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Cour fédérale

 

Federal Court

                                                                                                                                                           


Date : 20100601

Dossier : T-369-10

Référence : 2010 CF 594

Ottawa (Ontario), le 1er juin 2010

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

DANS L’AFFAIRE DE la Loi de l'impôt sur le revenu,

 

- et -

 

DANS L’AFFAIRE DES cotisations établies par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu;

 

CONTRE :

                                                GÉRARD ROSS

                                                47, rue de la Réserve

                                                Les Escoumins (Québec) G0T 1K0

 

                                                ET

                                               

CLAIRE ROSS

47, rue de la Réserve

                                                Les Escoumins (Québec) G0T 1K0

                                               

Débiteurs-intimés

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit ici d’une requête par Gérard Ross (le requérant) et Claire Ross (la requérante) en vertu du paragraphe 225.2(8) de la Loi de l’impôt sure le revenu, L.R.C. 1985 (5e supp.), c. 1 (la Loi), pour réviser l’ordonnance modifiée prononcée par la juge Mactavish le 15 mars 2010.  Les dispositions pertinentes de la Loi sont en annexe à la présente ordonnance.

 

[2]               Gérard Ross est un pêcheur de crabes aux Escoumins et est marié à Claire Ross. Ils sont des Indiens au sens de la Loi sur les Indiens et vivent sur la réserve d’Issipit.  

 

[3]               Depuis 2005, l’Agence du revenu du Canada (l’Agence) a émis huit avis de nouvelles cotisations au nom du requérant :

a.       le 18 avril 2005 pour les années d’imposition 2000 à 2003;

b.       le 1er septembre 2005 pour l’année d’imposition 2004;

c.        le 25 septembre 2006 pour l’année d’imposition 2005;

d.      le 13 novembre 2007 pour l’année d’imposition 2006;

e.       le 26 février 2010 pour les années d’imposition 2007 et 2008.

f.       en date du 10 mars 2010, la somme due était de 724 568,17 $. Les avis de nouvelles cotisations font l’objet d’avis d’opposition.

 

[4]               Le 11 mars 2010, l’Agence a émis un avis de cotisation au montant de 581 181,32 $ à l’égard de la requérante en vertu de sa responsabilité sous le paragraphe 160(1) de la Loi.

 

[5]               Il appert aussi que le requérant a aussi une dette fiscale envers le ministre du Revenu du Québec. Ceci fait l'objet présentement d'un litige devant la Cour du Québec.

 

[6]               Le 15 mars 2010, la juge Mactavish a rendu l’ordonnance visée par la présente demande de révision, autorisant l’Agence à prendre immédiatement toutes les mesures de recouvrement prévues aux alinéas 225.1(1)a) à g) de la Loi afin de percevoir ou de garantir le paiement des sommes dues par Gérard Ross suite aux avis de nouvelles cotisations. L’ordonnance autorise aussi l’Agence à prendre immédiatement toutes les mesures de recouvrement prévues aux alinéas 225.1(1)a) à g) de la Loi afin de percevoir ou de garantir le paiement des sommes dues par Claire Ross suite à l’avis de cotisation du 11 mars 2010 malgré que l’avis de cotisation ne lui ait pas encore été envoyé. La Cour a conclu sur la base de l’affidavit de Thérèse Gauthier (agente de l’Agence responsable du dossier Gérard et Claire Ross) qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’octroi aux requérants d’un délai pour payer les sommes en compromettrait le recouvrement en tout ou en partie. L’ordonnance a été rendue ex parte, conformément au paragraphe 225.2(2) de la Loi. 

 

[7]               Dans leurs prétentions écrites, les requérants soumettent que les motifs en vertu desquels l’ordonnance du 15 mars 2010 a été rendue, sont erronés et qu'il n'y a pas eu d'enquêtes sérieuses de la part de l’Agence. Les requérants fournissent leur propre analyse des motifs invoqués dans la requête ex parte et soutiennent que les énoncés dans l’affidavit de Thérèse Gauthier sont inexacts ou faux. Ils s’appuient sur les déclarations solennelles de Gérard Ross, Claire Ross et Dave Ross ainsi que des allégations d’interprétations erronées dans l'affidavit que Mme Gauthier.

