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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20100528

Dossiers : T-1537-07 et T-706-10

Référence : 2010 CF 573

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

WELLESLEY THERAPEUTICS INC.

                                                                                    demanderesse

- et -

MINISTRE DE LA SANTÉ (SANTÉ CANADA),

DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA DIRECTION DES

PRODUITS THÉRAPEUTIQUES

 (SANTÉ CANADA) et PROCUREUR

GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE HUGHES

 

[1]               Les présents motifs concernent deux demandes de contrôle judiciaire qui sont étroitement liées. Elles ont été introduites par la même demanderesse, Wellesley Therapeutics Inc. (Wellesley), contre les mêmes défendeurs, le ministre de la Santé (Santé Canada), le directeur général de la Direction des produits thérapeutiques (Santé Canada) et le procureur général du Canada, que je désignerai collectivement sous l’appellation de Santé Canada. La question en litige dans les deux demandes est celle du refus de Santé Canada d’accorder à Wellesley la permission de commercialiser au Canada un médicament contenant comme ingrédient actif un composé connu sous le nom de disulfiram. Pour les motifs qui suivent, je vais rejeter la demande T-706-10 et faire droit à la demande T-1537-07, et adjuger les dépens, que je fixe à 3 500 $, à la partie qui obtiendra gain de cause.

 

[2]               Le disulfiram est un médicament utilisé dans le traitement de l’alcoolisme. Administré sous supervision médicale, il rend le patient très malade s’il prend de l’alcool. Administré à faibles doses, il entraîne une très forte gueule de bois et dissuade donc le patient de consommer de l’alcool. De fortes doses prises sans supervision ont provoqué la mort. De 1949 à 2001, la vente de ce médicament était approuvée par Santé Canada, et le médicament était vendu par une entreprise nommée Wyeth sous la marque nominative ANTABUSE. Il a été retiré du marché canadien en 2001. Le motif de ce retrait n’est pas clair à la lecture du dossier, mais ne semble pas lié à l’innocuité ni à l’efficacité du médicament. Ce médicament est toujours en vente dans plus de vingt-cinq autres pays, dont les États-Unis d’Amérique. Il est toujours en vente au Canada de façon limitée dans des pharmacies qui préparent des médicaments spéciaux. Cette disponibilité limitée implique que le médicament n’est généralement pas remboursé par les régimes d’assurance provinciaux ou fédéraux, sauf dans certaines circonstances en Colombie‑Britannique; par conséquent, l’utilisateur doit payer le coût total du médicament.

 

[3]               Il existe au Canada deux autres médicaments approuvés qui sont utilisés pour le traitement de l’alcoolisme : le naltrexone et l’acamprosate. Leur mécanisme est différent : ils diminuent le besoin irrésistible d’alcool et l’effet euphorisant que procure l’alcool.

 

[4]               La demanderesse, Wellesley, est une petite société fermée qui a été constituée en 2001. Son président est le Dr Willem Wassenaar, un médecin qui a occupé des postes supérieurs au sein de diverses compagnies pharmaceutiques canadiennes. Il s’est familiarisé avec l’utilisation du disulfiram dans le traitement de l’alcoolisme lorsqu’il travaillait comme médecin clinique. Il estime que le disulfiram est un des outils importants dont disposent les médecins pour traiter l’alcoolisme. Lorsque Wyeth a retiré son produit à base de disulfiram, l’ANTABUSE, du marché canadien en 2001, Wellesley a entrepris des démarches pour obtenir l’autorisation de Santé Canada pour réintroduire ce produit sur le marché canadien. Il a choisi la marque nominative ABSTAYNE à cette fin.

 

LA VENTE DE MÉDICAMENTS AU CANADA

[5]               Au Canada, la vente des médicaments est régie par une loi fédérale, la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. 1985, ch. F-27 (la Loi), et le Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870 (le Règlement). L’article 2 de la Loi précise que sont compris parmi les drogues les substances vendues pour servir au diagnostic, au traitement, à l’atténuation ou à la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal.

« drogue » Sont compris parmi les drogues les substances ou mélanges de substances fabriqués, vendus ou présentés comme pouvant servir :

a) au diagnostic, au traitement, à l’atténuation ou à la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal ou de leurs symptômes, chez l’être humain ou les animaux;

b) à la restauration, à la correction ou à la modification des fonctions organiques chez l’être humain ou les animaux;

c) à la désinfection des locaux où des aliments sont gardés.

 

 

[6]               L’article C.01.014 (partie C, titre 1 du Règlement) interdit de vendre, sous forme posologique, un médicament qui n’a pas fait l’objet d’une identification numérique attribuée par le ministre de la Santé qui, pour l’application des dispositions applicables de la Loi et du Règlement, agit par l’entremise de la Direction des produits thérapeutiques (DPT) de Santé Canada :

C.01.014. (1) Il est interdit à un fabricant de vendre, sous forme posologique, une drogue qui n’a pas fait l’objet d’une identification numérique, ou dont l’identification a été annulée selon l’article C.01.014.6.

 

[7]               Une personne peut demander un numéro d’identification du médicament (DIN) directement, auquel cas elle doit soumettre les renseignements qui sont précisés à l’article C.01.014.1 du Règlement et qui ont notamment trait à l’étiquetage et à la forme pharmaceutique. Ces renseignements ne concernent cependant en rien l’innocuité ou l’efficacité du médicament.

C.01.014.1. (1) Le fabricant d’une drogue, une personne autorisée par lui ou, dans le cas d’une drogue devant être importée au Canada, l’importateur de la drogue, peut présenter une demande d’identification numérique pour cette drogue.

(2) Une demande d’identification numérique doit être présentée au Directeur par écrit et doit contenir les renseignements suivants :

                                                [...]

 

[8]               Une personne peut, à titre subsidiaire, faire sa demande sous forme de « présentation de drogue nouvelle » (PDN) ou de « présentation abrégée de drogue nouvelle » (PADN), laquelle est assimilée, aux termes du paragraphe C.01.014.1(3) à une demande de DIN :

(3)  Dans le cas d’une drogue nouvelle, la présentation de drogue nouvelle ou la présentation abrégée de drogue nouvelle déposée conformément aux articles C.08.002 ou C.08.002.1 tient lieu de demande d’identification numérique.

 

 

[9]               L’article C.08.001 du Règlement définit une « drogue nouvelle » comme une drogue qui « n’a pas été vendue comme drogue au Canada pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour [en] établir, au Canada, l’innocuité et l’efficacité » :

C.08.001. Pour l’application de la Loi et du présent titre, « drogue nouvelle » désigne :

a) une drogue qui est constituée d’une substance ou renferme une substance, sous forme d’ingrédient actif ou inerte, de véhicule, d’enrobage, d’excipient, de solvant ou de tout autre constituant, laquelle substance n’a pas été vendue comme drogue au Canada pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir, au Canada, l’innocuité et l’efficacité de ladite substance employée comme drogue;

b) une drogue qui entre dans une association de deux drogues ou plus, avec ou sans autre ingrédient, qui n’a pas été vendue dans cette association particulière, ou dans les proportions de ladite association pour ces drogues particulières, pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir, au Canada, l’innocuité et l’efficacité de cette association ou de ces proportions employées comme drogue; ou

c) une drogue pour laquelle le fabricant prescrit, recommande, propose ou déclare un usage comme drogue ou un mode d’emploi comme drogue, y compris la posologie, la voie d’administration et la durée d’action, et qui n’a pas été vendue pour cet usage ou selon ce mode d’emploi au Canada pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir, au Canada, l’innocuité et l’efficacité de cet usage ou de ce mode d’emploi pour ladite drogue.

 

 

[10]           Une « drogue nouvelle » ne peut être vendue au Canada que si un avis de conformité a été délivré, comme le prévoit l’article C.08.002 du Règlement.

C.08.002. (1)  Il est interdit de vendre ou d’annoncer une drogue nouvelle, à moins que les conditions suivantes ne soient réunies :

a) le fabricant de la drogue nouvelle a, relativement à celle-ci, déposé auprès du ministre une présentation de drogue nouvelle ou une présentation abrégée de drogue nouvelle que celui-ci juge acceptable;

b) le ministre a, aux termes de l’article C.08.004, délivré au fabricant de la drogue nouvelle un avis de conformité relativement à la présentation de drogue nouvelle ou à la présentation abrégée de drogue nouvelle;

 

[11]           Ceux qui œuvrent dans le domaine des brevets connaissent bien les avis de conformité en question. Heureusement, il n’y a pas de brevet en cause dans les présentes demandes.

 

[12]           Contrairement à ce qui est prévu dans le cas d’une simple demande de DIN, la personne qui cherche à obtenir un avis de conformité en présentant une demande de drogue nouvelle doit fournir au ministre (Santé Canada) suffisamment de renseignements pour lui permettre d’évaluer l’innocuité et l’efficacité du médicament, notamment des essais effectués pour en établir l’innocuité et des preuves de son efficacité clinique. Le paragraphe C.08.002(2) du Règlement prévoit notamment ce qui suit :

(2) La présentation de drogue nouvelle doit contenir suffisamment de renseignements et de matériel pour permettre au ministre d’évaluer l’innocuité et l’efficacité de la drogue nouvelle, notamment :

. . .

