Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date : 20100607

Dossier : IMM-2739-10

Référence : 2010 CF 611

Montréal (Québec), le 7 juin 2010

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

FATIMA ZAHRA CHOUFANI

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

et

LE MINISTRE DE LA

SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Au préalable

[1]               [6]        Il faut faire preuve d'une grande retenue à l'égard des décisions des agents d'ERAR. Si la décision de l'agent d'ERAR n'a rien de déraisonnable, il n'y a pas de question sérieuse. En l'espèce, l'agent d'ERAR a clairement tenu compte des observations de Mme Tharumarasah et de la preuve documentaire soumise à l'appui de celles-ci relativement aux violations persistantes des droits de la personne au Sri Lanka. Ce que Mme Tharumarasah demande à la Cour c'est d'apprécier de nouveau la preuve dont est était saisi l'agent d'ERAR. Mme Tharumarasah n'accepte peut-être pas la décision de l'agent d'ERAR, mais elle n'a pas établi qu'il était permis de croire que cette décision était déraisonnable ou abusive; en conséquence, aucune question sérieuse n'est soulevée en l'espèce. (La Cour souligne).

 

(Comme spécifié dans la décision Tharumarasah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 211, 129 A.C.W.S. (3d) 375, par la juge Anne Mactavish; également, Figurado c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 241, 129 A.C.W.S. (3d) 374 aux par. 5-7; Lim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 956, 116 A.C.W.S. (3d) 929).

 

II.  Procédure judiciaire

[2]               Il s’agit d’une requête demandant le sursis de l’exécution d’une mesure de renvoi émise contre la demanderesse, laquelle requête est greffée à une demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire attaquant la décision de l’Examen des risques avant renvoi (ERAR), rendue le 24 mars 2010, rejetant la demande par l’agent d’ERAR. Le renvoi de la demanderesse, citoyenne du Maroc, est fixé au 8 juin 2010.

 

III.  Remarques préliminaires

[3]               Compte tenu de l’entrée en vigueur de la Loi sur le ministère de la Sécurité publique et de la protection civile, L.C. 2005, ch. 10, le Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile devrait être désigné comme défendeur en plus du Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, le tout conformément au décret émis le 4 avril 2005 (C.P. 2005-0482).

 

[4]               En conséquence, l’intitulé est amendé afin d’ajouter comme défendeur le Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, en plus du Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

 

IV.  Historique

[5]               Le 8 août 2007, la demanderesse, madame Fatima Zahra Choufani, est arrivée au Canada à titre de résidente temporaire pour une période de 6 mois. Le 28 octobre 2007, madame Zahra Choufani a épousé Tarik Lachheb.

 

[6]               Le 9 janvier 2008, madame Zahra Choufani a demandé une prolongation de son statut de visiteur. La trousse lui a été retournée pour paiement non convenable.

 

[7]               Depuis le 8 février 2008, madame Zahra Choufani est sans statut au Canada.

 

[8]               Le 3 avril 2008, elle a présenté une demande de rétablissement de statut de résident temporaire à titre de visiteur qui a été refusée pour paiement non convenable.

 

[9]               Le 17 avril 2008, madame Zahra Choufani a présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie « époux ou conjoint de fait au Canada ».

 

[10]           Le 21 avril 2009, cette demande a été refusée puisqu’il y a eu un retrait de la demande de parrainage à l’égard de la demanderesse.

 

[11]           Le 21 avril 2009, un rapport en vertu de l’article 44 a été établi.

 

[12]           Le 28 mai 2009, une mesure d’exclusion a été émise in absentia par le délégué du ministre à l’encontre de madame Zahra Choufani.

 

[13]           Le 14 septembre 2009, madame Zahra Choufani a été avisée qu’elle pouvait présenter une demande d’ERAR.

 

[14]           Le 25 septembre 2009, madame Zahra Choufani a soumis une demande d’ERAR.

