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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20100528

Dossier : T-2231-05

Référence : 2010 CF 586

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 mai 2010

En présence de monsieur le juge O'Keefe

 

 

ENTRE :

MANFRED SCHAMBORZKI

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

REPRÉSENTÉ PAR

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision d’un arbitre désigné par le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dans l’exercice de ses pouvoirs en vertu de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10, telle que modifiée (la Loi sur la GRC) et des Consignes du commissaire (règlement des différends en matière de promotions et d'exigences de postes), DORS/2000-141 (Consignes relatives aux promotions).

 

[2]               La décision de l’arbitre Guertin résultait d’une première demande d’intervention (DI) présentée par le demandeur en vertu des Consignes relatives aux promotions. Il est allégué dans cette DI initiale, datée du 18 juin 2003, qu’une erreur avait été commise dans le processus d’embauche visant une possibilité de promotion et, qu’en raison de cette erreur, le comité de sélection institué pour évaluer les candidats à la promotion n’avait pas retenu le demandeur. Une décision favorable a été rendue en faveur du demandeur dans le cadre de cette première DI, mais l’exécution de cette décision n’a pas satisfait le demandeur et il a présenté une deuxième DI. Dans sa décision datée du 24 novembre 2005, l’arbitre Guertin a conclu qu’il n’avait pas compétence pour entendre la DI.

 

[3]               Le demandeur a introduit la présente demande de contrôle judiciaire en 2005, mais l’affaire a été suspendue jusqu’à ce qu’il ait épuisé tous les recours disponibles en vertu de la Loi sur la GRC. Le demandeur a déposé un grief et, en février 2006, un arbitre l’a rejeté. Son appel ultérieur à un arbitre de niveau II a également été rejeté.

 

[4]               Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision de l’arbitre Guertin et renvoyant l’affaire avec pour directive d’examiner et de trancher la DI présentée par le demandeur le 3 août 2004 et toutes les questions concernant cette DI, y compris les questions préliminaires et incidentes. Le demandeur prie également la Cour de lui accorder les dépens dans la présente affaire.

 

Contexte

 

[5]               Depuis 1977, le demandeur a mené une longue carrière au sein de la GRC. Durant cette période, il a travaillé à différents endroits en Saskatchewan, dont sept ans à la section des délits commerciaux de Régina (CCS).

 

[6]               En février 2003, le demandeur a demandé d’être promu à l’un de deux postes au sein de la CCS de Régina. Selon le processus alors suivi, une liste de candidats a été établie, et six personnes ont ensuite été présélectionnées. Puis, le 22 mai 2003, deux candidats ont été choisis. Le demandeur n’avait pas été présélectionné.

 

[7]               Le demandeur a présenté une DI (DI no 1) alléguant qu’une erreur avait été commise dans le processus en ce que les exigences en matière d’expérience pour les postes figurant au code de fonction 612 de la CCS avaient été mal interprétées et mal appliquées. La position du défendeur a été présentée par le sergent Whattam qui, au  moyen d’un document, a soumis un raisonnement justifiant le choix des deux candidats reçus.

 

[8]               Le 29 mars 2004, l’arbitre McCloskey a rendu sa décision en faveur du demandeur au motif que le défendeur avait incorrectement appliqué l’exigence en matière d’expérience dans les enquêtes portant sur des infractions criminelles graves. Il n’a pas précisé le sens du mot grave, mais il a déclaré ce qui suit :

 

 

[traduction]

Dans une demande de suivi transmise de ma part au défendeur, j’ai précisément demandé s’il avait exigé des candidats [pour le poste] de la documentation décrivant les enquêtes importantes qu’ils avaient menées et le défendeur m’a fait savoir qu’il ne l’avait pas fait.

Bien que je crois fermement qu’il soit nécessaire de définir de façon appropriée le mot grave une fois pour toutes, si le défendeur avait obtenu des renseignements complémentaires pour l’aider à faire sa sélection finale, il m’aurait été plus difficile de trancher en faveur du plaignant.

 

 

 

[9]               Sous la rubrique Recommandations, l’arbitre McCloskey a recommandé qu’un nouveau comité de sélection compare le rapport de rendement en vue d’une promotion (RRP) du demandeur aux RRP des deux candidats reçus et que, dans la mesure où celui du demandeur était supérieur à celui de l’un ou l’autre des deux candidats reçus, le demandeur avait droit à la réparation.

 

[10]           Le 29 juillet 2004, un nouveau comité de sélection s’est réuni et a comparé les RRP pour conclure que celui du demandeur n’était pas aussi étoffé que celui des deux candidats reçus. En réponse, le 3 août 2004, le demandeur a présenté une autre DI (DI no 2) alléguant que le dossier académique et l’expérience d’un des candidats reçus ne suffisaient pas à justifier l’examen de sa candidature compte tenu de la décision de l’arbitre McCloskey. Le demandeur soutenait que le candidat n’était pas qualifié pour le poste et que sa candidature n’aurait pas dû être retenue.

 

[11]           Le sergent Whattam, pour le défendeur, a déclaré qu’il avait été donné suite de façon diligente à la recommandation de l’arbitre McCloskey. Il a de plus déclaré que la DI no 2 découlait directement de la DI no 1, à l’égard de laquelle un arbitre avait déjà tranché en faveur du demandeur. Comme la décision d’un arbitre qui tranche une DI n’est pas susceptible de révision, le sergent était d’avis que le demandeur n’avait pas la qualité pour agir. 