 

[8]               La jurisprudence de cette Cour nous enseigne qu’une requête en vertu du paragraphe 225.2(8) est un recours exceptionnel et ne doit être accordée que s’il existe des motifs raisonnables de croire que l’octroi d’un délai pour payer la cotisation compromettrait le recouvrement du montant dû. Ainsi, « il ne s'agit pas de déterminer si le recouvrement lui-même est compromis, mais plutôt s'il est en fait compromis en raison du délai à la suite duquel il sera vraisemblablement effectué » (Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.) c. Services M.L. Marengère inc. (1999), 176 F.T.R. 1, [1999] A.C.F. no 1840 au paragraphe 63). La jurisprudence prévoit que l’Agence peut agir ainsi dans des cas de fraudes ou situations similaires et dans les cas où le contribuable risque de dilapider, liquider ou autrement transférer ses biens pour se soustraire au fisc (Services M.L. Marengère inc. au paragraphe 63). Cependant, l'intention d'induire en erreur ne fait pas partie du critère juridique. On n'a pas à faire la preuve de fraude ou de tromperie ou un mauvais motif, c’est le résultat ou l'effet des mesures prises à l'égard des actifs du contribuable qui est important (Services M.L. Marengère inc.  au paragraphe 72(4).

 

[9]               Après avoir analysé les documents soumis dans la présente cause, la Cour est d'avis qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’octroi aux requérants d’un délai pour payer la dette fiscale compromettrait le recouvrement de tout ou d’une partie de la somme due. La preuve produite par les requérants ne soulève pas de doutes que le critère prévu au paragraphe 225.2(2) de la Loi n’a pas été rencontré et la preuve supplémentaire déposée par l’Agence vient renforcer les motifs raisonnables de croire que le délai découlant du processus d’opposition compromettrait le recouvrement.

 

[10]           L’affidavit de Thérèse Gauthier, daté du 6 mai 2010, contient la démonstration que des actifs considérables, qui auraient autrement été saisissables, ont été convertis par les contribuables en actifs qu’ils considèrent insaisissables (affidavit de Mme Gauthier, 6 mai 2010, paragraphes 12 à 46).

 

[11]           Cette preuve s’ajoute à celle de son affidavit du 12 mars 2010 qui soutenait que les requérants avec leur avocat et fiscalistes ont examiné des démarches pour transférer l’entreprise de pêche (renfermant la majorité de leurs actifs) à leur fils tout en les protégeant des autorités fiscales ou d'une future faillite (pages 77 à 87, dossier de requête ex parte).

 

[12]            Dans son affidavit, le requérant affirme qu’il n’a aucune intention de vendre son entreprise à son fils avant que la décision de la Cour du Québec soit rendue et que si l’Agence avait pris la peine de vérifier, elle aurait constaté que le permis de pêche lié à l’entreprise n’a jamais fait l’objet d’une demande de transfert. Cette affirmation est contredite par la preuve présentée par l’Agence. Le requérant a fait une demande verbale de transfert de son permis de pêche à son fils vers la mi-février 2010 (pièce 14, page 141, dossier de réponse à la requête en révision annexée à l’affidavit daté du 6 mai 2010 de Thérèse Gauthier).

 

[13]           Compte tenu des circonstances, des dettes fiscales des requérants, du plan d'action élaboré et des démarches entreprises par le requérant pour transférer son entreprise à son fils, la Cour ne peut que conclure que l’Agence a démontré qu'elle avait des motifs raisonnables de croire que l'octroi d’un délai aux requérants compromettrait le recouvrement des sommes dues.    

[14]           Enfin, les éléments de preuve présentées ne permettent pas à la Cour de déclarer telle que le voudrait les requérants que l'Agence a agi de mauvaise foi ou a voulu induire en erreur la juge qui a rendu l'ordonnance modifiée du 15 mars 2010.

 

[15]           Quant aux frais, à la suggestion de la Cour, les parties ont eu l'occasion de se prononcer sur l'octroi d'un montant à titre de somme globale.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête soit rejetée. L’ordonnance de recouvrement compromis rendue le 15 mars 2010 est confirmée. Les requérants devront payer des frais sous forme d’une somme globale à l'Agence au montant de 5 000 $ incluant les déboursés.

 

« Michel Beaudry »

Juge


ANNEXE

 

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e supp.), c. 1.

 

225.1 (1) If a taxpayer is liable for the payment of an amount assessed under this Act, other than an amount assessed under subsection 152(4.2), 169(3) or 220(3.1), the Minister shall not, until after the collection-commencement day in respect of the amount, do any of the following for the purpose of collecting the amount:

 

225.1 (1) Si un contribuable est redevable du montant d’une cotisation établie en vertu des dispositions de la présente loi, exception faite des paragraphes 152(4.2), 169(3) et 220(3.1), le ministre, pour recouvrer le montant impayé, ne peut, avant le lendemain du jour du début du recouvrement du montant, prendre les mesures suivantes :

 

(a) commence legal proceedings in a court,

(b) certify the amount under section 223,

 

(c) require a person to make a payment under subsection 224(1),

(d) require an institution or a person to make a payment under subsection 224(1.1),

 

(e) [Repealed, 2006, c. 4, s. 166]

(f) require a person to turn over moneys under subsection 224.3(1), or

(g) give a notice, issue a certificate or make a direction under subsection 225(1).

