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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

Date : 20100603

Dossier : IMM-5608-09

Référence : 2010 CF 601

Montréal (Québec), le 3 juin 2010

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

BALWANT SINGH

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Aperçu

[1]               À moins d’une preuve contraire, il est raisonnable de conclure qu’un demandeur a une possibilité de refuge intérieur.

Un demandeur a une possibilité de refuge intérieur sauf s’il peut démontrer, selon la prépondérance des probabilités, un risque sérieux d’être persécuté en tout lieu de son pays d’origine. 

 

[2]               Dans la décision récente Jakhu c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2009 CF 159, [2009] A.C.F. no 203 (QL), le juge Yves de Montigny a écrit :

[26]      L’avocat du demandeur a aussi reproché à l’agent d’avoir erronément interprété les documents objectifs sur la situation du pays et conclu que la situation des sikhs en Inde s’était améliorée au cours des dix à quinze dernières années. Le demandeur, se fondant en grande partie sur des éléments de preuve périmés, allègue que la situation en Inde est plus sombre que le portrait qu’en a dressé l’agent. Une fois de plus, une lecture attentive de ces documents, en particulier le rapport du Département d’État des États‑Unis sur les pratiques en matière de droits de la personne et la Operational Guidance Note du ministère de l’Intérieur du Royaume‑Uni pour l’année 2007, m’a convaincu que l’analyse de la situation faite par l’agent est juste, équilibrée et qu’elle est le reflet de la situation actuelle des sikhs en Inde. Bien entendu, l’agent n’a pas méconnu les manquements aux droits de la personne en Inde; par exemple, il a noté qu’Amnistie Internationale a conclu qu’on signale régulièrement les cas de torture et de violence lors de détentions par la police. L’agent a aussi rapporté que certains groupes de défense des droits de la personne disent que la NHRC est handicapée par de nombreuses faiblesses organisationnelles et juridiques. Toutefois, l’agent a conclu que dans l’ensemble, les sikhs pouvaient trouver une protection en Inde, que les allégeances des membres ordinaires (contrairement aux militants de première ligne) du parti Akali Dal ne les exposaient généralement pas à un risque et que les sikhs pouvaient se réinstaller n’importe où en Inde. Bien que l’avocat du demandeur puisse ne pas être d’accord avec une telle conclusion, elle est étayée par la preuve qui a été présentée à l’agent et qu’il a sans doute examinée comme cela ressort clairement des nombreuses références qu’il y a faites. [Non souligné dans l’original.]

 

II. Procédure judiciaire

[3]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 30 septembre 2009, dans laquelle la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que le demandeur n'était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

 

III. Historique

[4]               Tel que l’a exposé la SPR, le demandeur, M. Balwant Singh, était âgé de 49 ans et gagnait sa vie comme fermier et camionneur. M. Balwant Singh a dit avoir été arrêté en 2004 lorsqu’il a reçu la visite d’un ami de son beau-frère, qui était associé aux militants. Il a été libéré deux jours plus tard. Le demandeur a également été arrêté en juillet 2006 parce qu’il a consulté un avocat afin d’obtenir la libération de son beau-frère, qui avait été arrêté pour la deuxième fois, en juin 2006. M. Balwant Singh a été libéré quelques jours plus tard, à la condition qu’il se présente au commissariat de police chaque mois. Cette mesure s’ajoute à la promesse de la famille de ne pas intenter d’action en justice pour obtenir la libération du beau-frère du demandeur.

 

[5]               La SPR a conclu que M. Balwant Singh n'était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger, et qu’il avait une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Delhi.

 

IV. Analyse

[6]               M. Balwant Singh n’était pas membre d’un mouvement militant, engagé politiquement ou soupçonné d’être un militant. La SPR a souligné que son opinion quant à la création du Khalistan était inconnue.

 

[7]               En 2004, M. Balwant Singh a été relâché sans conditions. Son arrestation en 2006 visait à faire pression sur lui pour qu’il abandonne l’action en justice visant la libération de son beau-frère.

 

[8]               M. Balwant Singh a abandonné ses recours judiciaires contre la police et, par conséquent, la SPR a conclu qu’il n’était d’aucun intérêt pour la police à l’extérieur du Panjab.