 

[12]            Le 4  janvier 2005, l’arbitre Guertin a requis des renseignements additionnels du demandeur, plus particulièrement qu’il lui fournisse des précisions quant à la date à laquelle il avait pris connaissance de la décision visée par la DI no 2. Le demandeur a répondu que la date pertinente était le 30 juillet 2004, soit le jour où il a été avisé qu’il n’avait pas été classé à un rang supérieur à celui des deux candidats reçus par le comité de sélection nouvellement constitué.

 

[13]           Dans sa décision datée du 11 novembre 2005, l’arbitre Guertin a rejeté la DI no 2 et a exposé le raisonnement suivant :

[traduction]

La DI  initiale présentée au surintendant McCloskey traitait de la même promotion à l’égard de laquelle la présente demande d’intervention additionnelle est présentée. La décision du surintendant McCloskey a été rendue en faveur du demandeur. Je n’ai pas le pouvoir de poursuivre l’examen de la présente affaire. À cet égard, le paragraphe II.30.25 du MA prévoit que « la décision de l’arbitre qui dispose d’une demande d’intervention n’est pas susceptible d’appel ou de révision ultérieure ».

 

Un certain nombre de recommandations, non des ordonnances, ont été formulées par le surintendant McCloskey pour tenter de redresser cette situation. Ces consignes n’ont jamais visé à servir de processus aux membres de la Gendarmerie pour contester, redresser ou recommandation [sic] des mesures prises à l’égard de certaines situations. Les conditions d’application du paragraphe II.30.9 de l’AM n’ont donc jamais été remplies dans la présente demande d’intervention.

 

 

[14]           L’arbitre Guertin a également tranché que la DI n2 devait être rejetée parce qu’elle avait été présentée hors délai.

 

[15]           Moins de 30 jours après réception de la décision susmentionnée, soit le 19 décembre 2005, le demandeur a déposé la présente demande de contrôle judiciaire. Puis, après avoir reçu les conseils d’un analyste des griefs, le demandeur a présenté un grief en vertu de la Partie III de la Loi sur la GRC et a obtenu une ordonnance de notre Cour suspendant les présentes procédures jusqu’à ce que le demandeur ait épuisé tous les recours dont il peut bénéficier en vertu de la Loi sur la GRC.

 

[16]           Le 17 février 2006, l’arbitre Scott a rejeté le grief du demandeur parce qu’il n’avait pas été déposé en temps utile. Il a aussi conclu que le défendeur avait appliqué la recommandation de l’arbitre McCloskey. En ce qui concerne la question du respect du délai, il a semblé important pour l’arbitre Scott que le demandeur ait été informé le 1er juin 2004 que le nouveau comité comparerait son  RRP à ceux des deux candidats reçus et, bien que le demandeur n’était pas favorable à cette méthode, il a choisi de tenter sa chance en s’en remettant au nouveau comité de sélection. 

 

[17]           Le demandeur a interjeté appel au second niveau d’arbitrage. L’affaire a été tranchée par l’arbitre Tranquilla qui a estimé que la question en litige consistait en un grief portant sur l’omission du sergent d’appliquer le redressement accordé en vertu de la DI no 1. L’arbitre Tranquilla a infirmé la décision de l’arbitre Scott fondée sur la question du respect des délais et a plutôt conclu à l’échec du grief en se fondant sur la question de la qualité pour agir. Dans ses conclusions, l’arbitre Tranquilla a jugé que le demandeur tentait de contester les décisions déjà rendues dans les DI no 1 et no 2, et que les DI  ne peuvent être contestées que devant la Cour fédérale.

 

Questions en litige

 

[18]           Les questions en litige sont les suivantes :

            1.         La présente demande de contrôle judiciaire est-elle théorique?

            2.         Si la demande de contrôle judiciaire n’est pas théorique, est-elle néanmoins exclue par l’application de la doctrine de la préclusion?

            3.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

4.         La décision de l’arbitre Guertin était- elle illégale?

 

Les observations écrites du demandeur

 

[19]           Le demandeur déclare que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte étant donné que l’affaire concerne directement la compétence de l’arbitre à l’égard du litige. La DI no 2 commandait à l’arbitre Guertin d’examiner la question de savoir si le candidat retenu avait réussi à se qualifier dans le cadre du processus de sélection, or il n’a pas abordé le fond du litige, invoquant l’absence de compétence. Il était apparemment mû par le désir d’éviter d’aller à l’encontre de la décision de l’arbitre McCloskey.

 

[20]           En vertu de l’article 8  des Consignes relatives aux promotions, un membre a le droit de présenter une DI en relation avec une décision, un acte ou une omission lié à  un processus de sélection. Dans la DI no 2, il est allégué qu’il n’aurait pas dû  être possible pour l’un des candidats de se qualifier; l’objet de la DI no 2 visait donc un processus de sélection. La décision de l’arbitre Guertin de refuser d’exercer sa compétence était incorrecte.