                                          

g)  les rapports détaillés des essais effectués en vue d’établir l’innocuité de la drogue nouvelle, aux fins et selon le mode d’emploi recommandés;

h) des preuves substantielles de l’efficacité clinique de la drogue nouvelle aux fins et selon le mode d’emploi recommandés; [...]

 

[13]           La procédure de demande visant à obtenir l’autorisation pour vendre un médicament au Canada est beaucoup plus facile si l’on se contente de demander seulement un DIN. Toutefois, si le médicament est considéré comme une « drogue nouvelle », il faut alors suivre la procédure qui est prévue dans le cas des PDN, qui conduit à la délivrance d’un avis de conformité (et d’un DIN). La principale différence est que, dans le cas d’une simple demande de DIN, il n’est pas nécessaire de démontrer l’innocuité et l’efficacité.

 

[14]           La Dre Petersen, gestionnaire au sein d’une des divisions de la Direction des produits thérapeutiques DPT) de Santé Canada (au paragraphe 20 de son affidavit) a expliqué dans son témoignage que lorsqu’une demande d’indentification numérique (demande de DIN) est reçue, le Ministère détermine d’abord s’il s’agit d’une « drogue nouvelle », auquel cas la demande est renvoyée à qui de droit et est soumise à une procédure d’approbation plus rigoureuse. Voici ce qu’on trouve dans une directive publiée par la DPT :

La Direction des médicaments rendra une décision concernant le statut de drogue nouvelle pour chaque demande de DIN. Lorsqu’on attribue le statut de drogue nouvelle à un produit pharmaceutique, l’auteur de la demande en sera avisé. Autrement, l’évaluation de la demande de DIN suivra son cours.

On a préparé une liste des produits qui ont présentement le statut de drogue nouvelle. Même si cette liste ne saurait être exhaustive, à cause de la complexité du titre 8 du Règlement sur les aliments et drogues, elle devrait tout de même permettre aux personnes qui préparent une demande d’identifier plusieurs drogues nouvelles.

 

[15]           Aux paragraphes 19 et 21 de son affidavit, la Dre Petersen cite le dentifrice au fluor, les produits antisolaires, les désinfectants et les shampoings antipellicules comme exemples de produits qui répondent à la définition de « drogue » et qui seraient normalement traités directement selon la procédure de demande de DIN sans devoir passer par une présentation de drogue nouvelle. L’avocat de Santé Canada expose la chose de façon un peu différente, au paragraphe 70 du mémoire déposé dans le dossier T-1537-07 :

[traduction] [...] la demande de DIN prévue au titre 1, qui est la procédure à suivre pour obtenir une approbation dans le cas de tous les produits autres que des « drogues nouvelles ».

 

[16]           La Dre Petersen a admis, lors de son contre-interrogatoire, en réponse aux questions 40 à 45, que la DPR avait publié une liste non exhaustive de drogues considérées comme des « drogues nouvelles » et que le disulfiram n’était pas inclus dans cette liste, liste qu’elle a admis peu connaître.

 

[17]           Aux termes de l’alinéa C.01.014.6(1)b) du Règlement, le ministre a le pouvoir d’annuler le DIN d’une drogue si l’avis de conformité délivré pour cette drogue a été suspendu par le ministre conformément au paragraphe C.08.006(2) du Règlement. Le ministre est habilité à suspendre un avis de conformité qui a été délivré si, par exemple, il dispose de nouveaux renseignements le justifiant de croire que la drogue n’est pas sans danger :

 (2)  Le ministre peut suspendre, pour une période déterminée ou indéterminée, un avis de conformité délivré à l’égard d’une présentation de drogue nouvelle, d’une présentation abrégée de drogue nouvelle ou d’un supplément à l’une de ces présentations, en envoyant au fabricant qui a déposé la présentation ou le supplément une notification déclarant cette mesure nécessaire, s’il estime :

a) que la drogue n’est pas sans danger aux fins spécifiées dans la présentation ou le supplément, en s’appuyant sur des éléments de preuve obtenus :

(i)         soit d’essais cliniques ou autres expériences qui ne sont pas signalés dans la présentation ou le supplément ou qui ne lui étaient accessibles au moment de la délivrance de l’avis de conformité,

(ii)        soit d’analyses par de nouvelles méthodes ou par des méthodes qui ne pouvaient vraisemblablement s’appliquer au moment de la délivrance de l’avis de conformité;

b) que, d’après de nouveaux renseignements obtenus après la délivrance de l’avis de conformité, il n’y a pas assez de preuves substantielles que la drogue aura l’effet qui lui est attribué, dans les conditions d’usage prescrites, recommandées ou proposées par le fabricant; [...]

 

 

HISTORIQUE DES DEMANDES DE WELLESLEY

 

[18]           En 2002, Wellesley a soumis sa première demande pour son produit ABSTAYNE à base de disulfiram sous la forme d’une demande de DIN. Santé Canada a rejeté cette demande au motif que le produit était sous forme de poudre ce qui, selon Santé Canada, ne constituait pas une forme posologique définitive. Santé Canada a expliqué qu’un DIN ne pouvait être attribué qu’à un produit qui ne nécessitait pas de traitement additionnel avant de pouvoir être administré. Cette décision n’est pas en litige.

 

[19]           Wellesley a reformulé son produit en le présentant sous forme de capsule et, à la suggestion de Santé Canada, a déposé sa demande sous la forme d’une présentation de drogue nouvelle (PDN) le 10 août 2006. À l’appui de sa demande, Wellesley a soumis des renseignements provenant du fabricant prévu ainsi que des extraits d’ouvrages scientifiques portant sur le disulfiram. Par lettre datée du 10 octobre 2006, Santé Canada a répondu par un avis d’insuffisance lors de l’examen préliminaire dans lequel il soulevait plusieurs questions; auxquelles Wellesley a, pour bon nombre d’entre elles, répondu. Le 27 décembre 2006, Santé Canada a fait parvenir à Wellesley une lettre de rejet à l’examen préliminaire expliquant qu’il est [traduction] « nécessaire de soumettre les résultats d’essais cliniques bien conçus et bien menés. Il ne suffit pas de citer des publications scientifiques ». Wellesley a été invitée à demander un réexamen par une procédure interne établie par Santé Canada, ce qu’elle a fait, par lettre datée du 26 janvier 2007.

 

[20]           Santé Canada a procédé à un réexamen de l’affaire et, par lettre datée du 23 juillet 2007, a informé Wellesley qu’il s’en tenait à sa décision initiale, soit au rejet de la demande. Voici un extrait de cette lettre :

[traduction]

 

Après réexamen, la Direction s’en tient à sa décision initiale et estime que la demande relative à l’Abstayne, qui est fondée sur des renseignements tirés de publications scientifiques, ne constitue pas une preuve suffisante de l’innocuité et de l’efficacité du disulfiram. Depuis que le disulfiram a été introduit pour la première fois au Canada, deux produits pour le traitement de l’alcoolisme ont été mis sur le marché au pays et sont toujours utilisés. Il incombe à l’organe de réglementation d’évaluer les risques et les avantages que comporte le disulfiram en tenant compte du contexte canadien actuel. Le Bureau de cardiologie, allergologie et des sciences neurologiques est disposé à discuter des conditions relatives au dépôt d’une nouvelle PDN.

 

[21]           Outre cette lettre, Santé Canada a fourni à Wellesley un document intitulé [traduction] « Analyse de la question » qui se voulait une réponse détaillée aux diverses questions soulevées par Wellesley dans ses demandes. Il s’agit en fait d’un exposé des motifs du rejet. Ce rejet fait l’objet de la première demande, celle qui a été déposée dans le dossier T-1537-07.

 

[22]           Le 16 novembre 2007, Wellesley a soumis une nouvelle demande de DIN pour son disulfiram sous forme de capsule. Elle a soumis quatre volumes de données techniques, le dossier de la demande relative à la PDN, ainsi que plusieurs autres documents, dont la monographie de deux autres drogues. Elle n’a pas soumis de résultats d’essais cliniques.

 

[23]           Par lettre datée du 29 mars 2010, Santé Canada a communiqué à Wellesley sa décision au sujet de la demande de DIN ainsi qu’un document volumineux intitulé [traduction] « Analyse de la question » qui contenait une analyse des points soulevés par Wellesley. La demande de DIN a été rejetée. Là encore, la lettre était, en fait, un exposé des motifs du rejet. En voici un extrait :

 

[traduction]

Nous avons le regret de vous informer que le numéro d’identification numérique (DIN) que vous réclamez pour l’Abstayne (numéro de contrôle 118378) ne vous sera pas attribué étant donné que ce produit est considéré comme une drogue nouvelle au sens du titre 8 du Règlement sur les aliments et drogues.