 

[15]           En l’espèce, l’agent d’ERAR a rejeté la demande sous les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (LIPR) en ces termes à la page 3 de ses notes :

Risque personnel

 

La demanderesse allègue qu’elle serait menacée par sa propre famille et celle de son ex-conjoint si elle devait retourner au Maroc, en raison de son divorce. Elle ajoute qu’elle ne pourrait se prévaloir de la protection de l’État et qu’elle ne pourrait pas aller vivre dans une autre ville pour échapper aux menaces.

 

Afin d’appuyer ses allégations, la demanderesse soumet une copie de l’affidavit qu’elle a soumis dans le cadre du jugement de divorce avec son ex-conjoint ainsi que son extrait de naissance. Bien que je reconnaisse que la demanderesse soit effectivement divorcée d’avec son ex-conjoint, elle ne me soumet pas d’éléments de preuve permettant de démontrer de façon satisfaisante qu’elle serait menacée par sa famille et celle de son ex-conjoint.

 

Dans le cadre de la présente demande, le fardeau de la preuve repose sur les épaules de la demanderesse. C’est à elle qu’il revient de démontrer les risques allégués, ce qu’elle n’a pas fait.

 

En bref, après étude du dossier, j’en viens à la conclusion que la demanderesse ne s’est pas déchargée de son fardeau de démontrer qu’elle ferait face à un risque personnel. Ainsi, à la lumière de tout ce qui précède, du dossier d’immigration de la demanderesse, de la documentation consultée et de la condition actuelle au Maroc, je considère qu’elle n’a pas démontré qu’elle serait personnellement persécutée advenant un retour dans son pays d’origine (L-96) soit par l’armée, par les autorités en place ou par quelque autre groupe que ce soit ou qu’elle y serait soumise à de la torture, des menaces à la vie ou à des traitements ou peines cruels et inusités, tel que défini par la LIPR (L-97). En conséquence, la demande est rejetée. (La Cour souligne).

 

V.  Analyse

[16]           La Cour est en accord avec la position de la partie défenderesse.

 

Critères applicables aux demandes de sursis

[17]           Afin d’évaluer le bien-fondé d’une requête en sursis, cette Cour doit déterminer si la demanderesse satisfait aux critères jurisprudentiels émis par la Cour d’appel fédérale dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302.

 

[18]           La Cour d’appel a retenu trois critères qu’elle a importés de la jurisprudence en matière d'injonction, plus particulièrement de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 10. Ces trois critères sont les suivants :

A.     l’existence d’une question sérieuse;

B.     l’existence d’un préjudice irréparable; et

C.     l’évaluation de la balance des inconvénients.

 

[19]           Les trois critères doivent être satisfaits pour que cette Cour accorde le sursis demandé. Si un seul d’entre eux n’est pas rencontré, cette Cour ne peut pas accorder le sursis.

      A.  Question sérieuse

[20]           Au soutien de sa requête, madame Zahra Choufani allègue l’existence des questions sérieuses à être tranchées par cette Cour, soit :

1)      Que son précédent procureur a négligé de soumettre de la documentation pour appuyer la demande d’ERAR;

2)      Que son précédent procureur a négligé de déposer une demande d’asile.

 

[21]           Madame Zahra Choufani n’a pas démontré l’existence d’une question sérieuse à être tranchée par cette Cour pour les motifs suivants :

 

[22]           La Cour d’appel fédérale a décidé que la norme de preuve aux fins de l'article 97 de la LIPR est celle de la prépondérance des probabilités, tout comme c’est le cas pour l’article 96 de la LIPR (Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 1, [2005] 3 R.C.F. 239 aux par. 14, 36 et 39).

 

[23]           Le risque que madame Zahra Choufani devait démontrer et qui est prévu aux articles 96 et 97 de la LIPR, est un risque « personnalisé » et non généralisé, soit un risque personnel ou un risque partagé par un groupe se trouvant dans une situation similaire (Rizkallah c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 156 N.R. 1, 33 A.C.W.S. (3d) 940 (C.A.F.); Pour-Shariati c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1997), 215 N.R. 174, 72 A.C.W.S. (3d) 552); Salibian c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 C.F. 250, 22 A.C.W.S. (3d) 837 (C.A.F.)).