 

[21]           En vertu de l’alinéa 22(1)b) des Consignes relatives aux promotions, l’arbitre McCloskey était tenu de statuer sur la prise des mesures qu’il a ordonnée. En conséquence, l’arbitre Guertin a mal interprété la décision de l’arbitre McCloskey lorsqu’il a conclu que ces mesures étaient des recommandations et non des ordonnances. Comme l’article 23 empêchait l’arbitre McCloskey d’ordonner une réparation substantielle, il a ordonné la mise en place d’un processus spécial. Si la décision de l’arbitre Guertin dans le cadre de la DI no 2 était la bonne, cela signifierait que les mesures correctives visées  par une ordonnance ne feraient pas partie du processus de sélection. Cette conclusion serait contraire à l’objectif de la disposition limitative de l’article 23, laquelle vise à réserver au comité de sélection le pouvoir final d’accorder des promotions. De plus, selon le demandeur, cela ne laisserait aucun recours aux membres lésés chaque fois que la direction a mal appliqué les mesures correctives ordonnées par un arbitre.

 

[22]           Le demandeur a également fait valoir que de façon à ce que l’arbitre Guertin puisse examiner la DI n 2 sur le fond, ce dernier aurait eu à se demander si les deux candidats reçus rencontraient les exigences.

 

[23]           Enfin, le demandeur déclare que l’arbitre Guertin a mal interprété la clause privative prévue à l’article 25 visant à soustraire la décision de l’arbitre McCloskey à tout examen ultérieur.  

 

[24]           En ce qui concerne la question de la présentation en temps opportun, le demandeur fait valoir que le motif sur lequel se fonde l’arbitre Guertin pour conclure que le demandeur était hors délai n’est pas clair. Il y a deux fondements possibles. Le premier est qu’il considérait la DI n2 comme une tentative de sollicitation d’une intervention additionnelle faite par le demandeur à l’égard de la DI no1 et qu’elle était donc hors délai. Cela ne tient pas. Pour les motifs exposés ci-dessus, la DI no 2 était manifestement une nouvelle DI. La deuxième explication possible est que l’arbitre Guertin a jugé que le demandeur connaissait la décision, l’acte ou l’omission avant que le comité de sélection ne rende sa décision du 30 juillet. Ce raisonnement ne saurait s’appliquer non plus. Bien que le demandeur ait été informé du processus qui serait utilisé par le nouveau comité de sélection, il ne savait pas avec certitude si le sergent avait omis de donner suite à la recommandation de l’arbitre en ce qui concerne le caractère grave [des enquêtes menées]. De plus, il restait à trancher si une erreur finale serait commise.

 

Les observations écrites du défendeur

 

[25]           Le défendeur soutient que la norme de contrôle qui s’applique est celle de la décision raisonnable. Pour reprendre le langage utilisé dans l’arrêt Dunsmuir c. New Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, [2008] A.C.S. no 9 (QL), la question en l’espèce n’est pas « une question touchant véritablement à la compétence ». L’arbitre Guertin ne refusait pas d’exercer les pouvoirs qui lui ont été conférés par la Loi sur la GRC et les Consignes relatives aux promotions, mais il exerçait plutôt ceux que sa loi habilitante lui conférait de ne pas se saisir d’une affaire lorsque les circonstances le justifient. L’interprétation et l’application de la clause privative à l’article 21 et du délai de prescription à l’article 8 ne sont pas des questions touchant à la compétence, mais des décisions découlant du pouvoir discrétionnaire d’un arbitre. L’interprétation des dispositions d’une loi habilitante et les questions doivent être révisées selon la norme de la décision raisonnable. De plus, la jurisprudence de notre Cour indique que les décisions rendues par un arbitre en vertu des Consignes relatives aux promotions doivent faire l’objet d’une grande déférence. 

 

[26]           Quinze jours avant d’introduire la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur a formulé un grief en vertu de la Loi sur la GRC portant essentiellement sur la même question que celle dont la Cour est saisie, savoir, l’omission par le sergent Whattam de mettre en œuvre  les mesures de redressement visées par l’ordonnance de l’arbitre McCloskey. Le demandeur voudrait faire annuler la décision de l’arbitre Guertin et faire trancher la question à nouveau dans le cadre d’une nouvelle adjudication, mais en réalité cet objectif a déjà été atteint en vertu des décisions arbitrales de niveau I et de niveau II. En conséquence, une décision de notre Cour n’aurait pas pour effet de résoudre une controverse entourant les droits des parties. Selon le défendeur, l’affaire est donc théorique et ne devrait pas être entendue. De plus, une décision de notre Cour n’aurait aucun effet pratique sur les droits des parties.

 

[27]           Le défendeur déclare qu’en raison des décisions arbitrales de niveau I et de niveau II, le demandeur est empêché de poursuivre l’affaire. Tous les éléments de la préclusion sont réunis : il s’agit en l’instance de la même question que celle tranchée au premier et deuxième niveau de la procédure applicable aux griefs. Ces décisions étaient finales et exécutoires, et ces procédures ainsi que la présente affaire impliquent les mêmes parties.

