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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20100601

Dossier : IMM-4986-09

Référence : 2010 CF 568

Ottawa (Ontario), ce 1er jour de juin 2010

En présence de l’honorable juge Pinard

ENTRE :

Israel Ulises ISLAS CEREZO

 

Partie demanderesse

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un membre de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi) par Israel Ulises Islas Cerezo (le demandeur). Le tribunal a conclu qu’il n’était ni une réfugié ni une personne à protéger et a donc rejeté sa demande d’asile.

 

* * * * * * * *

[2]          Le demandeur est un citoyen du Mexique.

 

[3]          Il prétend être persécuté par son ex-épouse et la mère de celle-ci. Il aurait entendu, le 11 décembre 2006, une conversation téléphonique entre ces dernières, dont il ressortait qu’elles auraient été impliquées dans le trafic d’enfants. Après qu’il eut entendu cet échange, il aurait été séquestré et battu par des agents de la police fédérale, qu’il dit être à la solde de son épouse.

 

[4]          Il aurait alors porté une première plainte au ministère public; puis une seconde, le 30 janvier 2007, adressée au ministère public et au Bureau de la sécurité publique.

 

[5]          Le 31 janvier 2007, le demandeur aurait retenu les services d’une avocate. N’ayant pas été en mesure d’obtenir une copie des plaintes qu’il a déposées auprès du ministère public, il lui aurait demandé de le faire. Cependant, il aurait, par la suite, été incapable de la contacter avant juin 2008, et elle aurait été incapable d’obtenir une copie de ses plaintes.

 

[6]          Suivant le conseil d’une amie, il a décidé de fuir le Mexique et s’est rendu au Canada le 11 juin 2007. Il a demandé l’asile une semaine plus tard.

 

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[7]          Le tribunal n’a pas trouvé le demandeur crédible. Subsidiairement, il a conclu que le demandeur n’a pas démontré que le Mexique était incapable de le protéger et qu’il y avait des possibilités de refuge interne.

[8]          Le tribunal a expliqué sa conclusion quant au manque de crédibilité du demandeur par le défaut de celui-ci de présenter des éléments de preuve corroborant son récit, et notamment une copie des plaintes qu’il dit avoir portées au ministère public. Il a noté qu’au début de l’audience, le demandeur a mis en preuve un article de journal parlant de son ex-épouse, et qu’il a dit avoir fait beaucoup d’efforts pour l’obtenir. Selon le tribunal, le demandeur aurait dû faire preuve d’autant de diligence pour obtenir une copie des plaintes qu’il aurait portées. Or, il ne l’aurait pas fait.

 

[9]          Le tribunal n’a pas cru que le demandeur était dans l’impossibilité de contacter son avocate pendant un an et demi. De plus, il est possible d’obtenir assez rapidement une copie de toute plainte déposée auprès de la police mexicaine par l’entremise de l’ambassade de ce pays. Le tribunal a noté que le demandeur n’avait pas, non plus, contacté l’organisme où travaille son ex-épouse pour obtenir une confirmation du fait qu’il y avait porté plainte.

 

[10]      Par ailleurs, le tribunal a noté que le demandeur s’est contredit lorsque interrogé au sujet de la date de sa seconde plainte au ministère public. Il a également omis de mentionner avoir contacté son avocate en juin 2008 dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP).

 

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[11]      La seule question qui se pose en l’espèce est de savoir si le tribunal a rendu sa décision sans égard aux faits du dossier, tant ceux soulevés par le demandeur que ceux qui ressortent de la preuve documentaire concernant le Mexique.

[12]      Comme l’expliquait le juge Binnie, au nom de la majorité des juges de la Cour suprême, dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339 au paragraphe 46, « le législateur voulait qu’une conclusion de fait tirée par un organisme administratif appelle un degré élevé de déférence ». La Cour n’interviendra que si une telle conclusion est déraisonnable, en ce sens qu’elle a été « tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments » du dossier (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F7).

 

[13]      À mon avis, le tribunal n’a pas tiré ses conclusions sans égard à la preuve devant lui. Même s’il a commis quelques erreurs (concernant l’épellation de certains noms), celles-ci ne sont guère significatives et ne justifient pas l’intervention de la Cour.

