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Cour fédérale

Federal Court

 

Date : 20100610

Dossier : IMM-5559-09

Référence : 2010 CF 616

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 10 juin 2010

En présence de monsieur le juge Boivin

 

 

ENTRE :

CELESTINA MARIL BACCHUS

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), en vue du contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) datée du 30 septembre 2009 par laquelle la Commission a conclu que la demanderesse n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au sens de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi.

Le contexte factuel

[2]               La demanderesse, qui est âgée de 49 ans, est citoyenne de Saint-Vincent-et-les Grenadines (Saint-Vincent) et de Trinité-et-Tobago (Trinité). Elle demande l’asile à titre de réfugiée au sens de la Convention. Elle est mère de sept enfants, qui résident tous à Trinité.

 

[3]               En 2004, la demanderesse s’est engagée en union de fait avec M. Desmond Peters, qui a été membre des forces policières de Trinité. À l’instar de la demanderesse, M. Peters est également citoyen de Saint-Vincent. Avec le temps, leur relation serait devenue très violente alors que M. Peters aurait agressé et menacé la demanderesse. En 2005, la demanderesse a mis fin à la relation. M. Peters est demeuré dans la maison qu’ils habitaient et la demanderesse y a laissé ses effets personnels.

 

[4]               Malgré les mauvais traitements qu’elle aurait subis, la demanderesse ne s’est jamais adressée aux autorités parce que M. Peters était lui-même un ancien policier.

 

[5]               En 2006, la demanderesse s’est rendue à Saint-Vincent. M. Peters l’aurait suivie et harcelée. La demanderesse est ensuite retournée à Trinité pour prendre soin de sa mère mourante. Pendant ce temps, M. Peters aurait continué de menacer la demanderesse.

 

[6]               En mai 2008, la demanderesse a finalement quitté son emploi en raison du harcèlement constant de M. Peters. Le 1er juin 2008, la demanderesse est arrivée au Canada, où elle a de la famille. Le 30 juin 2010, elle présentait une demande d’asile.

[7]               En outre, la demanderesse a aussi allégué qu’elle craignait pour la sécurité de sa personne en raison de son demi-frère, Noel Sylvester, avec qui elle s’était querellée au sujet de la succession de sa mère.

 

La décision contestée

[8]               La Commission a conclu que la demanderesse ne s’était pas acquittée de son fardeau de démontrer chacune des composantes de la définition de « réfugié au sens de la Convention » et de celle de « personne à protéger ».

 

[9]               La Commission a conclu que la demanderesse n’avait pas établi l’absence de protection de l’État relativement à son ancien ancien compagnon, M. Peters. La Commission a souligné que la demanderesse n’avait jamais demandé l’établissement d’un rapport de police, ni au cours des quatre années durant lesquelles elle avait vécu une relation violente ni subséquemment.

 

[10]           Eu égard au demi-frère de la demanderesse, la Commission a conclu que puisque son demi-frère est citoyen de Trinité et non de Saint-Vincent, la demanderesse n’avait aucune raison de craindre d’être persécutée et ne risquait pas de subir des préjudices sérieux si elle retournait à Saint‑Vincent.

 

La question en litige

[11]           Il est ressorti, dès le début de l’audience, que la question centrale en l’espèce est de savoir s’il était raisonnable pour la Commission de rejeter la demande de la demanderesse sur le fondement de son défaut de réfuter par une preuve claire et convaincante la présomption de protection de l’État relativement à son ancien petit ami.

 

La norme de contrôle

[12]           En ce qui a trait à la norme de contrôle applicable, la Cour rappelle qu’au paragraphe 53 de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, que « [e]n présence d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, la retenue s’impose habituellement d’emblée (Mossop, p. 599‑600; Dr Q, par. 29; Suresh, par. 29‑30). Nous sommes d’avis que la même norme de contrôle doit s’appliquer lorsque le droit et les faits s’entrelacent et ne peuvent aisément être dissociés. » Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 59, la Cour suprême du Canada a aussi affirmé ceci : « Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, elle commande la déférence. Les cours de révision ne peuvent substituer la solution qu’elles jugent elles‑mêmes appropriée à celle qui a été retenue, mais doivent plutôt déterminer si celle‑ci fait partie des “ issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ” (Dunsmuir, par. 47). »

 

[13]           En outre, dans la décision récente dans l’affaire Paguada c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 351, [2009] A.C.F. no 401, au paragraphe 19, cette Cour a a affirmé ce qui suit :

Reste donc précisément la question de la protection de l’État. Il s’agit clairement là d’une question mixte de fait et de droit, qui doit à ce titre être examinée par cette Cour à l’aulne de la norme de la décision raisonnable : voir, entre autres, Mendez c. M.C.I., 2008 CF 584; Da Mota c. M.C.I., 2008 CF 386; Obeid c. M.C.I., 2009 CF 503; Naumets c. M.C.I., 2008 CF 522; Woods c. M.C.I., 2008 CF 446.