[24]           Eu égard à la situation générale ayant cours au Maroc, madame Zahra Choufani devait établir un lien entre les conditions dans son pays et sa situation personnelle, ce qu’elle n'a pas fait. En effet, madame Zahra Choufani devait démontrer un risque personnel en cas de retour: Jarada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 409, [2005] A.C.F. no 506 (QL); Navaratnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 218, 104 A.C.W.S. (3d) 556; Sinnathurai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 975, 108 A.C.W.S. (3d) 136 ; Rizkallah c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 156 N.R. 1, 33 A.C.W.S. (3d) 940 (C.A.F.); Mouissaoui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 133, 132 A.C.W.S. (3d) 756; Sivagnanam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1216, 126 A.C.W.S. (3d) 492; Sheriff c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 FCT 8, 110 A.C.W.S. (3d) 1112; Zilenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 846, 124 A.C.W.S. (3d) 761; Sanusi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 987, 132 A.C.W.S. (3d) 963).

 

[25]           La détermination d’un risque de retour est largement une question de fait Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 145, 137 A.C.W.S. (3d) 156; Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 39, 238 F.T.R. 194).

 

[26]           Le fardeau de preuve appartient à la demanderesse dans le contexte d’une demande d’ERAR. À cet égard, cette Cour s’est exprimée comme suit dans Lupsa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 311, 159 A.C.W.S. (3d) 419:

[12]      De façon générale, la Cour d’appel fédérale et cette Cour ont maintenu à maintes reprises que c’est à la demanderesse qu’il incombe de fournir des éléments de preuve sur tous les éléments constitutifs de sa demande. Plus particulièrement, en ce qui concerne une demande ERAR, la jurisprudence a bien établi que le fardeau revient au demandeur de placer devant l’agent ERAR tous les éléments de preuve qui permettront à ce dernier de prendre une décision (Cirahan c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 1603, [2004] A.C.F. no 1943 (QL) au par. 13).

 

[13]      L’agent ERAR ne joue aucun rôle dans la présentation de la preuve. Si la preuve est insuffisante, le demandeur doit en supporter les conséquences et l’agent n’a aucune obligation de l’en aviser (Selliah, ci-dessus, au par. 22; voir aussi Youssef v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2006 FC 864, [2006] F.C.J. No. 1101 (QL) au par. 33).

 

[14]      Il n’appartient pas à l’agent ERAR de signaler les carences de la preuve au demandeur (Tuhin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 22, [2006] A.C.F. no 36 (QL) au par. 4).

 

[...]

 

[24]      Comme l’indique la jurisprudence précitée, l’agent ERAR devait étudier le dossier et rendre une décision d'après les preuves qu’il avait devant lui. Il n'était nullement tenu de chercher des preuves complémentaires. La preuve documentaire quant à l’accusation à l’encontre du demandeur en Roumanie n’était pas devant l’agent.

 

[...]

 

[27]      De plus, comme je l’ai souligné ci-haut, la jurisprudence est claire qu’il revient au demandeur de soumettre la preuve étayant ses prétentions dans sa demande ERAR, et que toute lacune à cet égard se fait aux risques de ce dernier.

 

[28]      À mon avis, l’agent ERAR n’a pas commis d’erreur justifiant l’intervention de cette Cour en concluant qu’il n’avait pas de preuves suffisantes devant lui qui lui permettaient de conclure que le demandeur ferait face à des risques personnalisés lors de son retour à son pays. (La Cour souligne).

 

[27]           Il appartient à l’agent de soupeser les éléments de preuve présentés et d’accorder le poids qu’il estime approprié à ces différents éléments.