 

[9]               M. Balwant Singh a quitté l’Inde avec son propre passeport sans manifester de crainte évidente envers les autorités centrales de l’Inde, ce qui a étonné la SPR puisque le beau-frère de M. Balwant Singh avait été arrêté à l’aéroport puis livré aux autorités du Panjab.

 

[10]           La SPR a raisonnablement conclu que le fait que M. Balwant Singh s’était servi de son propre passeport pour quitter l’Inde montrait qu’il ne craignait pas les autorités centrales. (Choque c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration) (1997), 73 A.C.W.S. (3d) 308, [1997] A.C.F. no 1017 (QL); Ccanto c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’immigration) 1994, 73 F.T.R. 144, 46 A.C.W.S. (3d) 309; Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2009 CF 958, [2009] A.C.F. no 1169 (QL)).

 

[11]           La preuve documentaire montre que les Sikhs qui craignent la police locale et qui ne présentent aucun intérêt pour les autorités centrales peuvent s’installer dans d’autres régions de l’Inde.

 

[12]           La SPR a conclu que M. Balwant Singh pouvait déménager à Delhi, puisqu’il y avait vécu pendant dix mois avant son entrée au Canada.

 

[13]           Afin être considéré comme un réfugié au sens de la Convention, M. Balwant Singh devait démontrer qu’il n’avait pas de PRI (Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’immigration), [1993] A.C.F. no 1172 (QL), [1994] 1 CF 589 (C.A.F.)).

 

[14]           Pour réussir, M. Balwant Singh devrait démontrer l’existence d’une possibilité sérieuse d’être persécuté partout en Inde.

[5]        Dans l'arrêt Rasaratnam, précité, la Cour a aussi examiné et tranché la question du fardeau de la preuve concernant la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays. Elle a rejeté l'argument selon lequel il n'incombe pas au demandeur, une fois qu'il a prouvé qu'il craint avec raison d'être persécuté dans une partie d'un pays, de réfuter l'existence de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays. Le juge Mahoney a conclu qu'il incombait au demandeur, puisque la décision portant sur l'existence ou non d'une telle possibilité faisait partie intégrante de la décision portant sur son statut de réfugié au sens de la Convention, de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il risquait sérieusement d'être persécuté dans tout le pays, y compris la partie qui offrait prétendument une possibilité de refuge.

 

(Thirunavukkarasu, précité.)

 

[15]           Une PRI relève clairement de la compétence de la SPR. La Cour n’intervient pas sauf si un demandeur prouve que la conclusion de la SPR était déraisonnable (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2009 CF 158, [2009] A.C.F. no 202 (QL); Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2008 CF 494, 167 A.C.W.S. (3d) 372). Il incombait à M. Balwant Singh de démontrer qu’il serait exposé à un risque partout en Inde, ce qu’il n’a pas fait, puisqu’il a vécu à Delhi pendant dix mois avant d’entrer au Canada. De plus, il est admis que M. Singh a quitté l’Inde avec son propre passeport à partir d’un aéroport contrôlé par les autorités centrales.

 

[16]           La SPR a raisonnablement conclu que M. Balwant Singh avait une PRI à Delhi. La Cour fédérale a confirmé des décisions où il a été conclu que les Sikhs du Panjab ne seraient pas exposés à des risques en Inde à l’extérieur de cette région (Singh, 2009 CF 158, précitée; Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2009 CF 644, [2009] A.C.F. no 745 (QL).

 

[17]           Dans la décision récente Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2009 CF 1304, [2009] A.C.F. no 1679 (QL), aux paragraphes 19 à 22, le juge Richard Boivin est arrivé à une conclusion semblable à celle du juge de Montigny dans Jakhu, précitée.

 

VI. Conclusion

[18]           La Cour conclut que la SPR a tiré une conclusion raisonnable dans sa décision. La Cour fédérale a reconnu dans des décisions récentes, en se fondant sur des éléments de preuve objectifs, l’existence d’une PRI en Inde (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2010 CF 58, [2010] A.C.F. no 115 (QL), du juge Yvon Pinard; Singh, 2009 CF 158, précitée, du juge Michel Beaudry).

 

[19]           Pour tous les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


Cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5608-09

 

INTITULÉ :                                       BALWANT SINGH

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 1er juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Shore

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 3 juin 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Stewart Istvanffy

 

POUR LE DEMANDEUR

Sébastien Dasylva

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Étude légale Stewart Istvanffy

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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