[14]           Ainsi, la norme de contrôle qui s’applique à la décision contestée de la Commission quant à l’existence de la protection de l’État est la raisonnabilité.

 

L’analyse

[15]           La Commission a conclu que la demanderesse n’avait pas présenté une preuve claire et convaincante de l’absence de protection de l’État à Trinité ainsi qu’à Saint-Vincent, s’appuyant fortement sur le fait que la demanderesse ne s’était jamais réclamée de la protection de l’État dans les circonstances :

[…] Même si elle a été victime depuis plus de quatre ans des mauvais traitements de M. Peters et de ses menaces, la demandeure d’asile n’aurait jamais demandé l’établissement d’un rapport de police. Répondant aux questions du tribunal, elle a déclaré qu’elle ne croyait pas être en mesure d’obtenir la protection de cet État et a dit craindre M. Peters, ancien agent de police à Trinité-et-Tobago. Le tribunal constate que Trinité-et-Tobago est une démocratie parlementaire dotée de forces policières et d’une magistrature. Le fait que la demandeure d’asile n’a pas même tenté de se réclamer de la protection de l’État mine sa crédibilité. Cela s’applique toutefois encore davantage dans le cas de Saint-Vincent. Même si le tribunal devait admettre la véracité des assertions de la demandeure d’asile, qui ne se dit pas en mesure d’obtenir la protection des autorités dans son propre pays de résidence, Trinité-et-Tobago, du fait que son persécuteur est un ancien agent de police, cela ne s’applique pas à Saint-Vincent-et-les Grenadines. Saint-Vincent-et-les Grenadines est également un pays indépendant doté d’une démocratie parlementaire et d’un pouvoir judiciaire indépendant. Dans ce pays, des dispositions législatives protègent les particuliers comme la demandeure d’asile. Même si le tribunal devait faire droit à l’assertion de la demandeure d’asile relativement à son incapacité d’obtenir la protection de l’État de Trinité, M. Peters n’y a pas exercé les fonctions d’agent de police et n’a même jamais été résident de Saint-Vincent. […] Selon la preuve documentaire recueillie, les femmes victimes de violence conjugale éprouvent certes certaines difficultés à faire en sorte que leur dossier soit traité avec toute l’attention voulue. Pourtant, il existe là encore des dispositions législatives dont la demandeure d’asile aurait pu se réclamer et des mécanismes auxquels elle aurait pu recourir . Compte tenu des circonstances, la demandeure d’asile n’était même pas engagée dans une relation de conjoint de fait avec M. Peters au moment de son séjour à Saint-Vincent. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, le tribunal ne croit pas que la demandeure d’asile a démontré de façon claire et convaincante l’absence de protection offerte par l’État eu égard à sa demande d’asile.

 

                                    (Dossier du tribunal, aux pages 5-6.)

 

[16]           Ayant examiné la preuve, la Cour estime que la conclusion de la Commission quant à l’existence de la protection de l’État était arbitraire et inappropriée et, par conséquent, déraisonnable. La Commission a notamment omis d’examiner le témoignage de la demanderesse et l’ensemble de la preuve concernant l’absence de protection des autorités.

 

[17]           La demanderesse a en effet témoigné que son ancien compagnon, un ancien policier, est aussi à la fois citoyen de Trinité et de Saint-Vincent. En octobre 2005, à Trinité, des policiers seraient arrivés alors que son ancien compagnon était en train de la frapper. S’étant rendu compte qu’il s’agissait d’un ancien policier, ils auraient laissé la demanderesse aux mains de son agresseur en disant : [traduction] « M. Peters, nous allons fermer les yeux seulement parce que c’est vous, mais veuillez emmener madame et essayer d’arranger les choses. » (Dossier du tribunal, aux pages 244 à 247.)

 

[18]           En ce qui concerne l’existence de la protection de l’État à Saint-Vincent, bien qu’il ait été établi qu’elle ne s’est réclamée d’aucune protection, la demanderesse a néanmoins livré un témoignage à l’égard de l’insuffisance de protection. Elle a aussi témoigné que sa cousine, qui elle aussi entretenait une relation violente, n’avait été en mesure d’obtenir aucune protection de la part des forces policières de Saint-Vincent même si elle s’en était réclamée (Dossier du tribunal, à la page 252).