 

Veuillez vous référer aux documents ci-joints qui exposent plus amplement le raisonnement qu’a suivi la Direction des produits thérapeutiques pour arriver à cette décision :

 

Statut du disulfiram – Analyse de la question

Annexe 1 – Lettre à M. Sandu Goldstein

Annexe 2 – Rapports d’études cliniques

Annexe 3a – Interprétation des réactions indésirables - Liste

Annexe 3b – Sommaire des réactions indésirables constatées (disulfiram)

Annexe 4 – Résultats des recherches dans les publications scientifiques pour établir l’innocuité du disulfiram

 

            Les produits qui contiennent du disulfiram sont considérés comme des drogues nouvelles, au sens du titre 8 du Règlement  et de la Loi sur les aliments et drogues, étant donné qu’ils n’ont pas été vendus au Canada depuis assez longtemps et en quantité suffisante pour qu’on puisse en établir l’innocuité et l’efficacité selon les conditions d’utilisation recommandées.

 

            La vente du produit proposé à des fins d’enquête clinique ou à d’autres fins ne peut, selon la Direction, être permise tant que des renseignements jugés conformes au Règlement susmentionné n’auront pas été soumis.

 

 

[24]           Cette décision fait l’objet de la seconde demande examinée par la Cour (dossier T-706-10).

 

LA PREUVE

[25]           Dans la seconde demande (dossier T-706-10), la demanderesse a déposé l’affidavit souscrit le 7 mai 2010 par le Dr Willem Wassenaar, président de Wellesley, ainsi que plusieurs annexes, dont le dossier déposé dans la première demande (dossier T-1537-07). Le Dr  Wassenaar n’a pas été contre-interrogé. Santé Canada n’a pas déposé de preuves dans le dossier T-706-10.

 

[26]           Dans la première demande (T-1537-07), la demanderesse a déposé l’affidavit du même Dr Willem Wassenaar, en date du 18 septembre 2007, ainsi que plusieurs annexes, l’affidavit souscrit le 28 janvier 2008 par le Dr Peter Selby, directeur clinique du Programme de traitement de la toxicomanie du Centre de toxicomanie et de santé mentale, avec plusieurs annexes, et l’affidavit en réponse du Dr Stuart Macleod, directeur administratif du Child & Family Research Institute et professeur de pédiatrie à l’University of British Columbia, et consultant occasionnel pour Santé Canada, avec plusieurs annexes. Certains passages de l’affidavit du Dr Macleod ont été expurgés aux termes d’une ordonnance d’un protonotaire. Aucune de ces personnes n’a été contre-interrogée.

 

[27]           Santé Canada a déposé, dans le dossier T-1537-07, l’affidavit souscrit le 29 avril 2009 par la Dre Cathy Petersen, gestionnaire de division au Bureau de cardiologie, allergologie et des sciences neurologiques de la Direction des produits thérapeutiques (DPT) de Santé Canada, ainsi que plusieurs annexes. La Dre Petersen a été contre-interrogée le 27 août 2009 et plusieurs annexes citées au cours de son contre-interrogatoire ont été versées au dossier avec la transcription du contre-interrogatoire.

 

[28]           Aucun témoin n’a comparu en personne devant la Cour. Lecture faite de la preuve, je n’ai aucune raison de mettre en doute la crédibilité de quelque témoin que ce soit. Je suis arrivé à la conclusion que la Dre Petersen n’avait participé que partiellement aux activités de la DPT qui nous intéressent. Il semble que plusieurs activités se déroulaient en parallèle et qu’elle n’ait pris part qu’à certaines d’entre elles. Son témoignage se fonde donc dans une large mesure sur son examen des documents versés au dossier dont disposait la DPT. J’ai à l’esprit, par exemple, ses réponses aux questions 7 à 23, et 74 à 110, qui illustrent selon moi le fait que la Dre Petersen avait une connaissance personnelle limitée de ce qui s’était produit au sein de la DPT en ce qui concerne les demandes de Wellesley en particulier. Elle avait une connaissance générale de la procédure habituellement suivie par la DPT.

 

[29]            Les avocats ont convenu que les éléments de preuve relatifs à une demande pouvaient être considérés comme s’appliquant également à l’autre demande.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[30]           La principale question en litige dans chacune des demandes est celle de savoir si la décision faisant l’objet du contrôle devrait être annulée et qu’il soit statué à nouveau sur l’affaire. Je vais examiner les questions particulières soulevées dans chacune des demandes.

 

            Norme de contrôle

[31]           Les deux avocats s’entendent pour dire que lorsque le ministre (Santé Canada) est habilité à exercer son pouvoir discrétionnaire, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable. Récemment, le juge O’Keefe de notre Cour a, dans Hospira Healthcare Corporation c. Procureur général du Canada et Ministre de la Santé, 25 février 2010, 2010 CF 213 (la décision Hospira), examiné la question de la norme de contrôle applicable dans le cas de bon nombre des mêmes dispositions du Règlement que celles qui nous intéressent en l’espèce. Il a conclu, au paragraphe 33, que, s’agissant de questions de fait et de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, la norme applicable est celle de la décision raisonnable. Je suis du même avis.

 

[traduction]

 

33     Suivant la jurisprudence de la Cour, les décisions de Santé Canada portant sur des questions de fait et sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire visé par le Règlement (partie C) commandent la déférence de la Cour (Technologies pharmaceutiques canadien international (C.P.T.) Inc. c. Canada (Procureur général), 2006 CF 708, [2006] A.C.F. no 906 (QL), aux paragraphes 11 à 17). D’ailleurs, l’innocuité et l’efficacité d’une drogue nouvelle est une question que le législateur a laissé au ministre le soin de trancher. Ainsi, le caractère raisonnable est la norme appropriée tant en ce qui concerne l’interprétation que le ministre fait du Règlement qu’en ce qui a trait à la décision finale du ministre sur une PDN.

 

[32]           Toutefois, lorsqu’elle statue sur des questions de compétence et certaines autres questions de droit, la Cour doit appliquer la norme de la décision correcte, sans avoir à faire preuve de déférence envers le raisonnement suivi par le décideur. La Cour doit tirer sa propre conclusion et rendre la décision qui s’impose. Voici les balises que propose la Cour suprême du Canada à ce sujet dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 50 :

50       S’il importe que les cours de justice voient dans la raisonnabilité le fondement d’une norme empreinte de déférence, il ne fait par ailleurs aucun doute que la norme de la décision correcte doit continuer de s’appliquer aux questions de compétence et à certaines autres questions de droit. On favorise ainsi le prononcé de décisions justes tout en évitant l’application incohérente et irrégulière du droit. La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si elle est d’accord ou non avec la conclusion du décideur. En cas de désaccord, elle substitue sa propre conclusion et rend la décision qui s’impose. La cour de révision doit se demander dès le départ si la décision du tribunal administratif était la bonne.

 

 

 

[33]           Il ne suffit donc pas pour la Cour de décider si la décision du ministre ou de Santé Canada est raisonnable : elle doit également décider si elle est correcte lorsqu’elle examine une question de compétence ou certaines autres questions de droit. Je suis d’accord pour dire que, lorsqu’il s’agit d’une question d’interprétation relevant de la compétence d’un office fédéral, cette interprétation a droit à une certaine déférence, mais la Cour ne peut simplement confier l’interprétation d’un règlement, par exemple, au ministre seulement. Si c’est ce que le juge O’Keefe voulait dire au paragraphe 43 de la décision Hospira – ce que je ne crois pas –, je dois exprimer mon désaccord.

[traduction]

 

43                À mon avis, bien que l’interprétation que la demanderesse fait du Règlement puisse avoir un certain fondement, l’avis du ministre défendeur suivant lequel les données précliniques et cliniques sont implicitement requises constitue certainement une interprétation raisonnable du Règlement qui appartient aux issues acceptables.

 

[34]           Je crois comprendre que la décision Hospira a été portée en appel.

 

            La décision relative à la demande de DIN

 

[35]           Cette question concerne la demande T-706-10. La décision en question est énoncée dans la lettre du 29 mars 2010 de Santé Canada, dont voici les extraits essentiels :

[traduction]

Nous avons le regret de vous informer que le numéro d’identification numérique (DIN) que vous réclamez pour l’Abstayne (numéro de contrôle 118378) ne vous sera pas attribué étant donné que ce produit est considéré comme une drogue nouvelle au sens du titre 8 du Règlement sur les aliments et drogues.

 

[...]

 

            Les produits qui contiennent du disulfiram sont considérés comme des drogues nouvelles, au sens du titre 8 du Règlement et de la Loi sur les aliments et drogues, étant donné qu’ils n’ont pas été vendus au Canada depuis assez longtemps et en quantité suffisante pour qu’on puisse en établir l’innocuité et l’efficacité selon les conditions d’utilisation recommandées.

               

 

[36]           En résumé, Santé Canada a estimé que le disulfiram n’avait pas été vendu comme drogue au Canada :

« [...] pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour que son innocuité et son efficacité soient établies ». 

 

 

[37]           Santé Canada reprend en fait le libellé de l’alinéa C.08.001a) du Règlement que j’ai déjà cité, et que je reproduis à nouveau :

C.08.001. Pour l’application de la Loi et du présent titre, « drogue nouvelle » désigne :

a) une drogue qui est constituée d’une substance ou renferme une substance, sous forme d’ingrédient actif ou inerte, de véhicule, d’enrobage, d’excipient, de solvant ou de tout autre constituant, laquelle substance n’a pas été vendue comme drogue au Canada pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir, au Canada, l’innocuité et l’efficacité de ladite substance employée comme drogue; [...]