 

[28]           Le principal argument soulevé par le défendeur sur le fond de la demande est que l’arbitre Guertin avait eu raison de conclure que la question dont il était saisi avait déjà tranchée par l’arbitre McCloskey. C’est à bon droit que l’arbitre Guertin a donc appliqué l’article 25 des Consignes relatives aux promotions et refusé d’entendre la DI. L’objet visé par la DI no 1 était de tenter de contester un processus de promotions et il y était allégué que le comité de sélection n’avait pas compris ou avait mal appliqué les critères de sélection. La décision de l’arbitre McCloskey a tranché en faveur du demandeur et a ordonné la prise de mesures correctives. L’arbitre a plus particulièrement ordonné au nouveau comité de sélection de comparer le RRP du demandeur à ceux des deux candidats reçus. Ce qui a été fait. L’arbitre Guertin a réalisé qu’il était encore une fois essentiellement allégué dans la DI no 2 que le comité de sélection n’avait pas compris ou mal appliqué les critères de sélection et qu’en fait il ne s’y trouvait aucune contestation de la façon dont les mesures correctives découlant de la DI no I avaient été appliquées. Aux termes de la DI no 2, il était demandé à l’arbitre Guertin de s’enquérir si les mesures correctives ordonnées par l’arbitre McCloskey avaient été appliquées. Un tel examen n’exigerait pas que l’arbitre Guertin se demande en premier lieu si les candidats répondaient aux exigences. Si l’arbitre McCloskey avait voulu que le nouveau comité de sélection détermine si les candidats répondaient aux exigences, il aurait recommandé la prise de mesures en ce sens.  

 

[29]           Enfin, le fondement sur lequel s’appuie la décision de l’arbitre Guertin pour trancher que la DI no 2 avait été présentée hors délai était clair. Il a demandé au demandeur de préciser la date à laquelle il avait pris connaissance pour la première fois de la décision, de l’acte ou de l’omission lié à la demande. Il a également demandé la documentation concernant la DI no 1. Il est donc clair que l’arbitre Guertin estimait que la DI no 2 avait été présentée hors délai parce que le demandeur tentait ainsi d’assujettir une nouvelle fois le processus initial de promotion à un examen et qu’il se trouvait bien au-delà de la limite de 30 jours. Cette conclusion allait de pair avec sa conclusion selon laquelle il devait refuser d’entendre l’affaire en vertu de l’article 25.

 

Analyse et décision

 

[30]           En raison de la complexité des événements, du long historique du litige et des multiples décisions d’instances inférieures dans la présente affaire (quatre au total), la Cour est aux prises avec une tâche difficile lorsqu’il s’agit de déterminer l’approche à adopter en l’espèce. Le défendeur soulève plusieurs questions de procédure concernant notamment le fait que la demande de contrôle judiciaire est maintenant théorique et que le demandeur est empêché de poursuivre la présente affaire par l’application du principe de la préclusion découlant d’une question déjà traitée. Le défendeur soutient que l’une ou l’autre de ces positions, si elle était jugée bien fondée, entraînerait le rejet de la demande et empêcherait la Cour d’entreprendre un examen approfondi de la décision de l’arbitre Guertin. À mon avis, il s’agirait d’un déni de justice.

 

[31]           De façon générale, les arguments du défendeur sont également fondés sur la thèse implicite selon laquelle le demandeur à tenter d’abuser des processus, premièrement en tentant d’obtenir deux examens distincts du processus sélection initiale et, deuxièmement, en introduisant la présente demande alors qu’il formulait simultanément un grief à un niveau plus élevé à l’intérieur du processus de la GRC. Je vais d’abord traiter de cet aspect.

 

[32]           Il est regrettable que plusieurs années se soient écoulées depuis la décision rendue par

l’arbitre Guertin. Cependant, après avoir examiné la preuve, il semble que le comportement du demandeur,  précédant et suivant sa décision,  soit pratiquement explicable et défendable. Premièrement, je crois que malgré les propos exprimés par l’arbitre McCloskey, sa décision ne jouait pas vraiment en faveur du demandeur. À tout le moins, pas les recommandations. Le demandeur aurait peut-être dû tenter de présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre. Il est cependant compréhensible qu’il ne l’ait pas fait. Après tout, la décision était censée lui être favorable. Deuxièmement, le demandeur était justifié d’introduire la présente demande tout en formulant un grief. Il recevait des renseignements contradictoires quant aux possibilités de formuler ou pas un grief et il s’est montré prudent en exploitant les deux options. Quoi qu'il en soit, il était indiqué dans la sentence arbitrale de deuxième niveau que notre Cour constituait le forum approprié pour l’examen de la décision de l’arbitre Guertin.

 

[33]      Question 1

            La présente demande de contrôle judiciaire est-elle théorique?

            Même si une procédure est devenue théorique, il est tout de même loisible au tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour trancher l’affaire au fond, même en l’absence de  litige actuel (voir Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, [1989] A.C.S. no 14). Parce qu’à mon avis la demande n’est pas théorique, il ne m’est pas nécessaire de trancher la question de savoir si je dois ou non exercer le pouvoir discrétionnaire d’entendre la demande.

 

[34]           Dans l’arrêt Borowski précité, voici les termes utilisés par la Cour suprême du Canada pour décrire la doctrine relative au caractère théorique :

15     La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu'un tribunal puisse refuser de juger une affaire qui ne soulève qu'une question hypothétique ou abstraite.  Le principe général s'applique quand la décision du tribunal n'aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties.  Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l'affaire.  Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l'action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision.  En conséquence, si, après l'introduction de l'action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu'il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique.  Le principe ou la pratique général s'applique aux litiges devenus théoriques à moins que le tribunal n'exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas l'appliquer [...] .

 

 

 

[35]           Pour répondre au critère du litige actuel, la décision de la Cour doit avoir un effet pratique sur les droits des parties. J’estime qu’en l’espèce le critère est satisfait parce que le jugement de la Cour aura un effet pratique notable sur les droits des parties.  