 

[19]           La preuve documentaire la plus récente à l’égard de Saint-Vincent et de Trinité, datée de 2008, démontre que la situation à l’égard des femmes demeure problématique dans ces deux pays. La Commission était tenue d’examiner cette preuve contradictoire importante. Le juge Evans, dans la décision Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 157 F.T.R. 35, [1998] A.C.F. no 1425, au paragraphe 17, a affirmé ce qui suit :

Toutefois, plus la preuve qui n'a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l'organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l'organisme a tiré une conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » : Bains c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1993), 63 F.T.R. 312 (C.F. 1re inst.). Autrement dit, l'obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés. Ainsi, une déclaration générale affirmant que l'organisme a examiné l'ensemble de la preuve ne suffit pas lorsque les éléments de preuve dont elle n'a pas discuté dans ses motifs semblent carrément contredire sa conclusion. Qui plus est, quand l'organisme fait référence de façon assez détaillée à des éléments de preuve appuyant sa conclusion, mais qu'elle passe sous silence des éléments de preuve qui tendent à prouver le contraire, il peut être plus facile d'inférer que l'organisme n'a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait.

 

                                                [Non souligné dans l’original.]

 

 

[20]           Plus particulièrement, en l’espèce, le document no VCT102962.F, daté du 18 novembre 2008, établit ce qui suit concernant l’efficacité de la protection de l’État à Saint‑Vincent (Dossier de la demanderesse, aux pages 38 à 40) :

Pour ce qui est de l'efficacité de la police relativement au traitement des cas de violence conjugale à Saint-Vincent-et-les Grenadines, un représentant de l'association de défense des droits de la personne de Saint-Vincent-et-les Grenadines (Saint Vincent and the Grenadines Human Rights Association – SVGHRA) a fourni l'information qui suit dans une communication écrite envoyée le 7 novembre 2008 à la Direction des recherches.

 

[traduction]

 

Bien qu'il y ait quelques policiers qui prennent au sérieux les cas de violence conjugale et familiale, la majorité d'entre eux ne possèdent que des connaissances et des compétences limitées dans ce domaine, notamment en ce qui concerne les procédures. Aussi les agents appliquent-ils ce qu'ils ont appris dans leur formation policière générale aux cas de violence conjugale et familiale, ce qui complique la situation pour la victime qui se sent encore plus agressée.

 

De plus, lorsque les femmes maltraitées souhaitent déposer une plainte, elles sont accueillies par de jeunes policiers grossiers, irrespectueux et sexistes qui estiment que la victime est responsable de son sort. Il n'existe pas non plus de trousses spécialisées. Dans la plupart des cas, les policiers perdent patience si la victime marque des hésitations avant de répondre à leurs questions.

 

Le comportement des policiers, l'interrogatoire qui se fait dans une salle ouverte et l'inefficacité générale de la police et des tribunaux sont autant de facteurs qui en général découragent les victimes de témoigner.

 

Un petit nombre de policiers sensibilisés font tout leur possible pour faciliter la procédure et mettre à l'aise la victime; là encore, toutefois, lorsque le cas est porté devant les tribunaux, la victime retire souvent sa plainte, car dans la plupart des cas elle dépend de son agresseur. La longueur de la procédure est un autre élément qui frustre les victimes.

 

La victime se sent souvent vulnérable même si une ordonnance de protection est rendue, celle-ci n'ayant aucune valeur pratique en raison de l'absence de refuges. Il se peut que l'agresseur soit un policier; il est important alors de s'assurer que ce policier ou ses amis n'ont pas la responsabilité de s'occuper du cas, car ils auraient tendance à en minimiser la gravité. […]

 

 

[21]           Qui plus est, les éléments de preuve présentés relativement à Trinité (Dossier de la demanderesse, aux pages 41 à 46), notamment le document d’information de la CISR no TTO102810.F, daté du 20 mai 2008, contiennent des renseignements semblables en ce qui concerne la situation des femmes et la protection qui leur y est offerte :

Selon un document publié le 29 janvier 2008 par le ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth (Foreign and Commonwealth Office) du Royaume-Uni, il y a un [traduction] « un taux élevé de violence conjugale » à Trinité-et-Tobago; de même, selon des rapports sur les droits de la personne couvrant l'année 2007, le problème de la violence conjugale dans ce pays est [traduction] « important » (Freedom House 2007; États-Unis 11 mars 2008, sect. 5). Des groupes de défense des femmes estiment que de (vingt à vingt-cinq pourcent- voir anglais) 20 à 25 p. 100 de l'ensemble des femmes du pays ont été victimes mauvais traitements (ibid.; Nation News 16 mars 2008). Cependant, les Country Reports on Human Rights Practices for 2007 publiés par le Département d'État des États-Unis soulignent qu'il n'existe pas de statistiques nationales fiables (États-Unis 11 mars 2008, sect. 5). Néanmoins, le Trinidad and Tobago's Newsday a cité un juge de la cour d'appel qui aurait déclaré que la violence conjugale au pays a atteint des [traduction] « "proportions épidémiques" » (5 mars 2008).