 

[38]           La demande de DIN a été déposée par Wellesley en novembre 2007. Sa position était présentée dans une lettre d’accompagnement, en date du 26 novembre 2007, rédigée par son représentant, Scientific Affairs Consultants Inc. Wellesley y alléguait que le disulfiram avait été vendu sur le marché canadien pendant cinquante ans et était encore en vente dans d’autres pays; il avait été vendu pendant « assez » longtemps et en quantité « suffisante » pour que son innocuité et son efficacité soient établies. Des publications scientifiques ont été fournies pour étayer cette position. La lettre mentionne notamment ce qui suit :

[traduction]

 

L’utilisation du disulfiram a débuté en 1949. Au Canada, le disulfiram a été mis sur le marché en 1966 sous la marque nominative AntabuseMD par Wyeth Canada. Diverses fusions ont mené à la fermeture d’usines de production pharmaceutique et à la décision de Wyeth Canada de mettre fin à la vente d’AntabuseMD (250 mg et 500 mg) le 7 mai 2001. Actuellement, le disulfiram n’est pas approuvé au Canada, mais il est disponible dans des pharmacies qui vendent des médicaments spéciaux. Le disulfiram est approuvé aux États-Unis et en Europe et est vendu par d’autres fabricants que Wyeth.

 

La présente demande de DIN vise une réintroduction du disulfiram sur le marché canadien. Wellesley estime qu’une demande de DIN devrait être suffisante pour que Santé Canada puisse évaluer et éventuellement approuver ce vieux médicament. Une présentation de drogue nouvelle ne devrait pas être nécessaire pour évaluer le disulfiram étant donné que ce produit est utilisé depuis longtemps de façon efficace et sûre. Dans le Règlement, une drogue nouvelle est définie comme « une drogue qui n’a pas été vendue pour cet usage ou selon ce mode d’emploi au Canada pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir, au Canada, l’innocuité et l’efficacité de cette substance employée comme drogue ». Ce n’est certainement pas le cas du disulfiram. En fait, le disulfiram est toujours approuvé et en vente dans des pays importants, comme les États‑Unis, et en Europe, ce qui témoigne de son utilité et, au bout du compte, de son profil risques/avantages favorable.

 

Un bref survol des essais cliniques menés récemment sur le disulfiram est présenté dans le volume 1, page 61, de la présente demande. Bien qu’il soit entendu, pour le présent examen, que le choix s’est porté sur des études modernes, mieux contrôlées, nous admettons aussi que le produit n’est pas efficace chez tous les alcooliques. Cependant, le disulfiram, comme bon nombre d’autres médicaments, demeure efficace chez certains patients. Même Santé Canada, dans son rapport de 1999 intitulé Meilleures pratiques - Alcoolisme et toxicomanie - Traitement et réadaptation, est en faveur de l’utilisation du disulfiram pour certaines populations. Par conséquent, la question de l’efficacité, d’un point de vue clinique ou biopharmaceutique, ne devrait pas empêcher l’examen de la présente demande de DIN.

 

La question de l’innocuité ne devrait pas non plus empêcher l’examen de la présente demande. Étant donné que le disulfiram est depuis longtemps vendu au Canada (et dans d’autres pays), son profil d’innocuité est bien établi et bien connu. Nous avons consulté la base de données sur l’innocuité de Santé Canada, qui est accessible en ligne, pour connaître les données sur le disulfiram. Rien dans cette base de données ne laisse croire ni n’indique que le médicament ait un profil d’innocuité défavorable.

 

. . .

 

Le nombre de réactions indésirables au disulfiram est estimé à environ 1 pour 200 à 2000 par année de traitement, ce qui correspond à un taux intermédiaire, comme celui de bien d’autres médicaments (Enghusen Poulsen et coll., 1992]. Par conséquent, le profil d’innocuité du disulfiram est bien connu et est similaire à celui d’autres médicaments, et il ne devrait pas empêcher Santé Canada d’accepter la présente demande de DIN.

 

En résumé, Wellesley estime qu’Abstayne® n’est pas une drogue nouvelle parce que le disulfiram a des longs antécédents d’innocuité et d’efficacité. Pendant toutes ces années, le ratio risques/avantages a été favorable. L’ingrédient actif d’Abstayne®, le disulfiram (USP, Ph. Eur), est par définition un équivalent pharmaceutique du disulfiram (USP, Ph. Eur). Abstayne® renferme aussi 98 % de disulfiram. Le disulfiram n’a pas de cinétique complexe. Par conséquent, Santé Canada n’a aucun motif scientifique de ne pas accepter la présente demande de DIN.

 

 

[39]           Comme il a déjà été mentionné, Santé Canada a fourni un long document intitulé [traduction] « Statut du disulfiram – Analyse de la question » avec sa lettre du 29 mars 2010. Cette analyse débute ainsi :

[traduction]

 

Statut du disulfiram – Analyse de la question

 

Résumé

 

L’objet de la présente analyse est d’évaluer le statut du disulfiram aux fins de l’examen de la présentation de drogue conformément au Règlement sur les aliments et drogues. En particulier, l’analyse vise à déterminer si le disulfiram répond à la définition de « drogue nouvelle » énoncée à l’article C.08.001 du Règlement. Si le disulfiram répond à cette définition, pour que sa commercialisation soit approuvée au Canada, il faut qu’une « présentation de drogue nouvelle » soit déposée conformément à la partie C, titre 8 du Règlement. Si le disulfiram ne répond pas à la définition, l’approbation peut être obtenue au moyen du dépôt d’une « demande de DIN » conformément aux dispositions de la partie C, titre 1 du Règlement.

 

Aux fins de la présente analyse, la partie pertinente de l’article C.08.001 définit une drogue nouvelle comme suit :

 

a) une drogue qui est constituée d’une substance ou

renferme une substance, sous forme d’ingrédient actif

ou inerte, de véhicule, d’enrobage, d’excipient, de solvant

ou de tout autre constituant, laquelle substance

n’a pas été vendue comme drogue au Canada pendant

assez longtemps et en quantité suffisante pour établir,

au Canada, l’innocuité et l’efficacité de ladite substance

employée comme drogue.

 

À la lumière de ce qui précède, l’analyse portera sur la période passée de postcommercialisation du disulfiram et servira à évaluer si ce passé permet d’établir l’innocuité et l’efficacité du médicament. À cette fin, l’analyse sera basée sur les arguments et les données fournis par Wellesley Therapeutics pour étayer sa position selon laquelle le disulfiram n’est pas une « drogue nouvelle », de même que sur d’autres données dont dispose Santé Canada et dont Wellesley Therapeutics n’a pas fait mention dans les documents relatifs à sa demande.

 

Renseignements sur le produit

 

Le disulfiram a été introduit sur le marché canadien par Wyeth Pharmaceuticals Inc. en 1949 sous la marque nominative Antabuse. Le 27 mai 2001, Wyeth a volontairement cessé la vente d’Antabuse au Canada.

 

Wellesley Therapeutics tente maintenant d’obtenir une approbation pour un produit à base de disulfiram désigné sous le nom d’Abstayne. Wellesley soutient que son produit n’est pas une « drogue nouvelle » et est visé par le titre 1 du Règlement.

 

Fait à souligner, un examen des documents internes a révélé que, le 15 mai 1984, Santé Canada a avisé ICN Canada Ltd. que le disulfiram était considéré comme une « drogue nouvelle » assujettie au titre 8 du Règlement (annexe 1). Bien que la lettre n’énonce pas les motifs scientifiques pour lesquels le disulfiram est considéré comme une drogue nouvelle, elle indique que Santé Canada considérait le disulfiram comme une drogue nouvelle 16 ans avant son retrait du marché canadien.

 

Il faut mentionner que, malgré cette affirmation de la part de Santé Canada, le disulfiram ne fait actuellement pas partie de la liste des drogues nouvelles. Toutefois, comme les produits ne sont généralement ajoutés à la liste qu’après la délivrance d’un avis de conformité (AC), en l’absence d’une présentation de drogue nouvelle approuvée, un produit n’aurait généralement pas l’occasion d’être ajouté à la liste.

 

Dans sa demande, Wellesley allègue que les longs antécédents de commercialisation du disulfiram ont permis d’établir l’innocuité et l’efficacité du médicament. Pour étayer sa position, Wellesley a fourni 41 publications scientifiques qui traitent de l’innocuité et de l’efficacité. Elle a aussi fourni avec sa demande un sommaire des données non cliniques et cliniques qui résume les références fournies. L’annexe 2 présente la liste des documents fournis.

 

l.          Survol des renseignements cliniques fournis à l’appui de l’innocuité et de l’efficacité d’ABSTAYNE

 

Examen du survol des renseignements cliniques concernant ABSTAYNE

 

Survol des données sur l’efficacité

 

(On trouve ici une analyse de plusieurs publications scientifiques citées par Wellesley. Il faut souligner que Wellesley n’a fourni aucune donnée d’essai clinique.)

 

Survol des données sur l’innocuité

 

(Encore une fois, plusieurs publications scientifiques sont analysées.)

 

Données sur l’innocuité postcommercialisation au Canada

 

(Un bilan des incidents de réactions indésirables est fourni, et 56 de ces incidents sont examinés.)