 

[36]           Les cours d’appel ont refusé de statuer lorsque des textes législatifs ou des règlements visés par une contestation avaient été annulés ou abrogés avant l’audience (voir Borowski précité, Attorney-General for Alberta c. Attorney-General for Canada, [1939] A.C. 117 (C.P.)). Ce n’est pas le cas en l’espèce.

 

[37]           Le défendeur fait valoir que la demande est purement académique parce que la réparation sollicitée par le demandeur, soit que la décision soit annulée et l’affaire renvoyée pour obtenir une nouvelle adjudication, avait déjà été obtenue par le demandeur par le biais des adjudications de premier et deuxième niveaux d’arbitrage. Je ne suis pas de cet avis.

 

[38]           En l’espèce, le demandeur sollicite notamment :

[traduction]

Une ordonnance renvoyant l’affaire à l’arbitre Guertin, ou à un autre arbitre désigné par le Commissaire, avec instruction que la demande d’intervention présentée par le demandeur le 3 août 2004 et toutes les questions concernant cette demande, y compris les questions préliminaires et incidentes, soient entendues et tranchées; [...]

 

 

[39]           Il aurait été tout à fait conforme aux pouvoirs de la Cour de renvoyer l’affaire pour être tranchée conformément aux instructions qu’elle estime appropriées (voir la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, al.18.1(3)b)). Une réparation de cette nature accorderait clairement quelque chose de plus au demandeur que la position dans laquelle il se trouvait lorsqu’il a soumis son différend au processus d’arbitrage de niveau I.  

 

[40]           De plus, on ne sait pas avec certitude si l’arbitre de niveau I Scott avait compétence. Dans la décision de l’arbitre de niveau II Tranquilla, il a été déterminé que l’arbitre Scott n’était pas valablement saisi de l’affaire, car elle découlait d’un litige en matière de promotion et aurait plutôt dû être soumise à la Cour. Voici ses propos :

[traduction]

L’arbitre de niveau I a conclu qu’il avait compétence pour examiner cette demande en ce qu’elle avait été présentée conformément aux dispositions de la partie III de la Loi sur la GRC. Avec déférence, je ne suis pas d’accord avec cette conclusion. À mon avis, l’affaire en cause concerne manifestement une question de processus de promotion. Le plaignant tente de contester, par le biais de la partie III de la Loi sur la GRC, la décision déjà rendue par l’arbitre de niveau I en vertu du processus de RDP. Une telle décision ne peut être contestée que devant la Cour fédérale.

 

 

[41]           En conséquence, le défendeur ne peut prétendre que le grief de niveau I entendu par l’arbitre Scott équivalait à la réparation maintenant sollicitée par le demandeur parce qu’il ne constituait pas une décision de niveau I liée au processus de RDP.

 

[42]           Dans l’arrêt Borowski, précité,  il était important pour le juge Sopinka, lorsqu’il a conclu que l’affaire était théorique, qu’ « [a]ucun des redressements demandés dans la déclaration n'[était] pertinent » (au paragraphe 26). En l’espèce, il est clair que la réparation à laquelle le demandeur aurait droit s’il avait gain de cause est pertinente, qu’elle diffère nettement de ce que le demandeur a déjà obtenu et qu’elle aurait un effet important sur les droits des parties.

 

[43]           Question 2

            Si la demande de contrôle judiciaire n’est pas théorique, est-elle néanmoins exclue par l’application de la doctrine de la préclusion?

            Je rejetterais également l’allégation du défendeur selon laquelle le demandeur est empêché par la doctrine de la préclusion de présenter la présente demande. 

 

[44]           Premièrement, je souligne qu’il est curieux d’invoquer une décision administrative subséquente pour faire obstacle au contrôle judiciaire de la décision qui lui est sous-jacente. De par sa nature même, le contrôle judiciaire vise les mêmes parties liées par une décision administrative finale et obligatoire, soumettant à l’examen de la Cour la même question que celle tranchée par le décideur administratif. Mais le contrôle judiciaire d’une décision est fondamentalement différent du processus propre à la majorité des appels administratifs parce que le contrôle judiciaire porte sur la décision en soi, et non sur son bien-fondé. Les concepts  de la norme de contrôle et de la déférence, ainsi que l’examen du processus décisionnel font sensiblement dévier la mesure dans laquelle on peut dire qu’il y a identité de la question à trancher aux fins de l’application de la doctrine de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée.  

 

[45]           La différence dans les approches que les cours de révision empruntent à l’égard des questions dont un décideur administratif était saisi met clairement en évidence la difficulté inhérente à la tentative du défendeur d’appliquer la doctrine de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée aux deux types de décisions. 

 

[46]           Dans l’arrêt Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44, [2001] 2 C.S.C. 460, 201 D.L.R. (4th) 193, la Cour suprême a confirmé que les trois conditions d’application de la doctrine de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, telles qu’énoncées par le juge Dickson dans l’arrêt Angle c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [1975] 2 R.C.S. 248, étaient les suivantes :

(1) que la même question ait été décidée;

 

(2) que la décision judiciaire invoquée comme créant la [préclusion] soit finale; et

 

(3) que les parties dans la décision judiciaire invoquée, ou leurs ayants droit, soient les mêmes que les parties engagées dans l’affaire où la [préclusion] est soulevée, ou leurs ayants droit [...]