 

Un article publié dans le Trinidad Guardian signale que, même si une ordonnance de protection est supposée former une barrière de sécurité pour les victimes de violence conjugale, il ne s'agit pas d'une [traduction] « barrière faite d'acier » (26 nov. 2006). Un journal de Trinité-et-Tobago a fait état de cas de femmes tuées par leur ancien compagnon après avoir demandé une ordonnance de protection (Trinidad and Tobago's Newsday 27 nov. 2005; ibid. 4 nov. 2006). En novembre 2006, une femme a été poignardée à mort après avoir fui une relation de violence et avoir demandé une ordonnance de protection afin de se protéger contre son ancien compagnon (ibid.).

 

Dans un autre cas survenu en 2005, une femme a été assassinée à l'extérieur de sa nouvelle demeure, et ce, même si elle avait signalé plusieurs agressions perpétrées auparavant par son conjoint dont elle était séparée et qu'elle avait tenté d'obtenir une ordonnance de protection (Trinidad and Tobago's Newsday 27 nov. 2005). De plus, un document préparé par des organisations non gouvernementales (ONG) locales affirmait que l'exécution des ordonnances de protection pouvait être difficile en raison de la réticence des policiers à intervenir dans les affaires conjugales (Trinidad and Tobago's Newsday 27 nov. 2005).

 

Réaction de la police

 

Bien que la loi accorde aux agents chargés de l'exécution de la loi un certain nombre de pouvoirs, il n'en demeure pas moins que, selon certaines sources, elle est appliquée de manière [traduction] « laxiste » (Nation News 16 mars 2008; États-Unis 11 mars 2008, sect. 5). Un article publié le 4 décembre 2005 dans le Trinidad and Tobago Express affirme qu'on a signalé des cas où la police a fait montre d'indifférence et d'incompétence, et donne des détails sur l'expérience d'une femme qui, quoiqu'elle eût déposé plusieurs plaintes, a été victime de l'inaction de la police et a notamment été emprisonnée pendant une demi-journée à la suite d'un affrontement avec son conjoint.

 

 

[22]           En l’espèce, la Commission était tenue de faire référence aux éléments de preuve pertinents et contradictoires tels que ceux précités, ce qu’elle n’a pas fait (Cepeda-Gutierrez). Bien qu’il eût été loisible à la Commission de leur accorder un faible poids comparativement à l’ensemble de la preuve, la Cour considère toutefois qu’en l’espèce, compte tenu de la situation à Saint-Vincent et à Trinité en ce qui concerne la protection des femmes contre la violence familiale, la Commission ne pouvait omettre de tenir compte des rapports les plus actuels. La Cour est donc d’avis que la Commission a mené son analyse dans l’abstrait, sans examiner la preuve documentaire pertinente relative au témoignage de la demanderesse. Le fait que la Commission ait seulement affirmé que Trinité et Saint-Vincent sont des pays indépendants dotés d’une démocratie parlementaire et d’un appareil judiciaire indépendant n’était simplement pas suffisant. La Commission était plutôt tenue d’expliquer pourquoi elle ne tenait pas compte des éléments de preuve cités. Elle devait tout au moins motiver sa décision d’en faire abstraction. Par son omission, la Commission a exprimé une préférence, a tenu compte d’éléments de preuve pris isolément, a mené un examen incomplet et fragmentaire de la preuve et, ce faisant, a commis une erreur grave (King c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 774, [2005] A.C.F. no 979 (QL).

 

[23]           La Cour conclut que, vu son omission d’analyser la preuve documentaire, la Commission n’est pas, sans autre justification, autorisée à tirer la conclusion qu’elle a tirée (voir la décision Myle c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 871, 2006 A.C.F. no 1127 (QL) (rendue par le juge Shore). Voir aussi les décisions Rosita Vascilca Myle c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1073, [2007] A.C.F. no 1389 (rendue par le juge Harrington), et Sherica Sherilon James c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 546 (rendue par le juge Mainville).

 

[24]           En conclusion, la Commission n’a pas procédé à une analyse complète de la preuve, y compris le témoignage de la demanderesse et l’ensemble de la preuve documentaire au dossier. Compte tenu des circonstances, la décision de la Commission n’est pas raisonnable et l’intervention de la Cour est justifiée. La demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie.

 

[25]           Aucune question n’a été proposée aux fins de la certification et il ne convient en l’espèce de n’en certifier aucune.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

1.      La décision de la Commission est annulée.

2.      L’affaire est renvoyée à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié afin qu’un tribunal différemment constitué statue à nouveau.

3.      Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Richard Boivin »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5559-09

 

INTITULÉ :                                       CELESTINA MARIL BACCHUS

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 MONTRÉAL (QUEBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 27 MAI 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 10 JUIN 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Viken G. Artinian

 

POUR LA DEMANDERESSE

Christine Bernard

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Allen & Associates

Montréal (Quebec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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