEN, JEROME CHEN et

                                                                        FORTUNE MANUFACTURING CO., LTD.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           18‑21 janvier, 25 et 26 et 28 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 10 juin 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Joseph Rosselli

Mme Anna Loparco

 

POUR LES DEMANDERESSES

M. Stephen Livingstone

Mme Tara Argent

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

FRASER MILNER CASGRAIN LLP

Avocats

Edmonton (Alberta)

 

POUR LES DEMANDERESSES

McLENNAN ROSS LLP

Avocats

Edmonton (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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