 

Recension des écrits sur l’innocuité

 

(Santé Canada a réalisé sa propre recension des écrits et a analysé les documents repérés.)

 

 

Conclusion de l’examinateur relativement au survol des données sur l’innocuité

 

D’après les arguments susmentionnés, l’entreprise n’a pas fourni de données claires sur l’incidence des réactions indésirables et les types de réactions indésirables possibles chez les patients traités au disulfiram. Elle n’a pas non pas établi de « marge d’innocuité » pour les patients qui consomment de l’alcool pendant le traitement. De plus, aucune mesure d’atténuation des risques n’a été proposée pour réduire le risque de réactions indésirables associées au médicament. Le survol des données cliniques qui a été fourni ne renferme pas assez de détails, ne donne des renseignements que sur les études et les rapports de cas publiés et ne traite pas de toutes les données publiées disponibles qui pourraient aider à établir le profil d’innocuité du produit. Par conséquent, l’entreprise n’a clairement pas établi le profil d’innocuité du produit.

 

Examen des références à l’appui

 

(Une analyse d’autres références est fournie.)

 

Produits de comparaison pour la même indication

 

(Deux autres produits, REVIVA (naltrexone) et CAMPRAL (acamprosate) ont été examinés. Au cours de cet examen, la déclaration suivante a été faite) :

 

...l’organe de réglementation ne doit pas considérer uniquement le profil avantages/risques du médicament évalué. Il doit aussi tenir compte du profil avantages/risques de ce médicament comparativement à d’autres produits utilisés pour la même indication. Dans le passé, de nombreux produits commercialisés pendant longtemps ont été retirés du marché canadien en raison de la possibilité de réactions indésirables graves, ou à cause de la mise en marché d’autres produits plus récents et plus sûrs pour traiter la même maladie.

 

. . .

 

La conclusion suivante a été tirée :

 

Conclusion de l’analyse risques/avantages globale à partir des données fournies

 

Après examen des données fournies par Wellesley et des autres renseignements dont il a été question, il est évident que l’expérience postcommercialisation avec le disulfiram est telle que l’innocuité et l’efficacité du produit n’ont pas été établies. L’affirmation de l’entreprise voulant qu’il ne s’agisse pas d’une drogue nouvelle ne tient pas compte de toutes les données disponibles. Bien que certaines données indiquent une efficacité limitée du disulfiram en adjonction à la thérapie comportementale, cette efficacité n’est pas bien établie. De plus, Wellesley n’a pas donné assez de détails sur l’innocuité du disulfiram. Elle n’a pas justifié l’exclusion d’un vaste corpus de données publiées sur des problèmes d’innocuité du produit et n’a pas analysé adéquatement les rapports de cas disponibles au Canada.

 

Vu l’efficacité limitée, même une toxicité limitée peut avoir de l’importance lorsqu’il s’agit d’établir le profil avantages/risques. Les problèmes d’innocuité graves attribués au disulfiram comprennent l’hépatotoxicité, des effets secondaires de nature cardiovasculaire, des réactions cutanées sérieuses, des réactions neuropsychiatriques et la mort subite. Plusieurs de ces réactions indésirables sont de nature imprévisible et sont donc difficiles à atténuer au moyen de systèmes de pharmacovigilance et même au moyen d’une supervision médicale étroite.

 

Wellesley n’a pas non plus tenu compte des autres traitements qui sont maintenant offerts et dont le profil avantages/risques semble supérieur à celui du disulfiram. Même si le profil avantages/risques du disulfiram n’a peut-être pas changé par rapport à celui du produit de disulfiram commercialisé auparavant, son profil avantages/risques comparativement aux autres médicaments utilisés pour le traitement de l’alcoolisme a quant à lui changé. Vu l’efficacité limitée observée dans les essais mal conçus de même que les problèmes sérieux d’innocuité signalés de façon empirique et dans le cadre d’essais, le profil avantages/risques de ce produit ne semble pas favorable d’après les données analysées.

 

 

 

[40]           Lors des débats, l’avocat de Wellesley a invoqué les arguments suivants pour convaincre la Cour d’annuler la décision :

a.       Santé Canada n’a pas tenu dûment compte du fait que l’administration au Canada de millions de doses pendant une période de cinquante ans devait constituer et constitue en fait une preuve que cette substance a été vendue pendant « assez » longtemps et en quantité « suffisante » pour rendre évidentes son innocuité et son efficacité.

 

b.      L’analyse que Santé Canada a faite des publications scientifiques citées était sélective et incorrecte.

 

c.       Santé Canada était obsédée par l’obligation de fournir des données recueillies lors d’essais cliniques alors qu’aucune donnée de ce genre n’est exigée dans le cas d’une demande de DIN.

 

d.      Santé Canada a mentionné à tort les autres produits disponibles.

 

e.       Santé Canada n’a pas tenu compte des affidavits versés au dossier T-1537-07.

 

[41]           Je vais examiner chacune de ces questions à tour de rôle.

 

(1)                    Santé Canada n’a pas tenu dûment compte du fait que l’administration au Canada de millions de doses pendant une période de cinquante ans devait constituer et constitue en fait une preuve que cette substance a été vendue pendant « assez » longtemps et en quantité « suffisante » pour que rendre évidentes son innocuité et son efficacité.

 

[42]           L’argument de Wellesley est, de prime abord, séduisant. Elle soutient en effet que, de toute évidence, l’administration de millions de doses sur une période de cinquante constitue une preuve suffisante démontrant de façon évidente l’innocuité et l’efficacité du produit en cause, d’autant plus que Santé Canada n’a jamais exigé que le vendeur précédent du produit retire celui-ci du marché ou justifie le fait qu’il le vend toujours au Canada ou encore qu’il modifie le produit ou son étiquetage.

 

[43]           L’avocat de Santé Canada a fait valoir, avec beaucoup de sincérité, que les critères et méthodes analytiques et cliniques remontant à une cinquantaine d’années ne correspondent pas à ceux que l’on emploie de nos jours. Il est difficile de surveiller chaque médicament qui a été approuvé. L’opportunité d’approuver un médicament se présente notamment lorsqu’un fabricant cesse de le vendre et qu’un autre fabricant demande l’autorisation de le vendre.

 

[44]           L’avocat de Santé Canada fait par ailleurs remarquer que l’« Analyse de la question » remise par Santé Canada constitue une réponse aux arguments formulés par le représentant de Wellesley. Les questions soulevées ont été examinées, y compris celles de savoir si le temps écoulé et les doses administrées sont suffisants, ainsi que les publications citées. De plus, Santé Canada a consulté d’autres publications scientifiques.

 

[45]           Je suis convaincu que ce n’est pas parce qu’on trouve les mots « assez » et « suffisant » à l’article C.08.001 du Règlement qu’on doive nécessairement conclure que le simple écoulement du temps ou l’administration d’une très grande quantité de doses font à eux seuls en sorte que le ministre doive être convaincu de l’innocuité et de l’efficacité de la substance en question. L’emploi des mots « assez » et « suffisant » implique qu’on a affaire à une norme qui varie selon les circonstances. Le Concise Oxford Dictionary définit le mot anglais « sufficient » ([traduction] « suffisant ») comme suit : [traduction] « qui suffit; adéquat, notamment en quantité ou en nombre; assez ». Il est approprié que Santé Canada détermine si le temps et la quantité sont « suffisants » en eux-mêmes pour qu’on puisse se prononcer sur l’innocuité et l’efficacité, lorsque le besoin s’en fait sentir et notamment lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, il convient de le faire. En l’espèce, Santé Canada a estimé que le temps et la quantité n’étaient pas suffisants. Cette conclusion n’est à mon avis entachée d’aucune erreur susceptible de contrôle. La décision de Santé Canada était raisonnable.

 

(2)                    L’analyse que Santé Canada a faite des publications scientifiques citées était sélective et incorrecte

 

[46]           Lors des débats, l’avocat de Wellesley a examiné avec la Cour une partie, mais pas la totalité, des analyses des publications scientifiques citées dans l’« Analyse de la question » de Santé Canada pour tenter de démontrer que des éléments de ces publications avaient pu être négligés, mal interprétés ou examinés de façon sélective pour n’insister que sur les aspects qui étaient défavorables au disulfiram. On ne trouve au dossier aucun affidavit ou autre élément de preuve qui appuie les critiques formulées par l’avocat de Wellesley. J’ai examiné personnellement les extraits de publications scientifiques cités et, bien que je souscrive jusqu’à un certain point aux arguments de l’avocat de Wellesley, il m’est impossible, en tant que juge et non en tant que spécialiste du domaine, de conclure que les analyses que Santé Canada a faites et les conclusions qu’elle a tirées étaient déraisonnables, et encore moins qu’elles étaient déraisonnables au point de justifier l’annulation de la décision.