 

(Danyluk, précité, au paragraphe 25)

 

 

 

[47]           Habituellement, une demande de contrôle judiciaire ne sera instruite que lorsque l’affaire aura été soit tranchée par une décision finale, soit prise par la plus haute instance administrative. À cet égard, la présente affaire présente une anomalie, même si les parties ont convenu d’une suspension de l’instance de contrôle judiciaire jusqu’à ce que le demandeur ait épuisé tous les recours dont il disposait en vertu de la Loi sur la GRC. Le défendeur fait néanmoins valoir que chacune des trois conditions établies dans l’arrêt Danyluk est remplie lorsqu’on compare les décisions consécutives au grief de niveaux I et II et la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[48]           Je ne peux accepter la position du défendeur parce que la première condition de l’arrêt Danychuk n’est pas satisfaite. En raison des différences fondamentales soulignées ci-dessus qui existent entre le contrôle judiciaire et les autres appels administratifs, je doute que des processus distincts se penchent sur la même question. Plus important encore, les décisions de niveaux I et II n’excluent pas le présent contrôle judiciaire parce qu’elles ne sont pas des décisions finales et obligatoires à l’égard de la question soumise à l’arbitre Guertin et, qui plus est, parce qu’il a été jugé dans la décision finale de niveau II que le demandeur n’avait pas la qualité requise pour soumettre son litige à ce processus.

 

[49]           Il convient de souligner que le demandeur était justifié d’amorcer la procédure de contrôle judiciaire au moment où il l’a fait parce que, comme il s’est avéré, le processus de grief de niveaux I et II n’aurait pas dû lui être accessible. Dans sa décision, l’arbitre Guertin a indiqué que l’un ou l’autre des moyens était disponible, mais l’arbitre de niveau II Tranquilla a conclu dans sa décision finale que le seul recours adéquat qui était accessible suite à la décision de l’arbitre Guertin était celui devant notre Cour. Dans la mesure où cette opinion infirmant la décision de niveau I n’a pas été contestée par aucune des parties, la décision de l’arbitre Tranquilla selon laquelle le demandeur n’avait pas qualité pour agir rend en fait les décisions de niveaux I et II invalides. En conséquence, il résulte des décisions de niveaux I et II que le demandeur a été remis dans la même position que celle qu’il occupait à la suite de la décision de l’arbitre Guertin. Bien que les deux arbitres Scott et Tranquilla ont commenté le bien-fondé de la demande présentée par le demandeur, aucun n’a formulé de réponse finale à son égard parce qu’ils ont fondé leurs décisions sur les questions principales que sont respectivement le respect des délais et la qualité pour agir.   

 

[50]           Question 3

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Dans l’arrêt Dunsmuir, précité, la Cour suprême a statué qu’il n’est pas nécessaire de se livrer à une analyse complète relative à la norme de contrôle si la jurisprudence a déjà fixé la norme de façon satisfaisante. À cette fin, la jurisprudence semble indiquer qu’il y a lieu de faire preuve de retenue à l’égard des décisions rendues par un arbitre en vertu des Consignes relatives aux promotions et de les considérer au regard de la norme de la décision raisonnable (voir Sansfaçon c. Canada (Procureur général), 2008 CF 110, [2008] A.C.F. no 124, aux paragraphes 14 et 15 et  Smith c. Canada (Procureur général), 2009 CF 162, [2009] A.C.F. no 205, aux paragraphes 13 et 14).

 

[51]           La seule question qui reste à trancher est de savoir si la décision de l’arbitre Guertin en l’espèce est une question touchant véritablement à la compétence ou à la constitutionnalité et à laquelle il aurait été, en conséquence, nécessaire d’apporter une réponse adéquate (voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 59).

 

[52]           L’arbitre Guertin a refusé d’examiner la DI no 2 sur le fond. À cet égard, voici les motifs de sa décision :

[traduction]

La DI initiale soumise au surintendant McCloskey traitait de la même promotion que celle à l’égard de laquelle la présente demande d’intervention additionnelle est présentée. Le surintendant McCloskey a rendu une décision en faveur du plaignant. Je n’ai pas le pouvoir d’examiner davantage cette affaire.

 

 

[53]           Voici le texte de la disposition pertinente des Consignes relatives aux promotions invoquée par l’arbitre Guertin :

AM II.30.25. La décision que l’arbitre rend à la suite d’une demande d’intervention n’est pas susceptible d’appel ou de révision ultérieure.

 

 

 

[54]           Le simple fait de décliner juridiction ne fait pas de la question une question touchant véritablement à la compétence ou à la constitutionnalité. Même s’il est vrai que l’arbitre Guertin a refusé d’entendre l’affaire en invoquant l’article 25 qui limitait sa compétence, je ne peux conclure que la question susceptible d’un contrôle judiciaire était celle de sa compétence. À mon avis, la vraie question dont l’arbitre Guertin était saisie n’était pas celle touchant aux limites de sa compétence en vertu de l’article 25, mais bien celle de déterminer si l’application de cet article avait même été enclenchée. Dans sa décision, l’arbitre Guérin jugeait que ,[traduction] « La DI originale soumise au surintendant McCloskey traitait de la même promotion [...] ». Mais l’interprétation qu’il convient de donner à l’article 25 ne semble pas être en cause. Cela m’amène à présumer que la contestation ne vise que sa décision mixte de fait et de droit, et non une question de compétence.