 

[28]           Comme l’a souligné le juge Michel Beaudry dans Ould c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 83, 161 A.C.W.S. (3d) 960, au paragraphe 21, citant avec approbation le passage suivant de l’affaire Jarada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 FC 409, [2005] A.C.F. no 506 (QL), au paragraphe 28 :

Ceci étant dit, l'appréciation du risque que pourrait courir le demandeur d'être persécuté s'il devait être retourné dans son pays doit être personnalisé [sic]. Ce n'est pas parce que la preuve documentaire démontre que la situation dans un pays est problématique du point de vue du respect des droits de la personne que l'on doit nécessairement en déduire un risque pour un individu donné (Ahmad c. M.C.I., [2004] A.C.F. no. 995 (C.F.); Gonulcan c. M.C.I., [2004] A.C.F. no. 486 (C.F.); Rahim c. M.C.I., [2005] A.C.F. no 56, 2005 CF 18 (C.F.). (La Cour souligne).

 

[29]           La preuve au dossier permet de conclure que l’agent a analysé et considéré les éléments invoqués par madame Zahra Choufani. Ses conclusions s’appuient entièrement sur la preuve dont il disposait.

 

[30]           Madame Zahra Choufani plaide que son procureur n’aurait pas présenté tous les arguments et preuves qu’il aurait dû soumettre au soutien de sa demande d’ERAR.

 

[31]           Cependant, madame Zahra Choufani ne précise aucunement dans son dossier quels sont ces éléments de preuves ou arguments qu’elle aurait voulu soumettre dans le cadre de sa demande d’ERAR et que son ancien procureur aurait fait défaut de soumettre, et en quoi ces faits et/ou arguments auraient fait en sorte que la décision de l’agent d’ERAR aurait été différente.

 

[32]           En l’espèce, madame Zahra Choufani n’a pas fait la preuve de ce qui a été soumis au soutien de sa demande d’ERAR. Dès lors, il est impossible d’évaluer le bien-fondé de ses allégations. Cependant, il est clair que l’agent d’ERAR était dûment saisi des allégations de risques invoquées par madame Zahra Choufani, tel qu’on peut le constater aux pages 2 et 3 des Notes au dossier de l’agent d’ERAR (Dossier de requête en sursis aux pp. 7-8).

 

[33]           Dans l’affaire Muotoh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1599, 2005 A.C.W.S. (3d) 314, l’avocat de monsieur Muotoh avait complètement omis de soumettre des observations au soutien de la demande d’ERAR. Le juge Pierre Blais a refusé d’intervenir en ces termes :

2.         L'erreur commise par l'avocat du demandeur qui a omis de présenter des observations portait-elle atteinte au droit de justice naturelle d'être entendu?

 

[16]      Le demandeur soutient qu'il a été porté atteinte à son droit de justice naturelle d'être entendu, audi alteram partem, parce que son avocat a commis l'erreur de ne pas fournir de nouveaux éléments de preuve ou de nouvelles observations pour la demande d'ERAR. En outre, il laisse entendre que pareille atteinte justifie l'intervention de la Cour.

 

[...]

 

[20]      Le défendeur soutient que le demandeur ne s'est pas acquitté de la charge d'établir qu'il y aurait un préjudice réel et qu'il n'y en aurait pas n'eût été les erreurs professionnelles de l'avocat. Il justifie cette assertion en faisant ressortir que l'affidavit de l'avocat du demandeur ne comporte aucune indication quant à la nature de ce qu'il entendait produire comme observations à une date ultérieure. En outre, le défendeur allègue que, même si ces renseignements avaient été fournis, il n'existait pas de probabilité raisonnable que cela aurait fait une différence quant au résultat de l'ERAR.