 

(3)                    Santé Canada était obsédée par l’obligation de fournir des données recueillies lors d’essais cliniques alors qu’aucune donnée de ce genre n’est exigée dans le cas d’une demande de DIN

 

[47]           Dans son « Analyse de la question », Santé Canada a effectivement formulé des observations sur le fait qu’aucune donnée tirée d’essais cliniques n’avait été fournie. Il est vrai qu’il n’est pas obligatoire de présenter ce genre de données pour une demande de DIN. Toutefois, il ressort de la décision faisant l’objet du contrôle que la demande ne pouvait pas être considérée comme une demande de DIN parce que Santé Canada ne disposait pas de suffisamment de renseignements, que ce soit en ce qui concerne le temps écoulé, la quantité de doses ou les publications scientifiques citées, pour pouvoir se prononcer sur l’innocuité et l’efficacité. Santé Canada n’a pas commis d’erreur justifiant notre intervention en déclarant qu’il fallait de plus amples renseignements et qu’il serait souhaitable de fournir des données tirées d’essais cliniques.

 

(4)                    Santé Canada a mentionné à tort les autres produits disponibles

 

[48]           L’« Analyse de la question » mentionne deux autres drogues utilisées pour le traitement de l’alcoolisme. Santé Canada déclare, dans cette analyse, qu’elle doit tenir compte non seulement du profil risques/avantages de la drogue en question, mais aussi du profil risques/avantages relatif du composé de ce produit par rapport aux autres produits utilisés pour les mêmes indications. Il n’existe à mon avis aucune exigence de cet ordre dans la Loi ou dans le Règlement. Ce type de profil est peut-être souhaitable et utile, mais il n’est exigé nulle part.

 

[49]           La Dre Petersen a expliqué que les demandes de DIN étaient habituellement examinées lorsque le produit en question était quelque chose comme du dentifrice au fluor ou une crème antisolaire. La Cour peut connaître d’office le fait qu’il existe des centaines de produits concurrents de cette nature qui sont offerts en vente au Canada. Rien ne permet de penser qu’avant d’approuver un autre produit de ce genre en réponse à une demande de DIN, Santé Canada compare les nombreux autres produits dont la vente a déjà été approuvée. Même si cela devait être fait, la Loi et le Règlement ne prévoient aucun critère prévoyant que le profil risques/avantages du produit candidat doit être mesuré en fonction d’autres produits ou qu’il faille satisfaire à un critère minimal avant d’obtenir cette approbation.

 

[50]           En l’espèce, Santé Canada a effectivement affirmé qu’il existait au Canada deux autres produits qui avaient déjà été approuvés et qui étaient offerts pour le traitement de l’alcoolisme. J’estime toutefois qu’il ne s’agit pas d’un facteur déterminant sur lequel Santé Canada a fondé sa décision. Santé Canada n’a pas commis d’erreur en ne mentionnant pas cette question. Je conclus que ce facteur n’a pas joué un rôle crucial dans la décision. Rien ne justifie d’annuler la décision pour cette raison.

 

(5)                    Santé Canada n’a pas tenu compte des affidavits versés au dossier T-1537-07

 

[51]           Nulle part dans la lettre contenant la décision ou dans l’« Analyse de la question » Santé Canada ne mentionne le dossier déposé dans le cadre de la demande T-1537-07, que Wellesley a soumis à Santé Canada avec les autres pièces à l’appui de sa demande de DIN. En particulier, Santé Canada ne mentionne pas les affidavits des Drs Wassenaar, Selby et Macleod, pas plus que les déclarations que ceux-ci font dans leur affidavit.

 

[52]           En supposant qu’ils soient pertinents pour ce qui est de la demande de DIN, ces affidavits ne sont que des opinions et ils ne portent pas sur des faits. Aucun nouveau renseignement ou donnée scientifique n’a été fourni. La demande n’est pas une audience. Santé Canada ne reçoit pas et n’examine pas de preuves sous forme d’opinion comme le ferait un tribunal judiciaire, et n’a pas non plus à évaluer, apprécier ou soupeser ce genre de preuve. Pour se conformer aux règles de bonnes pratiques, Santé Canada aurait dû accuser clairement réception de ces éléments de preuve. Le fait qu’elle ne semble pas en avoir tenu compte ne constitue cependant pas une erreur susceptible de contrôle.

 

[53]           En résumé, je conclus qu’en décidant de ne pas considérer la demande comme une demande de DIN, Santé Canada n’a pas commis d’erreurs suffisamment graves pour justifier l’annulation de la décision et la prise d’une nouvelle décision.

 

La décision relative à la PDN

 

[54]           Cette question concerne la demande T-1537-07. La décision en litige est exposée dans la lettre du 23 juillet 2007 de Santé Canada à laquelle était joint le résumé de l’analyse de la question.

 

[55]           Dans ce dossier, Wellesley a déposé la demande sous la forme d’une PDN, de sorte qu’il n’y a pas eu de conversion initiale d’une demande de DIN en une PDN. Wellesley a présenté des observations qui reprennent essentiellement celles de la demande de DIN, citant des publications scientifiques et se fondant sur le fait que le médicament avait été vendu en grande quantité au Canada pendant plus de cinquante ans et sur le fait qu’il était toujours en vente ailleurs. Santé Canada insistait pour obtenir de plus amples renseignements; elle réclamait des données provenant d’essais techniques.

 

[56]           Dans la présente affaire, nous n’avons pas les observations initiales que Wellesley a formulées lorsqu’elle a déposé sa PDN. On trouve par contre dans le dossier la lettre de rejet de Santé Canada, datée du 20 octobre 2006, dont voici un extrait :

[traduction]

 

9)         Veuillez nous fournir les résultats d’essais cliniques bien conçus et bien menés qui appuient l’utilisation de votre médicament eu égard aux thérapies présentement offertes.

 

 

 

[57]           Il ressort du contre-interrogatoire de la Dre Petersen, et en particulier des réponses qu’elle a données aux questions 7 à 16, qu’à cette étape, la personne qui procède à l’examen préliminaire n’aurait pas examiné les extraits de publications scientifiques fournis. Cette personne aurait simplement constaté qu’aucune donnée tirée d’essais cliniques n’avait été fournie et elle n’aurait pas tenu compte d’autres éléments.

 

[58]           Wellesley a répondu à l’avis d’insuffisance lors de l’examen préliminaire, mais n’a pas fourni de données provenant d’essais cliniques. Santé Canada a écrit le 27 décembre 2006 une lettre de rejet à l’examen préliminaire dans laquelle elle réclamait de nouveau des données d’essais cliniques à Wellesley :

[traduction]

 

Après avoir consulté la Division du système nerveux central (DSNC) du Bureau de cardiologie, allergologie et des sciences neurologiques, il a été déterminé que, pour évaluer les avantages et les risques de votre médicament, les résultats d’essais cliniques bien conçus et bien menés sont requis. Des citations de publications scientifiques ne sont pas acceptables.

 

 

[59]           Il ressort du contre-interrogatoire susmentionné de la Dre Petersen que Santé Canada n’a toujours pas examiné les extraits de publications scientifiques qui lui ont été soumis.

 

[60]           Wellesley a ensuite demandé un réexamen. Il ressort du contre-interrogatoire de la Dre Petersen que, même à cette étape, les observations qui avaient été soumises, y compris les extraits de publications scientifiques, n’avaient pas été examinées. En fait, elles n’avaient pas encore été examinées lorsqu’elle a souscrit l’affidavit qu’elle a déposé dans la présente instance. Je reproduis les questions 18 à 23 et les réponses données lors de son contre-interrogatoire :

[traduction]

 

18        Q.        Et après, qu’est-ce qui s’est passé? Wellesley a demandé un réexamen, n’est-ce pas?

 

            R.         Oui, j’ai vu les documents. Je n’étais pas là.

 

19        Q.        Avez-vous participé de quelque manière à la procédure de réexamen?

 

            R.         Non. J’étais en congé à ce moment-là. J’étais en congé pour un certain temps. Je crois que celui qui était alors mon directeur me remplaçait. Je n’ai pas participé du tout au réexamen.

 

20        Q.        Au cours de cette procédure, la demande ne devait toujours pas être examinée parce que la question de l’absence d’essais cliniques se posait toujours. C’est bien ça?

 

            R.         Non. Le nom du médicament était connu : Abstayne. Le disulfiram est bien connu. J’aurais connu le nom du médicament. Je l’ai vu dans des publications scientifiques.

 

21        Q.        Donc, vous connaissiez bien le médicament, mais un examen a-t-il effectivement eu lieu après le rejet à l’étape de l’examen préliminaire?

 

            R.         Non.

 

22        Q.        Pas dans le cadre de la procédure de réexamen.

 

            R.         Non, parce que nous n’examinons pas les publications.

 

23        Q.        Vous avez dit que vous vous fondiez sur les dispositions de la Loi et du Règlement sur les aliments et drogues.

 

            R.         C’est bien ça.

 

 

[61]           On ne trouve dans la Loi et dans le Règlement aucune disposition qui exige la tenue d’essais cliniques et la communication de données cliniques à Santé Canada. L’avocat de Santé Canada a informé la Cour que Santé Canada se fonde sur son interprétation des alinéas C.08.002(2)g) et h) du Règlement, que je reproduis à nouveau, pour affirmer qu’une PDN doit comprendre des données provenant d’essais cliniques :

(2) La présentation de drogue nouvelle doit contenir suffisamment de renseignements et de matériel pour permettre au ministre d’évaluer l’innocuité et l’efficacité de la drogue nouvelle, notamment :

 

. . .