 

[14]      Le tribunal pouvait conclure à la non-crédibilité du demandeur à cause du manque de preuve corroborant son récit et des contradictions et omissions dont celui-ci était entaché. En particulier, le tribunal a soulevé le défaut du demandeur de mentionner son incapacité de contacter son avocate, que ce soit dans son FRP ou au début de l’audience, lorsque son avocat lui a demandé si l’information contenue dans celui-ci était complète et à jour. Le demandeur soutient que le tribunal a, ainsi, mal interprété le rôle du FRP, mais je ne suis pas de cet avis. En premier lieu, le demandeur a témoigné avoir tenté, mais sans succès, de contacter son avocate avant de quitter le Mexique, alors qu’il ne fait pas mention de ces tentatives dans son FRP. Et, en second lieu, le demandeur a effectivement omis d’apporter des précisions concernant ses démarches subséquentes à son arrivée au Canada au début de l’audience, alors qu’il a, à la même occasion, mis en preuve des documents supplémentaires pour étayer son récit. Comme le fait remarquer le tribunal, les rapports de police sont des documents importants et le FRP demande expressément que les demandeurs d’asile les joignent à leur demande. Le tribunal pouvait donc tenir compte du défaut du demandeur de faire état de ses démarches. Par ailleurs, il n’était pas déraisonnable pour le tribunal de douter de l’incapacité du demandeur de contacter son avocate pendant un an et demi (dont un an après son arrivée au Canada). Le tribunal a aussi noté le témoignage contradictoire du demandeur au sujet de la date de sa seconde plainte à la police.

 

[15]      Dans ces circonstances, le tribunal était fondé de soulever l’absence de toute preuve documentaire au soutien des allégations du demandeur (voir, entre autres, Mejia c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 1091, et Azali c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 517, aux paragraphes 15 et 16) ainsi que l’insuffisance des efforts que celui-ci a déployés pour l’obtenir. En effet, l’article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228, dispose que « [l]e demandeur d’asile transmet à la Section des documents acceptables pour établir son identité et les autres éléments de sa demande. S’il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour s’en procurer. »

 

[16]      Par ailleurs, je ne considère pas déraisonnables les conclusions du tribunal concernant les efforts du demandeur pour obtenir une copie de ses plaintes. Le tribunal n’a pas « ignoré » les tentatives que celui-ci a faites pour contacter son avocate : il n’a tout simplement pas cru que si le demandeur avait véritablement essayé de le faire, il n’y serait pas arrivé avant qu’un an et demi ne s’écoule. Considérant que pendant une bonne partie de cette période le demandeur était au Canada, où il avait accès à tous les moyens de communication, et que son avocate, de toute évidence, continuait à exercer sa profession, puisqu’il a fini par la rejoindre, je ne crois pas cette conclusion déraisonnable. Quant à la possibilité d’obtenir une copie d’une plainte déposée auprès de la police par l’entremise des représentations diplomatiques mexicaines au Canada, il n’était ni « illogique » ni « dérisoire » de s’attendre à ce que le demandeur s’en prévale. Même en supposant que le demandeur était bel et bien poursuivi par certains policiers corrompus, il ne prétend pas que les diplomates mexicains en poste au Canada soient complices de sa persécution. Rien ne laisse croire qu’ils auraient refusé de lui venir en aide.

 

[17]      Ainsi, le tribunal pouvait raisonnablement conclure à la non-crédibilité du demandeur. L’intervention de cette Cour ne serait donc pas justifiée. Dans les circonstances, il n’est pas nécessaire de considérer les conclusions du tribunal concernant la capacité de l’État mexicain de protéger le demandeur et la possibilité de refuge interne.

 

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[18]      Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue par un membre de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié le 5 octobre 2009 est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4986-09

 

INTITULÉ :                                       Israel Ulises ISLAS CEREZO c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 21 avril 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 1er juin 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Manuel Centurion                          POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Me Alain Langlois                                POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Manuel Antonio Centurion                                            POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                                            POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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