 

[21]      Le demandeur soutient dans son affidavit qu'il risquait être harcelé, insulté et attaqué, s'il retournait au Nigeria, en raison de son appartenance au Mouvement national de la jeunesse ijaw (dossier du tribunal, page 15, paragraphe 9). Le processus d'ERAR, tel qu'il a été mentionné précédemment, n'est pas un appel de la décision rendue par la Commission, mais il se veut plutôt une évaluation fondée sur de nouveaux faits ou éléments de preuve qui démontrent que la personne en question est maintenant exposée à un risque. La Commission n'était pas convaincue que le demandeur faisait partie du Mouvement national de la jeunesse ijaw. Il n'est mentionné nulle part dans les observations du demandeur rattachées à la présente demande de contrôle judiciaire qu'il avait une nouvelle preuve qui permettrait de prouver qu'il faisait réellement partie de cette organisation. En l'absence de pareille nouvelle preuve, je ne vois pas comment le demandeur pourrait démontrer qu'il serait exposé à un risque s'il retournait au Nigeria.

 

[22]      J'estime qu'il ne suffisait pas pour le demandeur de seulement dire qu'il avait été porté atteinte à son droit d'être entendu du simple fait que son avocat avait omis de présenter les observations appropriées. Il incombait au demandeur de prouver qu'une erreur s'était produite et qu'il était probable qu'il s'ensuive un préjudice important.

 

Le demandeur a réussi à faire ressortir l'incompétence de son ancien avocat, mais il n'a pas réussi à démontrer qu'il était probable que cette incompétence cause un préjudice important.

 

[23]      J'estime que la décision de l'agent n'a pas été prise d'une manière abusive ou arbitraire et sans égard aux documents dont il disposait. La décision d'ERAR de l'agent était raisonnable et ne violait pas les principes de justice naturelle et d'équité procédurale. (La Cour souligne).

 

[34]           Il appartenait à la demanderesse d’expliciter son argument, ce qu’elle n’a pas fait en l’espèce. Conséquemment, cet argument ne soulève pas de question sérieuse.

 

[35]           La demande de sursis est greffée à une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision d’ERAR négative. Madame Zahra Choufani doit donc démontrer l’existence d’une question sérieuse à être tranchée à l’égard de cette décision d’ERAR.

 

[36]           Or, madame Zahra Choufani plaide dans sa requête que son ancien procureur aurait fait défaut de déposer une demande d’asile, ce qui n’est nullement pertinent à la démonstration d’une question sérieuse à être tranchée relativement à la décision rendue par l’agent d’ERAR.

 

[37]           Conséquemment, madame Zahra Choufani n’a pas démontré l’existence d’une question sérieuse à être tranchée au moyen de cet argument.

 

[38]           Quant à des allégations d’incompétence d’un avocat, dans la décision Arora c. Solliciteur général, IMM-3629-04, la juge Johanne Gauthier s’est prononcée comme suit :

TRADUCTION NON-DISPONIBLE:

As indicated in Cirahan v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) 2003 FC 1230, this Court has made it clear that the ever increasing practice of attempting to blame immigration consultants or previous lawyers is not acceptable. I am not satisfied by the evidence presented that this is an exceptional case which raises a denial of natural justice. (La Cour souligne).

 

[39]           Dans l’affaire Dukuzumuremyi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 278, [2006] A.C.F. no 349 (QL), le juge Luc Martineau a rappelé que :

[8]        Ceci étant dit, le demandeur reproche à son ancienne représentante de n’avoir soumis au tribunal aucune preuve documentaire concernant :

 

a)   la situation politique, économique et sociale qui prévaut au Burundi;

 

b)   l’existence du moratoire que Citoyenneté et Immigration Canada a décrété à l’égard de l’exécution de mesures de renvoi vers le Burundi; et

 

c)   le syndrome de stress post-traumatique diagnostiqué chez le demandeur.

 

Somme toute, le demandeur fait aujourd’hui valoir que ces omissions, qui incidemment ont trait à l’application du sixième critère mentionné au paragraphe 6 des présents motifs, lui causent un préjudice sérieux et ont eu pour effet de le priver de son droit à une audition pleine et entière devant le tribunal. D’ailleurs, le 9 décembre 2005, quelques semaines après avoir obtenu l’autorisation de présenter la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur a déposé une plainte contre son ancienne représentante auprès du syndic du Barreau du Québec.