 

g) les rapports détaillés des essais effectués en vue d’établir l’innocuité de la drogue nouvelle, aux fins et selon le mode d’emploi recommandés;

h) des preuves substantielles de l’efficacité clinique de la drogue nouvelle aux fins et selon le mode d’emploi recommandés; [...]

 

 

[62]           Un essai clinique est un processus rigoureux qui nécessite souvent du temps et de l’argent. Dans son affidavit, le Dr Macleod souligne, en particulier aux paragraphes 27, 28 et 29, les faiblesses que comportent de nombreux essais cliniques, surtout lorsqu’on les compare avec une utilisation concrète du public sur une longue période. Dans son contre-interrogatoire, en particulier dans ses réponses aux questions 191 à 196, la Dre Perterson indique la première fois clairement en quoi consistaient les essais et les données que Santé Canada espérait examiner, ce que Santé Canada n’a jamais expliqué clairement lors de son traitement de la PDN de Wellesley avant l’instruction de la présente instance.

 

[63]           Il ressort du contre-interrogatoire de la Dre Petersen, et plus particulièrement de ses réponses aux questions 20 à 23 reproduites plus haut, que même à l’étape du réexamen, on n’a pas envisagé la possibilité de procéder à un examen approfondi des documents soumis par Wellesley, y compris les publications scientifiques. Voici un extrait de la lettre qui a été adressée à Wellesley le 23 juillet 2007 à la suite du réexamen :

[traduction]

 

Après réexamen, la Direction s’en tient à sa décision initiale et estime que la demande relative à l’Abstayne, qui est fondée sur des renseignements tirés de publications scientifiques, ne constitue pas une preuve suffisante de l’innocuité et de l’efficacité du disulfiram. Depuis que le disulfiram a été introduit pour la première fois au Canada, deux produits pour le traitement de l’alcoolisme ont été mis sur le marché au pays et sont toujours utilisés. Il incombe à l’organe de réglementation d’évaluer les risques et les avantages que comporte le disulfiram en tenant compte du contexte canadien actuel. Le Bureau de cardiologie, allergologie et des sciences neurologiques est disposé à discuter des conditions relatives au dépôt d’une nouvelle PDN.

 

 

[64]           Le résumé de l’analyse de la question joint à la lettre ne traitait que brièvement de la nécessité de disposer de données provenant d’essais cliniques, de même que de la question des autres produits sur le marché. On pouvait y lire ce qui suit :

[traduction]

Question 1

 

Promoteur : Comme le disulfiram a été vendu au Canada pendant plus de 50 ans et a été efficace pendant cette période, le fait de le définir comme une drogue nouvelle est contraire à la définition d’une « drogue nouvelle ».

 

La Loi sur les aliments et drogues définit une drogue comme « les substances », et le titre C.08.001 en donne la définition suivante :

 

« Pour l’application de la Loi et du présent titre, « drogue nouvelle » désigne :

a) une drogue qui est constituée d’une substance ou renferme une substance, sous forme d’ingrédient actif ou inerte, de véhicule, d’enrobage, d’excipient, de solvant ou de tout autre constituant, laquelle substance n’a pas été vendue comme drogue au Canada pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir, au Canada, l’innocuité et l’efficacité de ladite substance employée comme drogue. »

 

Le disulfiram a récemment été désigné comme une « drogue nouvelle » par Santé Canada sans justification rationnelle.

 

Bureau de la science : L’innovateur a cessé la vente de l’ancien produit de disulfiram, Antabuse. La question du statut de drogue nouvelle a fait l’objet d’un appel en 2003 et ne peut être examinée plus à fond dans le contexte de la présente demande de révision.

 

Question 2

 

Promoteur : Le premier paragraphe cité laisse croire que la demande n’est pas conforme aux exigences du Règlement sur les aliments et drogues, mais il ne donne pas de détails sur la nature des exigences ni sur les éléments manquants dans la demande.

 

Bureau de la science : La lettre indique que le motif de la non‑conformité est la présentation de publications scientifiques plutôt que de rapports d’essais cliniques complets. Les publications scientifiques sont un substitut médiocre des rapports d’essais cliniques complets, car ils ne décrivent habituellement pas la méthodologie détaillée ni ne fournissent l’ensemble des tableaux de données, des listes et des annexes prévus. Il est impossible d’effectuer de nouvelles analyses des données présentées, et les données sur chaque patient ne sont pas fournies.

 

Question 3

 

Promoteur : Le deuxième paragraphe fait mention d’une consultation avec la Division du SNC.

            a. Quelle était la nature de la consultation?

            b. Quel a été l’apport de la Division?

 

Bureau de la science : Le gestionnaire du projet de réglementation a indiqué que « en consultation avec la Division du système nerveux central (DSNC) du Bureau de cardiologie, allergologie et des sciences neurologiques, il a été déterminé que, pour évaluer les avantages et les risques de votre médicament, les résultats d’essais cliniques bien conçus et bien menés sont requis. Des citations de publications scientifiques ne sont pas acceptables. » Il n’y a pas de document à examiner concernant cette consultation.

 

Question 4

 

Promoteur : On peut lire ensuite dans la décision que « ... il a été déterminé que, pour évaluer les avantages et les risques... »

            a. Quelle est la nature des risques et des avantages à déterminer?

            b. Le profil risques/avantages est bien établi au Canada après 50 années d’utilisation. Aucun essai clinique ne peut ajouter quoi que ce soit au profil risques/avantages. Pourquoi, après 50 ans d’utilisation au Canada, des publications scientifiques ne sont‑elles pas acceptables?

 

Bureau de la science : Le profil risques/avantages de nombreux médicaments commercialisés actuellement ou dans le passé peut faire l’objet d’une réévaluation lorsque de nouvelles options thérapeutiques plus efficaces ou plus sûres sont offertes ou lorsque de nouvelles données suscitent des inquiétudes quant à l’innocuité ou rendent ces inquiétudes plus vives. Vu l’amélioration des pratiques d’évaluation de l’efficacité et de surveillance de l’innocuité des médicaments, il est probable que de nouveaux essais cliniques pourraient fournir des renseignements pertinents en vue de l’évaluation du profil risques/avantages.

 

Question 5

 

Promoteur : Même si le disulfiram a été introduit sur le marché canadien à un moment où la quantité de données requises pour une présentation était beaucoup moins grande qu’aujourd’hui, cela n’en fait pas une drogue nouvelle. Santé Canada a été satisfait de l’innocuité et de l’efficacité du disulfiram lorsqu’il a délivré des DIN à Wyeth dans un passé récent.

 

Bureau de la science : Santé Canada peut réévaluer le profil risques/avantages de produits commercialisés actuellement ou dans le passé lorsque de nouvelles données pertinentes sont obtenues. Vu les nouvelles options thérapeutiques offertes pour le traitement de l’abus d’alcool, Santé Canada est justifié de préférer une réévaluation du profil risques/avantages de cette drogue.

 

Question 6

 

Promoteur : Santé Canada n’a pas expliqué clairement au promoteur pourquoi il n’avait pas accepté la demande faite conformément à l’article C.08.002.1, c’est‑à‑dire le dépôt d’une présentation abrégée de drogue nouvelle.

 

Bureau de la science : Santé Canada doit accepter la demande comme une présentation abrégée de drogue nouvelle parce qu’il n’existe pas de produit de référence canadien.

 

Question 7

 

Promoteur : La disponibilité ou la non-disponibilité d’un produit pharmaceutique pour le traitement de l’abus d’alcool a des répercussions importantes en matière de politiques sociales et ne peut pas être écartée arbitrairement.

 

Bureau de la science : La Direction des produits thérapeutiques reconnaît que l’abus d’alcool est un problème de santé publique majeur au Canada. Deux produits sont actuellement approuvés au Canada pour cette indication : le naltrexone et l’acamprosate.

 

 

 

[65]           L’appel de 2003 mentionné dans la réponse à la question 1 renvoie à la première demande de DIN (poudre) de Wellesley. Le seul document où Santé Canada aborde la question auquel l’avocat a pu renvoyer la Cour est la lettre de rejet à l’examen préliminaire du 30 décembre 2002, dont voici un extrait :

[traduction]

 

Veuillez informer tous vos clients canadiens que les produits contenant du disulfiram sont considérés comme une drogue nouvelle au sens du titre 8 du Règlement sur les aliments et drogues étant donné qu’ils n’ont pas été vendus au Canada pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour en établir l’innocuité et l’efficacité aux fins et selon le mode d’emploi recommandés.

 

 

 

[66]           Les points suivants ressortent de ces documents et du témoignage de la Dre Petersen :

 

a.       Lorsque Santé Canada a reçu la demande relative à la PDN de Wellesley, la personne qui s’occupait de l’examen préliminaire a constaté qu’elle ne renfermait aucune donnée tirée d’essais cliniques. Aucune analyse complémentaire de la demande ou des documents annexés n’a été effectuée, même à l’étape ultérieure du réexamen.

 

b.      L’usage chez Santé Canada est de rejeter les PDN qui ne renferment pas de données provenant d’essais cliniques.

 

c.       Santé Canada n’a jamais dit à Wellesley au cours de la présente procédure quel genre de données d’essais cliniques elle réclamait précisément.