 

a) entamer une poursuite devant un tribunal;

b) attester le montant, conformément à l’article 223;

c) obliger une personne à faire un paiement, conformément au paragraphe 224(1);

d) obliger une institution ou une personne visée au paragraphe 224(1.1) à faire un paiement, conformément à ce paragraphe;

e) [Abrogé, 2006, ch. 4, art. 166]

f) obliger une personne à remettre des fonds, conformément au paragraphe 224.3(1);

g) donner un avis, délivrer un certificat ou donner un ordre, conformément au paragraphe 225(1).

 

225.2 (1) In this section, “judge” means a judge or a local judge of a superior court of a province or a judge of the Federal Court.

 

225.2 (1) Au présent article, « juge » s’entend d’un juge ou d’un juge local d’une cour supérieure d’une province ou d’un juge de la Cour fédérale.

 

(2) Notwithstanding section 225.1, where, on ex parte application by the Minister, a judge is satisfied that there are reasonable grounds to believe that the collection of all or any part of an amount assessed in respect of a taxpayer would be jeopardized by a delay in the collection of that amount, the judge shall, on such terms as the judge considers reasonable in the circumstances, authorize the Minister to take forthwith any of the actions described in paragraphs 225.1(1)(a) to 225.1(1)(g) with respect to the amount.

(2) Malgré l’article 225.1, sur requête ex parte du ministre, le juge saisi autorise le ministre à prendre immédiatement des mesures visées aux alinéas 225.1(1)a) à g) à l’égard du montant d’une cotisation établie relativement à un contribuable, aux conditions qu’il estime raisonnables dans les circonstances, s’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’octroi à ce contribuable d’un délai pour payer le montant compromettrait le recouvrement de tout ou partie de ce montant.

 

(3) An authorization under subsection 225.2(2) in respect of an amount assessed in respect of a taxpayer may be granted by a judge notwithstanding that a notice of assessment in respect of that amount has not been sent to the taxpayer at or before the time the application is made where the judge is satisfied that the receipt of the notice of assessment by the taxpayer would likely further jeopardize the collection of the amount, and for the purposes of sections 222, 223, 224, 224.1, 224.3 and 225, the amount in respect of which an authorization is so granted shall be deemed to be an amount payable under this Act.

(…)

 

(3) Le juge saisi peut accorder l’autorisation visée au paragraphe (2), même si un avis de cotisation pour le montant de la cotisation établie à l’égard du contribuable n’a pas été envoyé à ce dernier au plus tard à la date de la présentation de la requête, s’il est convaincu que la réception de cet avis par ce dernier compromettrait davantage, selon toute vraisemblance, le recouvrement du montant. Pour l’application des articles 222, 223, 224, 224.1, 224.3 et 225, le montant visé par l’autorisation est réputé être un montant payable en vertu de la présente loi.

 

(…)

 

(8) Where a judge of a court has granted an authorization under this section in respect of a taxpayer, the taxpayer may, on 6 clear days notice to the Deputy Attorney General of Canada, apply to a judge of the court to review the authorization.

(…)

 

(8) Dans le cas où le juge saisi accorde l’autorisation visée au présent article à l’égard d’un contribuable, celui-ci peut, après avis de six jours francs au sous-procureur général du Canada, demander à un juge de la cour de réviser l’autorisation.

(…)

 

(11) On an application under subsection 225.2(8), the judge shall determine the question summarily and may confirm, set aside or vary the authorization and make such other order as the judge considers appropriate.

(11) Dans le cas d’une requête visée au paragraphe (8), le juge statue sur la question de façon sommaire et peut confirmer, annuler ou modifier l’autorisation et rendre toute autre ordonnance qu’il juge indiquée.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-369-10

 

INTITULÉ :                                      Loi de l'impôt sur le revenu

                                                            contre Gérard Ross et Claire Ross

                                               

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             le 13 mai 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                     le 1er juin 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Martin Lamoureux

Isabelle Matthieu-Millaire

 

POUR LA CRÉANCIÈRE-SAISISSANTE

 

Daniel Des Aulniers

Sophie Gingras

POUR LES DÉBITEURS-INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA CRÉANCIÈRE-SAISISSANTE

 

LAVERY, De BILLY

Québec (Québec)

 

POUR LES DÉBITEURS-INTIMÉS

 

 

 

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