 

[9]        Je conclus que le demandeur ne s’est pas déchargé du lourd fardeau de démontrer à la satisfaction de la Cour tant l’incompétence de son ancienne représentante que le préjudice qu’il allègue avoir subi en l’espèce : voir R. c. G.D.B., [2000] 1 R.C.S. 520 aux para. 26-29, se référant à l’approche exposée dans l’arrêt Strickland c. Washington (1984), 466 U.S. 688; Sheikh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 C.F. 238 aux para. 14-15 (C.A.F.); Shirwa c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 2 C.F. 51 aux para. 8-11 (C.F. 1re inst); Drummond c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 33 Imm. L.R. (2d) 258 à la p. 259 (C.F. 1re inst); Robles c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 520 aux para. 31-39 (C.F. 1re inst.) (QL), 2003 CFPI 374; Jaouadi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 1714 au para. 30 (C.F. 1re inst) (QL), 2003 CF 1347; Hallat c. Canada, [2004] A.C.F. no 434 aux para. 20-22 (C.A.F.) (QL), 2004 CAF 104).

 

[10]      L’ancienne représentante du demandeur est membre en règle du Barreau du Québec. Bien qu’une plainte disciplinaire ait été portée contre elle, pour le moment, sa responsabilité professionnelle n’a pas été engagée. Il serait donc déplacé pour cette Cour de tirer quelque conclusion que ce soit au sujet de la présence ou de l’absence éventuelle d’une faute professionnelle commise dans le cadre de ce dossier. D’ailleurs, selon les preuves dont je dispose aujourd’hui, je ne peux conclure que l’ancienne représentante du demandeur a fait preuve d’un jugement déraisonnable en ne déposant pas devant le tribunal des éléments de preuve documentaire corroborant le fait que le demandeur souffre d’un syndrome de stress post-traumatique, que le Burundi est au prise avec une guerre civile avec comme arrière-plan les tensions ethniques entre Hutus et Tutsis, que des arrestations arbitraires et les mauvais traitements en détention sont fréquents et que le défendeur a suspendu les renvois vers le Burundi.

 

[...]

 

[19]      Or, les reproches adressés aujourd’hui par le demandeur à son ancienne représentante n’ont pas cette gravité objective et portent uniquement sur la suffisance des preuves ayant trait à l’importance des difficultés que pourraient connaître le demandeur s’il était retourné au Burundi. Dans la grande majorité des cas, on ne dissocie pas les faits et gestes de l’avocat de ceux du client. L’avocat est le mandataire de son client et, aussi sévère que cela puisse paraître, si le client a retenu les services d’un avocat médiocre (ce qui, au passage, n’a pas été prouvé ici par le demandeur), il doit en subir les conséquences. Cependant, dans des cas exceptionnels, l’incompétence de l’avocat peut soulever une question de justice naturelle. Il faut alors que l’incompétence et le préjudice allégués soient clairement prouvés. À ce chapitre, la sagesse rétrospective n’a pas sa place dans cette appréciation et il faut notamment démontrer à la Cour que les actes ou omissions reprochés à l’avocat ne découlent pas de l’exercice d’un jugement professionnel raisonnable. Ce n’est pas le cas ici. (La Cour souligne).

 

[40]           Dans l’affaire Delpeche c. M.S.P.P.C., IMM-1057-06, le demandeur alléguait les manquements de son ancien procureur dans le cadre d’une requête en sursis à l’exécution de sa mesure de renvoi. La juge Carolyn Layden-Stevenson s’exprime ainsi à cet égard :

TRADUCTION NON-DISPONIBLE :

In relation to the applicant’s reliance on an immigration consultant who failed him, he must live with the consequences until such time as they are remedied. As I advised counsel during the hearing, the jurisprudence of this Court requires, in the face of such allegations, that: (a) the individual in question be served with the documentation containing the allegations; or (b) the individual provide evidence himself or herself with respect to his or her failings, or (c) the applicant provide some evidence that a complaint has been made to the appropriate governing professional body.