 

d.      Santé Canada a notamment fondé son rejet de la demande de Wellesley sur les éléments de preuve relatifs à deux autres médicaments servant à traiter l’alcoolisme. Santé Canada n’a jamais fait état de la façon différente dont on utilisait le disulfiram (par rapport aux deux autres médicaments) pour le traitement de l’alcoolisme ni du fait qu’il était souhaitable que les professionnels qui administrent un tel traitement disposent de plusieurs options.

 

[67]         Ici, je dois m’arrêter un peu sur la décision Hospira rendue par le juge O’Keefe de notre Cour, en tenant compte du fait que cette décision a été portée en appel. Pour tirer sa conclusion au sujet de ce qu’il a appelé la question 2 - L’article C.08.002 du Règlement exige-t-il que l’on soumette des données d’essais cliniques avec la présentation de drogue nouvelle?-, le juge O’Keefe écrit ce qui suit, aux paragraphes 38, 43 et 46 :

[traduction]

 

[38]           Il ressort du rejet de la PDN que, suivant Santé Canada, le Règlement exige de joindre à la PDN des données précliniques ainsi que des données cliniques. Le ministre défendeur maintient sa position et affirme que, même si le Règlement n’exige pas explicitement des données précliniques et des données cliniques, il les requiert à tout le moins implicitement.

 

[...]

 

[43]           À mon avis, bien que l’interprétation que la demanderesse fait du Règlement ait un certain fondement, l’avis du ministre défendeur suivant lequel des données précliniques et des données cliniques sont requises constitue certainement une interprétation du Règlement qui est raisonnable et qui appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier.

 

[. .. ]

 

[46]           La décision contestée devrait être confirmée et elle ne devrait pas être modifiée par application de la norme de la décision raisonnable à l’interprétation que le ministre fait de sa loi habilitante et des règlements d’application de cette loi.

 

 

 

[68]           En toute déférence, je ne suis pas d’accord avec le juge O’Keefe s’il estime que l’interprétation législative (réglementaire) de l’article C.09.002 exige que l’on fournisse des données provenant d’essais cliniques. Je conviens avec lui que Santé Canada agirait de façon raisonnable et dans le cadre du Règlement s’il exigeait la production de données provenant d’essais cliniques pour se convaincre de l’innocuité et de l’efficacité d’un médicament candidat. Je ne suis pas de son avis, par contre, s’il estime que cet article signifie que toutes les demandes relatives à des PDN doivent, indépendamment des circonstances, être accompagnées de données provenant d’essais cliniques. Il y a une différence entre une obligation et une simple faculté.

 

[69]           La distinction que je fais est importante dans le cas qui nous occupe parce qu’en l’espèce, Santé Canada n’a jamais procédé à la moindre analyse de la présentation de Wellesley, n’a jamais tenu compte des arguments invoqués, et n’a jamais procédé à une recension des publications scientifiques. Santé Canada s’est tout simplement fermée à cette demande, même lors de son réexamen, dès lors qu’elle a constaté qu’aucune donnée provenant d’essais cliniques n’avait été soumise.

 

[70]           De plus, en l’espèce, Santé Canada ne s’est jamais donné la peine d’expliquer à Wellesley quel genre de données provenant d’essais cliniques il était intéressé à recevoir, ce qui est différent de la situation qui existait dans l’affaire Hospira et dans l’affaire Apotex dont le juge O’Keefe discute aux paragraphes 52 et 54 de ses motifs :

[traduction]

 

[52]           Dans Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2009 CF 452, [2009] A.C.F. no 577 (QL) (Apotex 2009), le juge Phelan examinait une question semblable. La PADN qu’Apotex avait soumise pour de l’aspirine avait été rejetée par le ministre parce que les données recueillies lors des deux essais cliniques en cause ne satisfaisaient pas aux normes du ministre qui étaient énoncées dans les lignes directrices publiées par Santé Canada. Apotex défendait son médicament, en faisant valoir que c’était le médicament de référence déficient qui était la cause des erreurs relevées. Un an plus tard, lors du réexamen, Santé Canada a confirmé ce rejet. Apotex a alors accusé le ministre d’avoir entravé son pouvoir discrétionnaire en adhérant rigoureusement aux lignes directrices. Le juge Phelan a exprimé son désaccord et a d’abord conclu que les lignes directrices qui avaient été publiées prévoyaient des exceptions et, en second lieu, que le ministre avait analysé les arguments d’Apotex et lui avait fait expressément part de ses réserves. Au paragraphe 35, il déclare :

 

Il n’est pas déraisonnable ni intransigeant de la part du ministre d’exiger le respect des lignes directrices en l’absence d’une indication claire que l’utilisation d’une autre approche est justifiée.

[. . .]

 

 

[54]           Même si l’on considère que la décision du 17 août 2006 et celle du 19 décembre 2006 sont si étroitement liées qu’elles doivent être examinées ensemble, l’argument que le ministre a entravé son pouvoir discrétionnaire ne peut pas être accepté. Il ressort du dossier que, tout comme dans l’affaire Apotex de 2009 susmentionnée, la situation particulière de la demanderesse a été examinée à fond avant que le ministre décide finalement d’appliquer sa politique et exige des données cliniques. La demanderesse allègue avoir consulté Santé Canada pendant 22 mois pour savoir si celui-ci pouvait accepter d’autres critères en ce qui concerne sa PDN. En fin de compte, Santé Canada a décidé de ne pas définir et de ne pas accepter d’autres critères. Il n’est pas loisible à la demanderesse de prétendre maintenant que l’on n’a pas tenu compte de sa situation personnelle ou que le ministre était légalement tenu de faire une exception.

 

 

 

[71]           Le second aspect de la décision de Santé Canada est le fait qu’on y mentionne les médicaments concurrents dont la vente a été approuvée au Canada. Comme il a été précisé dans le cas de la demande de DIN, ni la Loi ni le Règlement n’exigent que l’on envisage des solutions de rechange et il n’existe aucun critère qui permettrait de les mesurer. Il n’y a rien qui permette de penser que le ministre a examiné en profondeur de telles solutions de rechange. Il n’a pas envisagé la possibilité de comparer leurs mécanismes de fonctionnement respectifs, pas plus qu’il n’a examiné l’opportunité d’offrir des solutions de rechange au personnel soignant.

 

[72]           Compte tenu du rejet systématique de la demande, tant à l’étape initiale qu’à chacune des étapes ultérieures, pour le seul motif qu’aucune donnée provenant d’essais cliniques n’avait été fournie et compte tenu du fait que Santé Canada a excipé de l’existence sur le marché de deux autres médicaments approuvés sans tenir compte de leur mécanisme de fonctionnement respectif ou de l’opportunité d’offrir des solutions de rechange, je conclus que la décision de Santé Canada de rejeter la demande relative à la PDN de Wellesley était déraisonnable. Cette décision doit être annulée et elle doit être renvoyée à Santé Canada pour qu’il la réexamine sur le fond en examinant la demande, en tenant compte des observations qui ont été formulées et des publications scientifiques qui ont été citées et en tenant dûment compte du mécanisme de fonctionnement des autres médicaments et de l’opportunité d’avoir plusieurs solutions de rechange. Cet examen doit être mené et supervisé par des personnes qui n’ont pas pris part à la décision visée par la demande de contrôle judiciaire.
DISPOSITIF ET DÉPENS

 

[73]           Par conséquent, je rejette la demande T-706-10, fais droit à la demande T-1537-07 et renvoie l’affaire pour réexamen conformément aux indications exposées dans le paragraphe précédent.

 

[74]           J’ai reçu les observations des avocats des parties au sujet des dépens. Les observations de l’avocat de la demanderesse ne se limitent pas aux dépens; en fait, il cherche à plaider de nouveau une partie de la cause. Je n’ai pas tenu compte des nouveaux arguments qu’il a invoqués pour en arriver à ma décision sur le fond. L’avocat de la demanderesse soutient essentiellement que, si elle obtient gain de cause, sa cliente a droit à une somme importante à titre de dépens et de débours, mais qu’elle ne devrait pas être condamnée aux dépens si elle est déboutée. Je ne suis pas de son avis. C’est souvent de justesse que l’on obtient gain de cause ou que l’on succombe. Dans le cas qui nous occupe, les avocats de toutes les parties ont été justes et utiles. La cause de chacune des parties était bien préparée et bien débattue. Les dépens visent normalement à défrayer en partie le plaideur des frais et honoraires qu’il a engagés. Ils ne sont pas censés apaiser l’indignation qu’une partie peut à tort ou à raison éprouver envers l’autre.

 

[75]           Je suis d’accord avec l’avocat du défendeur pour dire qu’il est raisonnable de fixer à 3 500 $ les dépens qui devront être payés dans chaque affaire à la partie qui obtient gain de cause.

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.                                                                                                             


 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIERS :                                      T-1537-07 et T-706-10

 

INTITULÉ :                                       WELLESLEY THERAPEUTICS INC. c. MINISTRE DE LA SANTÉ (SANTÉ CANADA), DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA DIRECTION DES PRODUITS THÉRAPEUTIQUES (SANTÉ CANADA) et PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 19 MAI 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 28 MAI 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David T. Woodfield

 

POUR LA DEMANDERESSE

David Cowie

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson SRL

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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