 

[55]           Étant donné que j’ai jugé qu’il ne s’agit pas d’une question de pure compétence, il convient d’appliquer la norme de la décision raisonnable.

 

[56]           Question 4

            La décision rendue par l’arbitre Guertin était-elle raisonnable?

            Après avoir examiné la question et entendu les arguments qui m’ont été soumis, j’en suis venu à la conclusion que la décision rendue par l’arbitre Guertin à l’égard de la DI no  2 n’était pas raisonnable.

 

[57]           La conclusion de l’arbitre Guertin selon laquelle la DI no 2 avait été déposée hors délais était liée à sa décision selon laquelle l’article 25 ne lui donnait pas le pouvoir d’examiner l’affaire. Ces deux conclusions étaient fondées sur celle selon laquelle le demandeur tentait au moyen de la DI no 2 d’obtenir le réexamen du processus initial de promotion qui était lui-même visé par la DI no 1. Ce raisonnement  a permis à l’arbitre d’éviter d’examiner le fond de la plainte du demandeur, soit qu’un des deux candidats reçus n’aurait pas dû se qualifier et que la décision de l’arbitre McCloskey n’a pas été suivie.

 

[58]           Selon l’article 25, la décision que rend l’arbitre à la suite d’une DI n’est pas susceptible d’appel ou de révision ultérieure. En d’autres termes, si un membre conteste un processus de promotion et qu’il est mécontent de la décision de l’arbitre qui en découle, il ne peut soumettre le différend à un autre arbitre pour une deuxième opinion.

 

[59]           Ce n’est manifestement pas ce qui s’est produit en l’espèce. Le comité de sélection initial a déterminé celui parmi les candidats qui était qualifié et a dressé une présélection. Le demandeur a déposé la DI no 1 qui visait à contester le processus de promotion en alléguant que le comité de sélection avait appliqué de façon inappropriée les critères de sélection visant à déterminer les candidats qui se qualifieraient pour le poste. Dans sa décision, l’arbitre McCloskey a insisté sur l’interprétation erronée du mot grave en ce qui concerne les critères de sélection. Il a alors recommandé la prise de mesure corrective suivante :

[traduction]

Un arbitre n’a pas le pouvoir d’ordonner une prise de mesure autre que d’exiger le retour du processus en cause au point où une erreur, un acte ou une omission est survenu et la reprise de ce processus à partir de ce point.

 

Pour ce motif, je ne  peux appuyer la demande du Plaignant telle que formulée dans la Partie « D » de son formulaire 3772 daté du 16-06-2003, plus particulièrement qu’il obtienne la promotion. Il m’est toutefois possible de recommander la constitution d’un comité de sélection [...] et que le comité compare le RRP de la Plainte [sic] aux RRP des deux candidats reçus dans la présente affaire. Si le RRP du Plaignant est jugé supérieur à celui de l’un ou l’autre des candidats reçus, j’avance alors que le Plaignant aurait droit à un redressement.

 

De plus, j’invite fortement les responsables de l’élaboration des politiques à se pencher immédiatement sur cette question et à prendre des mesures pour établir de façon certaine le sens du mot grave tel qu’il figure dans le CMM. Il est injuste de laisser aux employé(e)s de la Dotation et de l’Administration du personnel la tâche de trancher ces questions de leur propre chef. Même si vous ne partagez pas la position que j’ai adoptée dans la présente affaire,  le fait qu’aucun exemple d’infractions ne figure plus au par. 462.3 C. cr. constitue en soi une raison suffisante pour réexaminer cette question. Une fois tranchée la question de définir clairement le sens du mot grave, je suis persuadé que la question d’accorder la reconnaissance voulue au niveau des superviseurs subalternes et des enquêteurs pour leur expérience antérieure sera également examinée.

 

 

[60]           Le défendeur affirme avoir suivi les recommandations. Il a convoqué un nouveau comité de sélection. Dans le cadre de la DI no 2, le demandeur a fait valoir à l’arbitre Guertin que le nouveau comité de sélection n’avait pas mis en œuvre de façon appropriée la décision et les recommandations de l’arbitre McCloskey. Manifestement, le demandeur ne cherchait pas à  porter en appel la décision de l’arbitre McCloskey ou à l’écarter, quoique la décision de l’arbitre Guertin laisse entendre que c’est exactement ce que le demandeur fait. Cette conclusion est inintelligible.

 

[61]           Le nœud de l’affaire est que, malheureusement, la recommandation de l’arbitre McCloskey de comparer les RRP ne découlait pas logiquement de sa décision et la rendait inopérante. Ce n’est pas en se livrant simplement à un exercice de comparaison des RRP que serait tranchée la question de savoir si le processus en vertu duquel l’un ou l’autre des candidats reçus s’est qualifié était entaché d’erreur en raison d’une mauvaise application du mot grave. Il semble que le demandeur a entretenu un certain espoir quant à la mise en œuvre d’un nouveau processus de sélection conformément à la décision de l’arbitre McCloskey, mais cela n’est pas survenu. Le défendeur s’en est tenu à une interprétation très étroite de la recommandation et n’a donné aucun effet à la décision. À mon avis, il est évident que la décision de l’arbitre McCloskey n’a pas été suivie.

 

[62]           Fait important cependant, la prise des mesures recommandées a accéléré la mise en place d’un nouveau processus de sélection à l’égard duquel il était possible pour un employé lésé de solliciter une DI. Le demandeur a introduit une telle DI et comme ce recours ne contrevenait pas aux dispositions de l’article 25, l’arbitre Guertin était tenu de rendre une décision sur son bien-fondé.