 

[41]           Force est de constater que madame Zahra Choufani ne satisfait pas à ces trois critères et se contente de se plaindre a posteriori, suite au rejet de sa demande d’ERAR, des services rendus par son avocat précédent, devant cette Cour, et ce, sans que ce dernier en soit informé et puisse répondre à ces griefs.

 

[42]           Dans la décision Jaouadi, cette Cour a précisé « qu’il revient aux corporations professionnelles et non aux tribunaux d’intervenir dans les cas d’allégations d’incompétence ». (Jaouadi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1347, 257 F.T.R. 161 aux par. 29-30).

 

[43]           Conséquemment, madame Zahra Choufani, n’a pas démontré l’existence d’une question sérieuse à être tranchée au moyen de cet argument.

 

 

B.  Préjudice irréparable

[44]           Dans le contexte d’une requête en sursis, la notion de préjudice irréparable a été définie comme étant le renvoi du requérant vers un pays où il existe un danger pour sa vie et sa sécurité. Il ne peut donc s’agir de simples inconvénients personnels ou de la division d’une famille (Kerrutt c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 53 F.T.R. 93, 32 A.C.W.S. (3d) 621; Calderon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 92 F.T.R. 107, 54 A.C.W.S. (3d) 316).

 

[45]           Par ailleurs, la preuve du préjudice irréparable doit être claire et ne doit pas reposer sur des conjectures (Grant c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 141, [2002] A.C.F. no 191, au par. 9 (1ère inst.) (QL); également : Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 397, [2002] A.C.F. no 502, au par. 12 (1ère inst.) (QL)).

 

[46]           Dans la décision Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), le juge Martineau a précisé que le préjudice irréparable ne doit pas être spéculatif ni fondé sur des possibilités :

[7]        […] préjudice irréparable ne doit pas être une simple hypothèse ni être fondée sur une série de possibilités. La Cour doit être convaincue que ce préjudice surviendra si la réparation sollicitée n'est pas accordée : Atakora, précitée, au paragraphe 12; Syntex Inc. c. Novopharm Inc. (1991), 36 C.P.R. (3d) 129, à la page 135 (C.A.F.); Molnar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 559, 2001 CFPI 325, au paragraphe 15. (La Cour souligne).

 

(également: John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 A.C.F. no 915, para. 13 ; Kerrutt, ci-dessus; Calderon, ci-dessus; Blum c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1994), 90 F.T.R. 54, 52 A.C.W.S. (3d) 1099 (F.C.T.D.) ; Williams c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 74 F.T.R. 34, 46 A.C.W.S. (3d) 1116 (F.C.T.D.)).

 

[47]           Le préjudice allégué par madame Zahra Choufani est purement spéculatif et elle n’a soumis aucune preuve au soutien de ses allégations.

 

[48]           Madame Zahra Choufani a soumis un document émanant du site « forum.maroc-inge.coc » dans son dossier de requête aux pages 12 à 15 qui est un « forum de discussions » sur le Net où n’importe qui peut émettre des opinions personnelles. Force est de constater que madame Zahra Choufani n’a pas établi que ces opinions émanent d’experts en la matière ou que les sources sont crédibles et fiables. D’ailleurs, les auteurs ne sont pas identifiés. Madame Zahra Choufani ne saurait démontrer l’existence d’un préjudice irréparable au moyen de ce document.

 

[49]           Aux pages 16 à 37, madame Zahra Choufani soumet ce qui semble être un article de Hicham Raji. Or, aucune preuve ne vient établir l’identité de l’auteur de l’article ou la nature du site internet où l’article se trouve. De plus, l’article est incomplet et madame Zahra Choufani n’a pas fait le lien entre cet article et sa situation personnelle comme elle devait le faire. Madame Zahra Choufani n’a pas établi que cet article provient d’une source crédible et fiable et ne saurait démontrer l’existence d’un préjudice irréparable au moyen de cet article.