 

[63]           Compte tenu des conclusions que j’ai tirées, la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie et l’affaire être renvoyée à un autre arbitre pour qu’il rende une décision.

 


 

JUGEMENT

 

[64]           LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et l’affaire renvoyée à un autre arbitre pour qu’il rende une décision.

 

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Judge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-Jacques Goulet, LL.L.
ANNEXE

 

 

Dispositions législatives pertinentes

 

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10

 

5.(1) Le gouverneur en conseil peut nommer un officier, appelé commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, qui, sous la direction du ministre, a pleine autorité sur la Gendarmerie et tout ce qui s’y rapporte.

 

 

 

(2) Le commissaire peut déléguer à tout membre les pouvoirs ou fonctions que lui attribue la présente loi, à l’exception du pouvoir de délégation que lui accorde le présent paragraphe, du pouvoir que lui accorde la présente loi d’établir des règles et des pouvoirs et fonctions visés à l’article 32 (relativement à toute catégorie de griefs visée dans un règlement pris en application du paragraphe 33(4)), aux paragraphes 42(4) et 43(1), à l’article 45.16, au paragraphe 45.19(5), à l’article 45.26 et aux paragraphes 45.46(1) et (2).

 

5.(1) The Governor in Council may appoint an officer, to be known as the Commissioner of the Royal Canadian Mounted Police, who, under the direction of the Minister, has the control and management of the Force and all matters connected therewith.

 

(2) The Commissioner may delegate to any member any of the Commissioner’s powers, duties or functions under this Act, except the power to delegate under this subsection, the power to make rules under this Act and the powers, duties or functions under section 32 (in relation to any type of grievance prescribed pursuant to subsection 33(4)), subsections 42(4) and 43(1), section 45.16, subsection 45.19(5), section 45.26 and subsections 45.46(1) and (2).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Règlement des différends en matière de promotions et d’exigences de postes, DORS/2000-141

 

 

8.(1) Le membre à qui une décision, un acte ou une omission lié au processus de sélection en vue de sa promotion cause un préjudice peut présenter une demande d’intervention d’un arbitre au bureau de coordination des griefs dans sa région d’affectation, dans les trente jours suivant celui où le membre a connu ou aurait dû connaître la décision, l’acte ou l’omission.

 

[. . .]

 

21.(1) L’arbitre tranche toutes les questions relatives à la demande d’intervention, y compris toute question préliminaire ou incidente.

 

(2) L’arbitre rejette toute demande qui n’est pas conforme à l’article 9.

 

 

22.(1) Si la demande d’intervention n’est pas rejetée aux termes du paragraphe 21(2), l’arbitre :

 

a) soit, rejette la demande;

 

 

b) soit, s’il conclut que la décision, l’acte ou l’omission donnant lieu au différend est erroné et que le demandeur en a subi un préjudice, ordonne la prise des mesures correctives indiquées.

 

(2) Dans le cas d’une demande présentée aux termes du paragraphe 8(1), la seule mesure corrective que l’arbitre peut ordonner est la correction de la décision, de l’acte ou de l’omission erroné.

 

(3) Dans le cas de la demande présentée aux termes du paragraphe 8(2), les seules mesures correctives que l’arbitre peut ordonner sont l’ajout ou le retrait d’une ou de plusieurs exigences de poste, et la publication des exigences modifiées.

 

 

23. Dans sa décision, l’arbitre ne peut se prononcer sur le droit du demandeur à la promotion.

 

 

8.(1) A member who is aggrieved by any decision, act or omission made in the course of a selection process for the member’s promotion may submit a request for the intervention of an adjudicator, to the office for the coordination of grievances in the region where the member is posted, within 30 days after the day on which the member knew or ought to have known of the decision, act or omission.

 

. . .

 

21.(1) The adjudicator shall decide all matters relating to a request for intervention, including any preliminary or collateral matters.

 

(2) The adjudicator shall reject any request for intervention that does not conform with the requirements of section 9.

 

22.(1) If a request for intervention is not rejected under subsection 21(2), the adjudicator

 

(a) shall dismiss the request for intervention; or

 

(b) shall, if the adjudicator determines that a decision, act or omission is erroneous and has prejudiced the complainant, order appropriate corrective action.

 

 

(2) In the case of a request for intervention under subsection 8(1), the only corrective action that may be awarded by the adjudicator is an order that the erroneous decision, act or omission be corrected.

 

(3) In the case of a request for intervention under subsection 8(2), the only corrective action that may be awarded by the adjudicator is an order requiring the addition or deletion of one or more job requirements for the position and requiring publication of the revised job requirements.

 

23. The decision of the adjudicator to grant a request for intervention shall not extend to a determination of whether or not the complainant is entitled to be promoted.

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-2231-05

 

INTITULÉ :                                       MANFRED SCHAMBORZKI

 

                                                            - et-

 

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                            REPRÉSENTÉ PAR LA

                                                            GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Régina (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 décembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               Le juge O’KEEFE

 

DATE :                                               Le 28 mai 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Susan B. Barber, c.r.

Amanda Quayle

 

POUR LE DEMANDEUR

Chris Bernier

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McDougall Gauley LLP

Régina (Saskatchewan)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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