 

[50]           Les risques de retour ont été évalués par un agent d’ERAR dans le cadre d’une demande d’ERAR et ceci, à la lumière de la preuve, de la situation de madame Zahra Choufani et de la situation objective existant au Maroc actuellement.

 

[51]           Madame Zahra Choufani allègue dans sa requête le même préjudice que celui qui a été allégué au soutien de l’ERAR. Or, l’agent d’ERAR a déjà considéré ces risques et les a rejetés.

 

[52]           Madame Zahra Choufani ne présente aucun argument précis à l’encontre de la décision d’ERAR dans son dossier de requête qu’elle entend soumettre dans le cadre de sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire.

 

[53]           Dans la même veine, l’agent chargé d’évaluer la demande d’ERAR de madame Zahra Choufani a eu à se pencher sur les soumissions de cette dernière quant à ses risques de retour et, visiblement, n’a pas cru qu’elle courait des risques réels advenant son renvoi au Maroc.

 

[54]           L'agent chargé de l’ERAR a examiné la situation personnelle de madame Zahra Choufani avant de rendre la décision négative.

 

[55]           En définitive, bien que madame Zahra Choufani subira les inconvénients habituels associés à un renvoi, pour toutes les raisons qui précèdent, elle n’a clairement pas établi l’existence d’un préjudice irréparable, tel que défini par la jurisprudence. Sa demande de sursis doit donc être rejetée pour cette seule raison.

C.  Balance des Inconvénients

[56]           Le paragraphe 48(2) de la LIPR impose au Ministre l’obligation d’exécuter la mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent.

 

[57]           La Cour d’appel fédérale a développé la question de la balance des inconvénients en matière de sursis, et de l'intérêt public qui doit être pris en considération :

(iii) Équilibre des inconvénients

 

[21]      L'avocate des appelants dit que, puisque les appelants n'ont aucun casier judiciaire, qu'ils ne sont pas une menace pour la sécurité et qu'ils sont financièrement établis et socialement intégrés au Canada, l'équilibre des inconvénients milite en faveur du maintien du statu quo jusqu'à l'issue de leur appel.

 

[22]      Je ne partage pas ce point de vue. Ils ont reçu trois décisions administratives défavorables, qui ont toutes été confirmées par la Cour fédérale. Il y a bientôt quatre ans qu'ils sont arrivés ici. À mon avis, l'équilibre des inconvénients ne milite pas en faveur d'un nouveau report de l'accomplissement de leur obligation, en tant que personnes visées par une mesure de renvoi exécutoire, de quitter le Canada immédiatement, ni en faveur d'un nouveau report de l'accomplissement de l'obligation du ministre de les renvoyer dès que les circonstances le permettront : voir le paragraphe 48(2) de la LIPR. Il ne s'agit pas simplement d'une question de commodité administrative, il s'agit plutôt de l'intégrité et de l'équité du système canadien de contrôle de l'immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système. (La Cour souligne).

 

(Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261, 132 A.C.W.S. (3d) 547 (C.A.F.); également : Dasilao c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 1168, 133 A.C.W.S. (3d) 501 (C.F.); Membreno-Garcia c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 3 C.F. 306, 55 F.T.R. 104 (C.F.); Jean c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 63 A.C.W.S. (3d) 1130, 1996 A.C.F. no 473 (C.F.) (QL); Kerrutt, ci-dessus).

 

[58]           En l’espèce, la balance des inconvénients penche en faveur de l'intérêt public à ce que le processus d'immigration prévu par la LIPR suive son cours.

 

VI.  Conclusion

[59]           Pour l’ensemble de ces motifs, la requête demandant le sursis de l’exécution d’une mesure de renvoi est rejetée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la requête demandant le sursis de l’exécution d’une mesure de renvoi soit rejetée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2739-10

 

INTITULÉ :                                       FATIMA ZAHRA CHOUFANI c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE

                                                            DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA

                                                            PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 7 juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 7 juin 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Vanna Vong

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Lisa Maziade

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

VANNA VONG AVOCAT

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.